Juste entre toi et moi - Richard Desjardins
Episode Date: June 24, 2024Chez lui, en Abitibi, au bord du lac Vaudray, Richard Desjardins parle des 25 ans du documentaire choc L’erreur boréale et revient sur la création de son mythique album Tu m’aimes-tu? Il se ...remémore aussi un séjour de six mois au Nunavik et raconte la fondation de ses premiers groupes.
Transcript
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Salut, ici Dominique Tardif.
Ah, bienvenue.
Ah juste, entre toi et moi.
Bienvenue à un épisode qui a une signification particulière pour moi.
Je vous parlais de liste d'invités relevés la semaine dernière.
J'avais en tête l'invité que je m'apprête à vous présenter,
parce que mon invité aujourd'hui, c'est Richard Desjardins.
Richard a eu la gentillesse de nous accueillir il y a quelques semaines chez lui,
au bord du lac Vaudré, c'est à environ 40 minutes de Rwanda.
Et si cet épisode a une signification particulière pour moi,
c'est parce que je viens de Rwanda.
C'est la ville où je suis né.
C'est la ville où j'ai passé les 11 premières années de ma vie.
Richard parle de là où il habite comme de son camp.
Et ce n'est pas un euphémisme de parler de camp.
Il y a des gens qui vont utiliser un mot comme ça
pour décrire un chalet monstre avec un stationnement double.
Le camp de Richard Desjardins, c'est un vrai camp, mais avec la vue qu'il y a sur son quai,
Richard ne peut vraiment pas se plaindre parce que c'est complètement magnifique.
Je tiens à remercier Josie Desmarais.
Josie Desmarais, c'est ma collègue photographe.
Josie, elle a pris les photos de Richard que vous pourrez voir dans la Presse Plus sur lapresse.ca
ou dans votre presse mobile.
Vous pourrez aussi lire sur toutes ces plateformes l'article que j'ai tiré de notre visite.
Mais Josie, ce qu'elle accomplit de plus important ce dimanche-là,
c'est de nous conduire, de conduire la voiture à travers les chemins de Garnotte et les chemins forestiers.
Voici donc mon entretien avec un bon gars, Richard Desjardins.
Juste entre toi et moi
Ça restera
Entre toi et moi
Pour une fois
Ça reste entre toi et moi
Est-ce que tu accepterais, Richard, de nous dire
on est où présentement?
Ah, au paradis.
C'est mon paradis à moi.
C'est dans le bois,
pas loin de Rouen,
en pleine forêt boréale.
C'est un endroit magnifique.
Je suis arrivé ici il y a 70 ans,
6 ans.
Après la guerre,
quand les gens ont pu respirer
après la crise économique,
la guerre et tout ça.
Mon père, il savait où aller construire son camp.
Ici, ici même.
Parce qu'il travaillait dans le bois.
Il a couché ici, c'est ça qu'il m'a dit, d'hiver le 16-17 juin 1932.
J'ai couché ici, sur le bord du lac.
J'ai vu qu'il y avait un ruisseau. J'ai vu qu'il y avait une source.
C'est le lac le plus haut de la région.
Ça fait qu'il n'y a pas eu de contamination minière.
C'est un lac de source.
En fait, c'est pas un lac, c'est un kettle
qu'on appelle une espèce de résidu
d'esquerre.
Ça fait que c'est comme un petit paradis.
Puis tout le temps, toute ma vie,
moi, j'ai fait...
J'ai voyagé beaucoup pour mon métier
puis tout ça.
Mais quand j'étais fatigué
de tout ça, je savais exactement
où aller, puis c'est ici encore.
Ça fait 10 ans.
Puis ton père faisait quoi dans la vie?
Il était
surintendant
des opérations forestières pour la CIP,
le Canadian International Paper.
Puis c'est lui qui dirigeait les opérations forestières ici,
dans la division Noranda.
Il a fait ça, il a travaillé avant ça pour le gouvernement,
mais il était surtout dans la forêt.
Sa job, à lui, c'est d'amener au pont de la Canada Javis,
pas loin d'ici, d'amener
100 000 cordes de pitounes.
Puis par la drave,
faire 150 kilomètres,
amener ça, traverser le lac
de Témiscamingue, amener ça jusqu'à Témiscamingue
pour le moulin
papier à l'époque
de la CIP.
C'était sa job.
Avant l'âge de 6 ans,
avant que ton père s'installe ici,
quel genre de relation t'avais avec
la forêt puis le bois? Parce que t'as grandi
à Noranda, dans un lieu
qui pourrait pas être plus
à l'opposé de la forêt.
Exactement. Moi, j'étais
sous nos mondes à
je sais pas moi,
500 mètres de la fonderie Horn.
On était en dessous de l'Ambricane.
Jusqu'à toute ma vie.
On venait ici tout l'été, on venait pas ici tout l'hiver.
Mais je ne suis pas, contrairement à ce qu'on peut penser, je suis total urbain.
J'ai toujours étéécu en ville. C'était un quartier
avec les mineurs.
Il y avait des gens
qui venaient de partout au monde.
Les francophones,
même dans mon quartier,
étaient minoritaires.
Il y avait des Polonais, des Ukrainiens.
Des Polonais, des Ukrainiens,
des Italiens.
Surtout d'Europe de l'Est.
Puis eux autres,
j'ai cherché à sauver leur peau.
Puis tout ça.
Ils sont arrivés
à Halifax.
Puis de là,
il y avait une agence du gouvernement qui disait
« Toi, tu t'en vas là. »
Il y en a qui sont venus à Norandol
qui ont travaillé dans la mine. C'est dr là, toi, tu t'en vas là. » Il y en a qui sont venus à Noranda et qui ont travaillé
dans la mine.
C'est drôle parce que je pense qu'il y a bien des gens
qui connaissent mal l'Abitibi,
qui s'imaginent que tous les Abitibiens ont grandi
près de la nature,
alors que si tu vis à Val-d'Or
ou à Rwanda...
T'en vois pas partout.
T'en vois pas.
C'est sûr, c'est sûr.
C'est comme aussi peu qu'à Montréal-Est,
tu sais, le décor.
Mais après ça, c'était quand on a pu venir ici l'été,
mais ça a comme tout changé, tu sais.
Je suis resté extrêmement attaché à cet endroit-là.
Puis donc, ton père te l'a légué?
Oui.
Bien, il a essayé de le vendre une couple de fois
pour niaiser ses enfants.
Je ne sais pas pourquoi.
On a réussi tout le temps à l'empêcher de le faire,
de vendre le camp.
Finalement, c'est ça.
Finalement, moi et ma soeur,
on est allés chez notre héritage
avant que papa disparaisse.
C'était risqué de faire ça à l'époque.
C'est le genre de gars-là,
tu demandes pas ton héritage avant.
Finalement, il a dit OK.
En échange, tu peux revenir tant que tu veux.
On va prendre soin des camps.
Ça a marché.
Il est venu ici jusqu'à la fin de sa vie.
À quoi ça ressemble tes journées ici?
Ça dépend si c'est mon départ ou mon arrivée
ou quoi. Mais là, tu viens d'arriver.
Oui, je viens d'arriver il y a quelques jours.
Mais là, cet été,
on m'a dit ça,
l'Era Boréale, le film,
il fête ses 25e
années,
la première diffusion.
Puis on faisait un constat sur la forêt à l'époque,
en 1999, donc ça fait 25 ans.
Puis on a fait un constat sur la forêt.
Après ça, on a créé l'Action Boréale.
Avec Henri Jacob.
Avec Henri Jacob, oui, exactement.
Puis on a constitué un groupe de...
On est 2000 peut-être aujourd'hui.
Puis c'est en...
Quand on a sorti le film, la pauvreté,
des réponses apportées par le gouvernement
puis par les compagnies forestières,
ça nous a comme d'abord étonnés.
Puis c'est de se choquer. C'est des réponses qu'ils ont faites au film. forestière, ça nous a comme d'abord étonnés puis ceux d'être choqués.
Des réponses qu'ils ont faites au film.
On posait des
questions. Est-ce que c'est vrai qu'on
se réexploite? Est-ce qu'on fait
une bonne chose?
Les questions
se posaient un peu partout au Québec.
On est arrivé avec ce film-là comme
une étincelle
dans une bulle de gaz parfaite.
Ça a juste fait boum.
Tout le monde voyait bien.
Ceux qui se promènent un peu partout
sur les chemins voyaient bien
qu'il y avait une petite bordure
préservée de 20 mètres de forêt.
Mais en arrière, il y avait ces gens...
Tout le monde s'en doutait,
mais ce que vous nous avez montré dans le film,
c'était accablant.
C'est ça.
C'est pour ça que le gouvernement
s'est senti très étourdi
par la réponse.
C'était le record
de réponses publiques
en cinéma documentaire
au Québec.
Si nous autres,
on ne s'attendait pas à ça partout.
Mais la pauvreté des réponses
apportées par les compagnies forestières
et par le gouvernement,
ça nous a choqués aussi.
C'est là qu'on a mis sur pied
l'action au Montréal.
