Juste entre toi et moi - Robert Lepage
Episode Date: February 28, 2024Après avoir passé une journée en sa compagnie au Diamant de Québec, Dominic s’entretient avec Robert Lepage, dans son bureau, au sujet de son incomparable trajectoire et de son étonnant intér�...�t pour l’univers de la lutte. Il est aussi question de rock progressif, d’impro et de Ding et Dong, le film.
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Sous-titres par Jérémy Diaz Bienvenue à la troisième saison de Juste entre toi et moi. Je suis très content de vous retrouver.
Merci d'être à nouveau des nôtres.
C'est une saison qui s'amorce en grand avec un invité de prestige.
Je parle de nul autre que de M. Robert Lepage
parce que le 7 février dernier, j'ai eu la chance de passer une bonne partie de la journée avec Robert
dans son quartier général, le Diamant, à Québec. Et c'est une journée
qui s'est déroulée sous le signe d'un sujet, d'un univers qui occupe beaucoup de
place dans mon esprit depuis que j'ai à peu près 4 ans. Ça fait donc environ 33 ans
que cet univers-là façonne mon imaginaire. Pour le meilleur et pour le pire, je parle
de l'univers de la lutte. Et peut-être que vous le savez déjà, ça demeure quand même étonnant, Robert Lepage est lui aussi depuis quelques années un passionné deest un spectacle de cirque inspiré de l'univers de la lutte.
Ça sera présenté au Diamant à Québec et à l'Atelier à Montréal.
Et on a aussi visité en après-midi le chantier de l'exposition sur l'histoire de la lutte au Québec
que Robert et son équipe préparent au Musée de la civilisation de Québec.
Ça s'appelle Lutte, le Québec dans l'arène.
Ça s'annonce absolument passionnant.
Ce sera présenté, ça, dès le 20 mars.
Et en fin de journée, on s'est installés au quatrième étage du Diamant,
dans le grand bureau vitré de Robert, qui donne sur la place d'Youville.
Pour le récit plus détaillé de cette journée,
je vous invite à me lire dans la presse plus, sur lapresse.ca,
ou dans votre téléphone, sur la presse mobile.
Mais voici sans plus tarder mon entretien avec celui que je n'ai pas osé appeler Bob, Robert Lepage.
Juste entre toi et moi, ça restera entre toi et moi ça restera entre toi
et moi
pour une fois
ça reste
entre toi
et moi
Votre plus vieux souvenir de lutte,
c'est lequel? Mon Dieu, je ne pourrais pas dire le premier jour que j'ai vu de la lut lutte, c'est lequel?
Bien, mon Dieu, je ne pourrais pas dire le premier jour que j'ai vu de la lutte,
mais c'est sûr que quand j'étais, je ne sais pas, j'avais peut-être 5 ans, 6 ans, je ne sais pas trop,
on regardait la lutte chez nous, chez mes parents.
Bien, évidemment, c'était à l'époque aussi où il n'y avait pas tous les câbles ou diffusion,
toutes ces choses-là.
Il y en avait à Québec, il y avait trois postes de télévision.
En fait, j'irais plutôt, il y en a deux parce que le troisième, il fallait être pas loin de l'antenne
qui était sur l'île d'Orléans pour avoir une image claire, mais…
– La rumeurée était trop loin.
– La rumeurée était trop loin, ça. Ce qui fait qu'il y avait ce qui était anciennement TVA,
il y avait Canal 4 qui, évidemment, était un peu le CFTM de Télémétropole. Il y avait la version
anglaise de ça,
qui était le Canal 5,
puis il y avait le Canal 11, qui lui, était
Radio-Canada, que nous,
on n'écoutait pas beaucoup parce que c'était tout en...
C'était enneigé, c'était très difficile de voir
moi et l'autre pendant la tene.
En tout cas... – Dodo était flou. – Dodo était flou, c'est ça.
Et ce qui fait que,
si je me souviens bien,
c'était des émissions qui étaient tournées à Sherbrooke.
Oui, à Téléset.
À Téléset.
Et qui étaient diffusées sur l'espèce de réseau
qui n'était pas vraiment un réseau à l'époque,
du Canal 10, du Canal 4 et tout ça.
Et ça, je me souviens de ça.
Je me souviens de...
Bon, ça fait quand même très, très longtemps.
Et on écoutait ça.
Parfois, c'était le samedi matin.
Parfois, c'était le dimanche.
Puis c'est devenu sur le matelas.
Puis c'est devenu entre plein d'autres émissions,
je ne me souviens plus tous les noms,
puis l'évolution de tout ça.
Je n'étais pas un passionné de la lutte, mais j'aimais ça beaucoup.
Et bon, ce que j'aimais beaucoup, c'était les personnages,
parce qu'aussi, c'était très...
Il y avait du théâtre quand même à la lutte, même à l'époque,
avant qu'ils arrivent avec tous les gros effets spéciaux,
puis avant qu'ils arrivent... Bon, ça, c'est plus...
Il n'y avait pas nécessairement de pyrotechnie,
mais il y avait des costumes déjà.
Mais il y avait du sport et de l'acrobatie.
Il y avait des prouesses, il y avait de l'athlétisme
et des personnages, des costumes.
Ça, ça m'intriguait beaucoup.
J'ai toujours beaucoup aimé ça.
Je ne dirais pas que mon goût du théâtre vient de ça,
mais c'est probablement que ça a joué un rôle
à un moment donné.
Votre goût du théâtre, il vient d'où?
Mon goût du théâtre, il vient plus du rockù? Mon goût du théâtre, moi, il vient plus du rock progressif.
Il y a une affiche de Genesis ici dans votre bureau.
Oui, c'est ça. Le premier spectacle que Genesis a donné...
En 73?
Au Grand Théâtre de Québec.
Est-ce que vous étiez là?
Oui, c'est ça.
Oui.
Puis ils sont revenus avec le même spectacle,
mais au Capitole à côté.
Ensuite, ils sont allés à Montréal,
parce qu'à l'époque, à Québec,
on se vantait d'avoir les groupes en premier.
Surtout les groupes prog,
parce que Québec et le prog, c'est une histoire d'amour qui date
très longtemps.
Et le rock progressif,
c'était, si on veut,
c'était des spectacles, pas juste de musique.
Là aussi, il y avait des personnages, des costumes,
des effets pyrotechniques peut-être,
mais aussi, il y avait une scénographie,
il y avait une dramaturgie.
C'était ça, le rock progressif.
Et j'en avais vu un peu,
bon, Jethro Tull, Gentle Giant, tout ça,
mais c'est sûr que le nec plus ultra,
c'était Genesis à l'époque de Foxtrot.
Et Peter Gabriel, que j'avais jamais vu en spectacle
à ce moment-là, et c'était incroyable,
tous les costumes, les personnages qu'il faisait.
Et moi, je suis allé à une école de mimes.
Je suis allé au conservatoire dramatique de Québec,
mais on nous enseignait beaucoup le théâtre physique à l'époque.
C'était la grosse mode.
On faisait beaucoup de mimes, de pantomimes.
C'est sûr que tout ce vocabulaire-là,
je le reconnaissais beaucoup dans Genesis.
Ça, ça m'a donné le goût de faire de la mise en scène.
Absolument.
Faire du jouet, d'être comédien,
mais surtout faire de la mise en scène.
Donc, le spectacle de Genesis au Grand Théâtre,
c'est le premier spectacle que vous avez vu?
Pas le premier spectacle que j'ai vu,
mais c'est le premier spectacle qui m'a...
Qui vous a happé à ce point-là. Qui m'a donné le goût de faire du théâtre, si on veut.
Puis c'était comment? Est-ce que vous pouvez me le décrire?
Moi, j'aurais aimé ça être là, mais j'étais pas né en 73.
Donc, vous étiez jeune. Vous aviez quoi?
16 ans à peu près?
Non, je pense que j'étais plus jeune que ça. Je pense que j'avais
15 ans. 15 ans? Oui, oui.
Et c'était... Comment est-ce que tu sais la décrire?
C'était très, très spectaculaire. Puis ça commençait
avec de la lumière noire,
de l'ultraviolet, du black light.
On ne voyait que des yeux fluorescents
qui commençaient.
Puis il y avait une espèce de...
Puis c'était très, très dramatique.
Il y avait des effets dramatiques.
C'était pas juste l'éclairage,
puis les effets techniques aussi.
C'était la musique qui était quand même...
Ça commençait...
Il y avait une espèce de palpitation.
Puis éventuellement, on voyait cette espèce de silhouette-là
d'un personnage avec une grande cape noire
puis des ailes de chauve-souris sur la tête
puis qui racontait des histoires.
Et dans les histoires, il y avait différents personnages.
Alors, il changeait sa voix.
Même des fois, il prenait de l'hélium,
il respirait de l'hélium, puis il faisait cette espèce de voix.
« C'est une espèce de voix comme ça qu'il parle. »
Alors, il utilisait toutes sortes de façons,
si on veut, de techniques ou de choses très, très simples
pour créer des personnages, raconter des histoires.
Puis il y avait des changements, des explosions.
Tout à coup, il était habillé, il était une fleur géante.
Mais bon, tout ça pour dire que c'était aussi l'univers
dans lequel il nous plongeait.
C'était des espèces d'histoires épiques
avec des chevaliers,
puis ça se passait dans des espèces d'univers un peu...
Il n'y avait rien de modéré dans le monde de Genesis.
Absolument pas.
Puis c'était bien, puis la musique était bonne aussi.
Puis est-ce que Peter Gabriel,
lorsque vous avez commencé à collaborer avec lui,
savait tout ça à votre sujet,
que c'était aussi important dans votre mythologie personnelle?
Non, non, non.
Puis même, j'ai répété souvent,
puis même encore aujourd'hui,
quand je lui dis,
puis que je lui répète ça, je lui dis,
tu sais pas, comment j'ai essayé
de t'imiter ou que...
Tu sais, c'était vraiment un émule.
Et il est mort de rire parce qu'il a l'impression
que c'est moi qui lui apprend des choses.
Bon, alors, je vais dire, bon, bien, écoute,
probablement qu'il s'est reconnu sans le savoir
dans ce que je faisais. Je me souviens plus l'année,
quand on s'est rencontrés la première fois,
mais il était au National Theatre
à Londres, jouait les plaques tectoniques.
Et lui, c'était à l'époque où
il vivait à Baff,
à Box, tout près de Baff,
et tous les mardis, il venait voir son psychanalyste.
Et il appelait ses amis
et il disait,
qu'est-ce que je dois voir à Londres en ce moment?
Puis Brian Eno, ces gens-là, il disait
il faut que tu vois les spectacles de Robert Lepage.
Il les avait amenés. Moi, je ne savais pas qu'ils étaient là.
C'était le soir de ma fête, le 12 décembre,
je me souviens. J'avais reçu l'appel dans ma loge
qui disait « Hi, it's Peter Gabriel ».
Vous n'avez aucune idée que Peter Gabriel est dans la salle?
Aucune idée. Il est venu dans ce qu'on appelle
le « green room » où les acteurs
et leurs amis se rencontrent après les spectacles
pour prendre un verre.
Il m'a tout de suite fait écoute.
J'aimerais ça. Je viens de sortir un nouveau disque.
J'aimerais ça qu'on développe un concept ensemble,
puis tout ça. Puis dans les jours qui ont suivi,
j'étais dans son studio, je rencontrais toutes sortes de gens
comme Terry Gilliam, puis en tout cas,
il y avait plein de gens avec qui il se tenait à l'époque,
qui consultaient, tout ça.
Puis c'est une collaboration qui était très naturelle, très organique.
Alors, ça a pris du temps avant qu'il comprenne
que tout ça, que mon intérêt, que ce qu'il voyait,
ce qu'il aimait dans mon travail,
l'origine de tout ça, c'était son travail à lui.
Ça partait pas de nulle part.
Ça partait pas de nulle part, non.
Donc, c'est Brian Eno qui a dit...
Brian Eno qui se tenait avec Michael Morris,
qui était notre agent à Londres.
C'est une longue histoire.
Et il y a ça aussi.
Il faut penser qu'en Angleterre,
le monde de la musique, du cinéma,
de la télévision et du théâtre,
ça se tient tout ensemble, ce monde-là.
Il n'y a pas de division.
Tu ne peux pas dire, lui ne fait que du cinéma,
lui ne fait que du théâtre.
Tout ça, ça travaille ensemble.
Ça cogite ensemble.
– Est-ce que ça vous arrive encore d'être impressionné
lorsque vous rencontrez quelqu'un que vous admirez?
Oui, oui, constamment.
Des gens que je n'admire pas juste à l'étranger.
Ici aussi, j'ai beaucoup d'admiration
pour beaucoup de gens.
Je suis très indisposé.
Des fois, je me trouve sur des plateaux de tournage
avec des gens que, mon Dieu, si la personne savait.
Comme qui?
Beaucoup de gens, des acteurs, des actrices.
Mon Dieu, vous me demandez comme ça, plus le pourpoint.
