Juste entre toi et moi - Gregory Charles
Episode Date: November 13, 2023Dans cet entretien à l’image de son esprit encyclopédique, Gregory Charles parle du parcours fascinant de son père, de son passage du monde de la musique classique à celui de la télé, de racis...me, d’éducation, de son amour pour les comédies musicales ainsi que du nouvel album de Karkwa.
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Sous-titrage Société Radio-Canada à cette série balado que vous présente La Presse. La Presse, ça, c'est le journal dans lequel j'écris, dans lequel
plein de gens fantastiques écrivent.
Nous sommes de retour pour
une deuxième saison.
Merci pour vos nombreux courriels
au sujet de la première saison.
Vous avez été plusieurs à m'écrire au sujet
de l'entretien que j'ai réalisé.
J'en reviens pas encore.
Avec M. Yvon Deschamps.
Sachez que je mesure complètement ma chance.
On est de retour pour six nouveaux épisodes
qu'on vous présentera chaque lundi d'ici le 18 décembre.
Encore une fois, six personnalités du monde de la culture et des médias au Québec.
Les épisodes sont mis en ligne le lundi matin,
mais vous pouvez les écouter quand vous voulez, le mardi soir, le samedi après-midi, c'est à votre convenance.
Et comme lors de la première saison, chacun des épisodes est accompagné d'un article que vous pouvez lire dans la Presse Plus ou sur la Presse mobile ou sur lapresse.ca.
Un article dans lequel je vous offre mes impressions au sujet de la rencontre que je vous présente,
dans lequel je vous parle aussi des coulisses
de cette rencontre. Dans le cas
de la rencontre que je vous offre aujourd'hui,
la conversation s'est poursuivie
pendant un bon 45
minutes dans l'entrée du studio.
Mon invité avait oublié
de me raconter qu'il a parcouru un peu plus tôt
cette année le chemin de Compostelle.
C'est pas rien ça quand même.
Mon invité, c'est quelqu'un qui a
beaucoup de jasettes.
C'est jusqu'à maintenant le plus long épisode
de Juste entre toi et moi.
Et c'est sans doute celui
durant lequel j'ai posé le moins
de questions. Il vient de lancer
un livre au sujet de son père,
Lennox, un livre intitulé
Un homme comme lui. et il présente du
15 au 19 décembre
à la Place des Arts à Montréal
le spectacle 7, un hommage
au scintillant univers des comédies
musicales. Voici mon
entretien avec l'encyclopédique
Grégory Charles.
Juste entre
toi et moi ça restera entre Charles. C'est lequel le plus grand moment de grâce ou d'extase
qui t'a permis de vivre la musique?
Oh boy!
Il y en a tellement.
Il y en a tellement, puis il y en a tellement. Il y en a tellement,
puis il y en a dans tous les genres, en plus.
Il y a des moments
éclatants. Je joue au
Carnegie Hall, des moments
avec l'orchestre. Je me rappelle avoir joué trois heures de Prokofiev
avec l'orchestre à Edmonton,
au Japon, je me rappelle, une soirée
phénoménale. Il y a des moments
éclatants, mais il y a aussi
de très, très nombreux moments
très, très personnels.
Jusqu'à un certain point, même
discret, je me rappelle...
Moi, j'ai beaucoup fait du chant choral.
J'ai beaucoup travaillé avec des enfants,
faire du chant choral. Puis je me rappelle
un moment donné d'avoir commencé une pièce
avec des jeunes garçons, une pièce qu'ils détestaient
profondément. Il n'y avait pas ça.
Elle était difficile à apprendre.
C'était quoi la pièce?
C'était le cantique de Jean Racine de Gabriel Faurey.
Puis là, je dis aux kids,
je sais que vous n'avez pas ça en ce moment,
je sais que ce n'est pas cool.
La pièce qu'on faisait après, c'était une autre pièce sacrée
qui s'appelait « En son temple sacré ».
C'était deux tonnes d'affilée.
Une qui est plus contemporaine, l'autre qui est beaucoup plus vieille.
Dans les deux cas, je sentais que ça rentrait vraiment
à coups de marteau, cette affaire-là.
Puis je leur disais, un jour, vous allez voir,
on va être quelque part dans le monde.
On va avoir chanté pendant deux heures et demie
ou trois heures dans un concert,
on va monter dans un autobus,
puis la première chose que vous allez avoir envie de faire,
c'est chanter ça, cette affaire-là.
Et quand c'est arrivé, plus tard,
cette année-là,
tout le monde l'a fait sans savoir, et ensuite,
ça a pris conscience. Regarde donc ça,
on est vraiment en train...
Grégory avait raison. De vivre ce moment-là.
Puis moi, je le disais comme pédagogue,
je le disais pas avec une garantie,
mais tout ça, ce moment-là, je me rappelle,
on a fait un
festival de chant choral
pendant très, très longtemps aussi.
Et je pense que les réponses que je te donne
vont dire aussi à quel point le chant choral,
c'est une affaire importante pour moi.
Mais la deuxième année de notre festival,
on faisait un événement qu'on appelait l'accord parfait,
où on avait des choristes qui étaient venus de partout dans le monde.
Ce matin-là, il y avait des Polonais, il y avait des Cubains,
il y avait des Croates, il y avait des gens
un peu partout au Canada, il y avait des Américains,
puis on avait donné rendez-vous
aux gens pour le
lever du soleil. Puis là, on chantait
ensemble, juste un accord.
Et ce genre de moments-là...
Mais il y en a vraiment plein d'affaires.
Hé, c'est sûr, je commence
à avoir plusieurs années de service.
Tu sais, j'ai joué un moment donné avec Céline et Aretha Franklin
et Faith Hill.
Comme gars qui aime accompagner des chanteuses,
parce que j'aime vraiment ça, accompagner des chanteuses.
J'aime accompagner des chanteuses.
Le moment n'était pas pire.
C'était vraiment, vraiment le fun.
C'était où?
C'était à Los Angeles.
Ça doit faire 22,23 ans maintenant de ça.
Il y en a vraiment beaucoup, les moments.
En même temps, plus je t'en donne,
plus il y en a qui me reviennent.
Je me rappelle du premier mouvement du Quatuor
en sol mineur de Brahms.
Je devais avoir 13 ans.
J'étais totalement...
J'allais dire amoureux, pas vrai,
parce que ce n'est pas une émission que je maîtrise encore, mais j'étais totalement
sous le charme de la fille qui jouait le premier violon,
Caroline.
Et donc,
trio à cordes et piano.
On la salue. Oui, on la salue quelque part sur Terre.
Et puis notre coach
nous disait, on va reprendre ça,
puis je veux pas que vous regardiez les parties,
je veux que vous regardiez entre vous.
Ce qui était parfait.
Je regarde juste le violon. Estest ce que c'est, si on regarde juste le violon,
c'est ce que c'est bon.
Mais c'était un moment, c'était vraiment un moment musical.
Il y a tous ces moments personnels avec ma femme,
avec ma fille.
Avec ma fille, on fait de la musique à tous les jours.
Je ne peux pas te dire à quel point il y en a de ces moments.
Lorsque tu étais ce jeune pianiste virtuose, enfant,
est-ce que tu étais déjà dans la gratitude
de ce que la musique te permettait de vivre?
Je ne sais pas si c'était dans la gratitude,
mais j'étais certainement conscient du privilège.
Et ce qui est particulier,
et je dis que c'est particulier
parce que j'ai maintenant
un autre modèle avec ma fille,
ce qui est particulier, c'est que je détestais
pratiquer, puis il fallait vraiment me donner des coupures
en derrière pour que je sois rigoureux.
Je n'étais pas un garçon rigoureux. Heureusement que j'avais
de la facilité dans plusieurs affaires,
mais si le caporal, si ma mère
n'avait pas été là, je ne pense pas que j'aurais...
J'en ai vu tellement des gens qui ont plein de talent,
qui ne font rien, et j'aurais été comme ceux-là.
Alors, il fallait me donner des coups de pied en derrière pour pratiquer,
mais il fallait jamais me donner des coups de pied en derrière
pour jouer. Parce que la minute que
quelqu'un disait, est-ce que
quelqu'un sait jouer de cet
instrument? Est-ce que quelqu'un veut jouer?
Quelqu'un veut chanter?
J'avais toujours la main levée. Moi, j'étais toujours, toujours,
toujours prêt. C'est fou parce que
des fois, les gens me demandent,
« Te rappelles-tu des premières choses que t'as jouées ou des premières choses que t'as faites? »
Je me rappelle vaguement, mais je me rappelle très clairement
de la réaction des gens qui écoutaient.
Je pense que c'est ça qui a guidé mon choix de carrière en bout de ligne.
C'était pas un plan, c'était pas de l'ambition,
c'était cette espèce d'addiction à la performance.
Puis c'est fou, pas l'addiction à performer soi-même,
mais à voir ce que ça a comme effet.
Moi, les madames qui me prenaient les joues quand j'étais petit,
ça valait de l'or en bord.
Ça vaut encore de l'or en bord maintenant.
Est-ce qu'on te pogne encore les joues régulièrement?
Pas régulièrement.
Mais ça m'est arrivé, cependant.
Mais pas régulièrement. Mais j'ai toujours pris plaisir à çaest arrivé, cependant. Mais pas régulièrement.
Mais j'ai toujours pris plaisir à ça.
Il y a une affaire à propos de la musique.
Ma mère disait...
Ma mère a dit bien des choses intéressantes à ma fille.
Tu lui as consacré un livre, d'ailleurs.
Mais elle a aussi dit une affaire vraiment intéressante
à propos de la musique.
C'est une de ces rares choses,
une de ces rares activités,
une de ces rares sciences,
parce que c'en est une, où le passé, le présent et le futur
se mêlent constamment.
C'est comme un trou dans le time-space continuum
dont on entend tout le temps parler en science-fiction.
Parce que c'est vrai que la musique,
le moment où tu joues, tu es en train de jouer quelque chose
auquel tu as pensé quelques intempérables ou peut-être très longtemps auparavant. Et pendant que tu le fais, tu es en train de jouer quelque chose auquel tu as pensé quelques intents auparavant
ou peut-être très longtemps auparavant.
Et pendant que tu le fais,
tu es obligé de penser à ce qui s'en vient dans les médias,
mais aussi obligé de créer
ce qui s'en vient un peu moins dans les médias.
Les gens qui nous écoutent vont se dire,
parler, c'est ça aussi.
Absolument.
Parler, c'est ça.
C'est sûr qu'on n'est pas en train d'imaginer
spontanément ce qu'on va dire au moment où on le dit.
Il y a eu un signal qui s'est donné juste avant.
Puis quand on est en train d'élaborer une vidéo,
on est en train de penser à comment est-ce qu'on va finir notre idée.
Ce qu'il y a de la musique qui est particulier,
c'est que ça vient avec pas juste un sens,
mais ça vient aussi avec un deuxième sens,
puis un troisième sens, puis un quatrième sens,
puis des émotions.
Et là, t'es obligé de générer en face de ça des émotions
qui continuent d'alimenter l'idée que tu joues.
Il y a quelque chose aussi d'addictif là-dedans.
Il y a quelque chose de...
Mais il y a pas juste quelque chose,
c'est mathématique, la musique,
mais il y a quelque chose de périodique.
Pas dans le sens d'un document,
mais plutôt dans le sens d'une infinité de décimales.
Il y a quelque chose là qui est absolument fascinant à faire
et fascinant à écouter.
On dit qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.
Ça s'applique très bien à la musique.
On n'entend jamais de la même manière, deux fois,
la même pièce musicale.
Tout à fait.
Puis en plus de ça, je ne veux pas taponner juste pour taponner.
On peut taponner.
Mais dans le cas de la musique,
on ne se baigne même pas. On est submergé. L'image que tu proposes est vraiment
bonne, mais elle
suppose un volontarisme
qu'on se lance dedans, alors que
ce n'est pas ça. Il y a quelque chose de très
Bruce Lee. Be like water.
Be like water.
Il y a quelque chose de ça.
On abandonne notre forme matérielle.
On abandonne même nos points de repère intellectuels.
J'allais même dire nos points de repère mystiques.
On les abandonne pour devenir,
dans le cas de la musique, musique.
Dans le cas des maths,
maths, mais c'est vraiment ça qui arrive.
Est-ce que ce serait juste de dire que c'est grâce à Martin Luther King
que tes parents se sont rencontrés?
Oui, ce serait juste de le dire parce que mon père
aurait eu certainement
moins de motivation de venir à Montréal. Mon père est venu
à Montréal parce qu'il venait
représenter Martin Luther King
pour une conférence qu'il y avait à Montréal sur les'il venait représenter Martin Luther King pour une conférence
qu'il y avait à Montréal sur les droits civils.
En même temps, il avait une soeur qui était à Montréal.
Il aurait pu avoir cette motivation-là
peut-être plus tard.
Mais non, je dirais que la raison principale
pour laquelle il est venu...
Puis comme pour tous les gens fortunés,
pour tous les gens chanceux, en bout de ligne,
c'est rarement leur plan qui se réalise.
Leur destinée se réalise pour eux,
mais malgré eux aussi en même temps.
Donc, Martin Luther King avait été invité à Montréal,
mais ne pouvait pas s'y rendre.
Donc, c'est ton père qui a été délégué ici.
Je n'ai jamais expliqué davantage,
mais il ne pouvait pas s'y rendre
parce qu'il ne pouvait pas quitter les États-Unis.
Il était sous surveillance du FBI. Bien sûr. Il ne pouvait pas quitter les États-Unis. Il était sous surveillance du FBI.
Bien sûr. Il pouvait pas quitter les États-Unis.
Alors, ça vaut peut-être la peine de le dire.
C'est pas parce qu'il se disait, c'est où ça?
C'est quoi ce trou-là? C'était pas ça du tout.
Il pouvait pas quitter les États-Unis. Alors, il y avait
ce qu'en anglais, on dit des proxys.
Il avait des représentants, des mandataires
qu'il représentait ailleurs. Il y en a qui l'ont représenté
en Europe. Il y en a qui l'ont représenté
beaucoup en Amérique du Sud,
parce qu'il y avait une connivence entre le mouvement de libération,
je ne sais pas le bon mot, d'émancipation, certainement,
des Noirs des États-Unis,
puis ce qui se passait en Amérique latine, en Amérique du Sud,
au même moment, ce qui se passait aussi en Afrique, au même moment.
Alors, mon père, de ce que j'ai compris,
il n'était pas body-body
avec Martin Luther King. Ce n'était pas
on mange ensemble,
puis on passe la soirée à se raconter
nos vies. Mais il faisait partie
d'un circuit
d'étudiants de niveau
universitaire qui
étaient des militants,
dans le fond, puis qui
souvent répondaient à l'appel
de l'un ou l'autre.
Elijah Cummings, il y en a plein d'autres,
des gens qui...
Clarence Jones, des gens qui étaient
toujours à l'affût d'une injustice, quelque part,
puis qui convoquaient les militants
pour qu'ils aillent manifester.
Alors, mon père a fait partie de ça.
Mon père semble-t-il, de ce que j'ai compris
au fur et à mesure de gens que j'ai rencontrés
qui faisaient aussi partie du mouvement,
mon père était plutôt jovialiste.
C'est-à-dire qu'il faisait de la musique dans ses rencontres-là,
il chantait, il était très, très à l'écoute.
Alors, je ne suis pas surpris qu'il continue d'être quelqu'un qui était très, très à l'écoute. Alors, je ne suis pas surpris qu'il continue d'être
quelqu'un qui était très, très à l'écoute.