Pourquoi est-ce que les gens
qui sont désignés
ministres des forêts,
ministres des ressources naturelles,
sont assez rarement des gens
qui ont une réelle
expérience dans ce domaine-là.
Oui, effectivement.
Comment tu expliques ça?
C'est parce qu'ils veulent faire ce qu'ils veulent.
Je veux dire,
ceux qui, dans ces ministères-là,
peut-être un peu moins ailleurs,
je veux dire, dans d'autres ministères,
l'éducation ou la santé,
quelque chose comme ça.
Mais dans les ressources naturelles,
ce qui a rapport à la forêt, aux mines,
on l'a remarqué
qu'à chaque fois qu'il y a un gouvernement
qui change, ou même à l'intérieur d'un mandat,
celui qui devient ministre des forêts,
celui qui devient ministre des mines,
c'est quelqu'un qui ne connaît pas la voie.
Puis c'est tellement patent
qu'on est convaincus que c'est voulu.
Parce qu'en arrière de ça,
t'as les sous-ministres.
Les sous-ministres, eux autres,
ils ne sont pas élus, ils sont nommés.
Les sous-ministres des forêts,
eux autres, ils connaissent la patente.
C'est une patente.
C'est pour qu'il y ait le moins
d'entrave possible entre
ce que les mines veulent faire, les plans,
les projets miniers,
ou les compagnies
forestières, pour avoir le moins
d'entrave possible.
C'est pour ça que, à l'environnement aussi,
d'ailleurs, à l'environnement, c'est pas fort.
Tu sais...
On a quelques exemples en tête.
Oui, oui. Non, non, c'est pas fort.
C'est des...
des ignorants
pour la plupart du temps, tu sais.
Je me souviens même quand
il y a eu des élections, c'était
le député de
Val-d'Or, Corbeil, qui s'appelait. C'était là-dedans. Je pense que c'était un libéral, oui, c'était le député de Val-d'Or, il y avait Corbeil qui s'appelait.
C'était là-dedans.
Je pense que c'était un libéral, oui, c'est ça.
Puis il était un dentiste.
Puis il a été élu député,
puis deux semaines après, il était ministre.
Puis je me rappelle, on avait un rendez-vous
avec lui. Il y avait moi
puis Henri Jacob, mon président,
avec lequel on travaille ensemble.
Tu connais très, très bien la forêt.
Henri Jacob?
Oui.
Bien oui, il est né là-dedans.
Oui, c'est ça.
C'est ça.
Au lieu de l'école, c'est ça qu'il a fait.
Il a étudié le bois, il a étudié la forêt.
Puis on s'en allait vers M. Corbeil,
qui était le député, qui est devenu ministre.
Un dentiste.
Puis en s'en allant, je lui demande,
Henri, mon président de l'Action Bor allant, je demande à Henri, mon président
de l'Action Boréale, je lui demande,
qu'est-ce que tu penses qu'il connaît de la forêt,
lui, un dentiste?
Il dit, il doit aller à la chasse à parderie.
OK. On arrive dans le bureau,
dans son nouveau bureau, on s'assoit,
on commence la discussion,
puis là, je lui demande, je lui dis,
M. Corbeil,
est-ce qu'on pourrait savoir quelle expérience que vous avez de la forêt
et du moins je vais acheter
sur la pâtrie tout le temps
exactement c'est ça
Henri avait raison
il y a eu le ministre ici aussi
François Gendron
c'était un gars qui sortait
il était professeur avant puis puis il est tombé, bang!
Le ministre des...
La mainmise
des compagnies,
c'est une mainmise internationale
aujourd'hui, à peu près complète.
La mainmise des ressources,
ça, c'est
devenu des comptoirs
pour les compagnies,
le ministère. Ils fournissent les cartes, ils fournissent tout. C'est comme des comptoirs, des des comptoirs pour les compagnies, le ministère.
Ils fournissent les cartes, ils fournissent tout.
C'est comme des comptoirs, des simples comptoirs.
L'exploitation des ressources n'a pas de limite réelle.
Pour être capable de réussir à conserver un peu de territoire,
d'avoir une conservation du territoire, c'est énorme.
Les efforts qu'il faut faire contre le gouvernement, contre les compagnoire, c'est énorme. Les efforts qu'il faut faire contre le gouvernement
puis contre les compagnies, c'est énorme.
Est-ce que vous en avez obtenu, des victoires,
depuis la fondation de l'Action boréale?
Pas beaucoup, mais oui.
Au début, en l'an 2000, mettons,
il y avait un seul endroit de protégé pour toute la Bétibé,
c'était le parc de Guebel,
qui avait été créé des années 40.
Magnifique parc, oui.
Donc, ça constitue peut-être
0,5 % du territoire
qui était protégé.
Avec l'Action Montréal,
avec nos partenaires,
on a réussi à s'en rendre à pas loin de 9 %.
Est-ce que c'est gros?
Est-ce que c'est pas gros?
25 ans, c'est pas beaucoup.
Ça pourrait être plus.
Oui, d'ailleurs, il se pose quelque chose de spécial.
C'est que devant l'Assemblée internationale
qui s'est réunie à Montréal, COP 25-26, je sais pas,
le gouvernement s'est annoncé officiellement
que d'ici 2030, il va y avoir 30 % du territoire protégé au Québec.
Ça fait qu'il a promis ça.
On se demande où est-ce qu'il va le prendre, son 30 %, remarque-là.
Mais ils nous ont dit, OK, on va t'aider,
on va vous aider à le faire.
On a toujours été comme ça.
On a toujours été pronds à aider le gouvernement parce qu'on considère
souvent, on dit « Ah, vous êtes
comment dire,
pas subversif,
mais... » – Vous n'êtes pas juste des chialeux.
– Bien non,
bien non, pas du tout.
Puis, en fait,
nous autres,
on demande simplement que le gouvernement
applique ses propres lois.
C'est à peu près ça.
En 2007,
tu as publié une série de textes
dans le Journal de Montréal
où tu te désolais qu'on bûche
la forêt de nos enfants.
Est-ce qu'on a arrêté
de bûcher la forêt de nos enfants?
Non, on continue.
Ça se poursuit?
Oui. Là, on ramasse
la documentation parce que là, il faut qu'il y ait
soit une enquête publique,
parce que
l'erreur boréale, on est arrivé avec ce film-là,
a choqué bien du monde.
Le gouvernement a fait
un genre de « mais elle coule pas »,
puis on va aller mieux,
puis là, ils ont essayé de donner...
Ils ont créé l'illusion que ça allait mieux.
Le rapport Coulomb,
qui a été diffusé, lui,
cinq, six ans après la sortie du film,
le rapport Coulomb, il a donné raison.
C'était un bon rapport.
Il a dit, OK, on va faire mieux.
Mais c'était simplement de la frime.
La tendance lourde restait là d'accorder aux compagnies ce qu'ils voulaient.
Le vocabulaire a changé.
Une fantaisie lexicale.
Une innovation lexicale.
Dans le genre, on ne dit plus on va aller bûcher un arbre,
on va dire on va aller prélever une tige.
On change de vocabulaire,
mais la réalité reste la même.
C'est ça, elle est restée la même.
Parce que là, cette semaine,
je pense qu'on va avoir une espèce de rapport.
Le diamètre moyen des arbres
qui rentrent dans les usines au Québec
a diminué à peu près,
je ne le sais pas,
mais on va le savoir,
mais ce n'est pas loin d'à moitié, là.
Depuis 30 ans, 40 ans.
Tu vois les camions de bois sur les chemins.
Les petits bois qui rentrent là.
Ils changent.
Ils font plus les mêmes genres de papier.
Ils font plus les mêmes genres de deux par quatre,
mais de plus en plus plein de nœuds.
De plus en plus petit.
Il faut aller chercher de plus en plus loin.
Ça coûte encore plus cher.
On est en train d'étudier là.
Qu'est-ce qui est arrivé?
Puis en même temps, le public est un peu embarqué.
Le public, souvent, il est prêt à pardonner.
Il est prêt à être optimiste aussitôt
qu'il a la moindre chance de vivre mieux,
ils vont être d'accord.
C'est pour ça qu'on
entendait souvent
un peu partout
« ils coupent, oui, mais
on plante ».
Puis ça, c'était
une autre illusion.
Parce qu'il y a des plantations, on pense que la forêt est sauvée.
C'est pas aussi simple que ça.
Ça, ça n'a jamais été démontré.
Au contraire, par deux fois, en 98, je pense, pas en 2002,
si je ne m'abuse, le Bureau de la vérification du Québec,
ils se sont inquiétés et ont posé des questions à l'industrie
puis au gouvernement.
On n'a aucune démonstration
comme quoi la foresterie est bien gérée.
Les résultats des plantations,
mon Dieu, ce n'est pas évident.
Cette idée-là est importante
parce qu'ils disent qu'on va planter
dans des conditions idéales
pour que les arbres soient gros et longs.
Ça va donner un volume de bois
plus important.
Donc, on peut bûcher plus que ce
que la nature produit
à chaque année.
Mais le résultat n'est pas là.
Il y a peut-être des plus gros arbres,
mais pas plus de bois.
