Juste entre toi et moi - Marcel Sabourin
Episode Date: March 14, 2024Avec Marcel Sabourin, tout est fou, mais tout se tient. Le légendaire acteur nous accueille chez lui, le temps d’une véritable leçon d’émerveillement, durant laquelle il est ques...tion de son rejet catégorique de la médisance, des chansons qu’il a écrites pour Robert Charlebois et du mystère inouï de la vie.
Transcript
Discussion (0)
Salut, ici Dominique Tardif.
Ah, bienvenue.
À juste entre toi et moi,
bienvenue à juste entre toi et moi,
c'est Thierry Baladeau qui prend de plus en plus souvent la route,
parce qu'après être allé à Québec il y a quelques semaines pour rencontrer
un certain Robert Lepage,
dit Bob Lepage, c'est à Belleuil
qu'on est allé, le réalisateur Jean-Michel Bertiaume
et moi. On a eu le plaisir d'être accueillis
à Belleuil par Marcel Sabourin.
Il nous a accueillis dans sa magnifique maison
au bord de la rivière Richelieu.
C'est une maison qui habite depuis une soixantaine d'années.
Une maison où ses quatre fils ont grandi,
une maison dans laquelle les murs sont couverts
des œuvres de son épouse Françoise,
dont on a aussi eu la chance de faire la rencontre.
Marcel Sabourin est la vedette d'un documentaire
qui paraît le 15 mars et qui s'intitule
Au bout du rien, pas en tout,
c'est un film réalisé par son fils aîné, Jérôme Sabourin.
On dit documentaire, mais c'est davantage un portrait, un portrait très éclaté à l'image de l'homme.
J'ai parlé brièvement avec Jérôme et il m'a dit cette phrase que j'aime beaucoup.
« Avec mon père, tout est fou, mais tout se tient en même temps. »
Et c'est ce que vous allez constater dans quelques instants.
Le temps que je vous dise que pour en savoir plus sur la création de ce film et sur les coulisses de ma rencontre,
vous pouvez lire mon article dans La Presse Plus, sur lapresse.ca
ou dans votre téléphone sur la presse mobile.
Et si vous avez aimé cet épisode,
vous pouvez nous laisser une bonne note ou un commentaire sur Apple Podcast.
Et voici mon entretien réalisé dans sa salle à manger
autour de deux petits verres de vermouth avec l'éternel
Marcel Sabouré. et moi pour une fois
ça reste entre
toi et moi
quand je crierai, je me mettrai comme ça
est-ce que ça vous arrive ça de crier
Marcel?
attention
provoque-moi.
Oui, j'avais d'ailleurs,
il y a une cabane au fond du jardin
et
j'allais, quand on avait des enfants,
moi je suis fils unique,
puis tout à coup on a un gars,
tout à coup on a deux gars, tout à coup on a trois gars,
tout à coup on a quatre gars.
Vous le dites comme si c'était des accidents,
mais vous étiez consentant.
Bien oui, bien sûr, mais ça ne fait rien.
J'ai jamais connu ça.
J'ai jamais connu ça, puis ça fait bien des gars.
Puis ils étaient élevés très lousses,
très, bon, ils pouvaient dire
ce qu'ils voulaient, puis quand ils le voulaient,
il y avait très peu de règles.
Il n'y avait que quelques règles très objectives,
mais c'est tout. Le reste, c'était la grande débandade
et le grand fun.
Alors, évidemment
que moi, j'avais à écrire des textes
pour Larry Boulding, pour Cy, pour ça, pour Radio-Canada,
de toutes sortes d'affaires.
Ou j'avais à les apprendre.
Alors, il me fallait
un petit peu de tranquillité.
C'est vrai qu'on se fait construire une cabane
dans le fond du jardin.
Et entre autres, j'est vrai qu'on se trouvait avec une cabane dans le fond du jardin. Et entre autres,
j'avais un punching ball.
Et ça, ça a sauvé ma vie.
Parce que j'étais devenu tellement...
Bon, quand les...
Moi, je suis fils unique, alors donc,
quatre gars qui gueulent
tout le temps, puis qui se pichent, puis ils envoyent
ça à la table, puis on les élevait très librement.
Alors moi, à un moment donné,
j'en pouvais plus. Alors je m'en allais
dans la cabane, et puis là, le punch...
Patata, patata, patata, patata.
J'étais devenu dangereux.
Il n'aurait pas fallu...
Il n'aurait pas fallu que quelqu'un m'attaque.
Oui, oui, parce que... Ah non, j'étais dangereux.
Et puis maintenant,
je n'ai plus besoin de ça. Mais la cabane existe toujours.
Le punching ball est complètement déstouflé.
Et c'est ça.
C'est la vie.
C'est ainsi. Ça se passe.
Ça arrive.
Puis tu meurs.
Non, mais c'est dans pas longtemps.
Je veux dire à l'âge que j'ai.
Il ne faut pas exagérer.
J'ai 90 ans bientôt.
Vous avez 88?
89.
89?
Oui, oui, oui.
Puis là, 90, un instant.
Ma grand-mère est morte à 98.
Elle voulait mourir à 100 ans.
Puis là, elle ne savait pas.
Elle ne savait à peine lire.
Elle ne savait pas écrire.
Puis là, elle disait,
bien là, j'ai 100 ans.
Il est temps que je me...
Non, non, ma mère, vous avez pas 100 ans, vous avez
juste 97. Ben voyons donc, ça fait
assez longtemps, puis elle se met en maudit.
Vous me mentez, vous êtes des
menteurs. J'ai
100 ans. Bon, puis je peux
mourir en paix. Ben non, ma mère, vous avez pas
100 ans, con. Elle me montre à 98.
Oui.
Est-ce que ça vous intéresserait, la vie éternelle?
Si c'était possible?
Ben, quelle sorte?
C'est tout. C'est la seule
question. Rester sur Terre
pour toujours? De la façon
dont ça va, n'importe quand
je signe ça, mais
je dirais, j'aimerais dans 3000 ans
pouvoir revenir sur ma
décision. Tu sais?
Mais ça me prendrait un maudit
bout de temps pour me tanner.
Parce qu'on a une vie
agréable. On a
une vie pleine.
Une vie avec... J'ai quatre
gars merveilleux, des petits-enfants.
Même une arrière
petite-fille.
Imagine-toi.
Puis des chums. Le seul, oui, c'est vrai
qu'il y a un gros, gros, gros
problème, c'est que quand tu vis
vieux, tu perds des chums.
Alors ça,
c'est ce qu'il y a de plus grave.
C'est ce qu'il y a de plus terrible.
Parce que moi, je suis fils unique.
Alors les chums, c'est mes frères.
Mes frères et mes sœurs.
Et je n'ai de toute ma vie jamais dit un mot contre un de mes chums ou une de mes chums. Jamais, jamais, jamais. Parce que c'est sacré. Une famille, c'est une famille, ça ne sort pas de la famille. Mes chums, c'est-à-dire tous les gens de Radio-Canada ou à peu près, c'est ma famille.
Des gens de théâtre, des gens de télé,
des gens de cinéma.
Et il y a trop de blabla.
Il y a trop de monde intéressé au potin là-dedans.
Beaucoup de médisance.
Exact. De jalousie surtout.
Parce que la médisance vient de la jalousie souvent.
Et alors, ça, c'est sacré pour moi.
Et mes enfants, les quatre gars,
ne m'ont jamais entendu à cette table où on mangeait tous les soirs ensemble,
ne m'ont jamais entendu dire un seul mot
contre quelqu'un qui n'était pas présent.
Par exemple, si j'étais en train de travailler
avec quelqu'un et qu'il me fait chier,
bien là, je dis, hey, wow, arrête ça.
Non, quand tu fais ça, moi, ça me dérange de vrai, ça te dérange pas, toi?
Puis c'est tout, puis ça se règle comme ça,
tu comprends? On se parle, puis si, si, non,
si t'es obligé de faire ça absolument, bon, OK,
bon, bien, fallait, all right, va essayer,
non, non, je savais pas, je savais pas,
j'avais pas compris ça, OK, all right, on continue.
Mais c'est comme ça que ça se règle, il faut.
Dans le métier, il faut ça.
Il y a votre ami Michel Rivard,
dans votre biographie, qui dit
Marcel n'a pas,
aucune méchanceté en lui.
C'est parce qu'il ne me connaît pas.
À quel genre d'hygiène
psychologique, mentale,
spirituelle, il faut se livrer
pour tenir à distance
la méchanceté?
C'est une bonne question, ça.
Merci.
Non, non, parce que c'est vrai.
C'est la question de ma vie.
C'est pour ça. C'est au centre même de ma vie.
C'est que le matin,
j'ai toujours mon enregistreur.
Ça ne me quitte pas
à côté du lit.
Et quand Françoise est levée,
quand je m'éveille,
parce que normalement, elle se lève avant moi,
je prends l'enregistreur.