C'est un mouvement qui était, bien sûr, dans la revendication,
mais aussi dans la fête.
Absolument.
Puis, je pense que c'est une chose qu'on ne doit jamais oublier.
Parce que les gens n'ont jamais complètement tort
ou complètement raison.
Mais en général, quand tu n'es pas sûr,
les gens qui sont plutôt festifs ont souvent raison.
On imagine difficilement les nazis
en train de
sauter de joie dans les rues,
faire un book club. On imagine
moins facilement ça.
Les grandes œuvres musicales
du mouvement nazi.
Ils étaient plutôt lourds des danses.
Ça veut pas dire qu'elles n'étaient pas d'intérêt.
Elles avaient de l'intérêt, mais quand même facile de voir qu'elles n'étaient pas d'intérêt. Elles avaient de l'intérêt, mais quand même facile
de voir qu'elles n'avaient pas nécessairement raison
dans leurs objectifs. Mon père était donc de...
Et ce qui est fascinant, c'est que
il y a plein de gens connus.
Harry Belafonte.
Il y a un paquet de gens qui l'ont
coutoué. Moi, quand j'ai...
Moi, j'ai parlé à Harry Belafonte dans la vie,
qui me disait que je suis vraiment bien connu de mon père,
puis il chantait toujours la même chanson. T'as rencontré Harry Belafonte? Non,, qui me disait que je suis vraiment bien connu de mon père, puis il chantait toujours la même chanson.
Tu as rencontré Harry Belafonte?
Non, je ne l'ai jamais rencontré.
Non, OK.
Je lui ai parlé au téléphone.
Il m'a appelé.
Il t'a appelé?
Absolument.
Il m'a appelé un moment donné.
Bonjour ici, Harry Belafonte.
Mais tous ces gens-là, Harry Belafonte,
juste tous des gens avec qui j'ai eu des contacts
because mon père.
Puis on peut répéter qu'Harry Belafonte
était une des figures les plus
importantes du mouvement des droits civiques. Un artiste
majeur aussi. Absolument.
Puis, un artiste majeur,
certain, et ses népoitiers,
Mary Jackson, c'est tous des gens qui ont
eu une carrière et
qui risquaient, dans le fond, leur carrière
en étant impliqués.
Je ne suis pas en train de dire que les autres ne risquaient pas non plus.
Mon père a fait partie de plein de gens aussi qui ont été incarcérés pour aucune bonne raison pas en train de dire que les autres ne risquaient pas non plus. Mon père a fait partie de plein de gens aussi
qui ont été incarcérés pour aucune bonne raison,
en train de manifester pour n'importe quoi de juste et bon.
Mais ce sont des gens qui, vraiment,
ont apporté un éclairage à cet effort-là.
Un effort qui, soit du temps passant,
a donné des résultats.
Ben oui.
C'était les Noirs américains,
les Noirs surtout du sud des États- C'était les Noirs américains,
les Noirs surtout du sud des États-Unis,
mais les Noirs de façon générale, même dans le nord,
dans les années 60,
vivaient comme dans les années 60,
mais du siècle précédent,
avec le même genre de considérations.
Moi, je le dis souvent aux gens,
quand mon père a marié ma mère en 1977,
un mariage entre un homme noir et une femme blanche était illégal dans 37 ou 38 États américains.
Alors, il y a un chemin qui a été parcouru.
Ils ont quelque part réussi.
Bon, c'est sûr qu'on regarde ce qui se passe
depuis quelques années.
On a l'impression de reculer.
On n'a pas juste l'impression, on recule.
Mais c'est aussi le mouvement de la vie.
C'est pas si surprenant que l'émancipation des gens de couleur,
qu'ils soient bruns ou noirs ou quoi que ce soit,
chez nos voisins américains,
recule au même moment
où on fait reculer les droits des femmes.
C'est le même genre d'idée.
C'est cette peur que les femmes,
les gens qui viennent d'ailleurs,
les gens qui sont différents,
les gens qui ont une sexualité différente,
une croissance différente,
c'est cette peur qui puisse totalement se déployer,
qui est en jeu.
Puis de temps en temps,
ceux qui ont l'habitude du privilège résistent,
puis on recule.
Mais en ce moment, on a avancé dans les années 60,
puis je pense pas que Martin Luther King,
je pense pas que mon père, je pense pas que tous les autres,
pensaient qu'un jour, avant même d'avoir élu une femme,
que ce gros pays américain allait élire une personne de couleur.
C'est un très beau... On parle de ton père parce que tu lui as consacré un livre
que j'ai devant moi ici, que j'ai lu avec plaisir.
Un homme comme lui, c'est une longue lettre
que t'adresses à ta fille pour lui parler de son grand-père.
Moi, quand j'étais enfant, dans les années 90, et que j'ouvrais la télé,
il y avait peu de personnes noires dans ma télé.
Il y avait Normand Bratoïd, il y avait Grégory Charles, il y en avait quelques autres,
mais on pouvait les compter sur les doigts d'une ou deux mains.
Aujourd'hui, il y en a beaucoup plus.
Comment est-ce que tu l'as vécu, toi, d'être une des premières vedettes de la télé québécoise,
une des premières vedettes noires de la télé québécoise?
D'abord,
au départ, j'y pensais pas tant que ça.
Moi, j'ai grâcé dans un village
près de Drummondville. Quand j'étais petit,
tout le monde m'appelait mon noir.
Mais ils appelaient aussi ma tante blanche avec les cheveux noirs,
ma noire.
Je pensais pas tant à ça.
Oui, je me rappelle
de mes amis de
jeunesse qui, je me rappelle
les deux doigts dans le visage
pour voir si ça part, cette couleur-là.
Mais tu sais, c'est innocent, ça.
Alors, je me rappelle
pas vraiment qu'on a fait un cas avec ça. Je suis arrivé à l'école
au primaire, et là, un peu
plus. Tu t'es fait traiter de...
Nigger Black, machin, tout le kit de la différence.
Mais en même temps, et je veux pas diminuer ça,
mais en même temps,
les gens grands,
les gens petits, les gens gros,
les gens qui ont des fonds de bouteilles comme lunettes,
les gens efféminés,
tout le monde qui est différent quelque part.
Fait que, je pense,
je l'ai senti, mais j'ai toujours vu ça
comme enfant, comme étant
ça, c'est ma différence. Bon, j'étais aussi
conscient que ma différence avait
mené à des centaines d'années d'esclavage,
avait mené à une espèce d'oppression,
des lynchings. J'étais confiant
qu'on lynche pas des gens
grands. Oui, ou grands. Bon, mais on les
achale pareil, pis les gens gros,
on les achale aussi, pis tu gros, on les achale aussi.
Les homosexuels, il n'y a peut-être pas eu de lynching,
mais quand même, les nazis leur ont fait la fête aussi.
Ils ont vécu toutes sortes d'horreurs.
J'ai vu ça beaucoup comme étant une différence.
Après ça, quand je suis devenu un peu plus grand,
d'abord, j'ai fait un voyage initiatique avec mon père dans le sud.
J'ai vu que ce n'était pas réglé.
J'ai voyagé beaucoup comme enfant
parce que je faisais de la tournée. J'ai vu que le racisme pas réglé. Oh boy. J'ai voyagé beaucoup comme enfant parce que je faisais de la tournée.
J'ai vu que le racisme,
c'est pas one way,
c'est pas un sens unique, malheureusement.
C'est un double sens et c'est partout.
Je me rappelle de mon premier voyage au Japon.
Écoute,
c'est un pays que j'adore, le Japon.
Mais c'est un pays profondément raciste.
Le mot
gaijin, le mot étranger,
ça veut pas juste dire « Ah, t'es un étranger ».
Non, t'es moins que nous.
Et encore aujourd'hui, il s'applique pas juste à ta couleur.
Il s'applique, t'es vietnamien, t'es moins que japonais.
T'es coréen.
Il y a un ordre coréen, tu te commences à te rapprocher.
Mais tu sais, chinois, coréen, vietnamien, thaïlandais, machin,
c'est toute une pente descendante vers le fond.
Et alors, là, j'ai commencé à comprendre,
tristement, que c'était vraiment partout.
Mais la fin de ma réponse à ta question,
c'est la suivante.
Quand je suis devenu une personnalité publique,
c'est les premières lettres que j'ai reçues
qui m'ont fait prendre conscience, vraiment,
de ce que ça représentait
que d'être rare dans un espace public.
C'est les premiers qui m'ont écrit,
moi, je travaillais dans une friterie dans Montréal-Nord,
puis j'ai toujours pensé que je n'avais aucune chance dans la vie.
Puis là, je te vois, puis je me dis que,
bien, j'ai peut-être une chance de devenir
ce que je rêve de devenir.
Et là, ça, je paraphrase une affaire,
mais j'en ai reçu plein, plein, plein.
Vraiment, c'est ça qui m'a fait prendre conscience
de l'importance
d'être dans des pionniers
d'une quelconque façon
je l'avais senti un peu en musique classique
parce que ce que j'entendais le plus souvent en musique classique
moi j'étais bon
j'ai gagné beaucoup de compétitions nationales
j'ai gagné quelques compétitions internationales aussi
mais j'entendais toujours la même chose
t'es bon, t'es fantastique, t'as beaucoup
de talent. C'est dommage que
votre gang, vous devenez
jamais ça, des pianistes classiques.
Votre gang? Votre gang, vous devenez pas ça.
Alors,
je voyais bien que le préjugé,
et j'ai jamais été assez niaiseux
pour penser que le préjugé, il est
exclusivement réservé à la question de la couleur.
J'en parle souvent de ça. Mon père,
qui a marché avec Martin Luther King, me disait
toujours qu'une
injustice, même une petite injustice,
c'est une grosse injustice. Et si on
n'essaie pas de les réparer tout en même temps,
on n'y aboutira
jamais, jamais. Quand
Barack Obama a été élu, mon père, la première chose qu'il a dite,
immédiatement après qu'il a dit,
il semble que... C'est la tendance au maintien.
Quand ma maman a été élue, mon père, il a pas fait comme...
Il a dit comme...
Maintenant, s'ils peuvent juste défoncer le plafond
pour une femme. Parce qu'il était très conscient
que c'est des affaires qui vont main dans la main.
Alors, mes premières années de télé,
ça m'a rendu conscient
de la responsabilité
qui vient avec ça.
Il y a une responsabilité qui vient avec ça. Pourquoi il y a une responsabilité qui vient avec ça. Il y a une responsabilité qui vient avec ça.
Pourquoi il y a une responsabilité qui vient avec ça?
Parce que plus tu travailles fort,
mieux tu performes,
plus tu es efficace, plus tout ça,
plus tu transportes dans ton sillon
les gens à qui on t'associe.
Et l'inverse est vrai aussi.
La personne noire a moins
le droit à l'erreur.
Je ne dis pas ça, le moins, mais on représente tous
et toutes une chapelle quelconque.
Et malheureusement,
l'être humain est trop niaiseux pour faire la distinction.
Puis c'est dire que
c'est pas parce qu'une personne a les yeux bleus
que toutes les personnes qui ont les yeux bleus
agissent de la même façon.
En fait, j'ai envie de te le
présenter autrement.
On est incapable de ne pas
discriminer. On est incapable.
Naturellement, on discrimine.
Ensuite, c'est à quel point on est assez raffiné
pour aller à l'encontre de ça.
Pour se dompter soi-même. Il y a un épisode de Star Trek
qui est fantastique. Ce n'est pas l'épisode de Star Trek
où le capitaine Kirk embrasse.
Non, parce qu'il est célèbre, celui-là.
Ça a été un événement qui a une commotion pour les États-Unis.
Grand choc, oui.
Puis en plus, c'est que dans l'épisode, le capitaine, il est forcé de le faire.
C'est même pas de son propre chef.
Mais il y a un autre épisode extraordinaire de Star Trek des années 60
où l'épisode commence et il y a un homme qui apparaît sur le vaisseau d'entreprise
dont la moitié du visage est noir,
l'autre moitié du visage est blanc.
Et il demande d'être accueilli comme un sanctuaire,
un havre,
parce qu'il est poursuivi par les forces de l'ordre
de la planète autour de laquelle ils sont en train d'orbiter.
Alors le capitaine Kirk, il ne sait pas exactement c'est quoi,
mais il sait qu'il y a des règles
intersidérales
de ce genre de choses-là
pour offrir le sanctuaire à quelqu'un.
Et puis, éventuellement,
débarque sur l'entreprise
le gars des forces de l'ordre
qui lui aussi a la moitié de la face
noire et l'autre moitié de la face blanche. Mais pas, tu sais,
un peu, là. C'est vraiment comme noir, noir, noir, noir,
blanc, blanc, blanc, comme un guignol. Anyway. Pendant tout l'épisode, il se court après, il se un peu, là. C'est vraiment comme noir, noir, noir, noir, noir, blablabla, comme un guignol.
Anyway.
Puis pendant tout l'épisode,
il se court après, il se court après.
Puis là, on comprend
qu'il y a toutes sortes de choses
que Gene Roddenberry sait dire.
Il sait parler de la guerre froide,
il sait parler de plein de choses.
Mais il se court après,
puis il se court après.
Puis là, ça met en péril l'entreprise,
ça met en péril la planète,
ça met en péril...
Et à la toute fin,
il y a un moment shakespearien incroyable
où le capitaine demande
à celui qui représente les forces de l'ordre,
il dit, mais qu'est-ce qu'il a fait
de si horrible?
Et le gars des forces de l'ordre,
il dit, mais vous voyez bien,
il y a la moitié de la face noire, puis l'autre moitié
de la face blanche.
Puis il se retourne vers le gars
des forces de l'ordre, puis il dit,
mais toi aussi?
Mais il dit, oui, mais moi, c'est ce côté-là qui est noir
et ce côté-là qui est blanc,
alors que lui, c'est l'inverse.
C'est absurde, mais c'est quand même ça.
On le sait dans le fond de notre tête
que les différences génétiques
entre chacun d'entre nous
sont infinitissimales,
sont minuscules,
peu importe c'est quoi notre...
Mais notre insécurité,
notre instinct de préservation
fait que dès qu'il y a une différence,
on veut l'assommer,
on veut la planir.
Tout ça comme réponse pour te dire
à quel point les premières années
où j'ai fait de la télévision,
j'étais vraiment très conscient.
Je voulais m'assurer
que s'il y avait effectivement des gens
qui pouvaient suivre dans mon sillon,
que je ne sois pas une raison pour les en empêcher.
Puis est-ce que t'en as vécu du racisme
au sein de ce milieu-là, dans le monde de la télé,
des communications en général?
Ah, dès le début.
Dès le début, j'avais été engagé
par un réseau de télé pour annuler une émission
qui était commanditée par une entreprise.
Il y a eu un moment quand même
assez
candide. Une des personnes de la production
me rappelle, me disait, ça marchera pas finalement.
J'avais déjà un contrat, mais ça marchera pas finalement.
Le commanditaire, puis ça me tente
pas de rappeler, c'est-à-dire qu'il n'existe plus de toute façon.
Cette entreprise-là a été assimilée par une autre.
Mais le commanditaire
me dit, cette personne-là,
il veut pas avoir de noir, parce qu'il s'adresse pas à une clientèle noire.
Puis là, on est quoi, au début des années 90?
Moi, je terminais mon droit à ce moment-là.