Mais bon, récemment, j'ai collaboré avec l'équipe de...
C'est comme ça que je t'aime.
Oui.
On m'a demandé de faire le...
Avec François Létourneau et compagnie.
Oui, c'est ça.
Tous ces gens-là, bon, qui étaient bien flattés que je dise oui à ça.
Moi, j'étais très flatté qu'on me le demande.
Et il y a sur les plateaux des acteurs,
des actrices que j'admire infiniment.
Puis ça me rend toujours très nerveux,
très... Mais bon.
Est-ce que vous travaillez à déconstruire
cette image-là qu'on se fait de vous?
Parce que là, moi, j'ai eu la chance de passer
la journée avec vous, puis c'est quand même impressionnant.
Je passe la journée avec Robert Lepage.
Puis je suis à même de constater que
vous êtes un humain presque comme un autre.
J'espère. Non, non, mais c'est parce qu'il y a une chose
aussi que j'ai commencé. Parce que moi, je suis quelqu'un
qui... Je suis quelqu'un de très drôle. Les gens ne s'en rendent pas compte.
Oui, mais j'étais à même de constater ça aussi aujourd'hui.
Oui, c'est ça. Mais les gens pensent toujours que je suis quelqu'un de très, très sérieux.
Mais les gens, mes collaborateurs, vous diront
non, non. Puis même
vulgaire. Je veux dire, je suis quelqu'un de très...
Je le confirme.
Et j'ai compris que je me suis fait souvent frire
de faire des choses comme des biens cuits
pour des humoristes, des choses comme ça.
Puis au départ, je disais toujours non.
Puis ça parlait, je disais bon, je vais y aller.
Puis j'aime ça faire ça,
parce que c'est tout le côté de ma personnalité
qui s'exprime.
Puis les gens sont souvent étonnés.
Ils disent vraiment, je pense pas
que tu peux faire des jokes.
Puis je disais bien oui, je suis quelqu'un qui...
Alors ce qui fait qu'à un moment donné,
la soirée
est encore jeune, on m'a demandé à écrire des chroniques,
des choses comme ça. Je me suis embarqué là-dedans,
puis je trouve... Je m'amuse beaucoup, je le fais pas pour...
Vous avez pas juste fait une chronique, là.
Je me souviens d'une de vos chroniques durant la pandémie
qui portait sur la pénurie de papier toilette.
Oui, oui, ça, c'était ma première chronique
que j'ai faite pour eux.
Une merveilleuse dérape scatologique.
Ah bien, mon Dieu, oui. Mais j'ai fait d'autres choses,
puis je pense que le plus amusant que j'ai fait... Mais c'estveilleuse dérape scatologique. Ah bien, mon Dieu, oui. Mais j'ai fait d'autres choses, je pense, plus amusantes que j'ai faites.
Mais c'est ça, les gens sont souvent étonnés,
mais ça fait partie aussi de mon métier dit sérieux.
C'est-à-dire qu'il faut trouver,
quand on montre Shakespeare
ou qu'on fait une création sur Hiroshima,
il y a là-dedans, il y a l'humour aussi.
Les drames ne sont pas faits que de tragédie.
Les drames aussi sont parfois,
il y a des contrepoints comiques.
Ils sont faits sur fond
absurdes.
Il faut avoir ces cartes-là
et il faut être capable de jouer avec ce vocabulaire-là.
Donc là, évidemment, je me sens obligé
de bien parler.
Vous n'êtes pas obligé.
C'est un balado.
Vous pouvez employer le ton que vous voulez, les mots que vous voulez.
C'est bien, mais bon.
Moi, un de mes rôles préférés dans votre filmographie
c'est à nous deux Ramesses 3
dans Denguedong le film
alors aujourd'hui tous les deux
on est allé au musée des civilisations
pour voir le chantier de l'exposition
sur la lutte
et celui qui s'occupe des artefacts
celui qui s'occupe des artefacts, celui qui s'occupe des artefacts
sur notre... qui est quelqu'un de très sérieux,
très, très important, qui est très qualifié.
La première réunion qu'on a eue,
il m'a récité toute la scène
de « Ding et Dong ».
Et moi, je ne l'avais jamais,
jamais, jamais, jamais revue,
cette scène-là, même
quand le film est sorti et tout ça, parce que, bon,
disons, la soirée avant, j'avais
eu une rupture amoureuse très douloureuse,
alors disons que j'étais pas tellement...
C'était pas les bonnes dispositions.
Donc c'était pas les bonnes dispositions,
je l'ai jamais revu, je l'ai jamais réécouté,
tout ça, puis bon. Et on oublie que le film
a été un flop monumental quand il est sorti,
puis il est devenu un film culte.
Il a été détruit par la critique au départ.
Absolument, mais qui est devenu un film culte par la suite.
Et là, je me suis mis à croiser des gens
qui me disaient « Ah, le gars, c'est le gars d'Andy Guédon! »
« Regarde, qu'est-ce qu'il fait, là, le gars d'Andy Guédon! »
Dix ans plus tard. Donc, ça veut dire que
c'est une scène qui a marqué.
Non, c'est ça. Mais je me souviens,
je n'étais pas très heureux quand je faisais ça.
Pas parce que, au contraire, j'étais très, très, très impressionné
de travailler avec Andy Guédon.
Des gens que j'admets absolument
des légendes, des génies. Mais bon, ça, je ne l'étais pas dans mon assiette. J'ai eu l'occes d'Ordres. Oui. Des gens que j'admire. Des légendes. Absolument, des légendes, des génies.
Mais bon, ça, je ne l'étais pas dans mon assiette.
J'ai eu l'occasion d'interviewer Guylaine Tremblay,
qui est votre amie.
Vous êtes allé au secondaire avec elle.
Vous étiez dans la même polyvalence.
Oui, c'est-à-dire que moi, je suis sorti du conservatoire
quand elle entrait avec les mêmes profs,
les mêmes profs de théâtre et tout ça.
Je l'ai aidé à choisir ses scènes d'audition
pour le conservatoire dramatique.
Dès sa première année,
on voyait que c'était une actrice qui avait du génie,
puis elle était fantastique.
Et quand elle est sortie du conservatoire,
on a beaucoup travaillé ensemble.
On faisait ce qu'on appelle des Parcs Canada.
Je sais que le Parc Canada,
on n'aime pas qu'on appelle ça comme ça,
mais on appelait ça comme ça.
Bien, je fais un Parc Canada cette année.
C'était pour payer nos études.
On n'avait pas d'argent,
alors on passait l'été à faire des spectacles historiques.
Mais on avait toute la liberté.
On faisait, on disait,
bon, tu es fouillé dans les archives, puis faites-nous un show historique. Ça ressemblait à quoi, ces spectacles?iques, mais on avait toute la liberté. On disait, tu sais, fouillez dans les archives
puis faites-nous un show historique.
Ça ressemblait à quoi, ces spectacles?
Ah, c'était super, avec José Deschênes,
Benoît Gouin, Guylaine.
À l'époque, c'était des gens quand même assez jeunes.
Et on se tenait ensemble, on était des larrons en foire,
puis on développait des spectacles historiques
sur la construction du pont de Québec,
sur les cartoucheries,
parce que ça passait beaucoup au parc de l'artillerie.
Alors, on les appelait.
On avait absolue liberté.
C'était génial.
Évidemment, à la fin,
quand on commençait à présenter le spectacle,
c'est sûr qu'on avait des censeurs,
mais qui, évidemment, aimaient ce qu'on faisait
et nous trouvaient trop.
Et c'était un spectacle qui était gratuit.
Alors, il fallait haranguer les gens.
Il fallait sortir. Venez voir notre show. Et venez voir notre show. Ça aussi Et c'était le spectacle qui était gratuit. Alors, il fallait haranguer les gens. Il fallait sortir.
Venez voir notre show.
Et venez voir notre show.
Puis ça aussi, c'était aussi drôle.
Et Guylaine, elle était absolument géniale.
Elle nous remplissait nos salles.
Et on est restés quand même longtemps.
Puis elle a eu quand même une bonne partie sacrée.
Elle a passé à Québec à faire des rôles classiques même, tout ça.
Puis on s'est perdu de vue quand elle est partie pour Montréal.
Moi, je voyageais beaucoup. J'étais beaucoup en tournée, tout ça. Ce qui fait qu'on s'est perdu de vue quand elle est partie pour Montréal. Moi, je voyageais
beaucoup, j'étais beaucoup en tournée, tout ça. Ce qui fait qu'on s'est perdu de vue un peu,
puis on a essayé de se revoir pendant un bout de temps, mais c'était plus difficile. On était pas
du tout dans le même milieu, on faisait pas les mêmes choses. Et c'est seulement depuis,
peut-être, une dizaine d'années qu'on se revoit de façon plus... Mais c'est ça. Puis les gens
sont toujours étonnés qu'on... Parce que moi, je l'appelle Guilou, elle m'appelle Bob.
– Bob? Est-ce qu'il y a beaucoup de gens qui vous appellent Bob? – Oui, oui, oui. Bien, les gens m'appelaient Bob. « Hey, Bob! » Puis Moi, je l'appelle Guilou. Elle m'appelle Bob. Bob? Est-ce qu'il y a beaucoup de gens qui vous appellent Bob?
Oui, les gens m'appelaient Bob.
Moi, je l'appelle Guilou, mais c'est difficile
de sortir de ces personnages-là.
Des fois, on se retrouve sur des plateaux
à la télévision ensemble.
Vous l'appelez Guilou. Désolé,
on ne fait pas par express.
D'ailleurs, j'ai participé
à son Bien cuit.
Oui, à Comédia. Juste à côté, ici. Oui, j'ai participé à son Biencuit. Oui, à Comédia.
À Comédia, c'est ça.
Juste à côté, ici.
Oui, c'est ça.
Alors, j'étais très heureux de participer à son Biencuit
parce que j'en savais plus que tout le monde qui était là.
Vous aviez des munitions.
Oui, j'avais des munitions, oui.
Donc, là où je voulais en venir, c'est que Glenn Tremblay me disait,
lorsque je lui ai parlé de vous,
que dès les premiers moments où vous avez rencontré au secondaire,
elle savait que
vous deviendriez Robert Lepage.
Est-ce que vous saviez ça, vous,
parce qu'il y avait une conviction à l'intérieur?
Moi, je savais pas que je deviendrais quoi que je sois.
Non? Non, non, mais on a tellement essayé de survivre aussi.
Et moi, j'étais...
Comment je pourrais dire?
J'avais pas le casting de rien.
Pas le jeune premier. J'avais pas le casting de rien. Pas le jeune premier.
Je n'avais pas le casting de jeune premier.
Je n'avais pas l'air assez mature pour jouer des rôles matures.
Je n'étais pas assez vieux pour jouer des vieux.
Je ne savais vraiment pas.
Alors, je savais que je ne travaillerais pas.
Je savais que les gens ne m'engageraient pas.
Alors, tout de suite, j'ai fait mon théâtre.
En sortant, tout de suite, je faisais de la création.
Je faisais mes rôles et tout ça, puis je faisais mes affaires.
Et quand on a commencé à...
Je commençais à avoir du succès.
Là, on a commencé à m'offrir des choses,
mais j'étais trop occupé pour les faire, ces choses-là.
Et c'est vraiment très tard que j'ai commencé à faire des rôles.
Mon Dieu, je me demande si le marquis de salle,
c'est pas la première fois que j'ai vraiment pris un texte
déjà écrit, puis un personnage qui existait déjà.
Et j'ai adoré faire ça.
Mais avant ça, c'est toujours des choses que j'écris moi-même.
Je me suis fait mon propre emploi, si on veut.
Mais vraiment pas...
C'est pour ça que je n'avais pas l'impression, moi,
que je n'avais pas la gueule de quelqu'un qui...
Surtout, je n'avais pas le casting pour quoi que ce soit.
Donc, tu fais ta job dans ce temps-là.
Puis je n'étais pas amer de ça.
Je me disais, bon, bien, écoute, on s'y voit.
Vous étiez anxieux?
Non, pas vraiment anxieux.
Il y a eu des périodes difficiles, ça, c'est sûr,
parce que c'était pas toujours du succès.
Sauf que c'était dans la foulée
aussi de la Ligue nationale de l'improvisation.
Je veux dire, il y a beaucoup de choses qui se faisaient
qui étaient pas payantes,
mais qui étaient tellement excitantes,
tellement intéressantes,
qui inspiraient le respect de beaucoup de monde.
Moi, je me souviens, j'étais pauvre comme la gale,
mais les gens savaient qui j'étais
parce que j'avais passé à la TV
puis j'avais fait une bonne impro.
Alors, ce qui fait que c'était relatif.
Je n'avais pas de plan de carrière.
Je n'avais pas de...
Et je pense que quand on a des plans,
on est souvent déçus.
Et c'est là, très vite, j'ai compris que,
oui, il faut avoir une vision dans la vie.
Il faut dire, ah, j'aimerais ça un jour,
faire ça, faire ça.