Puis aussi, le traitement
pour être capable de faire une plantation
d'épinettes blanches,
ça coûte extrêmement cher.
Parce qu'il faut que tu décourages la compétition
à côté des bleuets, des feuilles, des feuillus,
puis tout ça qui font de l'ombre.
T'envoyer une gang pour faire de l'éclaircie là-dedans,
ça coûte cher.
Tu favorises l'épinette blanche,
tu sors des jardins d'épinettes blanches,
tu favorises les épinettes blanches, tout ça,
mais tu ne replantes pas des nids d'oiseaux,
tu ne replantes pas des renards,
la biodiversité s'appauvrit.
À la longue, ce qui semble assez vrai,
c'est qu'à la longue, il n'y a pas de couvert forestier
assez important, ça fait que ça sèche.
Le sol sèche.
Puis ça devient comme...
Quand on a dit que c'est de l'épinette,
c'est des résineux, mais c'est du combustible.
Puis ce que j'ai su récemment,
c'est quand la température moyenne annuelle
monte de 1 % en forêt boréale,
mais tu as 7 fois plus de chances d'avoir de feu.
Ça fait que, tu sais,
tout ça, il faut absolument
que... Là, on fait...
Là, je travaille sur
un document avec mes partenaires d'Action
boréale, 25 ans après.
Comment est-ce qu'elle est née,
ta conscience sociale,
politique, environnementale?
Ici, on peut être à ta place,
puis à un moment donné, ils disent, « Viens, on va voir ça. »
Ils sont un petit pick-up.
On va dans le chemin forestier,
à peu près à 2-3 km.
Là, on parle de 1994, 13-14.
Ils disent, « Viens voir ça. »
Là, on part, on s'en va 5-6 km.
Là, j'ai vu pour la première fois
une abatteuse.
C', un gros
tracteur qui ramasse, qui coupe
puis qui pile.
J'arrive là, je dis, qu'est-ce que c'est ça?
J'avais jamais vu ça avant.
C'était comme s'ils construisaient
un aérobon international.
C'est tout vraiment là.
Il ne restait plus rien.
Il ne restait rien. J'ai une coupe à blanc.
Comme on voit encore, comme ça se fait encore,
comme ça se pratique encore.
Je viens à bout d'attirer l'attention
des gars qui conduisaient
le tracteur, la batteuse.
Je me rappelle très bien,
il y avait des écouteurs.
Il y avait ça.
Quand ils ont enlevé,
ça jouait du Led Zeppelin à la planche.
Il n'écoutait pas du Guichard Desjardins.
Non, non.
Fait que là, je débarque, je m'approche,
j'attire son attention, il arrête son tracteur,
puis là, j'ai dit,
« Hé, j'ai dit juste en bas, c'est en bas de la côte.
Il y a un ruisseau, c'est en bas dedans.
C'est un des ruisseaux importants qui alimentent le lac
où j'ai mon camp. »
Je lui ai dit, « Ça va vers un ruisseau. »
Je le saurais bien quand je serais dedans.
Là, je suis venu en table.
Dans ma tête à moi, il y a le feu à poignet.
Il s'en venait ici, à l'entour des chalets, au bord du lac. Dans ma tête à moi, il y a le feu poigné.
Puis là, il s'en venait ici,
il s'en venait alentour des chalets,
au bord du lac, ici.
Puis il s'en va faire la passe de bois.
Mon père, qui était forestier,
savait très bien que lui,
il a comme délaissé son métier quand il a vu arriver la machinerie lourde en forêt.
Jusque-là, les compagnies forestières se contentaient de faire des coupes l'hiver sur un sol gelé ou avec de la neige,
puis ils n'avaient pas le droit de couper plus petit que 8 pouces d'arbres. Lui, il a des places,
il disait à Clérissé, il cite à Montbrun, il dit, moi, j'ai organisé des coupes
trois fois dans ma vie en même place.
Puis ça veut dire ça, qu'il laissait la végétation,
il laissait toutes les plantations au printemps,
en pleine capacité.
Mais je me rappelle qu'il y avait Emmanuel Leforesterie, de 1948,
il disait, on doit laisser un parterre
de coupe en parfait état
de fonctionnement. »
C'est clair, ça.
Ça parle de 1948.
Là, c'est pas ça pantoute qu'on fait,
là, tu sais.
Ça fait que quand les machines sont arrivées,
là, les bûcherons qui travaillaient dans le bois,
c'était souvent des agriculteurs
qui avaient engrangé leurs affaires
à l'automne.
Il y avait quelques mois de libre l'hiver,
donc ils n'abuchaient.
C'est même que ça marchait.
Mais la foresterie
se régénérait.
Elle n'avait pas besoin de plantation.
Elle était déjà là.
Elle était déjà plantée.
C'est juste l'appétit.
C'est juste l'appétit, c'est juste cette volonté
de ramasser le bois 24 heures par jour.
Les compagnies forestières, s'ils pouvaient ramasser
toute la forêt de la Bétibille en une nuit
avec la même machine, ils ne se gêneraient pas.
C'est juste la capacité physique.
L'introduction de la machinerie lourde
dans un sol aussi mince qu'en Abitibi,
tu parles d'un humus de 10-15 cm,
c'est dévastateur.
Tu changes tous les cours d'eau, tu t'appauvris.
C'est pas une richesse, c'est ça.
D'ailleurs, ce qui est drôle aussi,
c'est que j'ai m'aperçu, à un moment donné,
que dans les années 80, on disait encore
le ministère des richesses naturelles.
Aujourd'hui, ça s'appelle
le ministère des ressources.
Viens piger,
viens faire ta mine,
fais ton trou, bûche-la.
C'est un système
qui n'est pas nouveau.
Ça vient de la création du pays,
aussi bien avant.
Nous autres, il ne fait pas longtemps
qu'on est dans le Québec, à Abitibi.
Ça ne fait pas 100 ans.
Avant ça, c'était dans la terre de Rupert.
À Abitibi, nous autres, on n'était pas encore habitués.
Bien, on était au Québec.
Sauf que c'est comme si les dynamiques de la colonisation
avaient encore cours présentement.
Même avant la colonisation.
Les Européens, quand ils sont arrivés en Amérique,
quand ils sont arrivés en Amérique du Nord,
ne considéraient pas qu'ils étaient vraiment chez eux.
Ils étaient là pour des compagnies privées de Londres.
La compagnie de la Baie-du-Tson.
La Baie-du-Tson, le prince Rupert.
Ils étaient des propriétaires de compagnies d'énormes territoires.
Tout le bassin de la Baie-du-Saint-Orient, c'était à la Hudson Bay Company.
Puis même quand on est arrivé là,
c'était là, c'était toujours là.
Puis ce territoire-là,
il servait strictement à prendre ses ressources.
Ça commençait avec les fourrures,
puis tout ça, puis ça, le bois.
Mais quand les premiers colons en Abitibi
qui sont rentrés par le chemin de fer
qui a passé dans le nord,
dans ces coins-là.
Mais quand des colons sont arrivés,
ces concessions-là,
ils étaient là.
Ils étaient encore là. On a toujours servi
comme
un puits
de ressources.
Puis c'est encore comme ça.
Vous venez piger dans le buffet.
Oui, puis c'est encore comme ça. Tu sais, piger dans le buffet. Oui, puis c'est encore comme ça.
Tu sais, on dit... Comment, une fois, j'ai entendu
on est en forêt, ça fait qu'on bûche.
Tu sais, on était un territoire forestier,
on bûche.
Un territoire de mine, bien, on fait des mines.
Puis that's it.
C'est la fatalité. La fatalité, puis
le reste,
le reste, c'est pas de nos affaires.
J'ai écrit, justement,
il y a quelqu'un qui a demandé ça. Il y a un groupe qui était Le reste, ce n'est pas de nos affaires. J'ai écrit justement,
il y a quelqu'un qui a demandé ça,
il y a un groupe qui est à Matagami,
puis eux autres,
ils réclament la nationalisation des mines au Québec,
avec raison, tant qu'à moi.
Puis là, ils ne sont pas en camping,
mais ils sont une quarantaine de tentes.
Puis ils m'ont demandé, mettons, un appui. Fait que moi,
je leur ai écrit ça.
Ils vont le dire.
On fait pas mal toutes, tout seul.
Puis comme il faut.
On leur, aux compagnies,
on parle pas au gouvernement, OK?
On leur dresse les maps, on leur indique
où sont les richesses. On blesse les trails,
on blasse, on fait les chemins, on drille
jour et nuit. On leur montre
les chaffes, les usines,
on leur fournit le jus, on soigne
les blessés, on shippe la marchandise,
on nettoie après les saccages,
on les subventionne, puis on
baptise les arénas en leur nom.
La seule chose
qu'on ne fait pas, l'unique
chose qu'on ne fait pas, c'est de ramasser
les profits.
C'est ça.
Quand je suis arrivé à Rouen,
il y a quelques jours, j'ai eu un choc parce que
l'aréna Dave Keown
de mon enfance
s'appelle maintenant l'aréna Glencore.