Puis je me rappelle d'avoir dit à personne,
vous êtes sérieux, c'est pas comme surprise-surprise.
C'est comme ça la raison.
Ça aurait été un épisode un peu tordu de surprise-surprise.
Vous êtes en train de me dire...
Mais il y avait quelque chose de très candide dans la question.
On se reprendra, mon petit minou.
On se reprendra.
Alors moi, je n'avais pas l'intention de faire beaucoup de bruit avec ça,
mais j'étais sur un plateau télé,
où c'est en même temps que je faisais Chambre en ville à l'époque.
Et notre collègue Louise Deschatelais, animée à la radio à l'époque,
et elle, quand elle m'a entendu discrètement dire ça
pendant qu'on était assis au maquillage,
fait comme, quoi?
Et il décide de partir
en croisade sur le sujet.
Ça ressemble pas du tout à Louise.
Ça a fait un énorme cas.
Oui, c'est présent.
Je travaillais à l'époque
quand j'ai commencé à faire ça.
Je travaillais aussi avec une organisation
qui aidait des immigrants
à se replacer dans le monde
du travail.
Surtout des gens qui avaient des difficultés
avec des équivalences scolaires.
Encore une fois, je te répète, moi, j'ai grandi dans un village
où ma couleur
n'a pas l'air de faire
grande différence.
Saint-Germain de Grand-Thame.
Oui. Mais tu sais,
je travaille avec des gens, puis à un moment donné, un de ces jeunes-là,
qui se présente avec un super bon dossier
pour travailler dans une institution bancaire,
que je nommerai pas non plus,
parce que ces gens-là,
ils ont fait du chemin aussi depuis ce temps-là.
Mais c'est une institution bancaire que je nommerai pas,
mais qui se vante pour sa coopération.
Et alors, il refusait.
Alors, je décide d'y aller,
pas tant pour forcer la main,
mais pour comprendre pourquoi on refusait ce jeune homme-là.
Et la personne en charge
m'accueille
et me montre,
« T'en vas-tu des Noirs aussi?
Mais pourquoi ça changerait? »
Mais ça, c'est, encore une fois, début des années 90.
Alors, il faut jamais penser
que c'est réglé, ça,
parce que notre nature, à nous comme êtres humains,
la mienne, celle de tout le monde,
notre nature, notre premier réflexe,
c'est de discriminer.
C'est notre premier réflexe, pour une quelconque raison.
Quand on est dans une chicane avec quelqu'un,
qu'est-ce qu'on cherche?
On cherche sa différence pour fesser dessus.
Et ça demande un effort d'éducation.
Ça demande un effort intellectuel.
Ça demande aussi un effort émotif.
Ça demande un effort de compassion pour passer par-dessus ça.
Puis c'est pour ça que le plus grand danger,
pour le futur, pour notre avenir à nous autres,
le plus grand danger, c'est de ne pas reconnaître
qu'on est comme ça.
Moi, le débat, je ne veux pas rentrer dans le débat politique de est-ce qu'il y a du racisme.
Le racisme est-il systémique ou pas?
Oui, c'est ça.
Si on me posait la question, je suis obligé de répondre.
Mettons qu'il y avait quelqu'un qui te posait la question.
Mais of course qu'il est systémique.
Mais ce n'est pas une accusation contre le système.
C'est une accusation contre nous.
Nous, on est comme ça,
naturellement, l'être humain.
Donc, notre premier job, c'est de le reconnaître.
Dans toutes les directions.
D'ailleurs, le livre
sur mon père m'a permis de raconter ça.
Moi, mon père n'a pas vécu
une résistance de race avec
la famille de ma mère, mais ma mère a vécu...
À l'inverse, oui.
À l'inverse. Alors, il n'y a personne...
Là, je ne dis pas ça pour accuser un plus que l'autre.
Je fais juste dire, il faut reconnaître
que c'est instinctif chez nous de discriminer.
Donc, ça, c'est notre premier job.
Ta mère, en visite à Trinité et Tobago,
s'est fait cracher au visage.
Absolument.
Par une de mes tantes.
Et est-ce qu'il y avait un raisonnement derrière ça?
Oui, il y a un raisonnement derrière ça.
Mon grand-père est né sur une plantation,
tout le monde était conscient
de la souffrance.
Ma grand-mère paternelle,
sa famille vient de l'Alabama,
passée par la Nouvelle-Orléans,
ils sont allés à Haïti,
ils sont passés par Haïti
où ils auraient pu vivre l'émancipation,
la première république noire,
mais qui a été assommée aussi. Alors, tu sais,
il y a des raisons historiques d'être frustrés,
d'être de mauvaise humeur.
Puis quelque part, ils se disaient, pourquoi
est-ce que le gars qui a le plus d'éducation dans
notre famille, plutôt que de revenir ici, s'en va
vivre avec l'ennemi,
quelque part? Et pourquoi...
Il baptise avec l'ennemi. C'est ça, puis c'est
de voir ça comme étant marry up, tu te maries, tu t'associes pour monter avec l'ennemi. C'est ça, puis c'est de voir ça comme étant
marry up, tu te maries, tu t'associes
pour monter dans l'échelle sociale.
Bon, malheureusement, il n'avait pas réfléchi comme il faut.
Ma mère, elle ne faisait pas partie
d'une échelle sociale.
Il était juste en amour.
Exactement. Mais c'est important,
la première chose, c'est important de reconnaître
qu'on est systématiquement, nous ou pas,
c'est pas systémique, c'est une discrimination systém qu'on est systématiquement, c'est pas systémique,
c'est une discrimination systématique,
on est comme ça. Et pour combattre ça,
ça nous prend de l'éducation,
il y a un effort intellectuel, mais il y a surtout
un effort de compassion.
Puis ça, enseigner la compassion
aux gens, c'est très difficile.
S'il y a une affaire
que forçait
le catéchisme, c'était ça. S'il y a une affaire bonne que forçait le catéchisme, c'était
ça. S'il y a une affaire bonne
que forçait le catéchisme, puis il le forçait pas assez bien,
parce que malgré tout, les gens
qui l'enseignaient, dans bien des cas,
en étaient pas capables. Mais n'empêche
qu'il faut, nous, aujourd'hui, trouver
comment on va transmettre
ça d'une génération à l'autre.
C'est deux éléments. La
comprendre, donc le savoir,
les références intellectuelles,
et la compassion.
T'écris à la page 125 de ton livre
Un homme comme lui,
le Québec d'aujourd'hui qui craint l'étranger
l'aurait peiné profondément. Tu parles de ton père.
Ton père a été impliqué
dans le mouvement souverainiste, membre du Parti québécois.
La maison de tes parents
était surnommée la Casa de la République.
Parce qu'il y avait
plein d'immigrants qui s'y réunissaient, des gens qui
croyaient au projet de pays,
qui voulaient faire du Québec un pays.
Je pense que les gens ne sont pas conscients.
D'abord, s'il y a une équation qu'on entend toujours,
c'est que
l'immigrant est contre
le nationalisme canadien-français
ou québécois ou whatever.
Alors que les Haïtiens sont bien placés pour
comprendre l'importance de gagner son indépendance.
Par exemple.
Les Haïtiens, mais pas juste les Haïtiens.
Mon père est arrivé dans les années 60.
C'est d'être complètement inconscient
de ce qui se passait dans le monde que de ne pas
comprendre que les gens qui étaient autour
de mon père, ses amis, venaient du
Portugal, venaient de la Grèce,
ils venaient de pays d'Afrique,
ils venaient de pays d'Amérique latine,
qui avaient quoi en commun?
Il y en a plein qui sont devenus indépendants en 1960,
plein en 1960 ou 1961.
Il y en a plein, par ailleurs, ceux d'Europe,
qui venaient de vivre,
ou qui vivaient toujours sous le joug
d'un totalitarisme quelconque,
d'un tyran quelconque, le régime des colonels,
en Grèce, au Portugal, en Espagne,
ils venaient de vivre ça.
Souvent, s'ils étaient partis de chez eux, c'était pour ça.
Précisément pour ça, oui.
Alors, si tu arrives dans un endroit
où il y a une étincelle d'émancipation,
il faudrait être
retard pour ne pas être
attiré. Quand t'arrives là,
quand t'arrives ici, il faudrait être vraiment
retard, il faudrait être pervers, dans le fond,
pour ne pas voir
l'équivalence qu'il y a entre l'une et l'autre.
Quand je parle
de ça, que la maison était la maison de la République
quand j'étais petit, c'est que
le discours... Il y avait des parties
tout le temps. Moi, mes parents étaient des gens qui ont
toujours, toujours accueilli des gens, en toute
simplicité. Mais
mon père aimait faire à manger, ma mère aimait faire à manger.
Ça mangeait, ça discutait,
comme dans la chanson de Claude Léveillé.
Puis le sujet était...
C'était pas qui est méchant,
qui a tort. Non, c'était
à quoi pourrait ressembler un nouvel endroit,
un nouveau pays, une nouvelle république
que l'on façonne à l'image que l'on souhaite.
L'image plurielle du Québec d'aujourd'hui.
Oui, mais pas juste plurielle.
Surtout, mon père a participé
avec un groupe de jeunes étudiants de chez lui.
Il a participé à la rédaction de la constitution de Trinidad.
Il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent de Saint-Jean-de-Mata
qui avaient participé à la rédaction
d'une constitution pour leur pays.
Peu de gens avaient ça dans leur CV, oui.
Et qui, en plus, devenaient indépendants, grosso modo,
de la même organisation.
Se libéraient du même joug.
Exact. Trinidad a construit une fin de partie
du Commonwealth, mais Trinidad était une
colonie britannique.
Alors, cette expérience-là, c'est sûr qu'elle était
je pense, très très riche.
Et ils étaient tous excités, mais
mon père, son meilleur ami, est un Danois.
Bon, le Danemark, c'est un pays extrêmement
intéressant sur le plan politique, sur l'histoire politique,
mais c'est un pays qui a été très très écorché
pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Ces gens-là...
Mon oncle, c'était pas mon oncle, mais je l'appelais comme ça.
Mon oncle Fritz était né en 1940,
en pleine Deuxième Guerre mondiale.
C'était un géant blond aux yeux bleus
qui était le témoin de mon père à son mariage.
C'était ça, moi, j'ai vécu.
C'est tellement beau que t'aies eu un oncle Fritz.
Un oncle Fritz, oui.
Fritz Bastiansen.
Et alors, leur discussion était
fascinante. Moi, mes parents, c'est ça,
ils me permettaient de m'asseoir avec eux. Ils me permettaient parce que
mes parents disaient, si t'es pour ouvrir la bouche,
t'es mieux de dire quelque chose d'intimidant parce que sinon
tu vas à la table des enfants
dans le sous-sol. Mais alors,
j'ai écouté ça, moi, ça a
beaucoup alimenté ma curiosité
et mon désir de voyager,
mon désir de comprendre,
mon désir d'écouter aussi.
Ça a beaucoup alimenté ça.
Et c'était des années fantastiques.
Je suis né en 68,
en même temps que le mouvement
de souveraineté et d'association.
Et toutes les années 70,
c'était fascinant.
Nous, on est partis d'un village bleu
pour arriver dans un quartier bleu
dans le nord de Montréal.
Et on habitait à côté
de l'historien extrêmement bleu,
bleu péquiste
du quartier. Et
il y avait tellement d'espoir.
Et il y avait de l'espoir
qui était alimenté par
une expérience, dans le cas
de mon père et de tous ses amis immigrants.
Et c'est tellement dommage.
C'est profondément triste
qu'avec le premier référendum,
avec ce qui s'est passé là,
qu'il y a été, hey,
il y a des pays qui ont essayé
et qui n'ont pas réussi la première fois.
Ou des pays qui ont essayé
et qui sont rendus compte
qu'il y avait peut-être une autre voie.
Il y en a plein dans l'histoire de l'humanité.
Il y a des pays qui ont disparu.
La Pologne a disparu pendant deux ans
avant d'être
réinstallée.
La réaction générale
a été tellement
pénible. Ça leur a tellement
fait mal. Puis comme je le dis dans le livre,
dans le cas de mon père, mon père était dans le...
et tous ses amis étaient dans le milieu de la santé.
Et là, pour des raisons qui étaient
peut-être budgétairement justifiables,
il y a eu les coupures...
Du gouvernement péquiste de René Lévesque dans les années...
Ça, ça a tué toute l'affaire.
Puis moi, j'essaye pas dans ce livre-là,
j'essaye absolument aucunement de me transposer en historien.
J'essaye pas non plus de blâmer quoi que ce soit.
Mais de la perspective de mon père, ça a vraiment fermé une porte.
Mais lorsque tu parles du Québec d'aujourd'hui
qui craint l'étranger, est-ce que tu sens
une montée de l'intolérance au Québec au cours des dernières années?
Comme observateur, je sens une
montée de l'intolérance. Et
comme citoyen, c'est sûr que
les médias sociaux, ils sont pour quelque chose.
Mais j'ai quand même passé les
45 premières années de ma vie
à me sentir totalement chez nous
et les 10 dernières à me faire dire
quotidiennement que je devrais retourner dans mon pays
quotidiennement?
quotidiennement, sur les médias sociaux
dans la vie, je comprends là
peut-être que ça aurait commencé avant
si les médias sociaux avaient existé
il y a 20 ans, peut-être
mais non, cette espèce
de caractère binaire
de, si je ne suis pas d'accord avec toi,
encore une fois, je vais te frapper là où je pense
que tu as une différence. Retourne dans ton pays.
C'est clair pour moi.
Après ça, est-ce que...
Je sais ce que le Québécois
se dit en m'entendant
dire une chose comme ça.
C'est tellement moins pire
qu'aux États-Unis.
Oui.
C'est pas faux.
C'est pas faux.
Le Québécois qui pense ça,
ou la Québécoise qui pense ça,
ont totalement raison.
C'est un coin de paradis ici,
en termes de relations avec l'étranger.
Mais c'est pas parce que c'est un coin de paradis,
ça ne veut pas dire que c'est l'idéal.
Puis l'affaire qu'il y a, c'est que moi qui suis intéressé
à l'histoire, moi qui ai grandi dans une maison,
comme on l'a décrit, avec toutes ces perspectives-là,
tu sais,
moi, ce que mon
père dirait aujourd'hui, je pense,
c'est qu'on a
tellement de success story
dans notre
capacité d'accueil au Québec.
Les Noirs font partie du success story,
soit dit en passant. Ceux qui ont décidé
de venir vivre au Québec,
quand ils sont revenus de la Première Guerre mondiale,
ils venaient des Antilles britanniques,
ils venaient de certains pays africains,
ils sont allés se battre avec le Commonwealth,
puis ils se sont rendu compte que dans le fond, chez eux,
c'était vraiment traité comme la marde.
Alors, ils se sont dit,
ils sont venus se battre pour les aider,
mais peut-être qu'il y a une meilleure vie ailleurs.
Et il y en a plusieurs qui sont venus s'installer.
La ville de Montréal est un bel exemple de ça.
Toutes Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri,
tous ces gens-là qui sont là,
ils sont là parce qu'il y a tout plein de gens
qui sont venus s'établir ici,
des Noirs qui venaient d'ailleurs,
qui sont venus s'établir ici,
qui ont essentiellement travaillé pour les chemins de fer.
Ils étaient portiers, ils étaient bagagistes,
ils étaient toutes ces choses-là. Et ils ont ouvert des cabarets
dans ce coin-là. Ils ont ouvert des cabarets où ils faisaient
essentiellement de la musique noire, du ragtime, du jazz.