Mais la meilleure affaire qui peut t'arriver,
c'est que cette chose-là auquel tu as rêvé,
tu n'y arrives pas
parce que ton imagination est très limitée.
Surtout quand tu es jeune, tu ne connais pas grand-chose.
Tu te dis « Ah, moi, j'aimerais ça faire ça ».
Alors, j'espère que ça ne va pas t'arriver.
Travaille à, sauf qu'il va y avoir à un moment donné un chemin qui va t'emmener dans une direction
où tu ne pensais jamais aller.
Et là, c'est là qu'il faut aller.
Alors, moi, c'est toujours comme ça.
Même dans la création, c'est comme ça que ça fonctionne.
On développe quelque chose, bon, on a un but, mais bon.
Et à un moment donné, si tout ça tourne à gauche,
on va à gauche.
Puis on va dans des endroits qu'on connaît pas,
puis on va découvrir des choses.
Et à cause de ça, on risque de faire des choses
qui n'ont jamais été faites.
Mais il y a des gens qui ont des plans de carrière.
Il y a des gens qui vont faire des choix assez rapides.
Moi, je me souviens d'une chose,
c'est que c'était à l'époque
où Meunier faisait les annonces Pepsi.
Oui.
Très populaire, très originale.
Il le faisait très bien.
Ça lui a permis d'écrire la petite vie, d'ailleurs.
Oui, c'est ça, exactement.
Le fait, tant mieux pour lui.
Sauf que moi, je me fais appeler par 7-Up,
et on me dit, écoute, tu es une vedette de l'impro, de la hélénie, tout ça.
Nous, ce qu'on voudrait faire, notre concept,
c'est qu'on te donnerait un thème d'impro,
puis là, tu improvises, puis à la fin, tu dis,
ah, 7-up, 7-up.
Non, moi, j'annonce pas de produit.
J'étais complètement, moi, l'ancienne école
socialiste de gauche et tout ça.
Je comprenais pas pourquoi...
Tu veux pas prendre dans la salle du capitalisme.
Oui, c'est ça. J'étais comme ça.
J'étais pas trop convaincu de ça non plus,
mais ce que je veux dire, j'étais pas... Je n'étais pas trop convaincu de ça non plus, mais ce que je veux dire, je ne défendais pas absolument
des idéaux de gauche,
mais j'avais comme grandi dans un milieu
avec un groupe d'artistes
où est-ce que ça, c'était...
C'était hors de question.
C'était hors de question.
Ce qui fait que, bon, des fois, j'y repense,
puis j'ai dit non à beaucoup de choses
qui auraient pu être extrêmement lucratives.
Mais je n'ai pas de regrets de ça.
Je n'ai pas de...
Non, la vie m'amenait dans des endroits
à faire des choses que je pensais
que j'aurais jamais, jamais, jamais fait.
Vous êtes pas en train de dire que vous aimeriez ça que 7-Up vous rappelle?
Non! Bien, c'est sûr
que si 7-Up décidait
nous aider dans notre création, j'aurais pas de
problème, sauf que je veux dire, c'est que j'ai pas
le porte-parole
d'aucun produit.
J'ai des amis très proches qui sont de grands, grands talents
qui, je pense, n'ont pas besoin de faire ça, mais ils le font.
Parce que le monde veut une assurance, une forme de...
Bon, moi, j'ai des droits d'auteur.
Les droits d'auteur, c'est une forme d'assurance un peu.
Ça, ça aide.
Ça te met de l'argent de côté un peu.
Mais quand tu es acteur, tu n'as pas de droits d'auteur.
Donc, tu fais soit des gros cachets
ou tu endosses un produit.
Tant mieux si c'est un produit auquel tu crois.
Alors, moi, je ne condamne personne
pour faire des annonces d'assurance
ou de quoi que ce soit.
Elles ont le droit de le faire, des annonces de voiture,
sauf que tu es pris dans ton...
Tu ne peux pas te contredire après ça.
Oui, ça risque de te résumer aux yeux du grand public.
Oui, c'est ça. Mais il y a une chose aussi, je ne sais pas si je devire après ça. Oui, ça risque de te résumer aux yeux du grand public. Oui, c'est ça.
Mais il y a une chose aussi,
mais je ne sais pas si je devrais entrer là-dedans,
parce que je ne veux pas que les gens pensent que c'est...
Je dis ça par mépris,
mais moi, je trouve qu'il y a de grands, grands artistes au Québec,
surtout de grands acteurs,
mais le milieu est petit et on fait le tour vite.
Et à un moment donné,
bon, à un moment donné,
tu regardes une télésérie
ou tu regardes un film,
puis comme c'est toujours les mêmes acteurs,
parce qu'à un moment donné...
C'est plus difficile d'adhérer à la proposition.
C'est plus difficile d'adhérer à la proposition, exactement.
Alors, il y a une chose qui,
je pense, qui est importante,
c'est le mystère.
C'est, bon, c'est parce que moi,
je travaille en Europe beaucoup,
j'ai fait des choses
dans la grande compagnie nationale.
Et il y a des acteurs là-dedans qui sont fantastiques.
Ils sont fantastiques parce qu'ils entretiennent leur mystère.
Alors, je travaillais chez Bergman.
J'ai travaillé chez Bergman en Suède.
J'ai fait deux mises en scène pour le Dramaten.
Et les acteurs qui jouent au théâtre,
il y en avait là-dedans, les Max Von Sydow,
puis B. Anderson, il y avait tous ces gens-là
qui jouaient au théâtre.
Je fais de grands yeux présentement.
Je fais de grands yeux présentement parce que je suis étonné.
Non, non, non.
Moi, j'ai travaillé avec Erland Josephson,
mais c'est des personnes qui savaient,
comment je pourrais dire, mais aussi,
ils avaient peut-être les moyens de le faire, là.
Mais ils entretenaient leur mystère, c'est-à-dire qu'on ne les voyait pas partout, ils couraient pas après tout, ils choisissaient leur projet, se faisaient oublier.
Ça, c'est important, ça, le mystère.
Alors, c'est sûr que nous sommes dans une situation bien différente peut-être au Québec, parce que, bon, il y a des gens qui ont cette possibilité-là au Québec, mais qui, quand même, ont peur d'être oubliés.
Et ça, c'est une chose. Moi, je partais des fois, je faisais des tournées internationales avec des acteurs québécois, puis les spectacles marchaient fort, puis c'était bien, puis les gens les aimaient.
Puis à un moment donné, ils ne voulaient plus faire la tournée, puis ils se disaient, bien, on va m'oublier au Québec.
Mais je disais, mais qu'on t'oublieie, quand on t'oublie, puis après ça,
ils vont te redécouvrir, tu sais, si tu reviens.
C'est l'occasion d'un grand retour.
C'est ça, tu sais.
Puis bon, mais je dis,
moi, j'ai toujours eu la confiance
que si on m'oublie,
ça va retomber
ou quelque chose va ressurgir à un moment donné.
Et on va se souvenir de moi ailleurs, tu sais.
Sinon.
Vous parliez tantôt de votre absence de plan de carrière.
Comment est-ce que vous arrivez à réconcilier ce désir-là
de ne pas trop faire de plan,
puis ce qui est devenu Ex Machina,
qui est quand même une structure imposante,
puis votre agenda qui est un puzzle complexe,
d'après ce que j'en comprends.
C'est un puzzle parce que, justement,
j'ai la liberté de faire les projets que je veux,
quand je veux, avec qui je veux.
Alors, j'essaie le plus possible de les produire
ou coproduire par Ex Machina,
qui est ma structure de production principale.
Mais ça va arriver des fois que je vais avoir de petites fugues.
Ça, c'est sûr.
Mais en même temps, les gens d'Ex Machina,
les gens ici au Diamant, comprennent que c'est aussi...
C'est ça qui fait la...
Si on veut la particularité de ce qu'on présente,
de ce qu'on produit, c'est le fait
que je rencontre
des gens qui sont dans le monde de la danse,
qui font de l'émotion, on fait un spectacle avec toi,
on fait un show de danse, oui, mais c'est pas du théâtre,
on fait de la danse.
Le cirque,
l'opéra, bon. Ce qui fait que j'aurais
jamais pu faire toutes ces choses-là
si je m'étais
emprisonné dans une structure qui
vend des abonnements.
Comprends-tu?
Structure de diffusion
plus traditionnelle.
Oui, c'est ça. Je pense que c'est ça aussi qui est intéressant.
Je me répète souvent quand je dis ça,
mais la seule survie
possible du spectacle
vivant, c'est si c'est événementiel.
C'est la seule affaire.
L'ancienne formule de faire, on programme 4, 5 spectacles de théâtre ou de danse ou tout ça,
par saison, puis on vend un abonnement, puis là, on vous garantit que vous allez avoir votre siège, tout ça.
Oui, c'est bien, c'est pratique, sauf qu'il n'y a pas de... l'aventure,
le risque.
Les gens veulent vivre des moments uniques.
Oui, bien, c'est surtout aujourd'hui
que les gens...
les gens, dans leur sous-sol, ils ont un écran
4K,
un cinéma maison
d'une grande qualité.
Ils écoutent Netflix
ou Creev ou en tout cas, peu importe,
qui présentent de grandes séries
et de grandes productions,
de choses qui sont vraiment bien.
En tout cas, pourquoi...
Pourquoi ils loueraient les services
d'une gardienne d'enfants?
Pourquoi ils paieraient quatre fois le prix
de la série The Crown
puis qu'ils paieraient quatre fois le prix de cet abonnement-là
pour aller au théâtre.
Pourquoi faire des réservations?
Pourquoi se déplacer? Pourquoi m'habiller?
Pourquoi...
À moins que ce soit incontournable.
Que ce soit...
Il faut que tu vois ça.
C'est exceptionnel.
C'est événementiel.
Bon. Alors, ça veut dire que la barre est haute. Mais c'est ça., c'est événementiel.
Bon, alors, ça veut dire que la barre est haute, là.
Mais c'est ça.
Les gens ont oublié que c'était ça, le théâtre, au départ.
Ça a toujours été ça.
C'est un lieu de communication,
c'est un lieu de catharsis comme la lutte.
Y a-t-il un endroit de catharsis plus évident que la lutte,
qu'un galop de lutte, où tout le monde sort? Et alors, on est tous d'accord que ce qu'on voit, c'est de la frime.
On est tous d'accord de jouer le jeu.
Et on est tous d'accord
de vomir
sur les personnages qu'on pense
et parfois même
de se retrouver à dire
des choses qu'on pensait pas qu'on...
Mais c'est ça, la vraie catharsis.
Les arts vivants, c'était supposé
être ça. Bon, après ça, ça s'est raffiné, c'est devenu bien des choses. Mais c'est ça, la vraie catharsis. Les arts vivants, c'était supposé être ça.
Bon, après ça, ça s'est raffiné,
c'est devenu bien des choses.
Mais c'était ça.
Et pour ça, il faut que ça soit événementiel,
il faut que ça soit intéressant,
il faut que ça soit différent,
il faut que ça soit insolite.
C'est vrai que quand je vais au TNM,
en général, les spectateurs autour de moi
ne se mettent pas à crier
parce qu'ils ne sont pas d'accord
avec les gestes qu'ils posent
le personnage sur scène.
Puis il y a toujours le standing ovation imposé
maintenant partout au Québec.
J'ai jamais vu ça.
Même des spectacles où tout le monde s'accorde
que c'est pas bon.
Ça vous agace?
Ça, ça m'agace.
Les gens se lèvent.
Bon, en même temps, les gens sont polis au Québec.
Puis moi, j'ai entendu des...
La première fois que j'ai joué en Europe,
première, première représentation de Vinci que j'ai faite,
la première fois que j'allais en Europe, tout ça,
j'étais à Nyon, en Suisse.
C'est un gros festival de création.
Puis quand j'ai terminé, j'entends que...
« T'es totalement au cul! »
« Du con, si t'es pas content, t'as qu'à sortir! »
« Ma soeur, ta soeur, ta soeur, elle bat le beurre! »
« Quand elle battra la merde, tu lècheras le bâton! »
Puis là, écoute, c'est devenu un affaire.
Voyons donc, les gens manifestaient,
qui étaient d'accord ou pas,
ou bon, on pensait à l'artiste, on s'en fout de l'artiste!
Ah non, mais j'ai eu un gros choc.
Alors ça, c'était un peu extrême comme exemple, mais en Europe,
les gens manifestent
ce qu'ils ressentent.
Ici, on est très polis,
on est très...
Des fois, je me dis,
parfois les gens applaudissent fort et se lèvent
à la fin d'un spectacle, pas nécessairement parce qu'ils ont
aimé ça ou parce qu'ils sont polis,
parce qu'ils ont payé 90$ parce qu'ils sont polis, parce qu'ils ont payé 90$.
Ils applaudissent eux-mêmes.
Ils applaudissent eux-mêmes, puis il faut qu'ils finissent de mettre le manteau.
Un manteau, ça se met mieux quand t'es debout.