C'est à quoi j'ai rêvé.
Mais ce qui m'a fait chier la veille,
la semaine d'avant,
le mois d'avant,
la vie elle-même, tout à coup,
tout le monde s'est fait chier.
Il est bon que ça sorte.
Alors là, je...
Et puis après,
tu écoutes tout ça.
Je recopiais
tout ça mot à mot.
Je relis tout ça mot à mot.
Et je déchire
cérémonieusement tout ça
en ayant marqué s'il y a des idées, des fois,
parce que ça t'arrive, tu sais.
Quand t'as bien de l'agressivité vis-à-vis de
la vie, vis-à-vis de quelqu'un, vis-à-vis du travail,
vis-à-vis de n'importe quoi, ou de toi-même,
n'est-ce pas? Souvent, plus souvent qu'autrement.
Eh bien, une fois que c'est sorti,
bien, ça laisse
paraître d'autres idées
qui sont peut-être viables, même pour
un scénario de film ou pour
un général aussi.
Autrement dit,
quand la cour est pleine,
il faut la vider.
Et l'humain est ainsi fait
que plus
il est sensible, c'est-à-dire,
et là, tous les artistes,
compris,
plus la cour se remplit
facilement, vitement.
Et de plein d'affaires
qui viennent de l'enfance,
qui viennent de chum,
qui viennent de quoi? De toute la famille
et de soi-même, surtout.
Parce qu'on essaye de mieux se connaître
en faisant de l'art. Chris, c'est important
que tu te connaisses. Alors,
la cour
déborde. Et là,
tu cries, tu enregistres,
tu le dis,
tu fais des ravettes,
tu as une punching ball, tu fesses dessus.
Il faut, autrement dit,
que ça s'exprime, un être
humain. Parce que la vie,
comment dire,
n'est pas toujours adaptée
à l'infinie variété
d'humains qu'il y a.
On n'est pas comme les animaux
tout à fait. Chez les animaux,
il y a une grande variété.
Mais dans telle race de chiens,
bien,
t'as pas une variété aussi grande
que dans la race humaine.
Tu sais, c'est
quasi infini. Alors, il y en a
qui n'ont pas besoin du tout de s'exprimer
verbalement, puis il y en a d'autres
qui sont obligés de faire des orateurs
ou de dire
à leur micro des affaires épouvantables
ou alors de faire la boxe.
Et chez les animaux,
oui, oui, oui, des fois, on dit
oui, oui, il est malin, lui, tu sais, pour un chat
ou un chien. Ah, attention, non,
approche-toi pas, là. Il est malin, lui.
Bien, la même chose, sans doute. C'est notre
côté animal, ça, en fait. Ah, oui.
Il y a ça pour les animaux, que j'utilise juste des âneries.
Moi, là, tu
m'enregistres, là, tu vas être
obligé de couper 93,
94 % de ce que j'enregistre.
Parce que c'est... ça n'intéresse personne. Même moi, quand je l'ai dit, je me-94% de ce que j'enregistre. Parce que ça n'intéresse
personne. Même moi, quand je
l'ai dit, je me disais, pourquoi il dit ça?
Est-ce que tu peux me dire pourquoi il dit ça?
En tout cas...
C'est la plus courte entrevue de l'histoire des anciens.
Ça, ça serait le fun en maudit.
Deux minutes. Ah non! Non!
Plus court. 32 secondes.
32 secondes. Là, c'est difficile
parce qu'à moins de 32 secondes,
c'est quasiment pas une interview, là.
Tu sais, tu peux pas...
C'est à peine une salutation.
Allez, on va essayer.
Prends ta montre, là.
Mets 32 secondes.
Attends, il y a quelqu'un qui nous time, là.
32 secondes.
Non, mais je l'ai ici.
32 secondes.
Chronomètre.
OK.
OK.
OK, puis là, tu poses une question.
On est où ici, Marcel?
On est où ici?
On est dans la maison où j'ai vécu si longtemps et j'ai élevé
toute la famille. Mais en fait, j'ai élevé,
c'est pas vrai, c'est ma femme qui les a élevés.
Les quatre gars. Moi, j'aurais été bien mal pris
s'il n'y avait pas eu ma femme. Ça aurait été épouvantable.
Ça aurait été une catastrophe terrible.
Il aurait fait quatre catastrophes.
Il vous reste 12 secondes.
Encore?
Oui. Il aurait fallu que je prépare une autre.
C'était ma seule question. Il doit rester 12 secondes. Encore? Oui. Ah, tabou. Il aurait fallu que je prépare une autre. Mais c'était ma seule question.
C'est la seule question que j'avais prépare.
Mais là, il doit rester 7 secondes.
Mais c'est un luxe inouï.
Il y a 4 secondes.
32 secondes.
C'est terminé.
Merci beaucoup.
Il rendit l'âme.
Ce serait tout un scoop, ça, quand même.
Mais j'aurais dû le faire à 2 secondes.
Il rend l'âme.
Parce que c'est ça.
Quand il ne te reste plus rien à dire, il ne te reste plus rien à faire.
Tu as fait ce que tu as
aimé faire, tu as eu cette chance-là
inouïe. Tu as dit ce que
tu as aimé dire, tu as eu cette chance-là
inouïe. Tu as eu
une compagne,
vous l'avez vue tout à l'heure, vous l'avez rencontrée.
Extraordinaire.
Quatre gars des merveilles.
Je ne sais pas comment ça se fait
que c'est sorti de moi, Naya, cette affaire-là.
Elle doit connaître quelqu'un d'autre, ma femme,
puis elle ne me l'a jamais dit.
Mais tu râles ton dernier râlement.
Comme disait Séraphin dans les belles histoires
des pays d'en haut.
Il va râler son dernier rôlement. C'est un
merveilleux... La grande poésie.
Ah, c'est Claude André Grignon, ça.
Quand un de vos chums s'en va,
quand un de vos chums part... Tu brailles.
Qu'est-ce que vous faites avec la tristesse
que ça vous fait vivre? Je braille.
J'enregistre.
J'enregistre. J'envoie chier la vie.
J'envoie chier tout ce qui fait mourir le monde.
Surtout les chums. Puis à mon âge, j'étais peint des chums. Parce que quand j'en voyais chier la vie, j'en voyais chier tout ce qui fait mourir le monde, surtout les chums.
Puis à mon âge, j'étais bien des chums,
parce que quand j'ai commencé dans le métier,
j'étais comme le plus jeune de tout.
J'étais toujours le plus jeune partout où j'allais.
Alors, il me mène un truc, ça fait bien du monde, ça.
Et mes professeurs, ça a été des chums après, tu sais.
Jean Gascon, Jean Dalmain, tout ça. Et par la suite, vos élèves sont devenus des chums. Et par la suite, mes élèves ça a été des chums après, tu sais. Jean Gascon, Jean Dalman, tout ça.
Et par la suite, vos élèves sont devenus des chums.
Et par la suite, mes élèves sont devenus des chums.
Bien oui.
Puis là, bientôt, c'est les fils, les filles de mes élèves
qui deviennent des chums.
Alors, il faut que ça s'arrête un moment donné.
Mais c'est ça.
C'est une vie rêvée qu'on a.
Mais peut-être vous autres aussi. C'est ça la fin. C'est ça vie rêvée qu'on a. Mais peut-être vous autres aussi.
C'est ça la fin.
C'est ça qu'on travaille.
Oui, tu sais, on voit tout ce qui nous arrive
puis qui est déplaisant,
mais ça, c'est toujours arrivé dans l'histoire.
Il n'y a personne, personne, personne, personne
qui a vécu puis qui n'a pas des choses
terriblement déplaisantes qui lui arrivent.
Mais je trouve qu'on est tellement chanceux
dans la société dans laquelle on est
où tu sais, suffisamment
policé
pour que quelqu'un puisse pas venir te
coller un coup de poing sur la gueule sans que tu puisses
le poursuivre. Tu comprends?
C'est la rue, tu sais. C'est déjà beaucoup, ça.
Mais en même temps, pas trop
policé. Et j'ai connu des gens
qui venaient de pays trop policés.
Par exemple, j'ai connu des gens qui venaient de pays trop policés. Par exemple, j'ai connu des gens qui venaient
de l'ère soviétique.
J'ai eu de grands, grands chums à Moscou
quand j'y suis allé. Staline venait juste
de mourir. Et j'avais
19 ans. Et
j'ai eu des chums qui ont
terriblement
souffert du polissage
à trop grande échelle.
Tu comprends? Où tu ne peux rien dire.
Tu ne peux pas renverser le gouvernement.
Il n'y a pas de droit de vote.
Point final. Alors,
non, non, ça, c'est terrible, ça.
En visionnant le documentaire
que votre fils vous a consacré,
j'ai compris quelque chose qui est une évidence.