Ils ont été totalement surpris
de voir que parmi leur clientèle,
il y avait des Canadiens français
qui venaient écouter ça. Hey, on sait
qu'il n'y a jamais personne qui s'est demandé comment ça se fait qu'on a le plus important
festival de jazz au monde. C'est-tu parce
que vraiment, il y a un lien entre le soldat Lebrun,
la Bolduc,
puis le jazz? Non!
Ce lien-là... La Bolduc, cette grande jazzwoman.
Oui, c'est ça. Non, mais je sais pas,
on pourrait s'assurer sur la musique improvisée,
puis ça, mais... On fera ça une autre fois, oui. Mais ce que je veux dire,
c'est que le vrai lien,
ce qui a vraiment donné ce goût
de la musique noire
au Québec, qui aime le blues, qui aime le jazz,ût de la musique noire au Québec,
qui aime le blues, qui aime le jazz,
qui aime la musique de Motown,
ça vient de l'ouverture qui a permis à des Noirs de venir s'établir à Montréal au début des années 20.
De la même façon, quand moi, j'étais kid,
je me rappelle la directrice de mon école primaire
qui est venue dire, on va recevoir des boat people.
Demandez à vos parents s'ils ont de la place chez eux
pour accueillir une ou deux ou quatre personnes
pendant quelques mois,
pendant qu'ils se cherchent d'autres alternatives.
Nous, on a été une de ces familles-là
qui a accueilli des boat people.
Bon.
Regarde ce que ça a donné au Québec, cet accueil-là.
Je me rappelle pas de ce qu'il y a eu un mouvement de
« Wow, attends une minute, on est pas sûr qu'on est capable de les assimiler. »
Il y a pas eu ça dès les années 70, début des années 80.
Regarde la richesse
que ça nous a donné. On a des pharmacies
à travers le Québec
avec des enfants, des petits-enfants
de « beau people » qui sont venus ici. On a des
ingénieurs à travers le Québec.
On a des profs dans les universités.
C'est ça que ça a donné.
Mais, à l'envers de ça,
on a eu la plus importante
immigration juive francophone
à la fin du 19e siècle.
Pour des raisons de discrimination, on ne voulait pas
qu'il y ait à l'école avec les catholiques francophones.
On a transformé
ces immigrants-là, juifs
francophones, on les a transformés enlà juifs francophones.
On les a transformés en juifs anglophones.
Et qui s'entend plus tard quand il y a eu un mouvement d'émancipation,
un mouvement d'indépendance du Québec?
Qui a été le plus radicalement contre cette communauté-là?
On l'a fabriqué, cette opposition-là.
On l'a fabriquée.
Et là, en ce moment, en annonçant à tous les jours d'une quelconque façon
que si vous venez ici
c'est mieux de parler français
et de l'écrire en 3-4 mois ou en 6 mois
dépêchez-vous
sinon bye bye
en même temps qu'on n'est pas
capable nous-mêmes de l'écrire
les statistiques nous montrent
que c'est quoi 50% en termes d'orthographe
pour les finissants du secondaire.
Tout ça, cette résistance,
cette idée qu'on a, même
en un moment de plein emploi
où on a des emplois disponibles,
on va venir nous valider nos jobs.
Là-dedans, il y a toutes sortes de réflexions qui sont importantes.
Est-ce qu'on est capable de les héberger?
Mais tu sais,
c'est fou comment,
avant de parler d'immigration,
on ne parlait pas de manque de logement.
Pourtant, le manque de logement, il était vraiment là.
Mais là, oh, attends une minute,
je viens de m'en trouver une bonne raison.
Il ne devrait pas y avoir d'autres manques d'immigration
parce qu'on manque de logement.
Et ça va te prendre 10 ans avant d'avoir des équivalences
pour tes études.
Mon père, je pense, serait déçu.
Surtout que mon père, après toute sa vie d'implication,
d'émancipation, il s'est concentré beaucoup
à aider les immigrants à l'intégration au français.
Il a fondé des organisations, il a travaillé des organisations
qui permettaient aux gens qui arrivaient de se franciser
le plus rapidement possible.
Mon père est un exemple.
C'est un anglophone qui a appris le français.
Puis les gens qui l'ont connu,
très souvent, ils pensaient pas qu'il venait de Trinidad parce qu'ils se disaient,
mais non, il parle beaucoup trop bien le français.
Il vient d'une île francophone.
Et chacun des titres de chapitre de ton livre
est emprunté à l'oeuvre de Gilles Vigneault
parce que c'était le chanteur préféré de ton père.
Je sais pas si c'était son chanteur préféré,
mais en tout cas, ma mère a choisi d'enseigner à mon père
de lui montrer une chanson en français par jour.
Le répertoire de Gilles Vigneault est vraiment
fantastique pour ça. Pour vrai,
si on me demandait à moi
mon opinion sur comment
franciser les immigrants
qui arrivent d'ici... On élabore un programme.
Je pense vraiment que la meilleure
façon, c'est la chanson québécoise
et particulièrement des chansons
des années 70, des années 80.
Tu sais, le rap francophone
n'est peut-être pas la meilleure idée pour franciser.
Pas parce que j'aime pas ça, c'est pas ça.
C'est juste que ça vient vite,
il y a plein de mots anglais dans le milieu,
c'est peut-être pas la meilleure idée.
Mais la balade des gens heureux, mettons,
ça marche bien pour des gens qui n'ont jamais parlé français
parce que le refrain est ultra répétitif et redondant.
C'est pas toujours la même chose. Mais c'est ça. Puis ce qui est fou, c'est que, ça marche bien pour des gens qui n'ont jamais parlé français parce que le refrain est ultra répétitif et redondant.
Mais c'est ça.
Ce qui est fou, c'est que je ne comprends pas pourquoi on n'y voit pas
une piste de solution.
Puisque la majorité des Québécois
francophones qui ont appris l'anglais
l'ont appris en écoutant
les Rolling Stones, puis en écoutant les Beatles,
puis en écoutant whatever musique qu'il y a,
puis en écoutant Three's Company puis Friends. Cant whatever music qu'il y a, puis en écoutant Three's Company, puis Friends.
Alors, c'est dans mon livre,
toute cette histoire-là
de l'accueil, de l'ouverture d'esprit,
c'est dans mon livre,
encore une fois, pas parce que je suis un historien,
pas parce que je veux réécrire l'histoire,
puis j'y ai passé, je me suis dit que quelqu'un,
quelque part,
va se fâcher avec ça.
C'est écrit parce que je l'ai vu chez mon père,
cette expérience-là, cette peine qu'il a eue,
tout en se sentant extrêmement privilégié
d'avoir pu faire sa vie ici.
Comment est-ce que s'est déroulée ta transition
de jeune pianiste virtuose à star de la télé québécoise?
Parce qu'il y a un changement de trajectoire là-dedans
qui est quand même assez important.
Moi, je vais de la musique classique jusqu'à...
jusqu'au collégial, quelque part.
Jusqu'au début de l'université.
J'ai commencé à jouer de la musique...
J'ai commencé à jouer de l'orgue, moi, d'abord,
quand j'avais 5 ans.
J'ai commencé à jouer du piano à 7 ans
puis j'ai tout de suite gagné des compétitions.
Ma première compétition, j'ai gagné deux mois
après avoir commencé à jouer.
Il y avait un talent, une habileté.
Il y avait aussi le fait que toute la famille
fait de la musique.
Mon père, qui a travaillé dans le domaine de la santé,
c'est le seul des gars de cette famille-là
qui ne sont pas devenus musiciens.
Mon oncle, Gerald, a joué avec...
Neil Diamond.
Neil Diamond.
Il a joué avec les Temptations.
Il a joué avec... Tina Turner. Tina Turner, Lion a joué avec les Temptations. Il a joué avec...
Tina Turner.
Tina Turner, Lionel Richie.
Tout le monde a fait de la musique.
Alors, c'est un terreau fertile pour que moi, je devienne un musicien.
J'ai fait des compétitions toute ma jeunesse.
Mes parents, qui étaient très, très, très couveuses,
me mettaient ma cocarde autour du cou
et m'envoyaient faire des concours
ou des tournées de concerts en France,
en Angleterre, au Japon.
J'ai voyagé beaucoup, beaucoup quand j'étais kid.
Et vers la fin de l'adolescence,
je pense que j'ai commencé à prendre conscience que...
Je vais le dire de cette façon-ci.
Un peu comme un athlète, là.
I had a shot.
Tu sais, peut-être que si le plan,
c'était de devenir un pianiste
de concert
il y avait une possibilité
assez pour que
moi qui faisais beaucoup de musique
mais très répartie
je jouais du violon, de la clarinette
je jouais du saxophone
je jouais dans un orchestre
je faisais beaucoup de chants chorales
beaucoup de musique mais très répartie.
Quelque part autour de 16-17 ans,
j'ai commencé à pratiquer 5-6 heures par jour.
C'était plus sérieux.
Des concertos, des programmes de concert, etc.
Et j'étais dans un concours à un moment donné
que je n'ai pas gagné.
Je suis arrivé deuxième dans ce concours-là.
Et au party après le concours,
il y avait un piano.
Et évidemment,
tour à tour, les gens qui avaient participé au concours allaient jouer quelque chose
qu'ils avaient joué dans le concours.
Et c'était pas approprié.
Dans un party,
jouer du Scriabine,
même la plus divertissante étude de Chopin
demeure une étude de Chopin.
Puis moi, j'allais m'asseoir, puis j'ai commencé à jouer « whatever ».
Et là, le party a payé.
Et il y a eu un déclic.
Je me suis dit, attends une minute.
Tout ce monde-là, ils veulent tous devenir des pianistes classiques.
Ils veulent tous faire ça.
Maybe I have a shot.
Peut-être que j'ai ce qu'il faut.
Et si je travaille comme un peut-être.
Mais c'est un peut-être.
Mais personne de cette gang-là
peut faire de l'entertainment
et y prendre plaisir.
Ça, c'est pas peut-être à Ava Shot.
Ça, c'est définitivement...
Ça se peut.
Mais en même temps,
pour une raison totalement fausse,
j'ai pensé que...
Et c'est vous,
parce que j'ai eu la chance de jouer
dans une pièce de théâtre plus tard
qui s'appelle Deux Pieds et Un Pieds et Un Pieds où c'était ça, le j'ai eu la chance de jouer dans une pièce de théâtre plus tard qui s'appelle
Deux pianos quatre mains où c'était ça le sujet. Quand tes parents te supportent, moi mes parents
n'étaient pas riches, ils m'achetaient un piano à queue un moment donné parce qu'ils voyaient bien que j'étais de
calibre pour ça. Ton père avait deux emplois. Un moment donné, c'est un partnership que tu as avec
tes parents et là je suis sûr que dans les gens qui vont nous écouter,
les gens qui font du sport,
j'ai pas besoin d'aller chercher loin.
Moi, mon beau-frère et ma belle-sœur,
ils ont un garçon qui est très, très bon au hockey, très, très bon soccer.
C'est un bon athlète.
C'est quoi ses chances de faire ça?
D'après moi, pour reprendre la terminologie,
he's got a shot.
Mais on le sait que si tu veux te rendre
dans la Ligue nationale de hockey,
il y en a d'autres joueurs, puis en plus,
ils viennent de partout dans le monde. Ça fait que sa shot est vraiment
minuscule. Il faut que tu lui mettes les efforts
et il faut que les astres s'alignent parfaitement.
Mais sachant, pas juste les efforts que toi, tu dois mettre,
mais les efforts que les autres autour
doivent mettre à se lever à 3h le matin
pour t'emmener à Thetford Mines pour jouer dans un
tournoi de je sais pas trop quoi.
Alors, moi, au moment où c'est devenu clair pour moi
que probablement que j'aimais trop la musique
pour m'embarquer
dans 4-5 ans de pratiquer 8 heures par jour
pour apprendre, je sais pas moi, islamisme, balakirèv
ou quelque chose comme ça. J'avais peur de décevoir
mes parents, vraiment. Parce que je savais qu'ils avaient tout mis
là-dedans. Ils avaient tout misé
là-dedans. J'avais
pas bien compris. Je pensais vraiment
qu'ils allaient être déçus. Alors, j'ai décidé
de passer, de faire
un détour
par, mettons, la
santé mentale ou la sécurité
de leur
pression artérielle.
Et je suis allé étudier en droit
puis, bon. Puis vraiment,
dans ma tête, je me disais, c'est le genre d'affaire
qu'ils vont se dire, ah ben, il est correct.
Mais tu t'imaginais devenir avocat, sérieusement?
Je pense que oui, pendant un certain temps.
Je pense que oui.
C'est mauditement intéressant, le droit.
Mais ce n'est pas ça qui m'a poussé là.
Ce qui m'a poussé là, c'est,
après tous les efforts qu'ils ont faits,
je vais quand même bien leur trouver une affaire
qu'ils vont faire, qu'ils vont dormir la nuit.
Et éventuellement, on a eu la conversation,
puis mes parents ont dit, mais qu'est-ce que tu fais?
Je suis en vain que tu es ce qui... Tu travailles bénévolement à diriger des chorales, tu joues bénévolement, tu te ramasses des fois le soir à minuit en train de faire des enregistrements
de piano ou de voix pour un quelconque disque. Tu vois bien que c'est ça que tu veux.
C'est vraiment un moment d'une espèce d'épiphanie.
C'est comme ça vous... Ça vous fait pas capoter si je décide d'aller
dans ce domaine-là.
C'est un peu ça qui est arrivé.
Puis, en faisant ça, les choses ont déboulé.
J'ai gagné mes dernières compétitions
internationales comme pianiste classique
au moment où
il y avait des émissions de variété ici
qui commençaient, je pense,
à s'intéresser
à la variété, pas dans le sens de faire du variété,
mais à la multiplicité des pistes.
Et là, moi, j'étais à une multiplicité intéressante.
Plusieurs multiplicités.
De couleurs qui gagnent des concours classiques.
Je suis devenu très, très chanceux.
Jean-Pierre Ferland me collait dans toutes les émissions
qu'il faisait, puis il en faisait beaucoup.
À Radio-Québec, là.
À Télé-Québec, à Radio-Canada,
il y avait encore l'autobus du show business,
des choses comme ça.
Puis Normand Brattouette, il commençait lui aussi.
Puis Normand, je sais que c'est pas toute la communauté noire
qui aime Normand, mais Normand,
pour tout ce qu'il a de candide qu'il raconte,
il a beaucoup fait.
Il a beaucoup fait. Il a beaucoup fait.
Il a beaucoup ouvert de portes.
Il a beaucoup mis sa tête à lui-même sur le bio
pour dire, non, non, ça, on va écouter ça,
on va donner une shot à ça, on va donner une chance.
Puis je me suis ramassé dans des situations comme ça
où je jouais, mettons, une étude transcendante de Liszt.
Puis en ce moment, il me disait, peux-tu nous jouer un blues?
Hop, hop, hop, hop, hop, hop, hop, hop.
Puis là, ça a ouvert.
C'est comme ça que ça a décollé.
T'as toi-même animé un talk show, Shabada.
Moi, quand je suis triste, quand je suis un petit peu
déprimé, je vais dans YouTube,
je me cherche un extrait de Shabada, pis ça me remet
le sourire au visage. J'ai regardé
ce matin Lara Fabian
qui chante My Funny Valentine.