C'est le centre
Dave Keown, aréna Glencore.
C'est l'entreprise qui possède
la fonderie Rouen. En avril dernier, il y a un musicien métal
qui s'appelle Simon Turcotte,
qui joue dans un band qui s'appelle Gun Twit.
Son groupe est engagé dans un festival à Lassalle.
Le festival est commandité par une entreprise
qui a des liens d'affaires avec Glencore.
Puis le festival a fini par être annulé
parce que les organisateurs avaient vraisemblablement
des craintes par rapport à la réaction
que Glencore pourrait avoir si...
Éventuelle.
Exact, s'il tombait sur les paroles du groupe de Simon
qui sont très critiques envers Glencore.
Comment t'expliques qu'on
accepte ça?
On accepte bien des affaires.
C'est juste une chose de plus
qui est acceptée.
Encore aujourd'hui,
on est en 2024,
puis l'eau potable,
la ville, 32 000 habitants,
l'eau potable,
elle passe en premier à l'usine
de Glencore.
Puis elle nous permet
de nous abreuver.
Tu sais, c'est pas loin.
Mais ça a toujours été
comme ça, tu sais.
Je veux dire, d'abord, c'est une company town.
Tu sais, c'est né avec
l'usine en 1925.
C'est le centième l'année prochaine,
dans deux ans.
Tu sais, c'est une manière
d'approcher l'utilisation
du territoire qui a toujours été la même.
Ça prendrait une révolution là-dedans.
Il faudrait
prendre possession de notre territoire
et de son
utilisation. Ça n'a jamais été...
Ils font ce qu'ils veulent.
Grosso modo, ils font à peu près ce qu'ils veulent.
Fait que là,
pour compenser ça,
même l'équipe de hockey
qui a failli gagner
le championnat de hockey amateur
en 1954,
ils s'appelaient les Copper Kings.
C'était les rois du cuivre.
Ils étaient supposés affronter
en finale une autre compagnie
dans l'ouest au BC,
à Trail.
C'était encore une usine de Company Town.
Compagnie contre compagnie. Oui, à Trail. Puis c'était encore une usine de Company Town. Compagnie contre compagnie.
Oui, à peu près. Nous autres, c'était les Copper Kings,
puis là-bas, c'était les Smoke Eaters.
Les mangeurs de fumée
de l'usine.
Ça fait qu'ils ont toujours
essayé d'avoir une bonne image.
Mais c'est parce que par rapport
à ce qu'ils ont fait, par rapport à ce qu'ils ont
contaminé le territoire, c'est épouvantable. Encore aujourd'hui rapport à ce qu'ils ont fait, par rapport à comment ils ont contaminé le territoire,
c'est épouvantable, encore aujourd'hui.
Ça fait qu'ils essaient d'avoir une bonne image.
Ça fait qu'ils vont subventionner les artistes,
ils vont subventionner ceux qui projettent les images
de leur propre ville.
Le centre d'Yves-Keyon,
il s'est rendu
le centre Glencore.
L'aréna de Val-d'Or, c'est Agnico-Higo,
une autre compagnie minière.
Ils rentrent jusqu'à un concours
de poésie, s'il faut.
Mais c'est une manière,
comment je dis,
c'est une manière, c'est outrancier.
C'est comme,
c'est d'un gros masque théâtral.
La domination des scènes culturelles,
ils citent.
Moi-même, j'en ai été victime.
En 1984, le film Noranda
a presque été censuré au festival du film.
Ils l'ont pas pris.
Le festival du film a pas pris Noranda
parce qu'ils visaient avoir une commandite éventuelle
de Noranda.
Il y avait même pas de commandite. Ils visaient avoir une commandite. Ouais, ouais, ouais. Pour ne pas risquer de à avoir une commandite éventuelle de Noranda. Il n'y avait même pas de commandite. Il visait à avoir une commandite
pour ne pas risquer de ne pas avoir cette commandite.
Il y a un soir de projection du film Noranda
au théâtre du Cui-Huissite.
La police locale est arrivée pour arrêter le réalisateur
parce qu'il n'a pas payé ses étiquettes.
Il a fallu lui ramasser de la rente vite faite
pour ne pas qu'il soit arrêté.
C'est grave, ça.
Puis on demande à la police,
comment c'est que vous faites ça,
d'un lancement d'un film,
de la projection d'un film.
Bien, ils disent, on a reçu un téléphone.
Ça venait directement
de la compagnie au poste de police.
Les autres, ils contrôlent
la population, ils savent
c'est quoi.
On vient de là.
Même le chiffre assez impressionnant que j'ai vu,
c'est en 1960, la majorité des Canadiens vivaient dans une company town.
Près d'un moulin assis, près d'une mine.
L'administration municipale, c'était le gérant qui la faisait.
Moi, quand je suis venu au monde,
c'était un cadre de la compagnie qui était maire.
Il n'y avait pas d'élection.
Il n'y avait pas rien quand je suis venu au monde.
Je veux dire, c'est hier, quasiment.
Ça fait juste 76 ans.
Oui.
Après ça, il a fallu qu'il se laque.
Il a toujours quand même gardé le contrôle.
Encore aujourd'hui, ils sont au-dessus de tout le monde.
Même le gouvernement en bascore aujourd'hui, ils sont au-dessus de tout le monde. Même le gouvernement embarque là-dedans.
Ils permettent que l'indice d'arsenic qui est sur la ville,
la norme, c'est de 3 nanogrammes par mètre cube d'air.
Ça, c'est la norme du Québec.
Ici, c'est 15.
C'est 5 fois plus.
On est fait plus fort, c'est pas là.
Ça doit être de même, ça marche.
Mais ils continuent
à faire ce qu'ils veulent.
C'est possible d'arrêter ça.
Oui, mais à la fin du film Noranda, c'est
Michel Garneau qui fait la narration.
C'est toi qui as écrit ce texte-là.
Il dit, on sait maintenant que la mortalité
est excessive à Noranda.
On sait aussi beaucoup mieux comment ces contaminants
provoquent la mort. Les travailleurs
de la fonderie ont fait avancer
cette science au prix de leur vie.
Oui.
Ça, c'est en 84.
Puis je l'ai répété dans
une des tounes. J'ai couché dans mon char.
Tu sais, mon ami,
entendez-vous la rumeur, la loi
de la compagnie?
Il faudra que tu meurs si tu veux vivre, mon ami. » C'est vrai.
Ici, leur générosité a fait en sorte
qu'ils ont aidé à s'y aller,
un centre d'oncologie,
juste à côté de l'usine,
à côté de l'hôpital.
Tout est là.
Ils ont même mis des fleurs,
ont fait le jardin en avant.
On voulait les machines en dedans,
le centre d'écologie,
mais il est fermé.
Ils ne trouvent pas d'oncologues.
Il y a une autre ligne,
j'ai couché dans mon char,
que j'ai moi-même souvent dû expliquer
à des gens qui ne viennent pas de Rouen
parce qu'ils ne comprennent pas ce que ça veut dire.
Quand le gaz m'a pogné,
je suis venu tout à l'envers. Peux-tu nousnent pas ce que ça veut dire. Quand le gaz m'a pogné, je suis venu tout à l'envers.
Peux-tu nous expliquer ce que ça veut dire?
Le gaz, c'est quoi?
Le gaz, c'est le SO2,
le nitrite sulfureux.
C'est ça qui accompagne
tout minerai
de cuivre, de fer,
il y en a partout. Du soufre.
Le soufre, c'est le tiers,
je pense,
le tiers du minéraux.
Si toute la planète Terre, c'est du souffle.
Puis pour aller chercher ton cuivre, il faut que tu le fasses monter à, je ne sais pas,
moins 2000 degrés centigrades.
Mais le souffle, il est en feu, en boucan.
Ce n'est pas ça les cheminées.
C'est de l'anhydride sulfureux que moi, quand j'étais petit,
souvent, aussitôt, ils appelaient ça la boucane.
La boucane est arrivée,
on courait en dessous des galeries,
on rentrait chez nous tout de suite parce que t'es toujours à Bérette.
Ça prend en gorge.
Ça prend en gorge.
Après le film 84,
dans Andorre en 84,
il y a eu, à un moment donné,
une petite révolte dans la ville,
puis ils ont dit, il faut arrêter ça,
l'emboucanage du monde.
Ça fait que c'est là.
Ils ont réussi,
là, ils ont créé un plan d'acide
sulfurique, récupérer
le soufre, puis en faire
de l'acide sulfurique, puis en faire éventuellement
de l'engrais, puis envoyer ça un peu partout au monde.
On n'étouffe plus,
mais on se fait contaminer pareil,
par les métaux lourds,
surtout ceux qu'on connaît très peu.
Et encore moins
les effets cocktails
de ces métaux lourds sur la santé.
J'ai couché dans mon char,
c'est une chanson
qui se trouve sur ton album Tu m'aimes-tu? Il y a une édition vén chanson qui se trouve sur ton album Tu m'aimes-tu?
Il y a une édition vénile qui sort
ces jours-ci de Tu m'aimes-tu?
Est-ce que tu étais en peine d'amour quand tu as écrit
cet album-là?