C'est la suivante. Votre premier
voyage à Paris, en France, c'était
dans les années 50. Vous l'avez fait
non pas en avion, mais en bateau.
Oui, sur l'Amérique,
avec Joséphine Bacquer.
Avec Joséphine Bacquer?
Wow!
Elle n'était pas dans ma cabine.
J'avais compris.
Sur le navire,
je suis à côté comme ça,
et puis, qui sait, on savait,
Joséphine Bacquer était toujours avec,
évidemment, avec le capitaine, à la table du capitaine,
et puis, d'un coup,
Joséphine Bacquer est accoudée à côté de moi,
on arrive en rade du Havre,
et là, elle se met,
elle dit, où allez-vous?
Elle m'adresse la parole,
je dis, je vais à Paris, je vais écouter.
Et je me souviens, à Paris, vous allez voir.
Et elle a fait ce geste-là, un geste de la main en la levant comme ça,
comme appelant le ciel, qu'elle disait donc vrai, vous allez voir.
Et tout de suite est arrivé un prêtre, on a juste échangé quelques mots, qu'elle disait donc vrai. Vous allez voir. Et j'ai vu...
Et tout de suite est arrivé un prêtre,
on a juste échangé quelques mots,
est arrivé un prêtre qui a dit,
Mme Baker, est-ce que vous venez communier aujourd'hui?
Elle a dit, bien sûr, M. l'abbé, j'arrive tout de suite.
Oh!
Moi, je m'étais masturbé presque quatre fois,
je pense, depuis le départ du bateau.
Ça, c'est des péchés mortels, ça, de mon temps.
Vous autres, vous êtes... Il n'y a plus rien. Ça, c'est des péchés mortels. Ça, de mon temps, vous autres,
c'est plus rien, pas en doute, c'est rien.
Mais, alors,
là, je suis vite allé
me confesser, et puis
j'ai communié à côté,
je me suis placé, j'ai essayé de me...
à côté de Joséphine Bacquer
et nous offrâmes,
nous offrîmes, nous offrâmes notre langue
ensemble aux prêtres
qui y déposent à l'hostie.
Oui, parce que c'était l'époque où on ouvrait la bouche
et on tendait la langue
pour recevoir l'Eucharistie.
Maintenant, on ne fait plus ça?
Je pense qu'on tend la main maintenant, mais ça fait longtemps que je ne suis pas allé à l'église.
Ah oui? Ça ne va même pas bien.
C'est plus hygiénique de se faire déposer l'hostie
dans la main que directement
sur la langue.
Ah bon? Ah bon?
Hé! Je te dis que je suis en retard.
Mais vous aussi, ça fait longtemps que vous n'êtes pas allé à l'église.
C'est ça, oui. En retard dans mon catholicisme.
Si je mourrais en vous parlant,
je m'en vais en enfer direct, moi.
Je suis bien mal parti.
Hé mon...
Mais pendant tout votre voyage
sur l'océan
qu'est-ce que vous avez fait à part de
communier avec Josephine Maclare
qu'est-ce qu'on faisait pendant ce temps-là pour tuer le temps
ah j'ai marché beaucoup
sur le pont avec un bonhomme
qui était philosophe
et qui s'appelait
un homme et riu
et qui était
le père d'une de mes belles filles,
la Geneviève Rioux.
Qui est la conjointe de votre fils Gabriel.
Oui, Gabriel.
Alors, sans le savoir, j'ai connu son père
alors que j'avais 19 ans.
Et lui était un petit peu plus vieux,
pas mal, même de 10 ans à peu près.
Et il était philosophe et ça me passionnait.
Puis alors, on marchait de long en large sur l'Amérique
on a dû faire à peu près
15 kilomètres
à marcher comme ça, au moins
pendant la traversée
et en jasant parce que j'étais très très catholique
mais je m'intéressais à la philosophie
et tout ça
et c'est ça
qu'est-ce qui s'est passé pour que vous rompiez
avec le catholicisme, avec votre foi?
Est-ce qu'il y a eu un événement en particulier?
Non.
C'est 132 événements, tu sais,
qui, petit à petit, te font douter,
petit à petit, c'est ça, te font rejeter ça,
tout en étant très heureux d'avoir vécu là-dedans jusqu'à un certain moment.
Non, pas très heureux, mais appréciant
beaucoup d'aspects de ça.
Aimez-vous les uns les autres, après, connais-toi toi-même,
c'est la plus belle parole qui a été dite sur la Terre,
tu comprends?
Alors donc, cette parole-là, formidable,
et le Bouddha a dit des affaires, je ne sais pas dans quoi,
mais qui voulait dire un petit peu par sa vie,
un petit peu la même chose.
C'est ce qui est le plus beau au monde.
C'est ce qui est le plus beau au monde.
Il n'y a rien, rien qui va au-delà de ça.
La notion d'enfer et de ciel est une notion épouvantable,
horrible, et surtout pour un adolescent.
Et surtout si tu dis que de se masturber,
c'est un péché mortel.
Parce que ça modelait votre imaginaire, votre psyché.
Ça n'a pas de bon sens.
Le risque de se retrouver, d'aboutir en enfer.
Ben voyons, tu t'endors après t'être masturbé
quand t'as 15 ans, quand t'as 14 ans.
Tu comprends?
Puis là, t'as fait un péché mortel.
Si tu meurs dans ton sommeil, attention,
c'est l'éternité en enfer.
Puis l'éternité, vous savez ce que c'est?
L'éternité, vous figurez la plus haute montagne,
le pic le plus immense que vous puissiez imaginer.
Une fois tous les mille ans,
tu as un petit oiseau,
un oiseau mouche, plus petit qu'un oiseau mouche quasiment,
qui vient, une fois tous les mille ans,
bécoter le haut de la plus
haute montagne.
Quand la montagne aura
été réduite par ces
bécotages une fois tous les mille ans
au niveau du sol,
l'éternité n'aura pas
encore commencé.
On te dit ça à l'âge de
9 ans, 10 ans,
11 ans, 12 ans, quand tu commences
à te masturber, quand tu commences
à trouver les filles, le fun.
13 ans, 14 ans.
Pour rendre
quelqu'un
fou,
je pense qu'il n'y a pas de meilleure méthode.
Quel genre de choc vous avez vécu
lorsque le jeune Canadien français que vous étiez
est arrivé à Costé, en France?
Oh, c'est drôle parce que j'étais au bassin de gage
puis je vois des ouvriers qui travaillaient
avec l'amorage et puis les cordages et puis tout ça.
Puis je les entends parler.
« Ah, vous parlez français! »
« Eh oui, on parle français!
Qu'est-ce que tu veux qu'on parle? »
Mais comme m'envoyant chier,
comme Paris.
Oui, comme Paris, c'est si bien le faire.
Je goûtais à Paris,
mais j'étais au Havre.
« Ah oui, qu'est-ce que tu. Je goûtais à Paris, mais j'étais au Havre.
Ah oui, parce que tu veux qu'on parle,
on parle français.
Oui.
Mais oui, c'est... À 19 ans, quand t'es nono,
comme je l'étais, c'est quelque chose.
Un an plus tard, j'étais en Union soviétique.
Stenine venait de mourir.
Mais ça a été une prise de conscience linguistique,
vos séjours en France.
Oui, oui, oui, tout à fait.
Bien oui, tout à fait.
Je me suis bien rendu compte que je ne parlais pas
le beau parler français.
Et que pour parler le beau parler français
et être honnête comme acteur,
dans une vue ou même sur scène,
il me faudrait contrecarrer 236 circuits à l'intérieur de moi et de mon cerveau.
Et alors, si tu contraries 236 circuits, la parole ne s'épanouit pas. Elle est heureuse d'aller là où elle va telle qu'elle est.
Alors, d'un coup, à un moment donné, ça a cassé.
J'ai dit, ben non, ben non.
Ben voyons là, on calisse.
Où est le langage, même dans les romans savants?
Où est le langage qu'on employait dans mon bout? Mon bout
n'était pas le bout le plus tough, là. Pas en tout
de Montréal, loin de là.
– Vous étiez dans Rosemont? – Non, j'étais dans Montréal.
Ah, peut-être sur Rosemont.
Je n'ai pas ça vu. Saint-Denis, près de Crémazie.
– Villeray. – Villeray, c'est ça, dans Villeray.
La rue Villeray n'était pas loin.
Mais, puis on n'était pas
tough. À côté des gars de la Rubéry,
les gars de la Rubéry, c'était bien plus tough que ça. Puis les gars de chez Spider. puis on n'était pas tough. À côté des gars de la rubérie, les gars de la rubérie, c'était bien plus tough que ça.
Puis les gars de chez Spider,
Spider, c'était
un petit
débit de boisson, tu comprends,
puis avec des petites tables, etc.,
avec des toiles d'araignée un peu partout,
tu sais. Puis ils jouaient au pool.