Tu l'accompagnes au piano. Il y a un long
solo de saxophone, ça dure environ
cinq minutes, cinq minutes et demie.
Pourquoi est-ce qu'on n'en voit plus,
des moments musicaux comme ça à la télé au Québec?
Je pense parce que le bruit, le concept du bruit a changé.
D'abord, je pense que c'est une émission fantastique.
Et pour chaque artiste, il y a une très, très grande frustration
quand tu penses avoir participé à quelque chose
de vraiment, vraiment cool
et que le succès populaire n'est pas là
ou la considération du milieu n'est pas là.
C'était une émission, en tout cas,
certainement musicale, fantastique.
Parce qu'à l'époque, ça n'avait pas été considéré
comme un grand succès.
Ça n'a pas toujours pas été considéré. C'était pas un grand succès parce qu'à l'époque, ça n'avait pas été considéré comme un grand succès. Ça n'a pas toujours pas été considéré,
ce n'était pas un grand succès
parce qu'on venait de sortir
de, je ne sais pas quoi,
j'exagère 50 ans
de Jean-Pierre Coilier,
ce n'est pas 50 ans,
mais on venait de sortir
d'au moins 30 ans
de Jean-Pierre Coilier
qui avait une histoire
extrêmement finale.
Adlib, c'était le
Tonight Show québécois.
Et pour cause,
parce que c'était bon
et il était bon
et il avait un style
bien à lui,
quelque chose
de très personnel.
Et là, on arrive avec un kid...
Un gars de 25 ans.
Qui va animer un show.
Alors, je pense que les codes d'écoute ont dû passer.
C'était la moitié, je pense, dès le départ.
Et ça a continué de descendre
de la moitié de ce que Jean-Pierre Collier était.
Puis ça n'a pas été aidé par le fait que moi,
j'ai commencé l'année du deuxième référendum.
Et à tous les soirs,
t'avais l'avenir de la nation qui était
en jeu. T'avais une entrevue
au téléjournal de l'autre bord
qui était avec, je sais pas, Lucien
Bouchard, Jean Chrétien.
Alors, la décision
du réseau où j'étais, etc., ça a été
d'inverser ça. Avant, ils faisaient les nouvelles à 11h.
Ils faisaient des émissions de variété de 10 à 11.
On ne pouvait pas se permettre ça.
C'est sûr qu'à partir du moment où tu déplaces
tes nouvelles qui passent de 11h à 10h
et que ton émission de variété passe de 10h à 10h30,
bien là, rendu à 10h30, il y en a plein des gens
qui attendaient les nouvelles pour aller se coucher.
Rendu à 10h30. Alors, sur le plan
d'un succès d'écoute,
les émissions qu'on a suivies, d'ailleurs, ont pas été des succès d'écoute,
même s'ils ont peut-être eu
plus de succès, ou en tout cas plus d'estime, mais ça a pas été des succès d'écoute, même s'ils ont peut-être eu plus de succès, ou en tout cas plus d'estime,
mais ça n'a pas été des succès d'écoute non plus.
Marc Labrèche est passé après...
Julie Snyder a quand même eu davantage de succès
avec le.j.
Totalement, davantage. Mais pas autant que ce qu'il y avait eu
auparavant, même pas proche.
Alors, il y a des circonstances,
mais je dis ça avec aucune amertume.
Moi, ce que je dis, c'est que souvent dans nos vies,
on fait une affaire, on pense que c'est bon,
c'est un méga succès.
On fait une affaire, on pense que c'est vraiment, vraiment bon
et ça passe dans le beurre
ou en tout cas, ça n'a pas le succès qu'on souhaite.
Ça, c'est une de ces émissions-là.
J'ai tellement aimé ça, faire ça.
Les gens qui ont travaillé avec moi là-dessus,
qui sont tous ailleurs,
des fois, c'est fou,
on se parle comme des gens de couleur
qui se rencontrent dans la rue. Quand je marche avec ma fille
dans la rue, puis qu'il y a quelqu'un de couleur
qui nous salue, elle dit « Est-ce que tu le connais? » Non, mais tu vas
comprendre, Julien, ce regard-là
de complicité, il veut dire
qu'on est dans le même bateau, toi et moi.
Ben, les gens qui ont travaillé
avec moi sur
Chabada, on se regarde
de cette façon-là. On est
tous ailleurs dans le showbiz,
mais on se regarde en voulant dire
on a vécu quelque chose de vraiment spécial
à ce moment-là.
I Think of You, est-ce qu'au
moment où tu l'as écrite, est-ce que tu
estimais que c'était quelque chose de
bon ou de très bon?
Est-ce que tu mesurais le succès que ça allait devenir?
Parce que cette chanson-là a quelque chose, peut-être,
que tu pourrais me l'expliquer, mais je l'ai réécoutée
dans les derniers jours, puis je suis incapable d'avoir autre chose en tête.
Je chantonne sans arrêt le refrain de cette chanson-là.
Elle a une super progression d'accord
qui est empruntée à
Sturdy Twiven de Led Zeppelin.
Quand je l'ai dit, c'est sûr que candidement,
les gens disent, attends une minute, toi, le gars qui connaît
toute la musique, t'as emprunté une progression d'accord à Led Zeppelin? »
Mais Led Zeppelin a emprunté beaucoup de choses
au blues.
D'abord, eux, ils ont emprunté ça ailleurs, mais c'est pas ça le point.
Le point, c'est que, notamment en blues,
c'est la même progression d'accord que Led Zeppelin.
« Le temps est bon », c'est la même progression d'accord
que Led Zeppelin. « Hélène de Rugvoisine », c'est la même
progression d'accord que Led Zeppelin.
« Sweet Madam Blue », c'est la même progression d'accord
que Led Zeppelin. Il y en a tout plein. Alors, la progression d'accord. Sweet Madam Blue, c'est la même progression d'accord. Il y en a tout plein.
Alors, la progression d'accord, il n'y est pas quelque chose.
Et je savais,
en le fabriquant, que
l'idée d'exprimer une émotion
qui est très, très sensible,
le deuil,
avec un rythme
entraînant, cette espèce de
rythme latin.
Il y a quelque chose de séduisant
à ça. Et en plus,
comme moi, je connais vraiment bien la musique,
la progression d'accords, d'accords, minor, minor,
major, major, minor, ça,
les Beatles ont fait ça toute leur vie, puis ça marche.
Alors, cliniquement,
il y a tout dans cette chanson-là,
strictement en termes de musique, pour qu'on la retienne.
Après ça, là où
j'ai surtout été surpris, c'est que moi, je pensais
d'exprimer quelque chose de spécial
parce que j'ai un ami
qui était décédé quelques années auparavant.
Quand les gens partent beaucoup trop
tôt, on se sent toujours un peu
coupable d'être encore là ou en tout cas,
on se convainc qu'une partie de notre
vie, on la vit pour eux.
On veut honorer la chance qu'on a d'être
encore là. En pensant à eux ou à elles,
la réaction à ça,
j'ai reçu...
On n'était pas encore...
On recevait des courriels,
mais on n'était pas encore au courriel
à fond. Des milliers,
des milliers, des milliers de lettres.
Des milliers de lettres.
Tu as exprimé dans cette chanson-là ce que moi je ressens
pour telle, telle, telle raison. Je me rappelle d'une femme
qui m'écrit pour me dire la tristesse
de sa vie parce que son fils était décédé
dans un accident de voiture, mais que le responsable,
c'était
le père de l'enfant.
Puis, je me rappelle
l'explication comme quoi... Il pouvait plus parler,
mais il pouvait écouter ça.
Puis, il trouvait un terrain
d'entente.
La chose fabuleuse de cette chanson-là,
moi, j'en ai fait juste une chanson
qui a eu un énorme succès.
Peut-être trop gros, en fait, quelque part,
cette année-là, parce qu'il lui est arrivé
ce qui arrive en général aux chansons
qui sont trop grosses.
Elles sont mises dans le garage et elles disparaissent
après. La même année,
il y a eu Dégénération. On n'entend plus dégénération non plus à la radio
parce que ça a été tellement un gigantesque...
Je parle de dégénération.
Un gigantesque succès.
Elles ont été un peu usées, effectivement.
Mais ce qui est fabuleux dans tout ça,
c'est moi qui ai passé ma vie à interpréter la musique des autres
avec parfait bonheur.
Ça m'a permis de vivre, le temps d d'un moment ce que vivent tous les autres
qui écrivent parce que chanter la musique des autres tu peux vraiment émouvoir les gens avec
parce que le véhicule est puissant mais composé et surtout les paroles qui vont à l'intérieur de la
personne qui écoute et qui la bouleverse. C'est pour ça que souvent, je dis aux gens,
les gens me disent,
même les artistes,
je croisais Rockwazin hier, qui me disait,
j'aimerais ça connaître mes chansons comme toi,
tu connais mes chansons.
Puis c'est vrai que souvent,
quand je suis avec des artistes,
il y a des chances que je connaisse mieux
leur répertoire, même
parce que j'aime
apprendre les autres.
Mais souvent, je dis, moi, j'échangerais
les milliers de chansons qui ont en tête,
les connaissances musicales que j'ai,
j'échangerais ça pour
deux chansons de Michel Rivard,
cinq chansons de Pierre Lapointe.
Je dis cinq et deux, c'est pas parce qu'il y en a un qui vaut plus que l'autre.
Oui, on comprend.
J'échangerais ça pour le génie qui leur a permis
de... Vincent Vallière,
Arrête ma fat, Paul Piché,
Richard Séguin.
Plus ça avance, plus Richard Séguin
compose des choses fantastiques.
Son plus récent album est magnifique.
C'est le mieux en mieux.
J'échangerais...
J'ai dit 2-5. Non, non, non. J'échangerais
tout ce que je sais de la musique pour avoir eu le génie
d'une de leurs chansons
et de pouvoir la chanter à répétition.
En même temps, je comprends qu'à l'inverse,
les gens se disent, j'aimerais ça en chanter d'autres.
Est-ce que tu as travaillé fort
à tenter de reproduire le succès de la chanson?
Zéro.
Je n'ai pas travaillé fort du tout.
J'en ai fait d'autres, des albums, là, de musique
personnelle.
Mais non. Puis très honnêtement,
je chante presque jamais ça,
I Think of You. Puis j'en me dis toujours,
pourquoi tu chantes pas ça? Parce que
dans la série des chansons fantastiques
qu'il y a dans ma tête,
c'est pas de la fausse modestie, c'est pas de la modestie,
c'est pas rien de ça. C'est juste
pas sur ma gig.
Est-ce que je serais capable d'en composer des chansons?
Je pourrais en composer
probablement plusieurs par jour.
Je connais tellement bien la musique et j'écris pas mal en plus.
Mais ça serait pas incarné.
J'ai pas ce désir-là. J'ai un désir un peu
encyclopédique.
J'ai un désir d'être un passeur.
Je sais pas même comment
l'expliquer, mais tu sais, Beethoven n'était pas connu à son époque
comme un gars qui composait des symphonies.
Beethoven était connu comme un gars
qui improvisait des tunes
et qui connaissait tout le répertoire
qui était passé avant lui.
À une époque où il n'y avait pas de publication.
Les gens, quand ils allaient voir Beethoven jouer à Vienne,
ils ne lui demandaient pas de jouer ses sonates.
Ils lui disaient Mazard 21.
Puis là, Beethoven faisait une réduction
du 21e concerto de Mazard.
Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas d'eau place
sous l'antenne, il n'y avait pas de radio.
Moi, je suis dans ça. Moi, je suis dans cette
tradition-là. Moi, je suis dans la tradition
de tout Pablo Sarazat,
tout Beethoven, tout Chopin,
tout Rod Stewart,
tout whatever.
C'est ça,
ce qui m'anime.
Une énumération que personne n'a jamais faite
dans l'histoire de l'humanité.
Probablement pas.
Et je ne vois pas déjà de valeur dans cette affaire-là.
J'aime la musique, point.
J'aime où est-ce que ça se situe dans notre histoire.
J'aime ce que ça raconte.
Mais je suis en sclopédique aussi dans tout le reste.
Le sport, souvent les gens,
je fais des shows où j'aime me donner une année, puis je joue des
tunes qui ont été composées ou publiées
ou popularisées cette année-là, puis les gens me disent
comment tu fais pour avoir ça en tête?
Des fois, je leur dis, si vous saviez le reste
de ce qu'il y a,
souvent je sais
quelle journée de la semaine une pièce est arrachée,
dans quel studio, qui était l'ingénieur de sang,
qui étaient les musiciens qui étaient là, puis qui a gagné
la série mondiale cette année-là, puis qui a gagné la série mondiale, c'était déjà, puis qui a gagné la coupe Stanley,
c'était déjà, puis qui était premier ministre
de grand... Mon cerveau
marche de même par assimilation
d'informations, parce que
on dirait que ça m'aide à mieux comprendre,
à mieux apprivoiser le monde,
le monde autour, à mieux me l'expliquer,
à mieux en faire
ressortir les émotions principales,
les idées principales.
Un autre grand moment de télé auquel tu es associé,
s'est déroulé à l'émission C'est juste la TV, en 2013.
C'est un moment d'un autre type.
Il était question de l'émission Le choc des générations.
Et Jean-Michel Dufault faisait la critique de cette émission-là.
Il parlait d'un segment de l'émission.
Il a dit que ce segment-là était le maillon faible
de l'émission. Et tu lui as répliqué
« Moi, je pense que c'est toi le maillon faible
de cette émission-là. » Et là, soudainement,
on avait l'impression d'avoir accès à un Grégory
qu'on connaissait pas ou qu'on connaissait peu.
Est-ce que tu t'es déjà senti prisonnier
de ton image de gars gentil?
Ton image lisse?
Non. Je pense pas
de m'être senti prisonnier. Je me rappelle de cette journée-là.
D'abord, je regrette énormément
d'avoir dit ça.
Je le regrette, d'abord parce que
un, je connaissais pas assez bien l'émission
pour juger que c'était Jean-Michel Sfou
le point faible de cette émission-là.
En plus, c'est un garçon que j'aime beaucoup.
Il est très gentil, oui.
C'était une réplique faible
à un moment faible. J'ai des excuses pour avoir été faible à un moment faible.
J'ai des excuses pour avoir été faible
à ce moment-là, comme plein de gens.
Moi, ma mère était gravement malade à ce moment-là.
Il y avait énormément de fatigue dans tout ça.
Moi, dans ma tête, je me disais
que c'était déjà tellement tough
de continuer à faire carrière,
faire ce qu'on a besoin de faire. J'avais une petite fille
qui avait un an à ce moment-là.
Je veux dire, il y avait tellement d'affaires.
Mon père commençait à être malade aussi.
Il n'avait pas de l'Alzheimer encore, mais il y avait
toutes sortes d'autres bébés. Le corps lâche,
on avance.
J'ai des excuses
de ce que tout le monde peut avoir.
Ça ne file pas cette journée-là.
Mais j'ai regretté parce que ce n'est pas ça
notre job. En tout cas, moi, je ne vois pas notre job
dans le monde public comme étant ça.
Ils sont assez à la chanter l'autre chanson,
comme dit Jean Lapointe,
si on chantait ensemble.
Ils sont assez à être acerbes,
à être vitrioliques.
Ils sont assez...
Personne n'a besoin de moi pour aller dans ce...
Mais pour répondre à ta question,
je ne suis pas
dans l'espace public
différent de ce que je suis
dans la vie. Je suis assez candide.
Je suis assez...