En tout cas, c'est un peu sévère
ce que je dis là, mais...
Si on veut savoir ce que vous pensez réellement d'un spectacle,
puis qu'on est assis à côté de vous dans une salle, on va le savoir à la fin.
Oui, oui, pas mal.
Mais pas, ceci dit, je serai pas
insolent, je vais pas crier, je vais pas faire... Non, non, pas tout ça, pas, ceci dit, je ne serai pas insolent, je ne vais pas crier, je ne vais pas faire...
Merci de me le dire.
Mais je vais essayer d'éviter de...
Je vais applaudir, il faut encourager les gens quand même.
C'est des collègues qui sont...
C'est des collègues qui se cassent la gueule sur la scène.
Mais c'est navrant.
Bon, parfois, ça va arriver que le spectacle n'est pas réussi,
mais que ça vaut la peine d'aller voir les gens après,
leur dire ce que tu penses.
Même si l'intention est bonne et tout ça,
c'est une forme d'encouragement,
puis c'est une forme d'applaudissement.
Mais si c'est vraiment prétentieux,
puis que c'est pas bon en plus, aïe, aïe.
Donc, si j'étais venu voir un nouveau spectacle,
puis que j'avais certains bémols,
je pourrais vous les formuler, puis ça ne vous blesserait pas?
Bien, ça dépend.
Non, non, ça blesserait pas. Comment je pourrais vous les formuler, puis ça ne vous blesserait pas? Ça dépend. Non, non, ça ne me blesserait pas.
Ça dépend comment les choses sont dites.
Puis moi, la critique a été élogieuse et très dure avec moi tout le monde.
Et la différence, je pense, avec les gens qui me disent
« Oui, il me semble que tu prends bien la mauvaise critique. »
Je fais « Oui, mais c'est parce que le spectacle n'est pas fini.
On n'a pas fini de l'écrire, on n'a pas fini de le faire,
on n'a pas fini de le tourner.
Et ça,
d'ailleurs, la relation avec la critique
est étrange parce qu'ils veulent...
Souvent, la critique vient voir un spectacle
puis ils veulent dire, voilà, c'est comme ça.
C'est une guillotine, c'est réglé. Je vais le régler,
moi, le spectacle, je vais vous dire, c'est ça, c'est comme ça,
ce spectacle-là. Je fais, bien oui, ce soir-là, c'est vrai,
vous avez raison, peut-être, mais pas demain.
Pas quand on va revenir dans un mois,
pas quand on joue en anglais.
Et il faut aussi prendre...
La critique est intéressante si elle amène des éléments
ou une analyse du travail d'un artiste
et que ça donne les clés pour le régler, le spectacle.
Ça se peut, ça aussi, que ce ne soit pas juste une évaluation
basée juste sur le goût personnel.
Ou sur, moi, c'est ça que je sens,
je ne veux pas trahir ça.
Non, non, tu n'es pas un critique.
Oui, tu as ce que tu sens toi,
mais tu as aussi un devoir
de faire évoluer la dramaturgie.
Ça étonne les gens, par exemple,
qu'il y ait de la lutte ici au Diamant.
Vous voulez faire un spectacle
avec une compagnie de danse.
Ah, mais on ne présente pas de la danse.
Pourquoi est-ce que le monde de la création,
qui devrait être, il me semble,
un monde de liberté totale,
est à ce point attaché à ces cases-là?
Bien, c'est parce que
le monde de la création,
si on prend uniquement
le théâtre du vivant,
il y a des spectacles
de cirque, il y a de l'opéra,
il y a du cabaret,
il y a du théâtre, il y a de la danse,
il y a du multimédia. Moi, je suis ouvert à tout, bon, etc. Il y a du multimédia, bon.
Moi, je suis ouvert à tout ça, puis j'aime bien
emprunter dans tout ça des choses.
Des fois, il y a des réponses dans un spectacle
de danse qui viennent d'un spectacle de théâtre
et vice-versa, bon, tout ça.
Moi, je suis très ouvert à tout ça, sauf que notre formation
puis nos habitudes
nous obligent à se concentrer
sur ce qu'on fait,
sur la discipline dans laquelle on est.
Alors, dès qu'il y a un corps étranger là-dedans,
ça fait paniquer tout le monde.
Ex Machina n'est pas tout à fait comme ça.
C'est-à-dire, oui, des fois, on s'en ronronne,
on commence à avoir une formule, puis tout ça.
Mais ils savent aussi, les gens chez Ex Machina,
que je suis toujours en train de chambarder,
je suis toujours en train de changer,
je suis toujours en train d'inviter, les amener dans de nouveaux défis
dans des domaines qu'on ne connaît pas.
Et c'est toujours là que c'est le plus intéressant.
Des fois, les gens disent « On ne connaît pas ça,
qu'est-ce qu'on va faire? »
– Exemple avec lequel j'ai été en contact aujourd'hui,
il y a une de vos collaboratrices qui a dû
trouver des lutteurs mongols
ici, au Québec,
le plus près possible, disons,
pour un tournage
qui sera présenté dans l'Expo
sur l'histoire de la lutte au Musée de la
civilisation. Ça, c'est quand même un petit défi.
On a besoin de lutteurs mongols.
Ça dépend aussi des...
C'est parce qu'aussi, on s'intéresse à une chose
qui est universelle, internationale.
Si tes préoccupations comme artiste, c'est juste
ce qui se passe en dessous du pont Jacques-Cartier,
c'est bien sûr que ton accessoiriste ou ta décoratrice, n'aura pas à fouiller très loin pour trouver ce qu'il te faut.
Mais si ce que tu fais, en partant, est universel ou est... c'est ton intérêt. Alors, il y a des
chances que les défis soient énormes pour les collaborateurs, que ce soit les scénographes ou les accessoiristes ou les gens
qui font les costumes. Mais ça, c'est ça aussi.
On choisit de faire ce métier-là aussi parce qu'il y a cette
espèce de possibilité
de découverte, d'avancement.
Est-ce qu'il y a un plaisir pour vous à les pousser
dans leur dernier retranchement, vos collaborateurs?
Oui, mais pas parce que je ne suis pas sadique.
Je ne suis pas sadiste.
C'est moins avec
Ex Machina parce que les gens commencent à être habitués.
Puis aussi, avec le temps, on est vraiment chanceux.
Ex Machina, on est vraiment à la crème de la crème,
dans bien, bien, bien des domaines, bien des catégories.
Mais les jeunes qui commencent avec nous,
souvent, ils donnent leur 200 % de ça,
mais ils ne comprennent pas qu'on recommence tout à zéro.
Par exemple, un an, même si dans une réunion,
on a dit, ça ne marche pas, ça ne marche pas,
alors on le change, on le fait.
Puis ça veut dire donner les bouchées doubles.
Il faut le faire parce que
c'est pas un spectacle dont le succès
va être déterminé par un soir de première.
C'est ça, beaucoup,
qui détermine. On invite toute la presse
le soir de première.
Puis là, t'as 20 représentations, 25 représentations à faire.
Puis le soir de première, ça marche.
Sinon, guillotine. Ça va pas marcher.
Non, c'est pas ça. On va se faire descendre. On c'est ça le problème, ça marche. Sinon, guillotine, ça n'a pas marché. Donc, non, ce n'est pas ça.
Nous, on va se faire descendre, on s'en fout.
Le spectateur va jouer 250 fois à travers le monde.
Ce n'est pas fini, ce n'est qu'un début.
Donc, ce n'est jamais fini.
Puis c'est ça la différence.
Mais les gens, souvent, puis des artistes
qui ont le talent pour le faire, ça,
mais qui ne le font pas, qui sont timides
ou parce qu'ils ont l'impression
qu'ils n'ont pas cette mesure-là, il faut faire des choses ailleurs, coproduire avec
des gens, avec des pays qui ont de l'argent, premièrement, puis qui sont contents, puis
qui sont avides de ce qu'on fait ici, qui s'intéressent à ce qu'on fait, parce que
c'est particulier ce qui se passe au Québec. On est dans un endroit privilégié, le Québec.
C'est le nouveau monde puis l'ancien monde on n'est pas écrasé par nos traditions
tout est à faire, tout est à inventer
tout est à définir ici au Québec
comme culture, alors oui il faut respecter
il faut garder la langue française vivante
puis les traditions, le patrimoine ça c'est sûr
mais il n'est pas assez vieux ce patrimoine-là
pour nous écraser
qu'on ait le patrimoine des gens qui font de la littérature en France
moi je suis écrasé par ça
c'est plus difficile, si on veut.
– Comment se mesurer à Balzac, comment se mesurer à Troubelle.
– Oui, c'est ça.
Puis les dinosaures qui sont en place pour te le rappeler,
ils ne donnent pas beaucoup de chance.
Souvent, tu es maigre au Québec, c'est ça que tu fais.
Parce qu'ici, il y a une espèce de latitude.
Et il y a aussi une grande ignorance qui, parfois, nous nuit,
mais qui, parfois, est salvatrice.
J'aimerais vous poser une question vraiment très, très large
que vous vous opposez d'une certaine manière.
Mon ami Jean-Michel, qui réalise le balado,
qui est avec nous présentement,
on a visité le chantier de l'Expo sur l'histoire de la lutte tantôt.
Puis on était tous les deux ébahis devant une installation.
Et là, Jean-Michel vous a dit,
« Est-ce que ça sort de votre tête, ça, Robert, cette idée-là? » tous les deux ébahis devant une installation. Et là, Jean-Michel vous a dit,
est-ce que ça sort de votre tête, ça, Robert?
Cette idée-là.
De où ça pourrait sortir, effectivement? Ça pourrait sortir, c'est ça ma réponse.
Mais comment est-ce que...
La question que je voulais vous poser,
c'est comment naît une idée?
Bien, que ce soit écrire,
faire un nouveau spectacle
ou faire une installation comme ça.
Une idée, elle doit toujours être...
Les gens ne pensent qu'au fond.
C'est-à-dire que moi, longtemps, on m'a reproché,
surtout dans les débuts, que je ne m'occupais que de la forme.
Oui, c'est de l'artifice, le théâtre de Robert-Leparment.
Oui, c'est ça. Mais quand je m'occupais du fond aussi,
sauf que je n'avais pas le talent de marier la forme et le fond.
Et avec le temps, le fond a trouvé sa place
et est devenu prédominant à un moment donné dans mes spectacles,
mais parce que la forme, elle est aussi importante que le fond.
La poésie, c'est ça.
La poésie, c'est que je vais vous demander
d'écrire une chanson qui ne rime pas,
qui est plus difficile à écrire,
puis les choses que vous avez à dire
sont plus difficiles à sortir et à s'exprimer que si je vous oblige
avec des règles très...
Bon, il faut que ça ait des rimes A, B, A, B,
des alexandrins 12, il faut que ça ait 12 pieds,
tout ça. À partir de ce moment où on travaille
avec la forme et que la forme vient avec des règles,
des règles esthétiques,
tout à coup, non seulement
elle vous aide
à faire de ce que vous écrivez
de l'art,
mais en même temps, elle presse sur le citron,
elle fait sortir la vraie chose.
Et ça, souvent, moi, quand j'ai travaillé
avec Ardenne Mouchikine, j'ai compris ça aussi,
comment elle ne s'embarrasse pas du fond.
Pourtant, ses spectacles sont pleins de dialectiques,
puis elle a toujours été une femme extrêmement engagée
dans toutes les grandes causes et tout ça,
sauf qu'elle s'intéresse aussi autant, au fond,
à la beauté des formes, à la...
Alors, et ça, quand ton fond puis ta forme
sont bien mariés ensemble,
ça donne des choses exceptionnelles.
Alors, c'est pour ça que les idées, moi, c'est toujours ça.
Une chose... bon, quelqu'un m'arrive et me dit,
oui, mais là, on veut parler de ça.
OK, c'est une belle idée, c'est intéressant, tout ça,
mais ça donne lieu à quelle forme, quelle forme excitante, avec quel matériau on va travailler qu'on n'arrive et me dit « Oui, mais là, on veut parler de ça. » OK, c'est une belle idée, c'est intéressant, tout ça, mais ça donne lieu à quelle forme,
quelle forme excitante, avec quel matériau
on va travailler qu'on n'a pas travaillé,
quelle illusion on peut donner.
Et là, à partir de ce moment où ces choses-là
se rencontrent, elles ne sont pas gratuites,
elles cèdent l'une l'autre,
c'est sûr que c'est...
Alors, c'est ça. Moi, c'est toujours ça.
Alors, l'idée, c'est autant ce qui m'excite
dans une thématique, c'est autant. Moi, c'est toujours ça. Alors, l'idée, c'est autant ce qui m'excite dans une thématique,
c'est autant les idées que les...
autant le fond que la forme.
Il y a beaucoup de miroirs dans l'expo sur la lutte.
Puis j'ai l'impression que là, il y a une rencontre
entre le fond et la forme,
parce que la figure du double, le miroir,
elle nous permet de dire bien des choses
puis de comprendre le monde de la lutte.