Non. Au contraire.
Tu étais follement en amour.
Oui, mais je n'écris pas une toune
de même.
C'était la naissance d'un amour.
Ah, c'était... Comment dire? Je ne sais pas. On'était la naissance d'un amour. Ah, c'était...
Comment dire? Je ne sais pas.
On me pose la question.
J'étais avec quelqu'un,
j'étais amoureux, c'est sûr.
Mais
ce n'était pas juste ça.
Tu m'aimes-tu?
Ça ne se disait pas.
Un gars ne disait pas ça dans le temps.
Parce qu'un gars, c'était tough, donc ça disait pas.
C'était tough, ouais.
Puis ça considérait l'amour d'une femme
comme quelque chose qu'elle a de soi.
Tu sais, il y a pas de...
Puis dans la chanson, c'est pour ça que je te demande
si t'étais en pleine d'amour, parce que ça va pas de soi
que la femme à qui le gars s'adresse,
elle l'aime en retour, que c'est réciproque.
Puis c'est encore comme ça.
Je veux dire, en réalité.
Comment un homme qui chérisse les femmes en secret,
c'est une espèce de retenue culturelle, qu'on peut dire.
Mais je l'entendais souvent, c'est même que je faisais mes chansons,
je récoltais mon stock en écoutant tout le monde parler,
puis m'apercevait, tu sais,
comment c'est qu'un homme pouvait s'éprendre d'une femme
sans trop poser de questions.
Fait que moi, j'ai dit, je vais y aller,
on va sortir, il se pose des questions.
Pourquoi tu m'aimes moins?
Tu pourrais en aimer un autre, pourquoi moins?
Fait que c'est ça la question.
Puis, elle est universelle.
On peut dire ça.
Il y a une Rose Aimée qui revient dans plusieurs de tes chansons.
J'ai couché dans mon char dans Rose Aimée,
une chanson de ton groupe Abitibi.
Est-ce qu'elle est inspirée d'une réelle Rose Aimée?
C'était une chatte que j'avais à Montréal,
une appart qui s'appelait Rose Aimée? C'était une chatte que j'avais à Montréal,
une appart qui s'appelait Rose-aimée.
C'est ça.
C'est un animal?
Non, pas nécessairement.
Puis non, mais c'était une petite chatte,
mais bien tannante.
Puis il a fallu que je m'en débarrasse.
Il était là, dans le pays d'une ferme.
Puis j'avais une rose-aimée aussi dans la mémoire.
C'était ma maîtresse d'école en 7e année.
Quelqu'un d'insupportable.
Complètement insupportable.
T'sais, un grave.
T'es grave.
Dans ce temps-là, t'étais pogné avec une maîtresse pendant 7 ans.
Je pense qu'aujourd'hui, c'est encore ça, je pense.
Non, je pense que les enfants changent de professeur
à chaque année.
Ça, c'est une bonne nouvelle.
Ça peut durer maximum une année, le calvaire.
D'autant plus que moi,
elle essayait de nous suivre
d'année après année.
C'est l'année la plus...
Je ne sais pas pourquoi elle a osé.
Je me rappelle,
je signais des autographes
à la fin au cabaret de la dernière chance
à Rouyn. Je ne me rappelle pas pourquoi.
Il y a une madame à la r, au cabaret de la dernière chance à Rouen, vous voyez, je ne me rappelle pas pourquoi. Puis là, il y a une madame, elle arrive en avant de moi.
J'étais assis, elle était de bout.
Elle sort un crayon, un papier, puis elle dit,
« La Rosemey dont vous parlez, elle vient-tu de Mont-Vrin? »
Tu sais, un petit village pas loin,
une petite ville pas loin d'Oruin, au nord d'Oruin.
J'ai dit, « Avez-vous des nouvelles d'elle? »
Elle me disait, « Avez-vous des nouvelles d'elle? » Tu sais, j'ai dit, « Non, non, ça n'a pas rapport. » J'ai dit, « Avez-vous des nouvelles d'elle? » Elle me disait, « Avez-vous des nouvelles d'elle? »
J'ai dit, « Non, non, ça n'a pas rapport. »
Puis là, elle raconte l'histoire de sa soeur,
qui s'appelait Rosemée.
Ils construisaient le chemin de fer à Tachereau-Norandor,
à l'époque.
Le gouvernement avait payé ça pour qu'eux autres,
ils auraient payé le chemin de fer
pour sortir le minerai, pour qu'ils s'en aillent à Montréal.
Puis elle, en même temps, il y avait les colons qui s'installaient le long de fer pour sortir le minerai, pour qu'il s'en aille à Montréal. Puis elle,
en même temps, il y avait les colons
qui s'installaient le long de la traque aussi.
Puis sur ceux qui travaillaient,
c'était des colons, des agriculteurs,
puis ceux qui travaillaient sur la traque,
c'était souvent des Européens de l'Est.
Puis il y avait des grosses familles
à l'époque, puis à un moment donné,
un travailleur, un Polonais,
quelque chose de même,
il est entré dans la maison du colon,
puis il y avait un kick sur une fille,
Rosemey, je pense que c'était Alainé,
une affaire de même,
puis là, il est venu parler à son père
pour voir s'il ne pourrait pas partir
avec sa fille, Rosemey.
Puis ça s'est négocié, probablement.
Il va avoir 8-9 enfants, puis s'il y en a un qui partait,
mais déjà là, ça fait moins de pression sur la famille.
Manger, puis tout ça.
Rosemey est parti avec le gars.
Puis elle n'a plus jamais entendu parler.
Fait que là, elle est arrivée devant moi.
Elle pensait que tu pourrais l'aider, mais...
Des fois que ce sera elle.
Tu sais. Mais c'est fou ce que ça inspire,
les chansons, les images que les gens
se créent à partir d'une chanson.
Le monde crée à ça.
Comme tu vas créer un film.
Nous autres,
une chanson, c'est quoi?
Mon guitariste,
il aimait ça dire ça. Nous autres, ce qu'on fait,
on fait du cinéma pour aveugles.
Il faut que tu fasses ton film en trois minutes, par exemple.
Il n'y a pas de niaise à faire.
Dans plusieurs de tes chansons, il y a des personnages
de « C'est le cas de J'ai couché dans mon char »,
de gars qui ont l'air d'entretenir
un rapport un peu compliqué avec la loi,
des bommes, des petits criminels.
Tiens, à quoi ta fascination
pour ce type de personnage-là,
ce type de gars-là
des bandits?
je sais pas
des bandits avec un bon coeur
il y en avait beaucoup à Rouen
tu les fréquentais, tu les croisais dans les hôtels
t'as pas le choix
ça arrive, des chums aussi
je sais pas comment
ils ont fait de la prison
c'est des bums C'est des bombes, ben ouais.
Puis c'est des villes aussi
intenses.
Il y avait plus d'argent
dans ces villes-là qu'ailleurs.
Tu pouvais travailler facilement,
faire de bon argent.
T'as 17, 18 ans, puis tu sors,
t'achètes de la dope un peu,
puis t'as écouté de la musique,
du rock, puis c'est magnifique.
Mais c'était tous des personnages
très, très colorés,
très distincts.
Tu sais,
on appelait ça, on s'en va sur le beat.
Sur le beat?
Oui, on s'en va sur le beat.
Ça, ça veut dire vendredi soir, samedi soir,
à Rouen, en 1960,
il y avait, je pense,
une vingtaine d'hôtels avec 20 orchestres.
Tu sais?
On se prenait d'un à l'autre.
C'était
une éducation musicale
extraordinaire.
C'était de mélomanes.
La place était mélomane.
Là, c'est pas mal tranquille,
par exemple.
Mais c'était fabuleux.
Ton premier groupe, ça s'appelait
les Fabulous Cascades.
Oui.
Ça ressemblait à quoi?
C'était Daniel Naud.
Il a été connu après.
Il a fait une bonne carrière.
Il avait son groupe,
les Fabulous Cascades.
Cascades.
Ce qui était très rare à l'époque,
il cherchait un clavier,
quelqu'un qui jouait du piano.
Pis il y en avait pas beaucoup,
il y avait moi, il y avait Jacques Marchand,
on était 5-6 là-dedans,
pis là j'avais 14 ans.
Pis à l'époque,
je vais pas rester là longtemps,
parce qu'il avait pas le droit de chanter,
il avait pas le droit de jouer de guitare.
Puis il fallait juste piano.
J'avais suivi des cours de piano aussi,
tu sais, pas mal.
Tu avais accompagné ton frère aussi?
Oui, après.
C'était après.
C'est quand tu es...
Je te parle des années 61, 62, 63.
Puis ma job, c'était
d'accompagner ces groupes-là.
À l'époque, il y avait tellement
de cinéma à Rouyn
qu'il y avait des cinémas qui organisaient
des jam sessions
où ils engageaient un orchestre avant le film.
Le rideau s'ouvrait,
tu jouais, le rideau se fermait,
tu allais tasser, puis le film commençait.