Mais effectivement,
dans l'ordre des choses que j'ai envie de raconter,
les choses très personnelles
ne sont pas au sommet.
Je ne pense pas que personne ne peut dire que je fais la gueule de bois en rapport avec ce que je pense de l'éducation, mettons,
ou ce que je pense de plein de domaines,
ou même si je sais que ça ne va pas être nécessairement populaire,
je dis ce que je pense, parce que c'est important pour moi.
Mais mettons que ce n'est pas forcé pour moi d'être optimiste.
Ce n'est pas forcé pour moi d'être optimiste. Ce n'est pas forcé pour moi d'être...
C'est dans ta nature.
Tout à fait.
Tout à fait.
Les gens qui me côtoient dans le privé vont dire...
C'est rare qu'on le pogne une journée où il y a une mauvaise humeur.
Parlons-en d'éducation.
En avril 2022, tu as accordé une entrevue
qui a fait couler beaucoup d'encre à mon collègue Alexandre Pratt
au sujet de l'éducation.
En rétrospective, il y a plusieurs gens qui se sont
prononcés sur les idées que tu mettais
de l'avant en ce qui concerne notre système
d'éducation.
Aujourd'hui, est-ce que tu es satisfait
de comment ça fait progresser
notre réflexion collective sur ce sujet-là?
Notre réflexion collective n'a pas progressé
du tout sur ce sujet-là, alors est-ce que je suis
satisfait? Non.
Est-ce que je trouve que le jupon dépasse?
Je me suis largement fait dire,
on t'aime beaucoup, Grégory, mais sur des sujets
sérieux, tu devrais te fermer ailleurs.
On te le dit carrément comme ça?
On me le dit carrément même à la TV.
Les bonzes de l'éducation disaient, vous êtes gentils,
on vous aime,
mais vous ne devriez pas parler de choses...
Mais il y a quand même beaucoup de gens aussi qui ont salué le fait
qu'une personnalité publique prenne parole sur ce sujet-là.
Oui, il y en a aussi.
Tristement, ce ne sont pas des gens
qui sont mandatés pour s'occuper de l'éducation
qui ont réagi de cette façon-là.
Les gens qui s'occupent de l'éducation,
je ne parle pas des profs.
Je parle des gens qui s'occupent,
qui dirigent, qui managent l'éducation.
C'est pas nécessaire la réaction.
La réaction est toujours, on n'y touche pas
parce que ça va vouloir dire qu'on échoue,
que ça va pas bien.
Mais, indépendamment de ça, les chiffres sont là.
Les universités sont obligées de faire des efforts
d'incrutement de garçons,
parce qu'il n'y a pas assez de garçons
qui veulent aller à l'université.
C'est pas surprenant.
Pas assez de garçons qui finissent sur cégep,
pas assez de garçons qui finissent sur secondaire.
La réalité, elle est là.
Je suis déçu d'une certaine partie de l'auditoire féminin
qui, lorsque quelqu'un comme moi dit ça,
que ça va pas bien pour les garçons,
que cette partie-là reçoive ça comme une menace envers les filles.
Je suis déçu parce que moi, quelque part,
notre échec collectif,
l'échec qui découle du fait qu'on a freiné les possibilités,
les aptitudes des femmes
pendant des générations.
Quand j'ai vu que politiquement,
les ministères sociaux, de plus en plus,
en allaient vers des filles, je me suis dit
« Hey, là, les filles vont pas faire la même erreur que nous autres.
Les filles, elles vont arriver là et elles vont se dire
« No one left behind. »
Elles vont se dire ça. Mais non.
Moi, ce que j'ai senti beaucoup,
c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup de réactions.
« Hey, on ne va pas reculer les filles alors que ce n'est pas ça mon propre point d'indication. »
Mon propre point d'indication, c'est que les gars échouent
et qu'une société où les garçons échouent,
c'est plus dangereux qu'une société où les filles échouent.
Une société où les filles échouent, c'est horrible en partant.
Mais 800 générations depuis qu'on est sortis des cavernes
nous prouvent que les filles, lorsqu'on
les réprime,
ce qui est une énorme erreur
pour la société,
elles repassent une partie de leur capacité
à l'autre génération.
Est-ce que c'est satisfaisant? Non. C'est zéro satisfaisant.
C'est horriblement
pas satisfaisant. Moi, ma mère est un
bel exemple de ça. Ma mère, elle aurait pu devenir n'importe quoi.
Elle était super bright.
Mais les opportunités de son époque,
c'était infirmière, professeur, comptable.
Merci beaucoup.
Mais à la prochaine génération,
son cerveau n'est pas passé dans le champ.
Les garçons sous-éduqués, c'est plus de violence.
C'est dangereux.
C'est dangereux, c'est... C'est ce qu'on appelle la masculinité toxique aujourd'hui.
Exact.
Alors, les chiffres sont là.
Ça m'étonne toujours
qu'on s'ostime sur les chiffres.
Les garçons échouent plus que les filles.
Les garçons décrochent plus que les filles.
On peut bien dire n'importe quoi d'autre.
Ça fait des générations maintenant
que c'est comme ça.
Puis on n'est plus à une époque...
Il y a une partie de la société qui dit
« Ouais, mais c'est pas grave, on a besoin de...
je sais pas moi, de plombier.
On a besoin de... »
Vous devez regarder que ça apprend à être plombier maintenant,
comme connaissance.
On n'est plus à l'époque où, comme mon grand-père,
tu pouvais travailler pour les chemins de fer,
on en a eu une deuxième année.
C'est fini, cette époque-là. C'est terminé.
C'est fini en termes de connaissance, d'exp année. C'est fini cette époque-là. C'est terminé. C'est fini en termes de connaissances, d'expérience.
C'est fini aussi en termes purement de papier.
Quand moi, j'étais en secondaire 1,
tu pouvais être chauffeur d'autobus avec un secondaire 3.
C'est plus vrai.
Tu pouvais rentrer en police avec un secondaire 5.
C'est plus vrai. Tout ça, c'est faux.
On ne comprend pas à quel point l'éducation, c'est super important.
Tu as évoqué dans cette entrevue-là
un possible passage en politique.
Pas du tout.
Pas du tout?
Dans l'entrevue, j'ai répondu à une question.
OK.
Est-ce que tu irais en politique?
Ma réponse a été ceci.
Contrairement à l'opinion générale
et au réflexe de tout le monde,
ce que j'ai dit, c'est
on ne devrait jamais ouvrir sa bouche
pour s'exprimer sur
la chose publique, le reste publica,
si
on n'est pas prête, si quelqu'un
nous appelle à dire « OK, je vais le faire, le zoo ».
J'ai aucun désir
dans la politique. Qui, d'ailleurs,
aura un désir dans la politique?
Il me semble que tu es un être beaucoup trop libre pour faire
un bon politicien, pour avoir ce qu'il faut pour être un bon politien.
Ah, tu as totalement raison.
J'ai totalement raison.
Beaucoup trop candide aussi.
J'aime moins la ligne de parti,
l'espèce de plan,
les demi-vérités, la gueule de moi.
Il n'y a rien de ça qui colle avec moi.
Tout ce que je disais,
c'est qu'on devrait tous être prêts.
Si, dans une quelconque situation,
regardons une situation avec Israël en ce moment.
Moi, j'ai passé beaucoup de temps à Israël quand j'étais petit.
J'ai grandi, j'avais passé des étés dans un kibbutz, etc.
Est-ce que tu portes encore l'étoile de David autour du cou?
Je porte l'étoile de David autour du cou.
Tu me la montres présentement, oui. Je confirme.
Pour des raisons
très personnelles.
De solidarité envers tes amis juifs?
Solidarité d'héritage.
Il y a du monde juif
du côté de ma grand-mère
un peu plus loin,
dans notre arbre généalogique.
Mais surtout par solidarité.
Ça ne veut pas dire que je pense qu'ils ont raison.
Ça ne veut pas dire que je pense qu'Israël a raison.
Ce n'est pas ça le point.
D'ailleurs, je suis surpris qu'ils s'entêtent
à ne pas réussir parce que quelque part,
une gang qui a été opprimée pendant 3000 ans,
c'est assez dur à avaler que tu arrives sur un territoire en 48
et qu'après, la première chose que tu fais,
c'est que tu opprimes une autre gang qui était là.
Il y a une absurdité fondamentale là-dedans.
Oui, mais ça prouve ce que je t'ai dit précédemment
dans notre entretien.
On est systématiquement discriminatoire.
On se tient, on s'accroche à nos différences
et on repousse les différences des autres.
Puis dans le cas de la politique,
il n'y a personne qui veut aller faire ça, je pense,
parce que, surtout aujourd'hui,
où la moitié des gens
détestent avant que tu aies ouvert la bouche, puis ensuite de ça,
quand tu essaies de régler quelque chose...
Ça ne se réglera pas.
Je pense encore que la meilleure façon de régler
les choses, c'est de les régler à toute,
toute, toute, toute petite échelle.
En même temps, il y a plein
d'indices qui me disent que dans la société,
on peut changer. Il existe un pier plein d'indices qui me disent que dans la société, on peut changer.
Il existe un père Lavoie.
Oui.
Regarde ce à quoi il a contribué
dans les dernières années.
Quand j'étais petit, on allait chercher du vin nouveau
dans une boîte de carton.
Puis là, c'était chic.
Parce qu'autrement, j'en buvais de la bière.
Regarde ça, 40 ans plus tard,
on a des vignobles un peu partout.
Je ne suis pas en train de dire qu'on compétitionne avec les
vignobles français ou
italiens ou argentins ou
californiens. Le vin de Pinard et Fille est très, très bon.
Mais tu sais, n'empêche,
imagine l'évolution de ça.
Il y a 40 ans,
un petit peu plus maintenant, il y a 45
ans, Norman Patrick
jouait un tee noir dans
chez Dennis. En prenant un accent qui n'était
pas du tout le sien. Tabanouche, tabanouche.
Regarde, regarde où on est.
Très longtemps après.
Il y en a plein
des exemples
qu'on peut changer.
On n'a pas l'air de
m'être brusqué, mais on peut changer.
Mais il y a aussi un paquet
de domaines sur lesquels on est très, très lent. On regarde... Tu ne m'as pas posé cette question-és, mais on peut changer. Mais il y a aussi un paquet de domaines sur lesquels on est très, très lent.
On regarde...
Tu ne m'as pas posé cette question-là,
mais j'ai envie de te dire,
on regarde les gens qui nous arrivent de l'étranger
et on les trouve très, très arriérés.
Entre autres sur la condition de la femme,
sur la situation de la femme.
Ça contribue aux tensions
entre une partie du Québec et les gens
qui viennent du monde arabe.
Oui.
On a raison, ils sont arriérés.
Ils sont vraiment rétrogrades sur leur considération de la femme.
Ceci étant dit, moi, j'ai juste 50 ans.
Moi, je me rappelle quand même comment c'était le même ici.
Alors, plutôt que de monter debout sur nos grands chevaux
pour dire, vous êtes totalement
arriéré. Oui, c'est un petit peu arrogant.
C'est arrogant et
contre-productif.
On devrait, en accueillant,
pas juste le monde arabe, n'importe qui de partout,
avouons qu'en France,
la considération pour la femme n'est pas
proche de ce qu'on est rendu ici.
Je ne suis pas en train de dire que les Français sont épais.
Je suis en train de dire que l'idée
que tout homme a une maîtresse là-bas
et que les femmes ont un job,
d'accord, mais elles sont bien mieux d'être là pour faire à manger.
Ici, Uber Eats a tout changé ça.
Mais on devrait
être beaucoup plus conciliants
et dire, vous savez quoi?
Votre perception de la femme
doesn't fly ici., ça marche pas ici.
Mais attendez une minute, on va quand même vous dire,
il y a pas si longtemps,
on était mon oncle de même.
Laissez-nous vous expliquer pourquoi être mon oncle de même.
On n'en est pas super fiers.
Laissez-nous vous expliquer pourquoi ça a valu la peine
que ça a valu. Ça devrait être ça,
notre position. Notre position, ça devrait être de dire,
ouais, je comprends que t'arrives avec tes idées
complètement aérées. »
Surtout que je ne pense pas
que la majorité des gens qui arrivent
d'ailleurs, viennent ici.
Contrairement à ce que disent certains policiers,
je pense pas que la majorité des gens qui viennent d'ailleurs
viennent ici en se disant « Ça serait vraiment
fantastique qu'on recrée ici ce qu'on a vécu
là-bas. » Parce que, by the way,
si c'était ça leur idée, a vécu là-bas. Parce que, by the way, si c'était ça leur idée,
ils resteraient là-bas.
Ils viennent ici, puis la majorité,
je dis pas qu'il y en a pas, là, qui viennent pas
ici totalement, la charia,
machin, je dis pas qu'il y en a pas, là.
Mais j'ai envie de dire que la vaste
majorité vient
ici. Puis là, je te dis pas ça
juste par observation. Moi,
j'ai été fait officier de l'Ordre du Canada
il y a quelques années et...
Bravo. J'ai tout de suite... Merci bien. J'ai tout de suite dit
qu'est-ce que je peux faire avec ça, parce que
c'est un beau titre. À part avoir une épinglette.
Puis on m'a dit, sais-tu ce qui nous servirait
beaucoup? Ça nous servirait si tu...
si tu présidais des cérémonies
de citoyenneté. C'est le moment où on remet
la citoyenneté à des nouveaux arrivants. Des moments toujours
bouleversants. Si tu savais,
les moments que j'ai vécu là,
d'abord en parlant,
en découvrant que
beaucoup de ces gens-là savent qui je suis.
Moi, je suis toujours étonné de ça.
Parce que quand tu arrives ici, surtout si
tu as trois, quatre enfants, tu travailles quatre jobs,
tu es livreur
si et ça pour pouvoir partir
ta vie ici. Mais la quantité de gens...
Après, les cérémonies d'investiture de citoyenneté
duraient 25 minutes,
mais j'ai passé des fois 5 heures
à faire des photos avec les gens
qui mettaient leur bébé dans les bras en disant
c'est pour elle qu'on est venus ici.
C'est pour lui.
C'est ça la réalité des gens.
C'est difficile d'être insensible à ce genre de témoignages. Non, puis en plus de ça, c'est pour lui. C'est ça la réalité des gens. C'est difficile d'être insensible à ce genre de témoignage-là.
Non, puis en plus de ça, c'est que
on a des success stories
qui précèdent.
Alors, pourquoi pas aller là?
Tu présentes bientôt un spectacle
qui se nomme SET.
Un spectacle interactif
inspiré de l'univers du monde des comédies musicales.
C'est bien ça.
Ce serait laquelle la comédie musicale
qui te ressemble le plus?
Hum.
Qui me ressemble le plus?
The Wiz, je pense.
Oui? Pourquoi?
Parce que je pense qu'à 50 ans,
je suis encore ce kid
émerveillé,
curieux.
Je pense pas avoir beaucoup changé. J'ai beaucoup changé phys curieux. Je pense pas avoir
beaucoup changé. J'ai beaucoup changé physiquement,
mais je pense pas avoir beaucoup changé
du kid que j'étais qui trouvait
toujours quelque chose de fantastique.
Ma mère me demandait toujours
« Qu'est-ce que t'as appris aujourd'hui? »
Ça durait 25 minutes. « C'est-tu ce que j'ai appris aujourd'hui? »
Je me sens encore... Je fais ça avec ma fille.