Chaque lutteur est à la fois lui-même et son personnage.
Absolument, c'est ça. Mais il y a aussi… le miroir est utilisé beaucoup en magie.
Et le miroir, c'est plein d'illusions. Mais moi, ce que j'aime, c'est quand les gens…
le spectateur, le visiteur aime se sentir intelligent. Alors, il entre et tout à coup,
il est subjouqué par un effet ou une illusion, tout ça,
et tout à coup, parce qu'il y a encore l'enfant à lui,
il veut comprendre comment ça marche,
et on le laisse, on ne cache pas comment ça marche,
on montre comment ça fonctionne.
Si les gens regardent comme il faut,
s'ils étudient la chose comme il faut,
et ça, ça les allume, et ils se sentent plus intelligents. On est dans un monde
où, beaucoup à cause de Hollywood et tout ça, qu'on ne sait pas comment les choses sont faites. On est
devant des fois des choses spectaculaires, mais on est allié, on s'est enliené, ça nous alienne. C'est
quand tu montres comment c'est fait qu'il y a de la poésie. Que là, tout à coup, il y a un ludisme. Les gens se sortent inspirés,
se sentent...
C'est ça. Bon, alors, on manque notre coup
des fois, là. Je dis pas que c'est...
C'est pas parce qu'on est conscient de ça
qu'on est bon là-dedans tout le temps.
Mais moi, c'est ça.
C'est ça, exactement.
C'est de voir comment c'est fait.
C'est de montrer les fils,
mais que tu regardes ça. Par exemple,
quand je faisais La face cachée de la lune,
à la fin, bon, il y a une scène
où je suis dans une salle d'attente,
dans un aéroport et tout ça,
puis le miroir qui est servi de décor tout le temps,
on le met en diagonale,
ce qui fait que les gens voient ce qui se passe au sol.
Mais là, je suis couché, moi, au sol,
puis les gens... Alors, il y a l'image qu'on regarde,
qui est l'illusion que je suis assis droit et tout ça,
et que je flotte dans les airs, mais en fait, au sol, je suis couché par terre,
puis je me roule par terre.
Alors c'est sûr que les gens, très vite, ils voient comment c'est fait.
On ne cache pas comment c'est fait, mais la poésie l'emporte toujours.
Les gens regardent toujours.
C'est ça, dans tous les spectacles que j'ai faits ou que j'ai vus.
Même quand le truc est révélé,
l'être humain regarde toujours,
il regarde ce que c'est supposé faire.
Il regarde la magie.
Alors, c'est pour ça que dans l'exposition qu'on fait
avec les miroirs et toutes les illusions qu'on va créer avec ça,
je trouve ça intéressant.
Je me dis, il y a un kid à quelque part, c'est sûr,
qui va dire, regarde comment ils font,
qui va faire ce que moi je faisais font. Regarde comment ils font. »
Qui va faire ce que moi, je faisais quand j'étais plus jeune.
Mais quand on essaie de nous cacher
comment c'est fait, tout ça, on nous aligne.
Il y a encore beaucoup de gens.
Moi, je suis un grand fan de lutte.
Puis lorsque je l'annonce à des gens que je rencontre,
parce que c'est une sorte de coming out qu'il faut faire.
Je le mets en guillemets.
Parce qu'il y a encore quand même un stigmate
qui est en train de se déconstruire
grâce à vous, notamment.
Mais il y en a encore un autour de la lutte.
Puis souvent, les gens vont nous répliquer
« Tu le sais que c'est fake, la lutte. »
Qu'est-ce que vous leur répondez à ces gens-là?
« Tu sais que c'est fake? »
« Oui, je sais que c'est fake. »
« Mais ça, maintenant, tout le monde sait que c'est fake. »
La chose qui est intéressante
quand on connaît l'histoire de la lutte,
c'est que la lutte...
Bon, on connaît le WWF.
Et c'était
World Wrestling Federation.
En même temps, il y avait
le même logo, WWF, pour
le Wildlife,
dont le logo existait
avant le WWF
de la lutte. Alors, ils les ont
traînés en cours, puis ils ont gagné.
Ils se sont dit, mais changez, vous ne pouvez plus vous appeler la WWE.
Ils ont été contraints de se renommer, de devenir la WWE.
Qui veut dire?
World Wrestling Entertainment. Alors, c'est
l'aveu, mais
pas n'importe qui, là. C'est l'aveu
que ce n'est pas une fondation
sportive, que c'est
de l'entertainment.
Et là, ça, ça a créé un schisme
dans le monde de la lutte, parce qu'il y a tous les old-timers
qui ont fait « Ouais, ouais, mais t'as peur, là.
Ouais, ouais, ouais, ouais, ouais. »
Un qui en parle bien, c'est Raymond Rougeau.
Lui, parce qu'il a été...
Vous l'avez rencontré pour l'Expo.
Oui, c'est ça. Puis Raymond Rougeau,
qui est un homme très, très, très intelligent,
a vécu, lui, très jeune,
même avant la WWF,
il a vécu cette époque-là
où il faut absolument que tout le monde
pense que c'est vrai.
Et il ne faut jamais, jamais dénoncer
qu'il y a des...
Il fallait respecter ce qu'on appelle le K-Fame.
Exactement. Et qui ensuite,
il y a une espèce d'aveu.
Mais comment ça se fait que le monde continue
à agir comme ils agissent, même ils agissent
deux fois plus comme ils agissent?
C'est parce qu'ils entrent et ils font
le vœu pieux de dire, regarde,
tu fais semblant que c'est ça, moi, je fais semblant que je te crois.
Et c'est le début.
C'est le début du théâtre, ça.
On sait très bien que Marie-Tiffo
accepte de faire le rôle de Marie-Èche Abdélène.
On rentre, on sait que t'es pas Marie-Èche Abdélène,
mais je vais jouer le jeu avec toi,
je vais faire semblant que c'est ça.
Mais sur toi, il faut que tu sois, il faut que tu me convainques.
Puis là, c'est un échange de crédibilité.
On suspend notre incrédulité
pour que le comédien fasse la même chose.
Absolument. C'est un jeu à deux.
Mais bon, encore aujourd'hui,
il y a des gens qui pensent encore naïvement
que non, il faut que les gens...
Non, pas du tout, pas du tout.
Et ceci dit, il y a quand même une part d'impro
dans ce qu'ils font.
C'est quand même sportif.
C'est pas parce qu'on fait
le choix de dire
que tout ça interagit
avec le cas des vues.
Il y a aussi des risques.
Ça fait mal quand même.
Ça fait mal. Puis des fois, il y a des choses
qui n'étaient pas prévues.
Il y a eu des choses où les gens s'étaient malentendues. Il y a eu des choses qui n'étaient pas... Les gens, c'était malentendu.
On s'imagine que les matchs sont chorégraphiés de A à Z,
mais ce n'est pas le cas.
Souvent, il y a des portions qui sont chorégraphées
et ils les entretissent d'impro physique.
C'est-à-dire que de fiche-poisson,
il disait une chose intéressante.
Il disait, moi, mon style, je n'étais pas acrobate.
Lui, c'était comme un catcheur.
À l'époque, parce que les gens, tu t'attrapes l'autre.
Le job, c'est t'attrapes l'autre,
puis t'essaies de le mettre au sol,
puis tu te chamois, c'était ça.
Mais à un moment donné, quand Carpentier,
puis Simon Larive, il amène le cirque avec eux dans l'arène.
La gymnastique.
La gymnastique, c'est ça.
Et là, lui, il dit, moi, je n'avais pas ça.
Mais il dit, je savais pas,
je connaissais pas mon adversaire.
On me mettait un adversaire là. Bon, on se parlait
un petit peu de ça, mais je voyais que le gars, lui,
c'était un... Fait qu'il dit, moi, je savais quelle
prise faire ou quel
mouvement faire pour faire
ressortir chez lui son talent d'acrobate.
Je l'aidais à performer.
Et tout ça, ça revient...
Mais la hélénie, c'était ça. La hélénie, il faut que tu scores un point pour de vrai, là. Il faut que l'équipe à performer. Et tout ça, ça revient à la Hélénie.
C'était ça.
La Hélénie, il faut que tu scores un point pour de vrai.
Il faut que l'équipe, elle gagne.
Mais ça ne marche pas si tu ne joues pas avec ton adversaire.
C'est tout le paradoxe de ça qui est magnifique.
Puis c'est ça, la lutte.
C'est un paradoxe énorme.
Il faut que tu aies l'air du plus fort.
Il faut que tu aies l'air du plus intelligent,
du plus doué, plus talentueux.
Puis tout ça, mais en même temps, si tu fais juste toi te mettre de l'avant,
puis tout ça, ça marche pas.
Faut que t'aides l'autre à briller.
C'est un paradoxe extraordinaire,
et le spectateur assiste à ça.
C'est pas pour rien que les lutteurs parlent
de leur adversaire comme de leur dance partner.
Who's my dance partner tonight?
Exactement, bien oui.
Alors que c'est pas réellement une danse
à laquelle ils vont se livrer.
Tout à fait, tout à fait. Qu'est-ce que vous une danse à laquelle ils vont s'ivrer. Tout à fait.
Qu'est-ce que vous avez appris de plus important à la LNI avec Robert Gravel?
C'est-à-dire que
c'est...
Moi, je ne pensais pas
que j'étais un bon improvisateur, mais vraiment pas.
On en faisait de l'impro quand j'étais au conservatoire dramatique
où je n'étais pas le meilleur des improvisateurs,
vraiment pas. Mais
la situation du match des improvisateurs, vraiment pas. Mais la situation
du match, des équipes,
toute cette chose-là, de jouer en équipe,
d'être coaché, tout ce
décorum-là que Robert Gravel
avec Jean-Pierre Honfort ont développé
dans les débuts, c'était pas juste
ce décorum, c'était pas juste
une belle idée, flasheuse, le fun.
Ça aidait la dramaturgie,
ça aidait l'écriture. Ce qui l'intéressait, c'était
l'écriture. Et moi, je sais que c'est là
que j'ai compris qu'avant
de mettre le pied, il faut que t'aies le sens
du récit, il faut que t'aies le sens
de comment on raconte
une histoire, puis il faut que tu sois un bon
conteur. Bon, puis moi, ceci dit,
moi, j'étais
le spécialiste des
impros solos. Oui, les longues impros solos. C'est ça, que personne ne voulait faire, que tout le monde disait, c'est épouvantable, c'étais le spécialiste des impros solo. Oui, les longues impros solo.
C'est ça, que personne ne voulait faire,
que tout le monde disait, c'est épouvantable,
c'est tellement dur,
peut-être tellement extraordinaire de faire ça.
Mais c'est parce que j'avais beaucoup de difficulté, moi,
à improviser en équipe.
Beaucoup de difficulté à improviser avec un partenaire.
Alors, je l'étais par défaut.
Ce n'est pas de la fausse humilité, mais c'était ça.
Et ça, avec Robert Gravel,
on avait des conversations là-dessus souvent,
puis c'était super intéressant, parce que c'est ce qui l'inté ça, avec Robert Gravel, on avait des conversations là-dessus souvent, puis c'était
super intéressant parce que c'est ce qui
l'intéressait, Robert Gravel, c'était
le sport de raconter,
le sport d'être bon conteur,
le sport de la poésie, le sport
de l'humour.
C'était ça, la lignée. Moi, j'ai appris
beaucoup de choses avec lui et avec
Yvan Ponton aussi, qui était l'arbitre
et qui parfois, ça je vais toujours
me souvenir de ça, à un moment donné,
on avait fait un match et des fois c'était pas bon.
Quand tu fais tes deux premières périodes
et c'est pas bon de ça. Là, Yvan Ponton
venait dans les loges entre la deuxième
et la troisième. Il disait, OK. Il dit, là,
surprenez-vous pas, le show est pourri à soir,
fait que Ponton, l'acteur, va prendre
le dessus. Et là,
ils faisaient un show extraordinaire.
Puis là, les capitaines sautaient dans l'arène
pour opposer, puis ils donnaient une explication.
Et la chamaille devenait spectaculaire.
Bien oui, puis là, les claques, ça faisait le rap.
Puis là, le monde sortait, puis ils avaient eu un show.
Ils avaient eu un bon show.
Alors, tout ça, toute la mécanique de ça,
c'est ça, la hélénie.
Et l'espoir de la hélénie, je ne veux pas faire de rapproche à personne,
mais l'espoir de la hélénie, c'était que ça aide la création.
C'est-à-dire que les gens, tu avais beau jouer au théâtre classique,
faire de la création collective, faire whatever,
que ça allait changer la façon de faire le cinéma, la télévision, tout ça.
Ça a formé beaucoup d'animateurs de télé.
Mais c'est correct, là, tu sais,
parce que c'est vrai qu'il faut...
Ils sont bons.
Ils sont bons, tout ça.
Ça a été beaucoup ça.
Très peu, après, sont allés vers une vraie...