On avait un petit pays. le rideau s'ouvrait, puis tu jouais, puis le rideau s'fermait, puis t'allais attacher, puis le film commençait. Fait qu'on avait une petite paille, puis...
Mais c'était quand même...
Ça a été... C'était mon premier orchestre.
Je veux dire, je te dis, mon premier show public à l'époque,
bien, j'étais en piano,
aussi un piano avec une trompette puis un drummer.
Pas de bass, pas de guitare, rien.
Faisais des mariages.
Est-ce que c'est vrai que c'est
grâce à ton bassiste
Rémi Perron que
t'as décidé que tu t'es mis à écrire des chansons
en français? Non, j'avais commencé.
Mais c'est Rémi Perron,
il était majeur dans ma vie,
c'est lui qui a dit « On fait un band, on fait un orchestre,
on fait quelque chose. »
Moi, j'étais pas sûr de ça pendant tout.
C'était encore bien
loisir,
relaxé.
Je faisais des tunes, par exemple.
C'était à l'époque aussi
qu'il y avait les chansonniers
et les boîtes à chansons.
Les gars
comme Claude Léveillé, Claude Gauthier,
les générations
après avaient fait les Stster-Clair.
Ferland.
Vraiment, Ferland.
Il écrivait en français.
Moi, je me souviens, j'avais peut-être 14-15 ans.
À un moment donné, il est arrivé au collège où j'étais.
J'étais sur l'organisation qui travaillait,
qui faisait venir des artistes.
Un soir, il arrive là, Monique Lérac,
une chanteuse extraordinaire.
Une des plus grandes chanteuses québécoises.
Ah oui, oui.
Elle avait fait le Ed Sullivan Show à New York.
Puis elle a commencé à chanter,
puis j'ai tombé comme sous son charme.
J'ai tombé complètement...
Pouf!
Un état de choc.
Hypnotisé. Hypnotisé, c'est ça qui est le mot. Puis quand elle a
chanté La Manicouté,
une chanson de...
De Vigneault. De Vigneault.
Je me souviens de m'être dit,
s'il y a moyen, c'est ça que j'aimerais faire
dans la vie, c'est d'écrire des tunes.
Tu sais, de...
de ce calibre-là, si possible.
Mais c'était pas trop sérieux.
Moi, je voulais être réalisateur
de nouvelles à Radio-Canada.
C'était ça qui était
mon objectif.
Puis en même temps, il y avait
les boîtes à chansons, tout ça.
Mon frère, Roger,
un beau garçon,
il chantait bien.
Mon aîné de quelques années. Puisçon, il chantait bien. Mon dernier de quelques années.
Il chantait et il a décidé
qu'il y avait des boîtes à chansons
qui arrivaient.
Tu pouvais t'en partir une, toi,
si tu voulais,
dans un sous-bassement quelconque.
N'importe quoi, tu fais des boîtes à chansons
avec des filets, des coquillages
en dedans, des petites chandelles.
Mon frère faisait un tour de chant. des filets avec des coquillages en dedans, des petites chandelles. Puis là,
mon frère faisait un tour de chant.
Il chantait, lui,
en français tout le temps.
Mais il chantait des chanteurs français
aussi, Aznavour, Beko.
C'est aussi
de l'éveiller.
Moi, je l'accompagnais.
Puis c'est peut-être là que,
comme c'était des disques,
une chanson comme Beko,
et maintenant, que vais-je faire?
Mais moi, il fallait que je traduise
sur un seul piano tout ce que l'orchestre faisait.
Oui, parce qu'il y avait des violons,
il y avait des arrangements magnifiques et opulents.
Oui, c'est peut-être là que je suis rentré
sans le savoir, comme dans la chimie d'une chanson.
Comment ça se fait, une chanson?
Puis il a fait ça quelques années,
puis il m'en est arrêté,
mais j'ai continué à me mettre au regard de ça,
tu sais, sideline.
Mais il a fallu donc Rémi, le pic hyper rond,
te donner un coup de pied au cul pour que tu te mettes vraiment...
Oui, exactement. Il n'a jamais arrêté de me battre le cul.
Des fois, je n'ai que rire de faire ça.
Mais lui, il croyait, vraiment. On a commencé à faire des tours, on a commencé à monter. Abitibi version 2B, 2T, 2B,
comme c'est les premières transcriptions d'Anishinaabe, de la langue algonquine. Les
premières transcriptions de 1860, c'était écrit comme ça.
Fait qu'on a gardé 2B, 2T, 2B.
Puis là, on a commencé à faire...
Lui, il avait joué, d'ailleurs, avec Daniel Nault,
avec des Fabulous Caskets.
Il se connaissait très bien.
Puis les autres faisaient...
Tu sais, il avait travaillé avec
Quand j'ai toujours envie d'aimer...
Mike...
Non, non.
Non, non.
Pas Mike Brent. Non, non Non, non. Pas Mike Brent.
Non, non, c'est pas Mike Brent.
Chanteur, c'est Claude.
En tout cas.
Je vais le chercher.
OK.
Je vais en filmer une clope, ça dérange-tu?
J'allume les deux portes.
Mark Hamilton.
Mark Hamilton.
Je peux jouer là aussi?
Oui.
Il était le bassiste de Mark Hamilton. Marc Hamilton. Toujours là aussi. Oui. Il était le bassiste de Marc Hamilton.
Puis il n'y a pas de club qu'il n'avait pas fait au Québec.
Des petits jobs, des bons jobs.
Puis donc, à ce moment-là,
lors de la fondation du groupe Abitibi,
tu habitais dans un hôtel?
Oui.
Comment est-ce qu'on peut vivre dans un hôtel?
Ah, c'était...
Là, on parle d'une autre époque.
Ben oui.
J'avais appuyé un contrat
pour le ministère de l'Éducation du Québec,
un organisme qui s'occupait d'éducation populaire,
multimédia.
Puis j'avais appuyé un job avec eux autres.
Moi, je faisais des émissions de radio.
On venait partout pour encourager
des projets qui venaient à des places.
Tu sais, les petits groupes et tout ça.
Puis on travaillait dessus.
C'était comme...
Pour l'alphabétisation aussi.
Tu sais, il n'y a pas à moitié du monde
que ça va écrire.
Des hommes qui étaient capables d'écrire.
On travaillait là-dedans.
J'avais un bon petit salaire. Puis à un moment donné, avait écrit, des hommes qui étaient capables d'écrire. On travaillait là-dedans.
J'avais un bon petit salaire.
À un moment donné,
ça me tentait pas d'avoir d'appart.
Une chambre d'hôtel, c'était parfait.
Il y avait un hôtel à côté
de l'hôtel commercial
à l'époque.
C'était le bonhomme propriétaire de ça.
C'était un...
Comment est-ce qu'on appelle ça?
Un gratueux.
Un radin total.
Un séraphin.
Un séraphin.
J'arrivais le 1er janvier en billes de 20 000 $.
Puis là, il venait à fourrer.
Pour l'année?
Pour l'année.
Ça faisait à quoi?
À 3 $ par jour?
Pas plus.
C'est moi qui faisais mon ménage.
C'était bien correct.
J'ai vécu là une couple d'années.
En 1986, tu as passé six mois à Pouvognitouk.
Pouvognitouk, oui.
Qu'est-ce que tu as appris
au contact des Inuits?
Moi, j'ai fait l'Amérique du Sud,
c'est le pouce.
Partout.
Je suis poussé à partir de Val-d'Or
jusqu'à Buenos Aires.
C'est une petite trotte.
Une petite trotte.
Je suis parti un an, quelque chose de même.
Après ça, j'ai fait l'Europe.
J'étais allé loin, jusqu'en Omani,
il n'y a pas longtemps.
Mais je n'ai jamais été dans une place aussi étrangère
que Povogneto qu'au Québec.
Là, c'était un autre monde.
C'est ça.
J'en ris encore.
C'était les derniers arrivés en Amérique.
Ils ont resté poignés dans les glaces
parce que les cris du Québec,
ils ne laissaient pas passer.
C'est une question de...
Comment dire?
Plus tu vas vers le nord,
plus tu as besoin de grands territoires
pour loger, abriter, nourrir,
mettons, une quinzaine de personnes.
Quand tu es au Costa Rica,
c'est facile. Il y en a partout.
Puis tu peux manger tout le temps.
T'es rabafraite.
Ici, t'augmentais
les populations. Tu rentrais en concurrence.
Ça fait que
les cris du nord,
le Béjim, ont stoppé
les Inuits de passer.
Ils ont empêché de passer.
Ils ont resté poignés dans les glaces.
Ils ont réussi à survivre.
C'est incroyable.
Moi, j'ai passé
six mois à temps complet.
Enseigner la musique.
La musique, oui.
Avoir un enfant
en même temps, à tous les niveaux
d'une école,
à partir de 6 ans jusqu'à sa seconde ère,
jusqu'à 15-16 ans.
Mais le contact d'une population,
c'est la première fois que je voyais ça.
On avait une petite maison.
Moi, je suis un professeur.
J'étais parti avec ma blonde à l'époque, pour l'année,
avec mon garçon aussi. Il avait 6-7 ans, inscrit à J'étais professeur. J'étais parti avec ma blonde à l'époque, pour l'année, avec mon garçon aussi.