Je me demande « Qu'est-ce que t'as appris aujourd'hui? »
Je me sens encore comme ça. Puis le personnage
du bonhomme de pa pie dans The Wiz,
qui est une espèce de version black du Magicien Doze,
le personnage, il est comme moi d'ailleurs.
Il souhaite comprendre.
En fait, il veut avoir un cerveau.
C'est ça qu'il veut théoriquement dans le machin.
Puis moi, je veux comprendre.
Moi, je veux savoir.
Moi, je suis totalement un disciple de Jeannette.
Expliquez-moi. Grégory veux savoir. Moi, je suis totalement un disciple de Jeannette. Expliquez-moi.
Grégory veut savoir.
Racontez-moi. Chaque rencontre,
quand j'ai passé l'audition pour annuler les débrouillards,
jadis, j'ai trouvé assez
intelligent d'avoir fait ça comme ça.
J'étais assis dans une salle d'attente avec deux enfants.
Puis je pensais que tu en es les deux enfants aussi.
Puis je jase avec les enfants. Je leur pose des questions.
Un faisait du sport, l'autre faisait de la danse.
Je pose des questions. Puis ensuite, au bout d'une demi-heure, la personne sort et dit « questions. Un faisait du sport, l'autre faisait de la danse. Je pose des questions.
Au bout d'une demi-heure, la personne sort et dit,
« Merci. » C'était ça l'audition.
J'étais le bon gars pour les débrouillards
parce que je suis effectivement de même.
Je pense que cette comédie musicale me représente beaucoup.
Mais en même temps, les comédies musicales,
ça vient me chercher parce que ce sont,
sans qu'on s'en rende compte,
des véhicules de changement.
Je trouve ça extrêmement intéressant que tu me poses
cette question-là après m'avoir posé une question sur la politique.
Parce que ces
activités qui subtilement
nous permettent de parler à la machine
à café ou à
la distributrice d'eau,
whatever,
ces activités-là, le sport,
Taylor Swift, la petite vie, toutes ces activités-là, le sport, Taylor Swift,
la petite vie,
toutes ces activités-là
qui nous permettent de jaser
entre nous, sont des véhicules,
des vecteurs de changement.
Jackie Robinson, c'est lui
qui a émancipé
la population noire
bien plus
que Martin Luther King.
C'est Jackie Robinson, le feu,
l'étincelle, qui fait que subitement,
on se dit, on peut peut-être les laisser jouer
avec nous autres, ceux-là.
Il y en a un autre qui est pas mal bon.
Oh, lui aussi.
C'est vrai dans le sport. C'est vrai dans la musique.
Oscar Peterson qui joue au Carnegie Hall, le premier noir à jouer.
Alors, dans le cas des comédies musicales,
presque tous les sujets importants
ont été traités
subtilement en
rose nanane, en bleu poudre
par les comédies musicales.
Les musicals, de façon générale,
servent à faire avancer le débat
sur, l'année dernière, il y avait Strange Loop,
sur la situation
particulière
des Noirs obèses homosexuels
et de leur situation en Amérique.
Moi, c'est ça que j'aime.
C'est le côté subtil de...
Song and dance.
On rit.
Nous, on n'en a pas beaucoup au Québec.
Mais demain matin, Montréal m'attend.
C'est une description
de ce qu'il y avait d'ultra-rétrograde
dans la société québécoise de ce moment-là,
sous couvert de Munch-Huntington
puis une chicane entre deux sœurs.
Ça parle des classes sociales,
ça parle des tensions entre la ville et la campagne.
Exact.
Et ça parle aussi de la relation à l'intérieur d'une famille.
Parce que les plus...
Je ne suis pas un thérapeute,
mais je suis pas mal sûr
que dans les gens qui ont vécu cette époque-là,
leur plus grand problème, ce n'était pas la prospérité,
la pauvreté. Ce n'était même pas les religieux.
Ce n'est pas simple
de grandir
avec 16 autres frères et sœurs
dans une maison sans vouloir t'arracher
la face.
C'est beaucoup de promiscuité.
Parlant de promiscuité, c'est le passage
qui m'a le plus amusé dans ton livre.
Tu nous racontes qu'en quelque sorte,
t'étais le DJ des moments intimes de tes parents.
Mon père et ma mère étaient vraiment amoureux l'un de l'autre
et ils étaient amoureux sur ce plan-là aussi.
Et puis, ma mère, je te l'ai dit,
elle était très discrète.
C'est une femme qui est née en 1938.
Tu ne penses pas que la femme des années 30 du Québec,
le genre de conversation qu'elle faisait, à part d'un belle-sœur, mais que la femme des années 30 du Québec, genre de conversation,
qu'elle disait à part d'un belle-sœur,
mais autrement, il n'y avait pas beaucoup de conversations.
On ne lui parlait pas beaucoup de son plaisir.
Non, c'est ça.
Elle n'en parlait pas, mais ce n'était pas grave.
J'ai grandi dans cette maison-là.
Mes parents, les deux, n'étaient pas riches.
Il n'y avait pas de voiture, il n'y avait pas de chalet,
rien de ça.
Voyageaient ensemble quatre fois par année.
Deux grands voyages, deux petits voyages.
Et encore une fois, un moment qui hyper impliquée dans ma vie.
Pendant ce temps-là, il appelait pas pour savoir comment ça allait.
Il partait, il faisait leur affaire.
Alors, je sais que la majorité des gens
veulent pas entendre parler de la vie sexuelle de leurs parents.
Puis que quand quelqu'un nous dit,
tes parents, là, là, là, là, là, là, là,
on se bouche les oreilles puis on fait comme
si on n'avait rien entendu. » Moi, je me trouve
plutôt chanceux d'avoir vu
deux parents qui s'aimaient
et à la verticale et à l'horizon retard.
Comme ça. Puis effectivement, quand on allait,
quand on sortait
un quelconque soir,
quand on revenait à la maison,
mon père me mettait en charge du tourne-disque.
Avec des règles.
C'était presque un rituel.
Choisir un disque.
Tiens, on choisit A Rainy Night in Georgia
de Brooke Benton.
Tu mets le disque,
tu écoutes la phase A.
Tu tournes le disque,
tu écoutes la phase B.
Tu nettoies le disque.
Tu le replaces dans sa jaquette.
Et tu le replaces dans l'étagère.
Et à ce moment-là, et seulement à ce moment-là,
tu pourras monter à l'étage.
Parce que tout ça se déroulait au sous-sol.
Donc, tu mettais la musique au sous-sol.
Exact.
Pendant que tes parents, à l'étage...
Et la musique jouait dans l'ensemble de la maison.
Mes parents, pas riches, avaient quand même un système d'inter... Et la musique jouait dans l'ensemble de la maison. Mes parents, pas riches,
avaient quand même un système d'intercom.
La musique jouait dans la maison.
Et alors, mes parents,
ma mère prouvait que
« Once you go black, you never go back. »
Et je trouve ça fabuleux.
Je trouve ça fabuleux
que cet amour-là ait été
360 degrés.
Et qu'en plus de ça, cet amour-là ait été, tu sais, 360 degrés.
Et qu'en plus de ça, même cette partie-là de notre vie
était accompagnée de musique.
Grégory, ce n'est pas la première fois
qu'on se rencontre. On s'est rencontrés
en 95 ou 96,
j'avais une dizaine d'années, à Rwanda,
à l'église Sacré-Cœur, qui était située
juste en face de mon école primaire, l'école primaire
Sacré-Cœur. Un dimanche matin, t'étais ven école primaire, l'école primaire Sacré-Cœur.
Un dimanche matin, tu étais venu chanter avec, je pense que c'était les petits chanteurs de Laval.
Tu as sans doute beaucoup fait ça.
Rouyn-Norandonne n'est sans doute pas la seule ville que tu as visitée,
la seule église que tu as visitée avec les petits chanteurs.
Je n'ai pas juste visité l'église à Rouyn,
il y a peut-être un petit passage chez Moras Poutine.
Mais là où je voulais en venir, c'est que tu as visité plusieurs églises.
Ton père était un homme très croyant.
Ma mère aussi, oui.
Toi, en quoi tu crois?
C'est le moment que tu me poses cette question-là, parce que ma fille
est à cette place-là aussi.
Et elle me pose pas la question
comme toi,
tu viens de le faire, mais
ça s'en vient.
Je veux pas rendre ça compliqué, ma réponse, puis je veux pas me dérober
non plus. Je pense que
la réalité,
reality, pour parler en termes
de Marvel,
c'est une grande équation.
Et on est une variable, chacun d'entre nous,
dans cette équation-là.
Et cette totalité-là, c'est ça
le suprême.
C'est ça, en termes dogmatiques, c'est ça le suprême. C'est ça, en termes
dogmatiques, c'est ça Dieu.
C'est cette équation-là. Notre job,
c'est d'être la meilleure variable possible
dans l'équation. Moi,
j'aime beaucoup
l'outil spirituel.
Alors, la foi de mes parents,
elle s'expliquait
ou elle se
déclinait à travers des
histoires religieuses.
Mais elle n'était pas religieuse.
Mes parents, tous les deux,
croyaient, d'une part,
et étaient à la recherche
d'une plénitude
à la fois mystique, spirituelle,
matérielle et intellectuelle. Ils cherchaient
tout ça.
Et leur meilleur moment,
ils les vivaient quand ils sentaient tout ça aussi.
Je pense que c'est pour ça qu'ils étaient tous les deux si intéressés à l'art,
parce que c'est un véhicule super efficace.
Quand tu regardes un tableau,
tu peux être interpellé par le tableau
pour des raisons intellectuelles.
C'est un tableau d'un tel qui a vécu telle ou telle.
Tu vois Guernica, puis tu te dis, boum,
il y a toute l'histoire intellectuelle qui vient avec ça.
C'est une question matérielle.
Tu peux être carrément juste happé par
la couleur, par le travail
du canevas, etc.
Il y a quelque chose qui t'interpelle
sur le plan spirituel parce qu'il y a
des valeurs qui viennent avec ça, il y a des émotions avec ça.
Des fois, tu vis un moment
en regardant un tableau qui ne s'explique pas,
qui est mystique. Tu ne peux pas mettre ton doigt là-dessus, mais tu le sais queau, qui ne s'explique pas, qui est mystique.
Tu ne peux pas mettre ton doigt là-dessus,
mais tu le sais que ça te transporte.
Moi, mes parents, c'est à ça qu'ils croyaient.
Maintenant, ils croyaient à ça avec des déclinaisons
dans des histoires.
Les deux sont venus dans les années,
ma mère en 1938, mon père en 1940,
dans des endroits très, très catholiques.
Les Antilles, d'une part,
et le Québec, d'autre part,
et utilisait le guidebook pour renforcer ça.
Quand je dis ça, l'objectif d'être mystique,
spirituel, intellectuel et matériel en même temps,
de devenir plein quelque part.
Mon père, par ailleurs,
qui avait une plus grande curiosité, je pense,
spirituelle que ma mère.
Ma mère avait été quand même hardwired,
catéchisme, machin.
Elle n'embarquait pas là-dedans.
Mais elle était quand même...
Si tu fais le mois de Marie, toute ta jeunesse,
puis que tu es l'organiste du village,
il y a des chances que...
Ça se peut que ça rentre dans ta tête, oui.
Mon père, lui, avait une très, très grande curiosité.
Khalil Gibran, tout le reste,
le mysticisme, ce qui se passe
en Asie.
Mon père, quand j'étais petit, il racontait toujours
comment l'Est et l'Ouest,
c'est comme une espèce de dialectique
continuelle, sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan
politique. Puis ici, à l'ouest, on invente,
puis à l'est, on miniaturise.
Puis à l'ouest, on se pose la question
sur comment tout a commencé, puis à l'est,
on se dit qu'on ne veut pas savoir comment tout a commencé.
Le mélange des deux est extrêmement intéressant.
Mais en bout de ligne, quand tu es enfant,
puis c'est là où je veux en venir avec ça,
quand tu es enfant, tout ça, c'est un peu trop abstrait.
Ça te prend quelque chose à quoi t'accrocher.
Mes parents,
leur approche spirituelle avec moi,
ça a été beaucoup de dire
l'homme, l'être humain
doit composer
avec son instinct.
Et il faut qu'il aille
chercher de la raison, quelque part.
Toutes les histoires bibliques,
toutes ces affaires-là, que ce soit Jésus,
que ce soit Mahomet, que ce soit Bouddha,
peu importe,
ont le même objectif en tête.
C'est-à-dire de permettre
à l'être humain de lutter contre son instinct.
Parce que son instinct, c'est un instinct de survie.
Et sa survie est perpétuellement
menacée par la présence de l'autre.
Puis ça lui prend une explication pour dire
« Non, l'autre n'est pas menaçant, l'autre t'aide à survivre.
Ce n'est pas si clair.
J'ai l'air de prendre un long détour pour te dire
ce à quoi je crois. C'est à ça que je crois.
Maintenant, comment s'y rendre
à ça? Comment se rendre
le plus souvent possible?
Je t'ai donné l'indice tantôt
parce que je t'ai dit au tout début de notre entrevue,
je t'ai parlé du bonheur.
Je t'ai dit que le bonheur,
aussi court soit-il, il est extrêmement précieux. parce que je t'ai dit au tout début de notre entrevue, je t'ai parlé du bonheur. Je t'ai dit que le bonheur,
aussi court soit-il,
il est extrêmement précieux.
Il se compte en secondes,
vraiment, dans notre vie,
le bonheur.
D'ailleurs, ce qui est le fun de l'être humain,
c'est que le bonheur et le malheur,
en général, est court et provoque chez nous la même réaction.
On pleure.
Parce que, quand on est vraiment
en plein milieu du bonheur,
on n'arrive pas à y croire qu'on s'est rendu.
Et quand on est dans un extrême moment
de malheur, on n'arrive pas non plus
à croire qu'on est là.
Et notre corps réagit de la même façon.
On pleure. C'est encore plus beau quand c'est le bonheur
parce qu'on pleure. Combien de fois
on surprend quelqu'un pour sa fête,
les larmes, parce que je ne pensais pas
que vous aviez pensé à moi.
Alors, ce à quoi je crois, c'est ça,
le bonheur, il est dans cette plénitude-là,
puis pour se rendre, ça nous prend
la capacité de lutter contre les réflexes,
contre l'instinct humain.
Dans les histoires religieuses,
dans notre mythologie,
on nous propose un chemin
qui normalement devrait nous permettre
d'accéder rapidement.
Puis tu sais, des paraboles,
mettons, pour les gens qui sont chrétiens,
les paraboles ou les moments du Christ
qui guérit quelqu'un
ou qui dit telleaffaire, etc.
Ça n'a pas d'importance,
vraiment, que ce soit vrai ou non.
Ce que ça a d'important,
dans tous les cas, c'est fait pour nous aider
à lutter contre notre instinct.
Ça nous fait dire,
tu vas avoir envie d'aller à droite, va à gauche.
C'est ça l'idée.
C'est notre laisse, quelque part.
J'ai un chien.
Mon chien, si je le lâche lousse,
il va aller exactement où ça lui tente.
Si je le tiens en laisse, quand il va aller où ça lui tente, où on sait que ça va être du trouble,
il va être retenu. Et si je le fais
assez
habilement, un jour, il n'aura plus besoin de la laisse.
Il va me regarder, il va faire comme
« Je peux-tu aller là? » Pas sûr que ça devrait y aller.
C'est un peu ça l'idée.
Alors, pourquoi ce long détour pour répondre?
C'est que, et ma fille est rendue là.