Alors, là, les gars de chez Spider,
ça, c'était, Chris,
t'es pas loin de la pègre, ça.
Puis ça, c'était juste mon petit bout tout doré.
Mais quand elle est...
Alors là, quand je me suis mis à aller au Collège Sainte-Marie,
qui était Bleurie-Sainte-Catherine,
tu comprends, j'avais 12 ans,
un instant, là, tu descendais dans...
Tu descendais la rue Bleurery, puis tu allais vers
Craig. Oh!
Les putains étaient dans les fenêtres.
Oh, mon amour!
Viens, tiens, tiens, tiens!
Oui, voilà, je peux pas, je suis catholique.
Tu continuais.
Mais là, c'était la pègre
noire. Le Collège Sainte-Marie,
c'est très bizarre parce que c'était construit
juste comme
aux limites du monde
non pégreux
et du monde pégreux. Alors,
c'était la frontière.
Est-ce que vous pensez, est-ce que vous trouvez
qu'on l'a réglé aujourd'hui, qu'on l'a guéri,
notre schizophrénie linguistique
en tant que Québécois,
Canadien français? Oui, oui, oui.
Oui, oui. C'est-à-dire qu'il reste
toujours des petits problèmes ici et là.
Mais il reste...
La langue qu'on parle,
quand on n'est pas une métropole
de cette langue-là,
c'est Paris.
La langue qu'on parle
partout, dans toutes les colonies françaises,
dans tous les endroits où on parle
le français, à part Paris,
il y a un petit problème
avec le français.
Les Français, les Parisiens,
ils n'ont aucun problème.
C'est les seuls, Carice.
Parce que déjà, tu vas juste en campagne,
puis là, ben oui,
si tu vas en Bretagne, qu'est-ce que tu veux,
ils ne parlent pas comme à Paris.
Et le langage,
quand on dit la langue de Molière, c'est la en Bretagne, qu'est-ce que tu veux, ils parlent pas comme à Paris. Et le langage, quand on dit la langue de Molière,
c'est la langue parisienne.
La racine, c'est la langue, si tu veux,
c'est le bon français, le bon parler français.
Comme on nous apprenait, nous autres,
il y avait tout un livre, il y avait des livres,
il y avait l'organisme du bon parler français.
Et le bon parler français,
ça, c'était une affaire avec...
C'était étouffant.
C'était comme si t'avais une règle,
tu faisais une faute,
tu recevais un coup sur le doigt.
On dit pas ça, on dit ça.
Ah bon, on va dire ça.
Parce que j'ai l'habitude de dire ça.
Ah, agaille!
Ah ouais. C'est ce que tu veux. parce que j'ai l'habitude de dire « Ah, agaille! » Ah oui,
c'est ce que tu veux.
Le rapport avec la langue,
ça mériterait au moins
13 ou 14 cents volumes.
Tu comprends?
Pour élucider
vraiment ce rapport-là.
Parce que c'est un rapport très différent
quand tu veux devenir comédien
que lorsque tu es médecin. Et un comédien que lorsque tu es médecin.
Et un rapport très différent que lorsque
tu es médecin que lorsque tu es
un ouvrier. Et un rapport très
différent lorsque tu es un ouvrier
que si tu es un cultivateur.
Et ça, ça existe un petit peu dans toutes
les sociétés. Mais nous, en plus,
c'est un rapport
très différent selon
que tu es allé ou non à Paris. Et c'est là où très différent selon que tu es allé ou non
à Paris
et c'est là où ça change
parce que les problèmes
de langage entre
les groupes
de la société
ça existe dans tous les pays du monde
mais tout à coup
que personne, personne, personne
sache vraiment
vraiment là quelle langue parler tout à coup, que personne, personne, personne, sache vraiment.
Vraiment, là,
quelle langue parler pour ne pas
faire de fautes, soit de français,
ou soit
de ne pas passer
pour un pétude-brou,
pour quelqu'un qui se prend pour un autre.
Ça laisse une toute petite lisière
dans laquelle...
C'est très difficile à être toute petite lisière dans laquelle... Oui, tu sais, c'est très difficile
à être dans cette lisière-là.
Combien de pétos de brou j'ai entendus dans ma vie,
tu comprends? Et combien de gens
qui ne savaient pas parler français non plus.
Et combien... etc., etc., etc.
Quelle influence a eu sur vous,
l'acteur studio, votre découverte
de la méthode de Lee Strasberg?
Ah, bien ça, c'est Bill Greaves.
C'est la cour de Bill.
Bill Greaves qui donnait ici, à Montréal,
des cours en anglais.
Très method acting.
Alors, quand j'ai appris ça,
vite, parce que j'avais lu des livres
sur Stanislavski et tout ça.
Et je suis allé, moi, à Moscou.
Puis je suis probablement
le seul Canadien français à avoir rencontré le fils de Stanislavski
et à être allé chez lui.
À être dans un deuxième étage.
Parce que quand j'étais à Moscou,
j'ai dit, moi, je voudrais rencontrer les gens
qui sont des descendants de Stanislavski.
Est-ce que c'est pour ça que vous étiez allé à Moscou?
Non, non, non. J'étais invité.
Je suis allé à Moscou.
Ça, c'est quand je suis allé, en fait,
c'est quand je suis allé à...
Voyons, l'autre ville.
Saint-Pétersbourg.
Saint-Pétersbourg.
Mais quand je suis allé à Moscou...
Non, je n'ai pas demandé.
Non.
Je me suis informé.
Mais non, là, on était en pleine guerre froide.
Non.
Là, c'est autre chose qui s'est passé
avec Natalia Tsernova,
qui est devenue la grande spécialiste du ballet russe c'est autre chose qui s'est passé avec Natalia Tsernova, qui était une grande...
qui est devenue la grande spécialiste du ballet russe
et qui m'a fait rencontrer
Ula Nova. Ula Nova, c'était
sa marraine.
Et Ula Nova, vous ne savez pas qui c'est,
mais c'était la plus grande ballerine de tous les temps
à cette époque-là.
Je ne savais pas qui c'était.
Ben non, c'est ça.
Et alors, Natacha
a dit, est-ce que tu aimes le ballet? »
Et j'ai dit « Ben oui, certain.
Jamais je n'avais suivi des cours de ballet
ici d'un Jacques Lorrain
parce que comme comédien,
je voulais apprendre à danser,
à me mouvoir, à faire tout. »
Elle dit « Est-ce que tu connais Houlin-Novar? »
J'ai dit « Oui, quelle merveilleuse danseuse, paraît-il.
Je ne vais pas au ballet
comme ça régulièrement. » Elle ditseuse, paraît-il. » Elle m'a vu, tu sais, puis je ne vais pas au ballet comme ça régulièrement, mais...
Elle dit, « C'est ma marraine. »
« Quoi? » Elle dit, « Oui, c'est elle qui m'a élevé. »
« Hein? » Elle dit,
« Veux-tu aller voir ce sont ses adieux
après-demain? »
« Bien, oui, certain. »
Alors, bon, bien, elle dit, « Très bien. »
Elle dit, « J'étais juste à te présenter, etc. »
Puis là, j'étais là.
Il y avait tellement de monde
qui voulait entrer dans le théâtre
que les policiers étaient à cheval.
Je n'ai jamais vu ça nulle part,
avec des grands bâtons.
Puis battait le monde qui voulait
prendre, tu sais, la place dans l'avant,
tu sais, le gros gars.
Il glisse, puis il se met devant toi.
Il reçoit un coup de bâton.
Adieu, tabarnak! »
En russe. « Somebody, toi! »
Puis là, le policier lui dit
« Back to your place, Chris! »
En russe. « OK, t'es mon chien, mais Chris, toi! »
Alors...
Et alors, je suis allé voir
où l'énova est,
avec Natacha.
Elle dit « Viens-tu en coulisses?
J'ai dit, écoute,
c'est les adieux de la plus grande déesse de la danse
qui est au monde.
Alors, elle dit, oui, viens.
Puis là, on est en...
C'est pacté noir, noir, noir
de monde jusqu'à...
Au bout du corridor,
il y a la petite...
la loge d'Oulanova.
Et puis là, il y a quelqu'un qui reconnaît Natacha.
Il fait...
Et là, c'est raide.
Puis là, on enlève le monde.
Non, non, laissez passer Natacha.
Et puis, alors, Natacha
me fait pénétrer.
Là, là, là.
Ah, mon petit Natacha, mon nom, mon nom, mon nom.
Et puis, il y a Martiel Zaboline.
Ah, Martiel Zaboline,
Canada, Canada.
Ah oui, je ne me souviens plus
si on dit Canada ou Canada.
En tout cas, ah oui, Canada, Fransouski, Fransouski,
da, da, oh là là, vous l'étiez extraordinaire.
Oui, da, da, da.
C'était ses adieux, tu comprends?