Bon, il y en a, là, qui sont encore très fidèles à l'impro,
puis on...
Mais quand ça a commencé,
il y a des gens qui s'inspiraient beaucoup
de ce qu'ils apprenaient dans le monde de la LNI,
puis il y a encore des gens aujourd'hui
qui sont dévoués au monde de l'impro.
Il y a des colloques là-dessus.
Il y a des festivals d'impro.
Il y a tout ça, puis c'est bien.
Mais, comment je pourrais dire,
ça a donné beaucoup, beaucoup de stand-up comique.
Ça a donné beaucoup de...
Ce qui sont des choses lois, moi, en elle-même.
Mais ça n'a pas donné nécessairement
des gens qui ont changé le théâtre,
si tu veux, comme je pense qu'était l'intention
de Robert et de Jean-Pierre au début.
Comment donc est-ce que vous êtes arrivé à la lutte?
Bien, c'était un concours de circonstances.
C'est-à-dire que moi, j'ai arrêté de m'intéresser à la lutte
quand c'est devenu le WWF et tout ça,
peut-être parce que le Cirque du Soleil
a pris la place au Québec à un moment donné de la lutte.
C'est ça, votre théorie.
Bien, c'est ma théorie.
C'est sûr que Pat Laprade n'est pas d'accord avec ça,
mais bon.
Mais moi, c'est sûr.
Moi, j'ai commencé à me réintéresser
à, si on veut, aux choses circassiennes,
puis tout ça,
parce que j'y trouvais la même énergie
qu'il y avait dans la lutte avant.
C'est-à-dire, quand les tout premiers shows du cirque,
c'était ça, tout à coup, il y avait,
comme à la lutte,
il y avait des personnages plus grands que nature.
Il y avait de l'athlétisme, il y avait de l'acrobatie,
il y avait tout ça.
Il y avait des risques, il y avait du...
Bon, même si des fois, le risque dans la lutte,
il est un peu...
Mais bon, ceci dit, alors moi, j'ai comme l'impression
qu'au Québec, pendant un bout de temps,
le départ de la lutte a été comblé
par le cirque, le Cirque du Soleil,
puis le nouveau cirque.
Tout ça pour dire que c'est vraiment...
Le gym où je m'entraîne à Québec,
à Loretteville, dans un petit gym de quartier,
c'est vraiment pas une place où les gros bras...
Il y avait un gars qui s'entraînait là,
qui s'appelle...
En fait, c'est Marco Estrada, son nom de signe.
Et lui, Marco, il était luttant.
Il luttait pour la NSPW. Et lui, Marco, il était luttant. Il luttait pour le NSPW.
Et lui, Marco, j'ai connu ça, et que j'avais peur.
J'avais peur de lui à cause de son physique,
à cause de sa gueule.
Puis je savais aussi qu'il gagnait sa vie
comme gardien de prison en Chine.
Fait que bon, alors je m'étonnais pas.
Beaucoup de raisons de le craindre.
Oui, oui, je pensais que c'était quelqu'un.
Mais surtout que je pensais pas que c'était quelqu'un,
lui et sa gang, qui s'intéresserait à la culture, puis que de toute façon,
il ne devait pas avoir une grande opinion de moi,
parce qu'il est tripeux, les théâtres, puis la culture.
Et au contraire,
il est venu me voir un moment donné,
après un entraînement, il me voit,
il me dit, « Hey, Robert, j'ai l'impression qu'ils ont lutté,
nous autres, le samedi prochain, au Centre Horizon. »
J'ai l'impression qu'ils viennent nous voir lutter, c'est le fun,
puis je trouve ça tellement candide,
puis tellement spontané, puis tout ça. J'ai trouvé ça tellement candide et tellement spontané.
J'ai commencé une gang de théâtres rues,
une gang de monde, d'intellectuels.
On a passé une soirée extraordinaire.
Puis là,
son pire ennemi, en tout cas à l'époque,
c'était Benjamin Tulle,
l'auteur de Montréal, qui venait cracher sur Québec
parce que c'était ça son affaire.
Benjamin,
c'était un fan de théâtre. Il voit tout, voir ce qu'il se fait à Montréal. C'est ça, son affaire à Québec. Puis Benjamin... – C'est vraiment merveilleux, la lutte. – Mais Benjamin, c'était un fan de théâtre.
Il voit tout, voir ce qu'il se fait à Montréal.
Puis c'est devenu...
Je pourrais pas dire que c'est devenu un ami
parce que je reste pas à Montréal.
Mais c'est sûr.
Puis c'est un spécialiste de gastronomie.
C'était un gars fantastique.
Il y a des gens là-dedans qui sont des érudits.
Alors, j'ai fait, mon Dieu,
mais quel jugement j'ai eu de pas m'intéresser à ça.
– Quelle leçon de vie.
– Exactement. Et là, j'ai commencé à essayer...
Bon, c'est des idées. C'est-à-dire qu'à l'époque,
on avait la caserne à Québec. Les autres cherchaient
un studio parce qu'il y avait des émissions
à produire. Ils ont dit, « Peux-tu aller
chez vous jouer? » Et bon, là, on leur a organisé
toute une affaire, pour que ça ait l'air professionnel
puis tout ça, à la télé.
Et quand le maire,
le bon monsieur qui faisait ça, il est venu,
MCG, en tout cas, les vedettes de Montréal ont commencé à venir. Les vrais fans et quand le maire, le bon monsieur qui faisait ça, il est venu,
MCG, en tout cas,
les vedettes de Montréal sont commencées à venir,
les vrais fans de lutte sont venus à Québec voir ça.
C'est vrai que ça marque l'imaginaire, cette rencontre-là entre Robert Lepage et le monde de la lutte.
Mais au moins, ça a créé
une espèce d'intérêt et les gens
de la base-ville de Québec qui avaient
l'habitude d'aller la fin de semaine
voir ça au Centre Horizon, ils ne pouvaient pas se payer
un parking et tout ça dans le vieux Québec. Ils n'étaient jamaisaller la fin de semaine voir ça au Centre Horizon. Il ne pouvait pas se payer un parking, puis tout ça, dans le Vieux-Québec.
Il n'était jamais venu, de toute façon, dans le Vieux-Port de Québec.
Ce ne sont pas des gens qui se tenaient là.
Alors, on organisait des navettes.
Alors, ils pouvaient se stationner dans le stationnement paroissial du club.
Puis là, on les amenait à la caserne.
Bon, on a fait ça, puis ça a marché très fort.
Ça fait que nous, on a dit, bien là, c'est sûr que... Nous, on peut pas vous programmer, là, tout le temps,
mais on travaille sur...
On veut ouvrir une nouvelle salle à Québec
qui s'appelle le Diamant.
Puis là, on pourrait s'organiser pour faire partie des meubles.
Puis alors là, la première saison, on appelait ça
de la lutte à l'opéra, bon,
pour montrer qu'il y en avait pour tout le monde.
Et ça a marché très fort, puis ça marche encore très fort.
Alors, quand les gens appellent pour louer... On annonce
un match de lutte, ça se vend en 45 minutes.
Puis il y a des gens qui, grâce
à ces galettes de lutte-là que vous présentez ici,
mettent les pieds au diamant qui seraient
probablement pas venus sinon.
Il y a des gens qui n'ont jamais mis les pieds dans un théâtre
qui viennent pour la première fois dans un théâtre.
Et ce qui est bien, c'est qu'on essaie aussi,
parce qu'il y a des gros écrans sur les murs avec
des images des spectacles à venir. Puis souvent, c'est du cirque. Il y, parce qu'il y a des gros écrans sur les murs avec des images des spectacles à venir.
Souvent, c'est du cirque, il y a de la danse,
il y a des festivals de magie, il y a toutes sortes d'affaires.
Il n'y a pas juste du théâtre niché.
Il y a toutes sortes de choses.
Et c'est sûr que les gens viennent dire, écoute, ça a l'air trippant, c'est quoi de la fin de ça?
Oui, mais non seulement c'est le fun et c'est pour toi,
mais si tu n'as pas l'argent pour,
nous, on a des programmes pour justement permettre à dire,
20 ans et moins, c'est 20 piastres.
Il y a des prix
midi. Ils viennent situés à midi.
Les billets qui ne sont pas vendus, c'est moitié prix.
On essaie, puis il y a
toutes sortes d'autres façons aussi qu'on trouve pour essayer
d'amener des gens qui ne viendraient jamais au théâtre.
Et on essaie de les faire entrer au théâtre
par une porte qui leur ressemble,
une porte qui les allume, puis éventuellement, si jamais ils s'inté faire entrer au théâtre par une porte qui leur ressemble, une porte qui les allume.
Puis, bon, éventuellement, si jamais ils s'intéressent à un théâtre un petit peu plus niché ou tout ça, on verra.
Mais ça, ça se passe. C'est ça, on trouve ça intéressant.
Puis, il y avait une chose intéressante.
Au départ, on se dit, bon, là, on présente au diamant de la lutte.
Bon, quand même, on a un piano qui fait partie du patrimoine, qui est tout couvert de feuilles d'or,
et tout ça, c'est un Steinway de la fin du 19e siècle.
Il faut y faire attention.
Il faut faire attention.
Là, c'est bien pour mettre des cordons autour.
S'ils boivent le biais, mettre le biais,
on n'est pas plus avancé.
La meilleure façon de protéger le piano,
c'est si quelqu'un joue du piano.
Là, on ouvre le piano,
puis là, il y a un grand pianiste de concert
qui vient en queue de pied, tout ça, puis qui joue du métal le piano, puis là, il y a un grand pianiste de concert qui vient en
queue de pied et tout ça, puis qui joue du métalica, puis il joue du black sabbat, puis il joue toutes les
affaires que le monde jouerait. Alors là, il trippe, tu comprends, le monde arrive au diamant, ils sont un peu
impressionnés par le lieu, tu sais, puis là, tout à coup, ils reconnaissent.
Ils sont dépaysés, mais ils sont en même temps dans le familier.
C'est ça, en même temps, ils sont invités. C'est ça la chose.
À un moment donné,
ils sont invités.
Ça fait quand même beaucoup de temps qu'on leur présente des galeries.
Il y a des habitués.
C'est des familles.
À côté du gars qui joue,
ils ont leur merch.
On repart avec un T-shirt.
Oui, c'est ça.
Nous, on est super contents.
C'est sûr qu'à un moment donné,
il faut que ça aille ailleurs.
Il va falloir qu'on trouve d Puis c'est ça. Ça, nous, on est super contents. C'est sûr qu'à un moment donné, il faut que ça aille ailleurs. À un moment donné, il faut que ça évolue.
À un moment donné, il va falloir qu'on trouve d'autres formules aussi.
Mais on s'est rendu compte que...
Parce que le diamant, il a été construit à la place du Haut-Ville,
qui, anciennement, c'était le grand point de rassemblement de toute la ville.
C'était un marché. Ça s'appelait le marché Montcalm.
Tout le monde achetait le légume ici.
Les riches, les pauvres, les Anglais, les Français, les bourgeois,
on est tous ici.
Donc, il y avait au moins une fois ou deux fois
par semaine, c'était le samedi-dimanche,
ce lieu-là de rencontre
d'une communauté.
Alors, on s'est dit, si on est capable, nous autres, de faire une chose,
on va en faire de légumes, mais c'est quand même de faire une chose
parce que tous ces publics-là
se frottent en sortant de la salle.
Tu sais, si on fait une matinée, un après-midi d'un spectacle,
je ne sais pas, on présente Riopelle,
c'est pas la même crowd.
Là, ils sortent, puis là, tout à coup, ils croissent.
Ils croissent tout le monde qui vient voir la lutte le soir
parce qu'on a changé le décor rapidement, puis tout ça.
Et c'est ça qu'il faut créer.
C'est là que les...
En tout cas, si on aime une ville,
si on veut la comprendre,
puis on veut qu'il y ait une synergie,
il faut collaborer à ça.
J'avais envie de vous demander
qu'est-ce qui reste en vous du fils de chauffeur de taxi.
Est-ce que ces préoccupations-là sont liées à ça?
Oh, absolument.
Parce que moi, mon père, s'il était chauffeur de taxi,
c'est parce qu'il n'y avait aucune instruction.
Il a été retiré de l'école quand il était en troisième année,
puis c'est ce que les gens faisaient à l'époque.
C'était la crise, donc les gens sortaient littéralement
les enfants des écoles, puis ils les envoyaient travailler.
Alors, mon père, à 8 ans, il travaillait sur les quais du Vieux-Port,
puis il payait avec des paquets de cigarettes, c'était ça.
Donc, sinon, il a probablement fait d'autres choses dans la vie,
mais alors, il chauffait un taxi,
parce que c'était le seul emploi qu'il pouvait avoir.
Sauf que mon père, parce qu'il avait été dans la marine,
mon père, il avait...
Il a appris l'anglais.
La chose qu'il pouvait nous communiquer
qu'on n'avait pas,
c'était qu'il nous apprenait l'anglais.
Et à une époque
où le Québec était plutôt...