Elle va me dire, mais dans ce cas-là,
c'est toi qui vas t'enseigner ça.
Puis tu sais, si la mythologie grecque a des lieux
pour essayer d'expliquer l'univers dans lequel ils vivent,
puis si la mythologie romaine découle de ça,
puis si la mythologie romaine découle de ça, puis si la mythologie
hindoue et autres choses, égyptienne,
puis nordique,
etc., puis que nous, on vit le christianisme,
c'est juste une autre mythologie.
C'est toujours juste
une autre mythologie. C'est toujours juste ça.
À la limite, on peut la choisir
comme on choisit notre
notre repas.
Nos vêtements. Nos vêtements.
Nos vêtements.
Notre musique.
Mais ce qui est important,
c'est de découvrir un chemin vers cette plénitude.
Des gens qui ont découvert leur chemin vers cette plénitude,
il y en a, On en connaît.
Il y en a qu'on connaît, on a l'impression qu'ils sont
bêtement
des charismatiques.
Nous, on juge ça. Mais
what if, c'est ça que ça leur prenait
pour découvrir ce chemin-là.
Puis je parle pas, disons,
je parle de gens que j'ai connus
qui habitaient dans mon quartier.
Ils l'ont trouvé, M. Lamontagne, qui habitaient dans mon quartier. Ils l'ont trouvé.
Monsieur Lamontagne qui habitaient dans mon quartier.
Il a trouvé la piste vers le bonheur.
C'était un vrai bonheur.
C'était un vrai bonheur qui faisait pas mal à la personne d'autre.
On connaît tous quelqu'un pour qui jardiner,
c'est la voie directe vers le bonheur, par exemple.
Totalement. C'est un super bel exemple.
Mais des fois, on s'arrête juste à être heureux. On va pas
au point suivant
qui est
ce moment de plénitude.
Le moment où
on est pleinement
la variable qu'on est
supposé être dans
l'équation. Fait que là, tu vas comprendre
pourquoi quand ma fille me pose des questions là-dessus,
elle dit « Oui, mais toi, est-ce que tu crois en Dieu? »
Ma réponse est « Oui. »
Maintenant, il faudrait que je te décrive ce queest-ce que je pense que c'est, Dieu.
Je pense pas que Dieu, c'est une figure paternelle.
Un monsieur avec une barbe.
Un monsieur avec une barbe qui nous attend
dans un lieu merveilleux.
Je pense pas ça.
Pis, tu sais, même ma fille à 11 comprend bien
que les mythologies, c'est les hommes qui les inventent.
Pis qu'il y a quelque chose même d'ironique dans tout ça.
Qu'on invente nos propres dieux
pour nous expliquer qui on est
puis d'où est-ce qu'on vient, d'où est-ce qu'on s'en va.
Je pense que la raison pour laquelle
je m'explique longuement sur la question,
c'est que ce que je sens de mon environnement,
c'est qu'après avoir été sous le joug
des institutions spirituelles,
on a simplement choisi, parce qu'après avoir été sous le joug des institutions spirituelles, on a simplement choisi,
parce qu'on peut maintenant,
de s'en retirer.
Mais dans ces institutions spirituelles-là,
peu importe ce qu'elles sont,
il y avait quand même
toutes ces pistes pour se rendre
à la plénitude.
Puis ça, on n'a pas remplacé ça.
La preuve qu'on n'a pas remplacé ça,
c'est qu'on a un paquet de petits livres
chez Renaud Bré ou dans d'autres librairies.
Il y en a beaucoup. Bleu Poudre, Rose d'Anne,
Chicken Soup pour le pont Jean-Cartier,
qui se sont supposés nous aider
à filer mieux.
On est probablement la génération
qui file le plus poche
depuis très très longtemps parce que
ces raccourcis-là,
on les a rejetés.
Est-ce que c'est une bonne idée d'avoir rejeté ça?
C'est pas con,
parce qu'il y a beaucoup de choses tout croches.
Les décisions étaient gangrénées
par toutes sortes de choses délétères.
Parce qu'on est des êtres humains.
On est essentiellement des êtres humains.
Mais qu'est-ce qui va...
C'est vous, parce que je sens que t'es à la fin
de ton entretien.
Je le sens.
Mais quelque part...
On va faire trois autres heures.
Non, non, non, mais ce n'est pas ça que je veux dire.
Mais moi, je me rends compte, en écoutant tes questions,
que quelque part, tout menait à ça.
Tu m'as posé d'autres questions auparavant
qui n'étaient pas des questions sur la spiritualité
ou bien sur les croyances ou sur la religion.
Mais les autres questions que tu m'as posées
menaient quand même à ça.
Je t'ai dit en début d'entrevue
que l'être humain est instinctivement discriminatoire
et qu'il a besoin, de façon intellectuelle,
de mieux comprendre l'autre,
mais aussi qu'on lui transmette le désir de la compassion.
Il n'y en a pas. En ce moment, depuis qu'on a chipé l'autre, mais aussi qu'on lui transmette le désir de la compassion. Il n'y en a pas.
En ce moment,
depuis qu'on a chipé l'Église en dehors de notre vie à nous,
il n'y en a pas de vecteur
de compassion.
Il y a des individus qui peuvent te montrer que
par la compassion, il y a une coupe
occasionnellement
de livres ou de films
feel-good,
M. Lazare et compagnie,
qui vont dire
« Ah, c'est bien trop vrai.
On fait le bien quand on tend la main à l'autre
et qu'on écoute. »
Mais il n'y a rien d'institutionnel
qui dit ça maintenant.
Et je pense que notre job,
ce n'est pas de retourner à ce que c'était nécessairement avant,
mais je pense que notre job,
c'est d'y réfléchir. Comment est-ce qu'on va
transposer? Parce que ça fait partie
de notre
ADN aussi, ici.
Quand les gens regardent le
Canada français ou le Québec,
ça fait partie de notre ADN. On est supposé être des gens super accueillants,
on est supposé être des gens super sympathiques,
on est supposé être des gens super cool.
On s'en vante.
Oui, puis je pense que c'est vrai.
C'est moi qui ai reçu des gens de partout dans le monde
pour des festivals, puis ils arrivaient ici,
puis je disais, est-ce que vous pouvez héberger quatre personnes?
Puis ils disent oui, puis regarde, vous avez des clés du char.
Puis nous autres, on s'en va au chalet.
C'est un accueil fantastique, tu fais confiance à des gens qui arrivent,
je sais pas trop où, je leur dis, là, à la maison,
vous avez des clés du char.
Le frigo est là, le cellier est là.
Exact, on est ça, mais on est aussi ça,
hardwired parce que judéo-chrétien
pendant... Alors moi, je pense
qu'on a besoin de réfléchir à la suite.
Fait que quand tu me demandes à quoi je crois, je crois
que notre job,
c'est d'être aussi plein
que possible.
Puis il est là, le bonheur.
Il est où, là, selon
le chanteur français?
Il est où, le bonheur? Il est où, là, ce nom chanteur français? Il est où le bonheur? Il est là,
dans le plein, dans le plein
spirituel, mystique, matériel,
intellectuel. Il est là le plein.
Là, il faut trouver les raccourcis pour
s'y rendre.
Si les paraboles de l'Évangile
peuvent servir à ça, tant mieux.
Si les paroles
des chansons de Vincent Vallière peuvent servir à ça, tant mieux. Si les paroles des chansons de Vincent Vallière
peuvent servir à ça,
tant mieux.
Si deux ou trois entrevues
par année de Oprah Winfrey
peuvent servir à ça,
tant mieux.
Si Joe Biden,
qui débarque en Israël
après une attaque
terroriste horrible,
vient dire du haut de ses 80 ans,
vous avez toujours été opprimés,
les autres autour vont peut-être en profiter pour vous attaquer.
We got your back.
Mais, j'ai 80, on a fait des erreurs chez nous,
ce serait préférable
que vous ne le fassiez pas. Si ça
s'amène aussi à un moment de plénitude,
tant mieux.
C'est Homer Simpson
dans ses réflexions.
Je ne sais pas si tu vois où je m'en vais avec ça.
Il faut aller
chercher cette sagesse-là
n'importe où
où elle est. Et n'importe où inclut les institutions spirituelles déjà existantes.
L'idée de revirer ça et de jeter ça aux poubelles,
à mon avis, c'est très chic, mais c'est une erreur.
On a, dans le cas du christianisme,
2000 ans d'expérience, de musique, d'art, de toutes ces choses-là
construites pour réfléchir
à la plénitude.
Jeter ça aux poubelles, c'est aussi niaiseux
que d'oublier comment on fait
un arc en architecture.
C'est aussi niaiseux que ça.
J'aime conclure
les entretiens de ce balado
qui s'intitule « Juste entre toi et moi »
en demandant à mes invités s'ils ont quelque chose à ajouter qui resterait
seulement entre eux et moi mais le gm j'ai envie aujourd'hui de te faire une
suggestion grégory j'ai envie de te demander qu'est ce que tu as pensé du
plus récent album de car quoi parce que je te sais fan du groupe car quoi je
suis un fan effectivement du groupe car quoiois? Je suis un fan, effectivement, du groupe Carquois. Je trouve
que chacun des individus dans ce groupe-là
est un
fantastic four.
En termes de héros
de Marvel,
il y a The Thing, il y a Monsieur Fantastique.
Ils sont cinq,
en plus. Ils sont cinq, oui.
Moi, je pense
qu'ils auraient dû partir
en tournée d'abord avant d'enregistrer l'album.
Parce que, parce que,
parce que...
Je sais même pas s'ils le savent à quel point je suis un fan
de Carquois, pis le nombre de fois que j'ai vu le groupe
en show. Mais
le Carquois, c'est un
groupe comme... Yes.
C'est un groupe comme
Emerson, Lincoln, Palmer. C'est vraiment groupe comme Yes. C'est un groupe comme Emerson, Lakin, Palmer.
C'est vraiment, à mon avis,
un groupe de cette force-là.
Et normalement,
ce qu'ils font live
est devenu
un disque ou un album.
Ils ont employé le modèle inverse cette fois-ci.
Ils ont employé le modèle inverse,
puis je comprends très bien sur le plan commercial inverse, puis je comprends très bien sur le plan commercial pourquoi,
puis je comprends très bien sur le plan
on existe, on réexiste, on fait ça.
Alors, ce ne sera pas l'album numéro un pour moi
dans ma collection de Carquois,
bien que c'est super intéressant.
Il y a une espèce de... À mon avis,
il y a une espèce de dissonance
entre les garçons
qu'on ne retrouve pas auparavant.
Et elle est normale, ces dissonances-là.
Ils sont tous allés chacun de leur bord.
Ils sont comme les actes des apôtres.
Ils s'en vont
prêcher chacun à leur façon,
vivre leur propre bébelle ailleurs,
et ils reviennent. Tantôt, j'ai hésité
quand tu m'as posé la question. J'avais envie de te dire
j'attends le prochain album
de Carcois avec beaucoup, beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'intérêt. Là, je pourrais te décortiquer
des tunes allemandes.
Ça, c'est un autre balado.
Il y a certaines tunes qui ressemblent
à d'autres dans le passé, etc.
Mais
je souhaiterais vraiment à tout le monde,
surtout tous ceux qui disent
qu'il faut protéger la culture,
protéger la culture, protéger la culture.
Prenez une soirée pour écouter
Carcoir de A à Z.
C'est génial.
Et le fait que ça n'a pas eu l'impact,
mettons, d'Harmonium,
ça a eu l'impact, Carcoir.
Je ne suis pas en train de dire
que ça a eu l'impact. C'est un méga super groupe. Mais le fait que ça n'a pas eu l'impact, mettons, de Harmonium. Ça a eu l'impact, le Carquois. Je ne suis pas en train de dire que ça a eu l'impact.
C'est un méga super groupe.
Mais le fait que ça n'a pas eu l'impact d'Harmonium
dit à quel point on est un peu tone deaf.
En ce moment, on n'entend pas grand-chose.
Je suis jaloux, en plus.
Parce que moi, quelque part,
j'ai fait beaucoup de musique de groupe
quand j'étais plus jeune.
Je jouais qu'à un band, puis je disais,
mais je suis vraiment un artiste solo.
Je suis vraiment un artiste individuel.
En plus, je me produis moi-même.
Je suis vraiment dans mon coin quelque part.
Tu es un homme orchestre.
C'est le fun.
C'est pratique.
Mais je pense que j'aurais échangé
beaucoup
pour être
juste un membre de Carcois.
Si Carcois t'invitait à venir jamais avec eux
sur scène, est-ce que t'accepterais?
Ah oui, à 100 000 à l'heure.
J'accepterais à 100 000 à l'heure.
Il n'y a pas tant d'exemples de ça.
Mais j'accepterais à 100 000 à l'heure
de jouer avec Carcois.
Je me mettrais dans un coin
et je proposerais peut-être une fois de temps en temps
à pouvoir faire ça.
Mais autrement, je serais juste ravi de pouvoir faire ça.
Je suis jaloux de la chapelle de Diane Bélanger.
Je suis vraiment jaloux de ça.
Pas juste parce que Diane Bélanger a du succès.
Je suis jaloux parce que j'aurais aimé ça faire partie de ça.
J'aurais aimé ça faire partie de ce son-là.
C'est phénoménal ce qu'il a fait de la mélanger
de la fin des années 90 jusqu'à maintenant.
C'est ça le son de la musique ici.
Puis il a pris des chances
à aller à plein d'endroits.
Il y a quelques exemples comme ça.
Tantôt, au début, tu m'as demandé une expérience
musicale extraordinaire. Une de mes expériences
musicales vraiment extraordinaires, c'est Stevie Wonder.
J'ai été engagé pour
interviewer Stevie Wonder lors de son dernier passage
au Festival de jazz.
Passage mémorable.
Oui, parce qu'en plus de ça, Michael Jackson...
Oui, donc il a interprété plusieurs chansons
de Michael Jackson ce soir-là.
La moitié de son spectacle a été interprété.
Mais moi, j'ai passé toute la journée
avec Stevie Wonder
assis à un piano,
vraiment des heures assis à un piano, vraiment des heures assis à un piano,
à lui poser des questions.
Au départ, c'est des questions générales, sociales,
sur sa vie, etc.
Mais ensuite, des questions plus pointues.
C'est genre, je ne sais pas moi,
« You are the sunshine of my life »,
et moi de dire à C Wonder,
c'est fou quand même, parce que c'est
vraiment la progression d'accord de « Pavan pour une infante défaite »
et de Ravel.
Et Steve Wendler va me dire,
« You noticed? »
Il attendait pendant toutes ces années
que quelqu'un le remarque.
Puis je lui dis, « Oui, I noticed. »
La progression d'accord, c'est même la mélodie.
« Da-da-da-da-da-da-da-da-da. »
Puis, « You are the sunshine of my life. »
Puis alors, et là, ça a ouvert.
C'est fou parce que j'avais l'impression
subitement qu'il me voyait, puis j'avais l'impression
de voir dans sa tête aussi.
C'était une journée
extraordinaire.
Tu vois bien que je suis encore le Wiz.
Je suis encore le petit...
J'en doute pas une seconde.
Le petit bonhomme de paille
qui veut avoir un cerveau
ou en ce cas prouver qu'il en a un.
On passe aux actualités
puis on revient dans quelques instants
pour trois autres heures d'entretien
avec Grégory Charles.
Merci beaucoup, Grégory.
Merci à toi.
Juste entre toi et moi