C'est la dernière fois qu'elle dansait.
Comment vous faites pour vous souvenir de tout ça
avec autant de détails alors que ça s'est déroulé
il y a plusieurs dizaines d'années?
Ça m'a marqué.
C'est aussi simple que ça? Moi, je me souviens pas
de ce que j'ai fait hier.
Ben non, mais c'est parce que t'as pas marqué ce que t'as fait hier.
Mais si t'avais rencontré la femme de ta vie hier,
tu t'en souviendrais un tabarnak.
J'étais avec la femme de ma vie hier, mais on s'est pas rencontrés hier.
Bon, mais tu sais où tu l'as rencontrée, par exemple.
Ben oui, ben c'est ça. Ben, that's it.
Tu comprends? Et en voyage,
t'es comme allumé.
Il y a tellement d'affaires qui te
provoquent, qui provoquent ton
attention, qui provoquent... Voyons, non, ça se fait
pas comme ça chez nous, etc.
Alors, c'est ça.
On parlait de
Stanislavski, du méthode acting.
Vous êtes allé à New York
pour étudier
le méthode acting. À l'Actor Studio. À l'Actor Studio. Oui, oui, oui. Vous avez croisé Magdal York pour étudier la méthode acting.
À l'Actor Studio.
Vous avez croisé Magdalene Monroe là-bas.
Je l'ai croisée sur la rue sans la reconnaître.
Parce qu'elle était courte
et elle avait un bandeau sur les choses
puis elle avait des talons hauts.
Puis elle marchait.
Puis elles m'ont juste croisé comme ça.
J'ai dit, c'est une tour.
C'est drôle.
Elle ressemble plus ou moins à Marilyn Monroe, tu sais.
Mais loin de là.
Je n'imaginais pas que Marilyn Monroe m'arrivait là.
Et alors, je suis entré à l'acteur studio.
Je me suis assis, puis tout ça.
Et puis, il y a quelqu'un qui mettait son genou sur l'homoplate d'Oa.
On écoutait, on écoutait.
Puis là, je m'en vais à la toilette.
Puis là, il y a quelqu'un qui se lave les mains en même temps que moi.
Il dit, « You know who's behind you? »
Hein?
« Do you know who's behind you? »
« No. »
« Marilyn Monroe et Meliah Kazan. » Je dis, you? » « No. » « Marilyn Monroe et N'Elia Kazan. »
« Tu vas donc chier. »
« Come on. »
« Come on, Asti. »
« Je retourne à ma place, Asti. »
« Marilyn Monroe et N'Elia Kazan. »
« Bon, bien, recommence, call this. »
« Alors là...
C'était le genou de Magdalene Monroe.
Puis à côté, là, il y a Kazan.
Elle s'est pas revenue.
Elle va mourir en vous parlant.
Restez avec nous, Marcel, s'il vous plaît.
Crise cardiaque.
Mais donc, qu'est-ce que vous avez trouvé
à l'Actor Studio qui vous a permis
d'approcher d'une nouvelle manière vos personnages?
Comment on fait pour être vrai?
C'est ça.
Comment on fait pour être vrai en étant le faux?
En étant du faux.
Parce que la scène, c'est faux.
Parce qu'un personnage, c'est faux.
Parce que tout est faux.
Comment tu fais pour avoir l'air vrai?
C'est tout. C'est ça.
Alors, ça s'appelle emotional memory.
Alors, c'est la mémoire émotionnelle
que tu essaies en jouant,
tu essaies de te trouver à toi
des affaires qui t'ont touché
dans le même sens du personnage
et de rapprocher ça un peu
de ce qui est raconté dans la pièce,
le plus que tu peux,
mais tu ne peux pas complètement. Tu n'es pas le personnage. Tu ne seras jamais le personnage. Mais tu peux rapprocher ça un peu de ce qui est raconté dans la pièce, le plus que tu peux, mais tu ne peux pas complètement, tu n'es pas le personnage, tu ne seras jamais le personnage.
Mais tu peux rapprocher ça peu à peu et en faisant en sorte que quand tu dis telle phrase, tu penses à une corneille, mettons.
Quand tu dis telle autre phrase, tu penses à la table de cuisine chez vous.
Quand tu dis, et tout à coup, à maman et à papa.
Quand tu dis « telle autre », etc.
Et si bien qu'en répétition,
tu fais un lien direct entre la phrase que tu dis
et puis ce qui se passe dans ta tête.
Et les deux s'entremêlent.
Ça s'appelle l'emotional memory.
Ça s'entremêle. Et Ça s'appelle l'emotional memory. Ça s'entremêle.
Et ça fait que quand tu dis telle phrase,
c'est une phrase où normalement le personnage pleure.
Mais toi, tu n'es pas le personnage.
Tu es Marcel Sabouin.
Mais tu as tellement associé cette phrase-là
avec quelque chose qui te fait brailler
que tu dis cette phrase-là, tu dis,
« Voyons me chercher les allumettes dans le... » Non, non, c'est bon. avec quelque chose qui te fait brailler, que tu dis, tu dis,
va donc chercher les allumettes dans le... Non, non, ils sont...
Non, ils sont en arrière.
Ils sont en arrière
de la fournaise.
C'est là où papa
les mettait juste avant de mourir.
Puis tu te dis intérieurement,
tu le dis, c'est pas dans les...
et alors c'est tout
c'est toute une démonstration que vous m'avez fait
n'importe quel acteur va te faire ça
c'est la base même
de l'acteur, surtout de l'acteur
de cinéma
parce qu'au théâtre tu peux tricher tout ça
t'as pas besoin, mais là c'est presque
l'armes aux yeux
c'était juste ça fait longtemps qu'il n''arme aux yeux. J'aurais pu broyer. Vous y étiez presque, là, oui. Je comprends, ben oui, parce que c'était juste,
ça fait longtemps qu'il n'a pas fait ça.
Alors, c'est le fun.
Parce que c'est ça, c'est comme si...
Le muscle est encore vif.
Si vous pensez, ben oui, mais vous pouvez faire la même chose.
Et juste de penser à une affaire
qui vous a bien gros touché, qui vous a bouleversé,
pensez-y, puis décrivez-le.
Et même,
écrivez puis etc
d'un coup
bon mais arrêtez d'écrire ça
ça me rappelle trop
c'est ça, c'est la même chose
c'est un processus très vécu par tout le monde
l'acteur il s'en sert
afin d'épouser
l'émotion de son personnage
à ce moment-là, surtout dans le théâtre réaliste
t'as pas besoin de faire ça dans Shakespeare, nécessairement.
Tu sais, ce n'est pas réaliste.
Ce ne sont pas des
activités de tous les jours.
Mais quand tu es dans Chekhov,
c'est utile.
Comment le souvenir de vos parents se transforme
avec les années?
Parce que, d'une certaine manière,
vous êtes plus près d'eux parce que
vous avez l'âge
qu'ils avaient lorsqu'ils sont partis.
Mais, en termes
temporels, vous ne pourriez pas
être plus loin d'eux.
Je me posais cette question-là. C'était intéressant.
La première fois.
C'est pas pantoute.
Est-ce que votre souvenir est encore vif?
Ah oui, oui, oui.
Au filigrane près.
Mais c'est ça.
C'est-à-dire que je me souviens pas...
Je me souviens rarement d'eux autres.
Évidemment, s'il y a quelque chose qui se passe
puis qui ressemble à quelque chose
que m'a dit ma mère ou mon père,
ou qu'ils ont fait, ça va me les rappeler,
comme pour mes chums, de toute manière.
Mais c'est sûr et certain
que ce qu'ils m'ont légué,
c'est d'être attentif aux autres.
Et heureusement, parce qu'un acteur, c'est attentif
à lui-même, et c'est plein
de lui-même. Heureusement
que mon père était
pharmacien. Mon oncle
était pharmacien. Mon autre oncle
était médecin. Alors ça,
ça m'a éveillé
un petit peu à la souffrance
des gens. Donc, même
si t'es acteur,
puis si t'es très égocentrique, comme je le suis,
je suis touché
facilement. Et c'est pour ça
que j'ai été un assez bon professeur.
Parce que les difficultés
qu'avait l'élève ou tout ça,
et des fois tu reçois des confidences,
tu comprends, sa mère
vient de se séparerer ou des enfants de même.
Alors, tu joues le rôle d'un psychologue quasiment
ou d'un psychiatre.
Puis tu n'en as pas...
Tu n'en as pas en tout la...
Tu n'as pas eu les études qu'il faut.
Mais ça t'aide, moi, à comprendre.
Moi, mon père était malade.
J'avais 7 ans.
Il devait mourir, j'avais 7 ans.
Il est mort longtemps plus tard,
parce qu'ils ont découvert l'année même où il est tombé malade.
Il avait une PTSD, la première PTSD.
Parce qu'il avait fait la guerre de 14-18.