Non, le français, on est d'accord,
mais c'est moi aussi d'ouvrir sur le monde.
Et moi, ça, c'est la chose dont j'ai hérité de mon père,
parce que sa passion...
Parce que c'était un chauffeur de taxi
qui faisait des tours de ville.
Et c'est là qu'il faisait ses plus gros tips.
C'était qu'il faisait des tours de ville extraordinaires.
En racontant l'histoire de la ville.
Oui, c'est ça.
Puis des fois,
surtout quand c'était juste une personne ou c'était un couple d'Américains,
ma soeur et moi,
on s'assoyait en avant avec lui.
On l'écoutait raconter.
Alors là, il faisait le Vieux-Québec,
puis elle faisait tout ça.
Puis bon, ils connaissaient tous les Frontenac,
puis les Champlain, puis cette affaire-là, tout ça.
Puis là, pour ça, il fallait qu'il aille à Saint-Anne-de-Beaupré.
Puis dans ce temps-là, il n'y avait pas de boulevard.
Ça ne prenait pas 10 minutes, ça prenait 40 minutes.
Il n'y avait rien à voir.
Puis il brodait.
Puis là, il rentrait.
Puis il en disait des affaires.
Mais il ne disait pas des choses bêtes.
Ce qu'il disait dans les faits, c'était faux,
sauf que ce qu'il voulait exprimer, c'était vrai.
Tu sais, des faits, des maisons,
une vieille maison canadienne tout croche,
puis il y avait une famille de 12 enfants
là-dedans. En tout cas, des enfants.
Alors, moi, c'est ça que je retiens
beaucoup de mon père, cette espèce de...
ce sens-là de...
t'inventes pour tout...
pour faire de l'argent, c'est-à-dire que tu...
t'inventes des histoires, des récits,
des choses comme ça. Et cette chose-là
que la...
en tout cas, à ce moment-là au Québec,
si tu veux te sortir de ta marbre, il faut que tu sois
capable de parler aussi l'anglais.
Mais ça n'a jamais été une idée très populaire.
Ça n'a jamais été une idée qui a été...
Mais surtout encore aujourd'hui, tu sais, je comprends
et je suis absolument d'accord
qu'il faut protéger la langue française
puis tout ça, sauf que il faut
permettre aussi à la jeunesse de communiquer
en anglais avec le monde.
Le monde parle en anglais, puis le monde est...
Bon, c'est toujours perçu comme...
Et moi, j'ai travaillé dans des pays
où la langue première, c'est le suédois.
Mais absolument tout le monde est bilingue.
Tout le monde est capable de lire
et parler en anglais, mais ça fait pas
que les gens dans la rue se parlent anglais.
J'ai l'intuition que ça dit quelque chose
sur l'histoire du Québec,
que le père de Gaston Miron, par exemple,
un de nos plus grands poètes, était un homme analphabète.
Puis votre père...
Vous êtes un de nos plus grands metteurs en scène,
puis votre père était quoi?
Presque analphabète?
Oui, c'est ça.
Il savait à peine lire, à peine écrire.
C'est quelque chose dont on se rappelle trop peu,
il me semble, que le Québec,
la récente histoire du Québec, c'est ça.
Oui, on n'est pas tous nés de... Alors, évidemment, il y en a dans ma génération qui viennent de grandes familles, d'érudits, de gens...
C'est sûr, mais la plupart des gens... En tout cas, dans le milieu artistique, la plupart des gens viennent...
Ils ont pris ce qu'ils ont pu prendre de leurs parents, mais aussi, ils sont en réaction aussi avec leurs parents, avec les croyances de leurs parents, c'est bien sûr.
Je vous ai demandé tantôt,
pendant qu'on visitait le chantier de l'exposition,
est-ce que vous avez regardé pas mal de matchs de lutte
puis vous m'avez répondu...
Oui, un peu trop.
Un peu trop.
C'est quoi un bon match de lutte pour vous,
maintenant que vous en avez visionné un peu trop?
Bien, un bon match de lutte,
c'est parce qu'un des personnages les plus importants,
c'est le public.
Un bon match de lutte, c'est vraiment quand on sent qu'il y a des enjeux
qui sont au-delà de ce qui se passe dans la salle.
Il y a de très bons documentaires, entre autres, sur des matchs
qui datent du début des années 60 au Forum de Montréal, en noir et blanc,
où il y a Carpentier, puis il y a Maurice Vachon, puis il y a tous ces gens-là.
Et la caméra est beaucoup dans le public,
est beaucoup sur les gens qui sont là.
Et tu comprends tellement de choses.
Et tu te rends compte de ce à quoi ça servait, la lutte,
dans une certaine époque, dans un certain milieu,
dans une certaine communauté.
Puis, tu sais, des archétypes comme...
Il faut que l'arbitre soit vraiment bon,
parce que l'arbitre, il représente la justice.
Il faut vraiment qu'il montre que la justice
est vendue souvent.
C'est toutes ces choses-là,
tous les ingrédients, c'est pas juste les héros
qu'on présente, puis leur versatilité.
C'est l'archétype,
ce qu'ils amènent avec eux,
s'ils sont punis,
s'ils le sont pas,
s'il y a une injustice qui est commise,
il faut qu'elle soit identifiée. Alors, c'est pour ça que c'est difficile de dire,
c'est quoi un bon match de lutte, mais souvent,
c'est ça, les ingrédients. C'est le public qui voit pas juste
des lutteurs, c'est approché.
Il voit des injustices, il voit des gens
trichés, il voit des gens honnêtes,
il voit des gens prétentieux,
il voit la justice qui l'est pas
toujours. Alors, c'est tout ça.
Puis aussi, tous ces gens-là
qui sont exploités par des agents,
des henchmen, tout ce décor-là,
les gens réagissent à ça.
Alors, ça veut dire donc
que ça répond à une réalité
qui est au-delà de ce qui se passe
dans le forum, en tout cas,
dans le conclusion.
Et ces documentaires-là sont très révélateurs
parce qu'ils passent beaucoup de temps
sur les gens dans le public.
Et tu vois vraiment ce que c'était,
les tensions sexuelles aussi,
les femmes qui font la file,
Carpentier, en chess, qui signe des autos.
C'est quelque chose, il y a des affaires.
Tu sens le Québec.
Alors, il y a tout ça, puis toute l'ambiguïté de ça,
même entre les lutteurs,
c'est toujours un petit peu étrange des fois.
Quelque chose d'un peu homoérotique dans la lutte.
Homoérotique, et ils en sont tous conscients,
ils jouent avec ça, en même temps, il y en a qui...
Bon, il y a ça aussi dans la lutte.
Il ne manque pas grand-chose dans les thématiques,
puis tout ça, et ils jouent là-dessus.
Mais bon, en tout cas, tout ça pour dire que ça a les mêmes
valeurs que le cercle du soleil.
Un spectacle du cercle du soleil, on voit des corps
incroyables de femmes et d'hommes qui sont d'une beauté,
d'une perfection, d'une sensualité.
C'est toujours à la limite de l'érotisme ce qu'on voit,
mais il y a des enfants.
Et les enfants voient des personnages,
ils voient autre chose, ils rient.
Il faut qu'il y en ait pour les deux.
Et le succès du sucre, c'est quand, au Sucre du soleil,
ils jouent sur ces deux plans-là.
Et la ligne est très, très, très tendue tout le temps entre eux.
Ça ne va jamais dans la vulgarité,
ça ne va jamais dans l'érotisme pur.
Les choses sont toujours extrêmement... Et c'est cette tension-là qui est bien... Ça ne va jamais dans la vulgarité, ça ne va jamais dans l'érotisme pur.
Les choses sont toujours extrêmement... Et c'est cette tension-là qui est bien...
En tout cas, quand le cirque est bon.
Puis c'est là que la lutte, même si c'est prédéterminé,
même si c'est fake, comme les esprits, comme tu le dis,
touchent à une forme de vérité.
Absolument, parce que ça marche s'il y a des fans,
s'il y a des fan clubs, fan clubs féminins, fan clubs masculins
qui ne sont pas toujours les mêmes raisons.
Quand le héros rentre au début,
ça hurle, ça ne réfère pas
à ses prouesses de lutteur.
C'est ça aussi.
Il rentre avec une idée.
Alors, la marche chez nous,
au Québec, c'est une chose
qui est peut-être un petit peu plus limitée,
mais aux États-Unis, quand il y avait des personnages
qui représentaient les bolcheviques,
puis qui représentaient les Allemands,
puis c'est quelque chose.
Puis il y a eu toute une période où les personnages asiatiques
étaient présentés d'une façon très négative.
Puis tout à coup, ça a évolué avec la façon
que les Américains ont aussi changé
comment ils percevaient les...
Alors c'est ça. C'est pour ça que je dis
que c'est un reflet de la société,
un reflet de...
Bon, qui n'est pas toujours
réussi, mais qui...
Qui nous montre parfois des choses choquantes.
Des choses très choquantes, absolument.
Pourquoi est-ce que vous êtes toujours resté à Québec?
Pour plein de raisons.
De raisons personnelles, sentimentales, tout ça.
Mais aussi parce que
j'ai vécu à Montréal cinq ans, moi.
J'ai pas aimé ça.
Mais j'adore Montréal, je trouve que c'est une ville super.
J'adore aller passer les fins de semaine là.
J'adore aller travailler là pour un mois, tout ça,
parce que je sais que je n'habiterai pas là.
Mais habiter là, j'ai senti que c'était insulaire.
J'ai senti... Il y a comme une affaire que
je n'étais pas heureux.
Mais ici, à Québec,
c'est une ville, bon,
tu as tout ce qu'il faut,
puis tu peux te concentrer sur ce que tu as à faire,
puis tu vas vendre tes légumes ailleurs.
Je disais, non, c'est ça.
On vient toujours aux légumes.
On vient souvent aux légumes, mais c'est ça. Il y a ça.
Tous les pays ont des rivalités,
tu sais, entre Glasgow et Edimbourg.
C'est tout à fait comparable.
Barcelone-Madrid.
Il y a une longue liste.
Les gens vont vous dire que c'est à Saint-Pétersbourg
que se développe
la meilleure danse, la meilleure musique.
Évidemment, Moscou,
c'est le... Il faut aller au Bolshoï
pour présenter
ce qu'on a créé à Saint-Pétersbourg.
Puis c'est à Chicoutimi que les filles sont les plus belles.
Ah, bon, mettons.
Mais c'est ça. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a toujours
cette chose-là, puis c'est...
Il y a toujours eu à Québec
si on veut,
les éléments
idéals pour
travailler de la façon que je travaille.
Moi, ça, c'est bien sûr.
Si j'étais directeur artistique d'un théâtre à Montréal
et qu'on faisait de la création,
puis que je montais à Molière, à Tremblay,
c'est sûr que ce serait bien différent,
mais ce n'est pas ça que je fais.
Alors, c'est une espèce de ville.
Mais tantôt, en se promenant en voiture,
on revenait du musée vers le Diamant,
puis vous nous avez pointé un building
où vous avez longtemps vécu.
Est-ce que ça ne devient pas oppressant
de vivre dans une ville aussi remplie de souvenirs?
Non, non, mais c'est sûr,
il faut savoir s'en détacher aussi, c'est sûr.
Mais je ne sais pas, c'est dur à dire,
c'est parce que pendant longtemps,
à un moment donné, ils ont engagé Lothaire Rappail.
Oui, on s'en souvient.
De triste mémoire.
Oui, c'est ça qui avait été engagé par Lomère-Lallier.
Pas Lomère-Labourne,
qui, avec raison, voulait changer le branding de Québec.
Parce qu'on est sur Art Québec, la vieille capitale.
Mais vieille.
Dans ton branding, la vieille capitale.
Bon. Alors, ils ont réfléchi de ça.
À un moment donné, ils se sont débarrassés de Lothaire Rappail.
Mais John Porter, qui était directeur du musée
des beaux-arts à Québec,
lui a dit, le branding de Québec,
c'est la ville de tous les temps.
Alors oui, c'est une ville musée,
c'est une ville très vieille,
c'est la ville la plus vieille en Amérique du Nord.
Alors oui, c'est une ville qui a le sort frais,
mais elle a aussi tout le génie,
l'ingénierie,
tout le développement technologique un peu en secret,
mais qui est là à Québec.
C'est l'Institut national d'optique qui est à Québec.
C'est tout ici, là.
Et ça, c'est côte à côte avec la tradition, avec le passé.
Et dans ce sens-là, c'est un peu comme au Japon.
Je veux dire, le Japon, ils sont attachés à le patrimoine.
C'est une importance, les racines, les ancêtres, les traditions, tout ça.
Mais c'est un pays qui vit dans le futur aussi.
Et c'est ça, cet amalgame-là.
J'ai l'impression que si je peux plus allier ça, c'est-à-dire avant...
Tu sais, quand j'apprenais le japonais, le mot, en fait, c'est le caractère chinois, le caractère chinois pour écrire le mot arbre.