Il avait 6-7 ans.
Inscrit à l'école là-bas.
Tu ne peux pas t'imaginer.
Tu es dans ta maison.
À un moment donné, quelqu'un ouvre la porte
et il rentre et s'assit sur ton sofa.
Ce n'est pas quelque chose
qui est étonnant pour eux.
Non, il n'y a pas de porte des igloos.
Je ne sais pas.
C'est comme ça tout le temps, là.
Il s'approchait
de l'évier de cuisine,
puis Mablon, mettons,
agrétait des carottes.
Tu sais,
une fin de salade aux carottes.
Puis là, tu vois, il y a le kid qui arrivait,
il se bouchait le nez, puis il allait sentir.
Il s'approchait du plat de carottes.
Il ne tristait pas ça.
En même temps, il pouvait manger un oeil de poisson
devant toi.
Mais la manière de penser aussi.
Il n'y a pas de mots pour dire oui.
Quand tu vas dire oui,
il hausse les sourcils.
Mais ça va prendre comment de temps avant de comprendre.
Des fois, ils sont tannants.
Ah non, c'est incroyable.
Je reviens à « Tu m'aimes-tu ».
Il y a des chansons d'une grande poésie sur cet album-là.
Natac, notamment. Ça a été qui tes d'une grande poésie sur cet album-là. Natac, notamment.
Ça a été qui, tes professeurs de poésie?
C'est Éparpillé.
Moi, je le considère comme un mélomane.
Je vais aimer la musique de toutes sortes de provenances,
mais j'apprécie quand c'est bien fait.
Quand il y a du soin qui a été
apporté ou bien non, quand il y a
quelque chose qui m'étonne.
Puis...
Fait que c'est arrivé... Tu sais, on était à quoi?
À 20 kilomètres de la frontière ontarienne.
Ça fait qu'ici, il y avait des bandes
de rock'n'roll. On était dans le circuit
Toronto, Sudbury,
Timmins, Rouen.
C'était comme la dernière ville ontarienne, c'était à Rouen. C'était comme la dernière ville ontarienne,
c'était à Rouen. C'était à la tournée, ça.
Fait que là, on avait accès à de la musique.
Tu sais,
Ronnie Hawkins and the Hawks sont venus ici.
Tu sais, Robbie Robertson.
Mais oui, ça, c'est ce qui est devenu The Band
quelques années plus tard.
Il y avait The Band, lui, où il accompagnait Bob Dylan
pendant des années. Mais c'était
du gros calibre, ça.
Puis en musique, comme aussi, j'étais en piano,
les seuls qui pouvaient m'enseigner le piano,
c'était les musiciens, les musiciennes classiques.
Ça fait que j'avais déjà un éventail,
si je voulais le moindrement,
le moindrement que ça m'intéresserait.
Il y avait tout ce qu'il fallait à Rouen pour progresser.
Mais en poésie,
je me souviens des premiers poèmes.
Pourquoi? Parce que c'était bien fait.
The End of the World.
J'avais 12 ans. C'était une peine d'amour.
J'avais 12 ans.
J'étais loin de la peine d'amour.
Why does the sun go on shining? »
Pourquoi le soleil continue de briller?
Pourquoi la mer continue d'aller sur la plage?
Pourquoi tout ça fait ça?
Pourquoi il fait ça au même moment où tu t'en vas, toi?
Je te vois ça.
Je me voyais, j'avais 12 ans.
Je n'avais pas connu l'amour.
Il y a des textes qui m'ont beaucoup frappé.
En poésie, je me rappelle,
je l'ai conté cette histoire-là,
j'avais 14-15 ans.
Le professeur était arrivé
avec un texte à analyser.
C'était un texte de
Villon, François Villon,
La balade des pendus.
Puis là, il avait dit, vous allez faire un devoir là-dessus.
OK.
Moi, j'ai embarqué là-dedans, puis j'ai
tombé sur le cul.
C'est même, le point de vue
que lui, tu sais, il était supposé se faire
pendre, lui, là. Il avait tué un prêtre,
puis il était supposé...
Il s'est fait
gracier parce qu'ils ont changé
le roi pendant
qu'il attendait de se faire
exécuter. Puis il a écrit
La balade des pendus. On ne sait pas exactement
l'histoire, mais on peut s'imaginer
que
c'est arrivé. Puis là,
il a écrit un poème. C'est lui-même
qui est pendu, puis il écrit
comment est-ce qu'il est.
Il est mort.
On n'en reviendraol, même en cinéma,
aujourd'hui, j'ai même ça.
C'est des poèmes qui...
Il y a juste la poésie qui peut faire ça.
Oui. Ça m'est resté.
J'ai écrit mon texte.
Je présente ça au professeur.
Mon professeur à l'époque.
Il m'a zéro.
Il m'a zéro.
Il dit, t'as copié ça, c'est ça.
T'es trop bon.
En tout cas, lui,
ma mère est venue avec moi au collège,
on avait renversé la décision.
Ça t'a pris combien de temps
à écrire Natak?
Natak? C'est long, ça.
Ça, c'est en revenant de Povognétou.
C'est pas tout le temps,
c'est pas en continu, mais mettognétou. C'est pas tout le temps, c'est pas en continu,
mais mettons trois ans.
Trois ans?
Oui.
Oui.
Tu stockes là-dedans.
Une fois que t'as ton histoire, c'est correct,
il faut te mettre en poésie, en douze pieds, en alexandrin.
Il faut que tu fasses ton piano qui va avec.
Oui.
C'est ce qui est beau avec « Tu m'aimes-tu »,
c'est qu'il y a « Le bon gars, une chanson en joual
une chanson un peu comique
4 jours
plus rapide
quand j'aime une fois, les plus populaires
qui me font gagner ma vie
ont été Faites des coups secs
quand j'aime une fois, j'aime pour toujours
tu l'as écrit super rapidement
une fois j'avais trouvé
mes rimes en OUR et en A, à moitié de doublage de fait.
Quand tu as enregistré Tu m'aimes-tu en 90, est-ce que c'était un moment, ça passe ou ça casse pour toi?
Parce que tu avais connu un certain succès avec Les derniers humains.
Oui. Non, c'était pas je t'assure de ma shot.
Parce que quand j'ai enregistré Tu m'aimes-tu,
j'ai commencé avec Les Derniers Humains.
Puis j'écrivais Les Derniers Humains,
mais en même temps, j'écrivais Tu m'aimes-tu.
Quand j'ai fini Les Derniers Humains,
Tu m'aimes-tu était quasiment fini aussi.
Avant même que je sorte mon premier album.
Je voulais, dans un premier temps, que je prenne des chansons plus philosophiques,
plus générales.
Je voulais pas suivre de mode.
Puis je me donnais la permission de revenir
toute ma vie, si je voulais, dans du sérieux.
Ça peut dire sérieux en parenthèse.
Ça fait que
Les Derniers Humains, c'était sérieux comme ça.
C'était un peu...
Tandis que
Tu m'aimes-tu, c'est plus varié.
J'ai des chansons comiques là-dedans.
Il y avait des chansons d'amour,
des chansons courtes.
Mais l'album était fait.
Après que j'ai eu fini
Les derniers humains,
que j'ai commencé à jouer dans des petites salles,
j'allais un peu partout.
Mettons, j'allais le premier soir,
il y avait 20 personnes.
Puis, moi, on avait bien aimé ça.
On aimait bien.
J'ai commencé à sortir. J'allais jusqu'à Sherbrooke. il y avait 20 personnes. Puis, le monde avait bien aimé ça. Le monde aimait bien.
Là, j'ai commencé à sortir.
J'étais chez Airbrook.
Puis, ça marchait.
Il m'a engagé, mettons, pour revenir.
Je revenais six mois plus tard,
il y avait le double.
Il était 40.
Je revenais, mettons, un an plus tard,
il était à 160.
Mais là, je savais que c'était une question de temps avant que je puisse penser gagner ma vie avec ça.
Fait que quand tu m'aimes-tu, il est arrivé que c'était une question de temps avant que je puisse penser gagner ma vie avec ça. Fait que quand
« Tu m'aimes-tu » est arrivé, c'était prêt.
Mais malgré tout, t'as pas été
capable de trouver un producteur
qui voulait t'épauler avec « Tu m'aimes-tu ».
Non.
Dans ce temps-là, c'était
les...
Comment c'est que ça? Les fillettes,
plutôt, les petites chanteuses.
C'est ça qui a pris Martine Sainte-Claire.
C'est ça que le monde voulait.
Il n'y a pas un producteur qui voulait aller ailleurs que là.
Même Audiogram,
la grosse compagnie Audiogram,
j'ai eu un rendez-vous trois fois
avec le gars qui produit Biza.
Les trois fois, il ne s'est pas présenté.
C'était où? c'était tu où?
C'était tu où que tu as pu se rencontrer?
Dans son bureau.
C'est comme un concentré de l'histoire
de l'industrie de la musique et du disque là-dedans.
Oui, je n'ai pas eu le choix.