Oui, et il avait une maladie nerveuse, la myasthénia gravis,
et qui a été enregistrée comme une PTSD,
mais c'est la première fois.
Choc post-traumatique.
Oui, on a eu une...
Parce qu'il avait refusé, lui, toute pension.
Il avait dit, écoutez, j'ai deux professions,
je suis optométriste, opticien puis pharmacien.
Puis je suis en pleine forme.
J'ai pas besoin de cet argent-là.
Exactement. Donnez ça à des gens qui en ont besoin, Chris.
Et puis il a refusé la pension,
mais après, ça a pris je pense quatre ans à mon
cousin qui était avocat pour plaider.
Et
c'est le premier cas de PTSD
qui a été plaidé au Québec
et peut-être au Canada.
Et alors, on a donné
la pension militaire à mon père.
Et j'avais, à ce moment-là, j'avais, je sais pas,
une dizaine d'années, je pense.
Et puis, on mourait de faim,
ou pratiquement, parce que mon père était de plus en plus malade.
Mais la pension, c'est venu.
Est-ce qu'il en parlait,
de ce qu'il avait vécu au front?
Oui, c'est un compteur.
Mais il y a eu bien des fois
qu'il fondait en sanglots.
Il était ambulancier.
Imagine-toi.
Il s'était engagé comme ambulancier volontaire.
Il a regretté toute sa vie.
Bien oui, parce que...
Quel genre de père vous avez été, vous?
Quel genre de père vous êtes?
Pas beaucoup de talent là-dedans.
Fils unique.
Les fils uniques, ça n'a pas de talent comme père.
Heureusement qu'il y avait...
C'est une mauvaise nouvelle pour moi,
parce que je suis fils unique aussi.
C'est ça.
Je suis condamné à être un mauvais père.
Fais pas la bêtise que j'ai faite d'avoir quatre gars.
J'ai deux filles.
C'est ça.
Ah bien, laisse déjà.
Ah bien, parce que les filles, elles, alors,
elles vont faire de toute manière.
Mais non, heureusement qu'il y a eu Françoise,
parce que ça aurait fait une catastrophe terrible.
Bien, je suis pas assez niaiseux
pour aller plus loin qu'un enfant ou deux enfants,
puis même pas d'enfants pantoute,
si je n'avais pas eu une femme que je sentais
qu'elle avait le sens de ça, puis des talents là-dedans.
C'était absolument remarquable.
Remarquable.
Alors, si tu veux, tu te laisses aller dans ce temps-là.
Je sais qu'on vous a souvent posé cette question-là,
mais je vous la pose quand même parce que ça me fascine
puis c'est inspirant aussi
d'une certaine manière. Comment vous expliquez
comment est-ce que vous êtes parvenu à
faire durer votre couple
avec Françoise aussi longtemps?
Ça fait combien d'années maintenant?
Je sais pas. Vous comptez pas?
Ben non, Jérôme à quel âge?
Je sais pas. C'est notre premier enfant.
Puis il n'est pas très longtemps après notre mariage alors un an plus tard
une soixantaine d'années
ouais c'est ça
c'est trop complexe
il n'y a pas de
oui il y a là
il y a non, il y a des règles
la première règle c'est l'amour.
Si tu t'aimes pas, c'est embêtant.
La deuxième règle,
c'est l'amitié.
Si tu n'apprécies pas l'autre
en tant qu'ami,
parce que tu peux aimer quelqu'un,
mais tu dis,
elle est pas faite pour toi, cette femme-là.
Non.
C'est là que l'autre,
c'est un lien facile
avec l'autre.
S'il n'y a pas
ces qualités-là,
ne fais pas d'enfant. C'est tout.
Tu peux bien aimer qui tu veux, quand tu veux,
etc. Parfois, toutes les aventures que tu veux,
ça n'a pas d'importance.
Mais c'est quand il y a un petit.
S'il y a un petit,
que tu le veuilles ou non,
c'est ta responsabilité.
Alors,
manage avec ça.
Puis l'autre coup, il y a deux petits,
puis l'autre coup, il y a trois petits,
puis l'autre coup, il y a quatre petits.
Mais c'est parce qu'on voyait que ça allait bien
et qu'on était faits pour vivre ensemble.
On était déjà...
Dans le milieu des artistes,
moi, j'ai enseigné
longtemps et je disais
faites attention.
Avec qui vous avez
un enfant? Pas avec qui vous couchez.
Ça n'a aucune espèce d'importance.
Mais avec qui
vous faites un enfant, faites attention.
Parce que là, il y a un autre animal. C'est amener quelqu'unance, ça. Mais, avec qui vous faites un enfant, faites attention, parce que là, il y a un autre animal. — C'est amener quelqu'un
dans le monde. — Hé! Il y a un autre animal
intelligent, là, qui naît.
Un instant.
Puis, pour des... Si vous êtes...
Surtout si le partenaire est artiste,
aussi, tabarnak!
Tu sais, je veux dire, c'est...
Surtout les artistes
de télévision
puis tout ça, il y a tellement
tu vois du monde se déshabiller devant toi
les loges
tu entres, t'as coup
excuse-moi j'ai oublié
il voulait pas, il est tout nu
tu fermes la porte
mais évidemment
t'as vu la fille tout nu puis après tu l'embrasses
sur scène et puis tout ça
alors il y a, comme on dit beaucoup de tout nue, puis après, tu l'embrasses sur scène, puis tout ça, tu comprends.
Alors, il y a, comme on dit, beaucoup de tentations,
n'est-ce pas?
Puis François, ça ne l'inquiétait pas, ça?
Ça n'a pas l'air. Elle ne m'en a jamais parlé.
Je lui ai posé la question avant de partir tantôt.
Oui, oui, oui.
Je ne sais pas.
On ne sait jamais parler de ça.
Moi, je lui avais dit,
je ne suis peut-être pas bien fidèle.
Mais, tu sais, je suis trop jeune encore, je ne sais pas.
Et j'avais dit ça, d'ailleurs, à celui qui voulait nous repraître.
J'ai dit, moi, la fidélité, je ne crois pas bien ça dans les métiers qu'on fait.
Je dis, ça serait illusoire que de croire ça.
Ah bien, je ne peux pas vous marier.
Bon, je lui ai dit, OK, bien sûr, je ne veux pas aller
coucher avec une autre femme demain matin.
Je veux dire, je suis avec Françoise.
Finalement, il nous a mariés, mais la peine est de misère.
Puis vous avez découvert quoi au sujet de la fidélité?
Que ce n'est pas si difficile que ça.
C'est pas si difficile que ça.
Dans le documentaire qui vous est consacré
au bout du rien et pas en tout,
il y a plusieurs scènes où vous vous émerveillez
devant la nature.
Il y a une scène où vous contemplez une fourmi
qui est sur votre main,
elle marche sur votre main, vous la contemplez longuement.
C'est une des stars du film, cette fourmi.
Oui, bien oui.
Comment est-ce qu'on la nourrit, sa capacité d'émerveillement?
Non, la fourmi se nourrit elle-même,
mais votre capacité d'émerveillement,
comment vous en prenez soin?
Tu es né de même.
Tout le temps, on ne prend pas soin pas en tout.
Et je dirais que tu eses né c'est ça parce que
je suis intéressé à ce qui se passe
je suis intéressé aux autres
un peu
parce que je suis fils unique
pas trop intéressé aux autres
alors très égoïste
mais c'est ça en réfléchissant un peu
en te connaissant toi-même en te connaissant toi-même,
en te disant toi-même tes
quatre vérités et ça,
je fais ça. J'ai fait ça
tous les matins en enregistrant, tous les
matins. – Vous avez été ami avec
Claude Gauvreau? – Oui, oui.
– Il était comment, Claude Gauvreau?
– Oh,
c'était bizarre.
Mais, je me souviens,
on était...
Une des dernières fois où j'ai mangé avec lui,
c'était à la maison, la petite maison
qu'on avait de l'autre côté de la rivière.
On n'avait pas celle-ci.
Et Françoise avait fait un bon repas.
Puis Claude,
il mange au restaurant tout le temps.
Il était tout seul. Et je me souviens il s'est élevé qui avait regardé un truc de françoise qui est au mur
mais c'est plus lequelôme, par exemple.
Mais ailleurs, elle ne montre pas ces choses.
Elle ne montre pas ces choses de vraie.
C'est de toute beauté.
Et puis...
Ah!
Ça fait du bien de prendre
un bon repas à table,
tranquille, avec des amis.
Ah! Comme ça fait du bien.
Quand je pense à ça,
j'ai presque les larmes aux yeux,
parce que c'est ça.
Il mangeait rarement dans une famille.
Il mangeait toujours dans un restaurant.
Je ne sais pas s'il savait
faire la cuisine lui-même.
Puis la plupart du temps,
il vivait tout seul.