Nous autres, ce qu'on fait, c'est qu'on va prendre, on va dessiner un arbre, on va faire une ligne vers le haut qui est le tronc, puis on fait des branches.
On fait des espèces de... Eux, c'est le contraire. Eux, ils font une ligne qui veut dire le sol, en fait.
Et là, au-dessus, il y a la ligne qui représente le tronc,
mais il y a les racines.
Eux, c'est à l'envers.
C'est vraiment l'idée que c'est un symbole très équilibré
qui montre que ce qui pousse, il pousse à cause de ce qu'il y a en-dessous.
Et ça, c'est important, ça.
C'est très important de toujours...
Tu risques de faire des affaires
beaucoup plus ahead of the curve,
comme disent les Américains,
beaucoup plus en avance ou avant-garde,
si t'es vraiment profondément
ancré dans la tradition,
dans...
Si tu fais fi de ça, tu peux pas pousser,
tu peux pas grandir, tu peux pas...
Donc, vous êtes né à Québec, puis vous allez mourir à Québec?
Dans plusieurs années.
Je veux pas être là au travers.
Non, non, à moins que Québec ou le Québec ou le Canada
changent de façon radicale,
parce qu'on sait jamais avec tout ce qui se passe.
Moi, un jour, j'étais à Moscou,
puis je faisais un spectacle, puis tout ça.
Puis le lendemain, il y avait une guerre. Puis on ne peut plus y aller, là, à Moscou.
Bon, donc, ça arrive, ça, dans la vie, des affaires comme ça.
Fait que c'est pour ça que ça me fait bon, mais là,
en espérant que le Canada ait une certaine stabilité
ou que les changements de gouvernement
ne nous enfoncent pas dans des...
Vous qui vous promenez souvent partout dans le monde,
quelle place ça occupe dans vos pensées,
l'instabilité pour ce qui se passe en Ukraine,
ce qui se passe en Palestine présentement?
Je suis très inquiet parce que je vois tout ça aussi,
tout ça se tient la main aussi, c'est ce qu'on se rend compte.
Ce qui se passe en Ukraine,
ce qui se passe dans la bande de Gaza,
les Américains de ce temps-ci
sont dans la Syrie.
On sait que l'Iran...
Tout ça, ça se tient la main.
Ça, ça m'inquiète beaucoup.
Quand il y a un conflit, tu sais,
à un moment donné, ça va se résorber.
Mais là, tu sens que c'est une...
Ça, je suis très inquiet.
Je m'en vais jouer en Chine bientôt.
Je m'en vais jouer à Shanghai 887 dans deux mois.
Le faire comme ça, c'est déjà très difficile.
Il faut que tu passes la censure.
Il faut que la censure accepte.
Ils lisent ton article étudiant.
Il me semble qu'il n'y a pas trop d'éléments problématiques dans 887.
Mais c'est quand même sur...
On parle du FLQ, on parle de...
Non, tu sais, ils veulent pas que ça...
C'est déjà trop.
Ça pourrait poser problème.
Speak White, là, c'est pas le poème
le plus tranquille.
Mais bon, tout ça pour dire que...
Est-ce que vous faites une version caviardée
de Speak White? Non, non, pas du tout, pas du tout.
Non, c'est juste que tu y penses. Les relations diplomatiques
entre l'Inde et le
Canada, on sait en ce moment, c'est
difficile.
La Chine a déjà gardé des Canadiens pour pouvoir... Tu y penses, tout à coup?
Tu penses à des choses?
Moi, j'avais pensé à ça quand j'allais en Chine.
Là, tu fais voir, OK, là,
j'espère qu'ils ne me garderont pas
en échange d'un prisonnier politique.
Et c'est des vraies affaires.
Puis, en tout cas,
surtout le rapport avec...
En ce moment, le rapport avec la Russie,
c'est très, très complexe parce que j'ai énormément d'amis
qui sont en exil et j'en ai autant
qui sont prisonniers là-bas,
qui vivent des choses absolument innommables.
Et c'est des gens avec qui
j'étais il n'y a pas si longtemps.
Et qu'on est complètement impuissants.
Des gens avec qui vous créez?
Oui, des gens avec qui j'ai fait des mises en scène.
Alors, c'est pour ça, c'est scène alors c'est une vraie affaire c'est pas juste une affaire qu'on voit à TV un ami m'était en scène qui est absolument extraordinaire qui est exilé à new york puis qui m'appelle puis il me dit ben là
nous on n'a pas accès à nos cartes de crédits on peut rien peux tu m'aider tu vas à new york tu
essaies de comprendre puis là tu comprends ce à quoi il a fallu qu'ils passent à travers
pour sortir de la Russie,
puis qu'est-ce qu'ils laissent derrière eux.
C'est énorme. C'est des affaires que,
quand on était plus jeunes, on disait,
ah oui, on fera un show un jour
sur ce que c'était la Deuxième Guerre mondiale.
On a des affaires d'en face en ce moment.
Je suis inquiet,
et ça a un impact sur
parce que nous on est une compagnie de tournée
on a des spectacles partout dans le monde tout le temps
souvent puisque j'anime un balado
il y a des gens qui vont me demander
Dominique est-ce que tu as des balados à me conseiller
que je pourrais écouter
puis la vérité c'est que les seuls balados que j'écoute c'est des balados de lutte
des gars, des fois des filles qui jouent genre de lutte
de l'actualité de la WWE c'est un aveu que je suis en train
de faire. Puis, une des questions qui revient souvent,
surtout lorsqu'un lutteur est interviewé,
c'est qu'on lui demande, c'est quoi
ton Mont Rushmore?
En voulant dire, ce sont lesquels
tes quatre lutteurs préférés,
les quatre les plus importants,
selon toi. Est-ce que vous en avez un,
un Mont Rushmore de lutte?
De lutte? Ah, OK. Je pensais que vous en avez un? Mont-Rochemont de Lutte. De Lutte?
Ah, OK. Je pensais que...
OK. De Lutte.
Bon, évidemment, moi,
la vie, c'est Carpentier, c'est sûr.
Le bois Carpentier.
Ensuite, il faut qu'il y ait
un des Rougeaux. Ça, c'est sûr.
Moi, je serais plus Raymond Rougeau,
mais dans le fond, son père a été
quand même plus important, si on veut, historiquement. Mais moi, j serais plus Raymond Rougeau, mais dans le fond, son père a été quand même plus important, si on veut,
historiquement.
Mais moi, j'ai été plus conscient
du bout à Raymond Rougeau,
aussi pour toute la carrière qu'il a eue après, tout ça.
Évidemment, Yvon Robert,
qui est très, très important.
– C'est un peu le Maurice Richard de la lutte,
on pourrait dire ça comme ça? Est-ce qu'on pourrait dire ça comme ça? Non?
– Oui, c'est vrai.
Pour l'époque, oui, pour l'époque, c'est vrai.
Et j'hésite entre les deux,
mais Madog Vachon et ou son frère.
Parce que Madog, c'est un personnage.
Mais avant d'être le personnage qu'on a connu,
c'était un champion de lutte olympique.
Oui.
Et c'était... Il a participé aux Jeux du Commonwealth. Oui, oui, oui. C'était un champion de lutte olympique. Oui. Et c'était...
Il a participé aux Jeux du Commonwealth.
Oui, oui, oui.
C'était un grand, grand monsieur
qui a accepté de jouer le méchant,
qui a accepté de jouer le jeu qu'il a joué
et qui, après une carrière d'émission pour enfants,
absolument touchant,
il faisait une espèce de pirate,
puis il parlait comme ça,
puis il parlait avec une marionnette insupportable,
une marionnette de perroquet sur son épaule.
Puis il avait déjà...
Je pense qu'il avait déjà été amputé d'une jambe.
Oui, c'est ça. Ce serait mon Mont Rushmore.
C'est un bon Mont Rushmore.
Puis si vous aviez un Mont Rushmore artistique à établir?
Ça, c'est pire encore.
Je vois Shakespeare derrière vous.
Non, non, non. C'est vrai.
Probablement Shakespeare. Ça, c'est sûr, Shakespeare.
Mais moi, je suis plus 20e siècle dans mes références,
mes affaires avec Shakespeare.
Alors oui, Shakespeare, Bertolt Brecht, c'est sûr, Ariane Mouchkine,
Peter Brook.
Parce qu'ils sont quatre, hein?
Oui. Puis on pourrait mettre peut-être Peter Gabriel
pas trop loin là-dedans. Ah oui, oui,
mais là, je parle de théâtre. De théâtre, OK, d'accord.
C'est ça, mais oui, je parle de théâtre.
Mais là, sinon, non,
sinon, on embarque dans les Peter Gabriel,
les Laurie Anderson, les Pina Bausch,
ça, c'est sûr.
Qu'est-ce qui vous reste à accomplir, Thomas?
Je ne sais pas.
Mais ça à quoi je n'ai jamais touché,
je sais que j'aurais un peu de talent pour tout ça,
c'est plus le monde musical.
Il y a quelque chose dans la composition.
Parce que vous jouez de la musique?
Oui, puis non.
Je me suis appris à jouer du piano.
Plus jeune, j'ai joué de la guitare.
Mais j'ai une très bonne oreille, tout ça.
J'ai une voix correcte et je suis capable d'écrire des chansons.
Il y a une espèce d'affaire là-dedans que j'aimerais peut-être faire de façon plus pure.
Vous avez déjà écrit des chansons?
Pour des spectacles, pour des gens.
Mais c'est parce que moi, il m'arrive toujours de la faire.
J'attends l'accident.
C'est-à-dire, j'attends l'affaire qui va faire « Faut-tu nous écrire une chanson d'un, faut-tu la chanter? »
Si ça, ça n'arrive pas, je ne le ferai pas.
Parce que moi, à 50 ans,
je ne sais pas si vous connaissez Sylvie Guillem,
mais c'était la plus grande danseuse classique du XXe siècle.
Tu as fait un spectacle avec elle.
Oui, c'est ça.
Elle, Sylvie, a décidé de s'inventer
une carrière contemporaine.
Par exemple, elle parlait avec un très bon chorégraphe
qui s'appelait Russell Malophant.
Les deux faisaient des spectacles ensemble.
On était dans les mêmes festivals.
Partout dans le monde, on se croisait tout le temps.
Elle venait voir mes shows, je venais voir ses shows.
Un jour, elle m'a dit,
Russell et moi, on aimerait faire un spectacle avec toi.
Je lui ai dit, OK, pas de problème.
Je savais qu'elle voulait éventuellement avoir une carrière d'actrice.
Après sa carrière de danse, je dis OK.
On a fait des réunions avec des idées, des choses comme ça.
Sur peut-être un mois,
il y a eu quatre fois,
il fallait que ça corresponde.
Et la quatrième fois,
elle a dit
non, non, tu ne comprends pas,
on veut danser avec toi.
Elle ne voulait pas une mise en scène.
Non, elle voulait pas.
Parce que, mais oui, Rosselle et moi,
on veut danser avec toi.
Mais j'ai dit, j'ai 50 ans.
Oui, j'ai fait du cirque physique beaucoup jeune,
mais j'ai jamais été danseur.
Elle a dit, non, non, on aime comme tu bouges.
Bon, voilà, on va t'entraîner.
Mais voyons, c'est lui.
Alors, la vie t'a fait ça.
Puis Édouard Locke m'avait demandé ça un an avant.
Il allait là préparer un nouveau spectacle,
puis on est allés manger ensemble,
puis il me dit, est-ce que tu veux te joindre à nous?
J'ai dit, es-tu malade?
J'ai joué en 50 ans l'année prochaine, es-tu fou?
Et je l'ai regretté.
Et j'ai dit, j'aurais dû dire oui à cette chose-là,
même si c'était...
Alors là, j'ai arrêté de boire.
J'ai perdu je ne sais pas combien de kilos,
je me suis mis dans une chape,
puis le spectacle, on a tourné quand même pendant quatre ans
avec ce spectacle-là, mais bon,
j'étais pas le plus grand des danseurs,
mais j'arrivais à danser, j'arrivais à faire des choses,
j'avais pas toujours les lignes classiques qu'elle avait,
tout ça, mais...
je me rendais compte que c'était...
ça serait jamais passé
si... ça prend justement un Édouard Locke ou un Guilhem qui vient
et qui dit « Tu danses avec moi dans six mois. »
Sinon, j'aurais jamais, même si j'ai toujours voulu danser.
Ça, je dis oui, je ferais peut-être un spectacle de musique
ou avec un band, je ne sais pas trop quoi,
si un jour, quelqu'un m'oblige à le faire.
Donc, si Pierre Lapointe ou Céline
Vion vous appellent demain et vous demandent...
Qu'est-ce qui vous dit que ça...
Que ça s'est pas déjà produit?
Je suis intrigué.
Ah, parce qu'on en parlera un jour.
J'ai très hâte d'entendre ça.
Merci beaucoup, Robert, de nous avoir accueillis
chez vous. Un grand plaisir.
Juste entre
toi et moi