Il fallait que je le fasse.
Mais j'avais pas assez d'argent.
Ça coûtait 20 000 $.
Ça peut être à l'époque, pour dire enregistré en solo assez d'argent. Ça coûtait 20 000 $.
Peut-être à l'époque, pour enregistrer en solo d'un bon studio, d'un bon piano,
ça coûtait 20 000 $.
Il en avait 10 000.
C'est là que j'ai dit qu'il fallait faire des shows.
Puis là, il fallait signer du monde.
Je vous promets que
j'amène les amis de tu-mais-tu
à votre porte.
Tu sais,
c'est une guerre.
C'était comme une promesse solennelle
que j'avais intérêt à...
C'est ça que t'as fait. Les gens...
Il y a certaines personnes qui sont venues récupérer
leur exemplaire de l'album au lancement du disque.
Mais ceux qui se sont pas présentés,
t'es allé leur porter le disque chez eux.
Oui. Soit par le mal,
tu sais, impossible. Mais ceux que je trouve à plus, que j'essayais de les trouver,
je me rappelle le dernier, j'ai monté un troisième étage,
j'étais arrivé au quartier à Montréal,
puis je suis arrivé avec l'album,
mais c'était avec le CD de « Tu m'aimes-tu »,
ma job était faite.
Un pionnier du sociofinancement.
On appelle ça du sociofinancement aujourd'hui
lorsque les artistes demandent à leurs fans
de les aider dans l'enregistrement d'un album, dans un projet.
De faire confiance.
C'est exactement ça.
Dans L'homme canon,
le gars, il trouve que sa ville est belle
à la fin de la chanson.
Est-ce que Rwanda,
tu trouves que c'est une belle ville, malgré
toutes les raisons de la trouver moins belle?
Ah oui, ah oui.
Moi, j'ai été élevé ici, heure oui. J'ai été élevé ici, heureux.
J'ai été élevé à Rouyn.
C'était tout le temps le fun de vivre ici.
J'avais une bonne famille, mes frères, ma soeur.
J'avais pas de conditions matérielles désastreuses
comme bien des pauvres qu'il y a en ville.
On allait à l'école, on mangeait à trois jours.
On avait un chalet. Où est-ce qu'on est là?
Un petit camp.
Puis mes chums de rue,
c'était super dans ce temps-là.
On jouait dehors. Il n'y avait pas de la TV.
Il y en avait deux sur la rue.
On se ramassait des fois
toutes les gangs. La gang, on est devant
Seraphim, chez quelqu'un. On regardait ça.
Les ploufs.
Puis il y avait la télévision 12 heures par jour.
Ça fermait à minuit.
La face d'Indien arrivait à minuit.
Mais tu sais,
j'étais dans une bonne gang.
Il y avait du fun.
C'était surtout,
il y avait une espèce de liberté
de parole.
Il n'y a personne qui le verrait.
Il n'y a personne.
On appelle ça, comment dire,
une expression,
parler en fou.
Ça n'est pas...
Parler en fou,
je n'avais jamais entendu.
Oui, parler en fou.
C'est quand ça dérape,
puis c'est drôle.
J'ai été instruit raisonnablement bien.
J'ai eu un diplôme de l'Université d'Ottawa.
Dans ce temps-là, c'était les Oblats de Rouen
qui maintenaient le collège.
Il y avait leur congrégation qui était installée à Ottawa.
J'ai eu un diplôme, bac, SR, en 69.
Je n'ai pas encore été le chercher,
mais on verra si j'ai le besoin un jour.
On ne sait jamais.
J'ai envie de te poser une question un peu compliquée,
peut-être un peu philosophique.
Parfois, n'importe quoi, je vais te répondre n'importe quoi.
C'est ça.
Si je te demandais de décrire,
de définir l'identité habitibienne,
qu'est-ce que tu me répondrais?
Ah, l'identité
habitibienne...
Je sais pas.
C'est pas...
J'ai été
assistant-mesureur de bois
l'été. C'est ça que je faisais à la collège. J'étais été assistant mesureur de bois l'été.
C'est ça que je faisais à la collège.
J'étais fils de cadre.
Dans ce temps-là, c'était comme un système.
La compagnie engageait le fils du cadre.
Il m'en rappelle d'une formule.
Dans ce temps-là, il y avait une mobilité de main-d'oeuvre énorme.
Il disait tout le temps,
« Mon nom, c'est Joe Meilleur.
Si ça ne va pas ici, ça va faire ailleurs. »
C'était comme ça.
J'ai entendu ça
des centaines de fois.
Je pense que
la question que tu poses
sur l'identité,
j'ai vu ça souvent.
On ne reste pas poigné.
Ça ne fonctionne pas ici, on ira ailleurs.
C'est ça.
C'est ce qui arrivait aussi.
L'identité, je ne pourrais pas le dire.
Parce que quand tu poses la question,
ce n'est pas en comparaison avec l'Ontario.
Je ne sais pas.
Non, mais il y a quand même la relation
avec les minières, avec le bois, l'Ontario? Je ne sais pas. Non, mais il y a quand même la relation avec les minières,
avec le bois, l'exploitation.
Non, oui. On travaille.
On travaille.
On n'a rien reçu de ça.
On avait gardé une moindre
parcelle, mettons,
des avantages de ça.
Se monter un fonds
collectif,
il y a loin d'en avoir. Il y en a 200 000 personnes aujourd'hui. des avantages de ça. Se monter un fonds collectif, à Rouyn,
il sera 200 000 personnes aujourd'hui.
C'est encore possible.
On ne vit plus dans une
« company town », ce ne sont plus les seuls employeurs.
L'université est arrivée,
l'Hydro-Québec s'est installé,
il y a toutes sortes de services tertiaires
qui s'est développé.
On pourrait vivre sans eux autres.
C'est ça qu'on va essayer de faire.
Tu parlais des feux de forêt tantôt.
Il y a un nouveau mot
qu'on emploie depuis quelques années,
l'éco-anxiété. Est-ce que t'es
éco-anxieux?
Pas plus qu'un autre.
Pas moins.
Quand je dis ici, c'est la première fois
que je vois ça. Ça fait 70 ans
que je viens ici, puis l'année passée,
la première fois, je me suis dit, « Hey,ons, c'est le feu, il y a un char par où? »
« Pas de getaway. »
« Le chemin du Rapide 2, il n'est plus carrossable. »
C'est la première fois que je pense à ça.
Parce que la forasterie qu'on fait va amener,
va faire multiplier les feux.
C'est ça qui est...
Puis le reste, on sait bien que c'est tout foutu.
Dans le tourne, je fais dans l'exhistoire,
il y a un homme dans une mer de char.
Une mer de char.
Partout où tu vas sur la terre,
t'es tout le temps dans une mer de char.
Ça se fait pas.
C'est petit, la terre.
Il y a ton ami Michel X Côté
qui vient de lancer un livre qui s'appelle
Un poète chez les éleveurs de Pékin.
C'est très bon.
On a malheureusement souvent l'impression de vivre dans ce monde-là.
On est dedans.
On est dedans.
C'est pas nous autres qui contrôlons.
Richard, mon balado s'int pas nous autres qui contrôlent. Tu sais, là. Richard,
mon balado s'intitule « Juste entre toi et moi ».
Est-ce qu'il y a une dernière chose
que tu aimerais me dire qui resterait juste entre toi et moi?
Ah, bien,
merci d'être venu.
Merci de l'avoir accueilli.
Oui, c'est ça.
Est-ce que tu pourrais nous parler de l'album
que tu es en train d'écrire? Est-ce que c'est vrai que tu es en train d'écrire un nouvel album?
Bien, j'essaie, oui.
J'essaie de...
Je fais ça de moins en moins
parce qu'écrire,
c'est tough.
C'est une... Comment je dirais?
C'est une expérience psychique
énorme.
Puis je suis bien content
de m'en reposer.
Je suis bien content de m'en reposer suis bien content de me reposer de ça,
mais j'en fais toujours.
J'étais avec Richard Séguin il y a quelques jours
et il m'a demandé, est-ce que tu penses que Richard
va en faire encore des tunes?
Donc, je peux lui répondre que oui.
Oui, oui.
Tu sais, je suis en train de faire.
Je fais beaucoup de piano.
Je joue du piano.
Puis, tu sais, je fais...
J'essaie de me rappeler mes vieilles tounes.
Parce que tu vas remonter sur scène?
Ah, ça, je le sais pas.
C'est pas une chose dont je m'ennuie.
C'est bien mieux pas monter sur scène
que monter sur stage.
Mais donc, tu essaies de te rappeler tes vieilles tounes?
Oui, parce que la guitare, surtout,
il m'a pas même un peu sur le manche,
mais je le connais pas au moment.
J'ai jamais appris la géographie d'une guitare.
C'est tout de mémoire.
C'est bon.
Il m'envoie...
J'ai même pas d'album ici.
Faut tout le temps
que je prenne du temps
chaque jour pour essayer de maintenir un peu.
Merci beaucoup, Richard.
OK.
Ça a été un honneur. Merci de nous avoir reçus.
Juste entre toi et moi