Alors,
c'est ça.
C'est comme si, parce que c'était
comme une rencontre, lui,
qu'il faisait avec Françoise et moi,
et on avait Jérôme, je pense,
on avait un premier fils ou deux,
et c'était comme une rencontre avec la bourgeoisie.
C'est un mot horrible,
tu comprends l'horreur
de la bourgeoisie, de manger à tu comprends, l'horreur de la bourgeoisie,
de manger à table avec des enfants, tu sais.
Et il était très ému.
Il était très ému.
Moi, je suis ému quand je pense à ça.
Et aussi, il y a Jean-Pierre Ronfort,
qui était debout ici, qui me dit,
il dit, Marcel, veux-tu jouer dans Les oranges sont vertes?
Et moi, j'étais à la table.
C'était peut-être dans l'autre,
mais c'était avec cette table.
Et c'était la... Donc, dans la grande pièce de Gauvreau.
Oui, alors, Dans les oranges sont vertes.
Il dit, veux-tu jouer?
Je lui dis, quoi, tu montes ça?
Il dit, oui, je monte ça au TNM.
Je lui dis, Claude Gauvreau,
vivant, jamais tu ne monteras
Les oranges sont vertes au TNM. Il dit, pourquoi? Bien, je lui dis, voyons, non. Claude Gauvrault, vivant, jamais tu ne montreras les oranges sont vertes au TNM.
Il dit, pourquoi?
Bien, j'ai dit, voyons, non.
Claude Gauvrault, il croit qu'il est
le plus grand auteur dramatique de tous les temps.
Il n'a jamais été monté.
Twit est un metteur en scène qu'il révère.
Le TNM, Claude Gauvrault, il est très conservateur.
Vous avez des acteurs.
Il aime les bons, les bons acteurs de métier.
Curieux, ça, hein?
C'est contradictoire avec sa personnalité,
mais c'est comme ça.
Et là, dans le théâtre, qui a les meilleurs acteurs,
avec des acteurs pour lesquels il va dire oui, oui, oui, oui,
parce qu'il avait dit oui pour moi,
Michel Rossignol,
tu vas monter ça au TNM
avec toutes les ressources
du TNM.
Si c'est un flop,
il n'est pas
le plus grand auteur dramatique de tous les temps.
Il ne pourra pas le prendre.
Il s'est suicidé une semaine avant
le début des répétitions. Je n'ai suicidé une semaine avant le début des répétitions.
Je n'ai pas besoin de te dire
qu'aux répétitions,
c'était... Et quand, avant la première,
je me souviens,
Michel Ressignol était venu
passer dans ma loge.
Puis il a...
Ouais.
Bon, mais écoute, Michel, on ne sera plus
chez les roches.
So what?
What's the big problem? » Mais on continue.
Du certainement.
Parce que c'est une pièce très étrange, les oranges sont vertes.
Oui, oui, oui. Très orange.
Très étrange. Très orange.
Très orange et très étrange.
Et puis, on s'attendait à se faire pitcher des tomates.
On s'attendait vraiment. Parce qu'au début,
le début, c'est terrible, c'est dur pour le public.
C'est effrayant. Alors, c'est terrible. C'est dur pour le public. C'est effrayant.
Alors, c'est ça. Mais on était prêts à tout.
Il n'y a rien qui va nous...
Puis ça a été un succès.
Ben oui. Ben oui.
Le monde a fait des rappels
puis tout ça. Ah ben, on n'en revenait pas.
On n'en revenait pas.
Puis c'est ça.
Puis ça a été un succès.
Ça a pu...
Mais une semaine, c'était dix jours avant ou deux semaines avant,
Claude se collait sur le bas de son garage.
Et il se tue.
C'est laquelle votre chanson préférée parmi celles que vous avez écrites pour Robert Charlebois?
Engagement ou chute d'un.
Les deux, oui.
Je suis dedans,
c'est...
C'est parce que c'est assez le fun.
On est dedans.
Tout le monde est dedans.
L'univers est dedans.
Puis,
il n'y a pas moyen de ne pas être dedans.
Moi aussi, c'est ça.
Et...
Puis ça,
ça a été écrit sur un bord de table
parce que Robert ne voulait plus écrire de chansons
parce qu'il venait avec Lindbergh
puis il dit,
ça a pris une nuit pour écrire Lindbergh.
Moi, je ne veux pas.
Voyons, parce qu'il avait écrit des bien belles chansons,
Robert, avant, qui sont inconnues.
Que tu connais peut-être
si tu es un amateur. La Boulée, par exemple.
Oui, oui, c'est ça.
Et puis voyons, j'étais en tabarnak.
Il va se coucher.
Puis, alors maman a écrit
des affaires, puis je laisse ça sur la table,
puis il se lève.
Puis là, le matin, il me lève aussi,
puis il est en train de manger,
puis Marcel dit,
« Qu'est-ce que c'est, ça? »
« Hein? Quoi, ça? »
« Ah! Ah, tu sais, juste, j'étais en tabarnak
avec ce que t'as raconté hier, puis tout ça,
puis t'es déprimé. Voyons donc,
si t'as écrit de très belles chansons,
puis... Jette ça, puis rien.
Et tu peux-tu les apporter avec moi?
Puis écoute, je te dis, jette-les.
Alors, tu peux faire ce que tu veux avec. »
Il a fait la chanson.
Il a fait la musique
de « Tout est quartier » ou de « Je suis dedans »,
je ne sais plus laquelle, dans l'avion.
Il a débarqué en chantant ça.
Ça veut dire que l'essentiel des chansons que vous avez écrites
pour Charlebois, « Je suis dedans », « Tout est quartier »,
« Le Mont-Atos », vous avez écrit ça.
L'histoire d'une nuit.
Oui, oui, oui.
Au moins trois de ces quatre ou cinq-là.
C'est une nuit productive. C'est une bonne nuit.
C'est une bonne nuit.
Une de vos bonnes nuits, Marcel.
Oui, oui. C'est jamais une bonne nuit.
Mais je me fais en sorte que ça revienne non plus.
C'est bizarre, ça.
C'est bizarre.
Vous avez écrit un album pour le groupe Vos Voisins,
si je ne me trompe pas.
Oui, oui.
Qui est très, très bon.
Qui est évidemment moins connu que l'oeuvre de Robert Charlebois,
parce que Robert Charlebois, c'est un dieu.
Bien sûr, bien sûr.
Mais c'est un très bel album, ça.
Ah bon? Ah bien, hey!
J'ai ça à la maison. J'écoute ça une fois de temps en temps.
Hey, Jacques Perron, t'entends?
Oui, Jacques Perron, qui est un des musiciens de Vos Voisins.
Eh, mon Dieu!
Puis qui a beaucoup travaillé avec Louise Forestier, si je me trompe.
Oui.
Ah bien, dis donc, parce que c'est un album...
Bien oui, ça Jean Lapointe avait écouté
ça dans le salon, il avait aimé ça
et
plusieurs autres, mais finalement ça a passé
presque sous le radar
c'est bizarre ça
Pourquoi est-ce que vous aimez à ce point-là
le mot pantoute?
Il revient souvent dans votre œuvre.
Parce que « pantoute », ça veut dire la même chose que « pas du tout »,
mais c'est pas la même chose non plus.
Oui, ça veut dire la même chose que « pas du tout »,
mais tu peux difficilement utiliser « pas du tout »
dans certaines phrases où tu utilises « pantoute ».
Parce que « j'aime pas ça pas du tout »
ou « j'aime ça pas du tout », ça se dit mal. Mais « j'aime pas ça pant du tout. Ou j'aime ça pas du tout, ça se dit mal.
Mais j'aime pas ça pantoute, ça se dit très bien.
Alors, oui, oui, c'est une bizarre expression.
Mais on est plein de bizarres expressions.
Mais c'est fini, ça.
Ça s'en va.
Ça existe dans les chansons, dans certaines chansons.
Mais les gens apprennent de plus en plus le français normatif. Moi, je l'emploie pantoute. J'en va. Ça existe dans les chansons, dans certaines chansons, mais les gens apprennent de plus en plus le français normatif.
Moi, je l'emploie
à Pantoute. J'aime ça. C'est un beau mot.
Oui, ça va.
C'est une bonne façon de...
C'est comme ça que s'est construite la langue française.
C'est en faisant des liens
entre des mots,
des syncopes,
qui rentrent les uns
dans les autres comme
une main dans un gant,
puis ça fait juste une main gantée.
Alors, ça fait un mot, un nouveau mot.
C'est intéressant, ça.
La main étant le dictionnaire,
c'est-à-dire toute l'historique
des vocables,
et puis le gant étant la langue.
Puis ça fait un nouveau mot, c'est le fun.
Mais c'est là où je voulais en venir tantôt. Il y a peu
de gens comme vous qui sont
en mesure de s'émerveiller face à
ce que leur cerveau crée
comme association, comme idée, ce que vous venez de faire
à l'instant. Ah oui, oui, oui, mais ça,
m'émerveille quand c'est bon, mais la plupart du temps, c'est pas
bon, car il se fait que
m'émerveille pas pendant tout. Et, mais la plupart du temps, c'est pas bon au carlis. Je m'émerveille pas pantoute.
Et j'y travaille pas du tout non plus.
Bon, non.
C'est de la bullshit.
Mais de temps en temps, c'est vrai qu'il y a des bonnes affaires.
Puis si je voulais écrire,
puis tout ça,
mais je suis pas un écrivain.
Alors, si j'avais la patience de ça,
alors, évidemment que
je découvrirais des affaires,
mais comme tout le monde.
Je sais que vous êtes rebellé
contre le joug de l'Église catholique,
mais est-ce que vous croyez en quelque chose?
Pas nécessairement,
parce que je comprends que vous ne croyez pas
à une déité.
Je crois en rien prend tout.
En rien prend tout?
Oui.
Le rien prend tout étant le tout prend rien.
Alors, et le tout, pas en rien étant
tous les univers que tu puisses imaginer
exister.
Alors, on sait déjà qu'il y a des univers bizarres
qui sont peut-être autour de nous autres,
des galaxies très, très étranges,
qui ont 50 000 étoiles dans notre galaxie,
ce qui donne
bien des chances d'avoir bien des planètes
habitées, de toutes sortes
de phénomènes.
Puis, peut-être qu'il y a 50
milliards de galaxies.
On ne sait pas.
On ne sait pas. Il n'y a personne qui le sait.
Alors, il faudrait demander. Peut-être que
à ce jour
d'aujourd'hui,
peut-être que la NASA a une petite idée là-dessus.
Je ne sais pas.
Mais je pense que...
Mais il y a 10 ans, non, ça ne va pas encore.
On n'est pas encore arrivé au bout du bout du bout du bout du bout des galaxies.
Alors, il y a des étoiles.
On pensait que c'était des étoiles.
Ce sont des galaxies, tout à coup,
quand le vie de télescope est assez fort
et transporté par des trucs. galaxies, tout à coup, quand le télescope est assez fort pour aller et transporter
par des
trucs. Alors donc,
on n'en sait rien.
On est dans un mystère
inouï,
total, et pour moi,
totalement merveilleux.
Pourquoi? Parce que j'ai à manger.
Si je n'avais pas
à manger, ou si je n'avais pas mes deux jambes,
puis un bras qui me manque,
puis que je n'avais qu'un bras,
si, etc., il y a bien des si,
je ne trouverais pas cet univers merveilleux.
Du tout.
Mais j'ai à manger.
J'ai eu à manger tous les jours de ma vie.
Puis on n'était pas riche chez nous, en plus.
J'ai eu à manger tous les jours de ma vie.
On a même à boire aujourd'hui.
On a même à boire. Bien là, vous n'avez plus à boire.
Tu n'as plus rien.
J'ai fini mon Saint-Zano.
C'est à toi d'en donner un autre bolini.
Ça vaudrait la peine.
Oui, oui, je suis sérieux.
Merci de nous accueillir.
Je t'en prie.
Vous avez fait bien des blagues au cours de notre conversation
au sujet de votre fin, de votre mort.
Est-ce que c'est quelque chose
auquel vous pensez?
Vous pensez que je parlais F-A-I-M?
Non, parce que j'ai bien compris que vous avez mangé à votre faim.
J'ai parlé des hot-dogs, des pétates frites.
F-I-N.
Du moment où vous allez...
Oui, oui, oui.
À mon âge, si tu ne penses pas une fois de temps en temps
à disparaître, t'es niaiseux en tabarnak. À mon âge, si tu ne penses pas une fois de temps en temps à disparaître,
tu es niaiseux en tabarnak.
À mon âge, tu sais.
Vraiment.
Hey, arrive en ville, le gars.
Tu sais, tu n'atteins pas 80 ans
sans te dire que très bien,
je ne peux très bien pas me réveiller demain.
So what?
So what?
Françoise pourrait très bien se débrouiller toute seule.
Les enfants sont élevés. Ils peuvent
m'en remonter de ce côté-là.
Alors, donc, je ne suis plus vraiment
utile à personne.
Tu sais? Et...
Donc, c'est... Ben non.
Lui, il branle la tête parce qu'en effet,
si je n'étais pas là, je ne pourrais pas
enregistrer ce que je suis en train de dire.
Vous êtes utile à ça aujourd'hui.
Oui, c'est ça. Et donc, vous ne travaillez pas pour rien.
Mais ça ne fait rien.
Tu sais, c'est une bien petite
utilité, tu sais, vraiment.
Mais pour nous, elle est totale.
Oui, oui. Pour vous autres, elle est totale. Mais déjà, demain
ou après-demain, quand ça sera passé
à la radio, bon, bien, si je meurs,
aucun problème
avec ça, tu sais. Vous aurez...
C'est de valeur parce qu'il était sympathique, le tabarnak.
Mais c'est tout.
On va s'en souvenir, comme vous vous souvenez de votre rencontre
avec la balle guénéruse dont vous nous parliez tantôt.
Oh non, parce que je suis loin de Chris Doulanova.
Mais c'est curieux parce que Natacha Natalia Tsernova,
c'est ça, qui était ma grande amie
à Moscou,
qui était la pupille.
Elle avait été élevée par Ulan-Nova.
Elle est devenue
la grande spécialiste
du ballet russe à travers le monde.
Mais je ne l'ai pas revue depuis...
Kim l'a vue,
Kim Yarochevskaya, quand elle est allée en URSS. Je lui avais donné l'ai pas revue depuis... Kim l'a vue, Kim Yarochev-Skaya,
quand elle est allée en URSS.
Je lui avais donné l'adresse.
Et comme Kim est une ancienne danseuse,
alors elle avait rencontré... Je ne sais pas si tous ses amis-là,
Ina,
Misha,
Mikhail,
Natacha, Natalia,
s'ils vivent toujours, je ne sais pas du tout.
Je n'ai pas eu de nouvelles.
Natacha m'a écrit
quand elle est passée
en Suisse, après la chute
de l'Union soviétique.
Puis, j'ai eu la paresse
de ne pas lui répondre.
Je m'en veux encore, tu vois.
Ça, c'est ça.
On a des deuils, puis des péchés comme ça qu'on a fait. Ça, c'est ça. On a des deuils, puis des péchés comme ça qu'on
a fait. Ça, c'est un péché.
Puis c'est ça.
Il n'y a pas d'absolution pour ça. Tu meurs avec.
M. Sabourin,
mon balado, ce qu'on fait aujourd'hui,
ça s'appelle « Juste entre toi et moi ».
Donc, en conclusion, est-ce que vous auriez quelque chose
à me dire qui resterait juste entre
vous et moi? On en a déjà fait beaucoup.
On a réalisé la plus courte entrevue
de l'histoire des entrevues. Ça a duré
32 secondes tantôt, on a fait ça. Mais est-ce que
vous auriez une dernière chose à me dire?
C'était ça.
C'était ce long silence?
Oui, parce qu'il n'y a
qu'un long silence qui puisse
exprimer ce fait-là
d'être
sur une planète,
un petit grain
de sable dans l'univers.
Tous les trois
à une table
qui est un petit grain de sable
sur cette planète, petit grain de sable sur cette planète petit grain de sable,
dans cet univers qui est peut-être,
et ça, on ne le savait pas avant.
Imagine-toi, il y a juste quelques centaines d'années,
on pensait encore que l'univers, c'était le système solaire
où on ne peut pas...
Après, ce n'est pas des étoiles, on ne savait pas ce que c'était.
Imagine-toi, juste il y a quelques centaines d'années.
Toutes nos idées viennent de là,
d'un moment où on ne savait pas ce que c'était que l'univers
puis là non seulement on sait ce que c'est que
la voie lactée, plus ou moins
on n'a jamais allé au bout
de la voie lactée
mais que
il y a peut-être 50 milliards
de voies lactées
hein? mettons 25 milliards mettons un milliard milliards de voies lactées.
Hein?
Mettons 25 milliards.
Mettons un milliard de voies lactées à 50 milliards
d'étoiles.
Alors,
il n'y a,
pour les êtres intelligents et pas pour moi,
il n'y a que le silence.
Mais moi, je parle.
Mais, parce que je ne suis pas silence. Mais moi, je parle.
Parce que je ne suis pas intelligent.
Mais si tu es vraiment ouvert à ce... cet immense phénomène mystérieux
qui est une galaxie,
qui est d'être là,
tu ne peux que te fermer la boîte.
C'est ça qui est le plus intelligent.
Merci pour le drink.
Ça a été un honneur, M. Sabourin.
Merci de nous avoir accueillis.
Bien fait.