Juste entre toi et moi - Yvon Deschamps
Episode Date: July 10, 2023Dans ce rare entretien ponctué par son rire inimitable, Yvon Deschamps parle de la liberté de parole des humoristes, de l’avenir de la langue française et de son enfance dans Saint-Henri. Il rép...ond aussi à ceux qui se demandent si ses monologues pourraient être présentés à l’identique en 2023.
Transcript
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Sous-titrage Société Radio-Canada et moi, bienvenue au dernier épisode de cette première saison de Juste entre toi
et moi. Oui, déjà le dernier
épisode. Je prends d'emblée
quelques instants pour vous remercier
d'avoir été aussi nombreux au rendez-vous.
Merci pour vos généreux
messages dans lesquels vous me disiez être
heureux d'entendre des entretiens durant lesquels
on prend le temps
de prendre le temps. Merci d'avoir
pris le temps de m'écrire
on sait pas encore quand
la balado sera de retour
mais si tout va bien
il devrait y avoir une deuxième saison
oui, il devrait y avoir une deuxième saison
de juste entre toi et moi
un jour, bientôt
et vous serez bien sûr tenus au courant
en temps et lieu
dans les pages de la presse
mais d'ici là, mon invité pour ce dernier épisode Et vous serez bien sûr tenus au courant, en temps et lieu, dans les pages de la presse.
Mais d'ici là, mon invité pour ce dernier épisode, c'est nul autre que M. Yvon Deschamps.
Yvon Deschamps remontera sur scène à la salle Wilfrid Pelletier le 20 juillet prochain pour le Gala Ultime,
présenté à l'occasion du Festival Juste pour Rire.
Tous les profits de cette soirée seront remis à la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud qui vient en aide aux jeunes du quartier
Centre-Sud à Montréal.
C'est d'ailleurs dans les bureaux de sa
fondation que notre entretien a été enregistré.
M. Deschamps est arrivé
avec à ses côtés son indéfectible
amoureuse, Mme Judy Richards
et il s'est assis devant moi
avec son immense sourire.
Il ne me reste plus qu'à vous dire que vous pouvez lire l'article que j'ai tiré de cette rencontre
dans La Presse Plus, sur lapresse.ca ou sur l'application mobile La Presse.
Et voici mon entretien avec une légende vivante, Yvon Deschamps. Entre toi et moi Tout est parfait,
c'est merveilleux.
Est-ce que vous êtes heureux,
M. Deschamps?
Moi? Ah oui, ah oui.
Je suis heureux, je comprends.
Très heureux.
Très heureux, ça veut dire
pas trop de problèmes,
pas trop de grandes peurs, pas trop de grandes tristesses,
mais heureux, ça veut pas dire être toujours bien
puis content, là.
C'est que je suis...
Moi, je suis chanceux dans la vie.
Premièrement, j'ai fait une carrière qui m'est tombée dessus par hasard
et que j'ai travaillé fort, mais je veux dire, tout est arrivé sans que j'aille à
pousser. Puis on me disait que ce que je fais dans la vie, je me suis... À partir du moment
où j'ai fait des monologues, j'ai pu penser à rien d'autre. Et j'ai une belle famille.
Jody et moi, on fait 55 ans qu'on est ensemble.
Tu sais, j'ai tout. J'ai tout, au fond.
Mais il reste qu'on a des problèmes.
Problèmes de famille, problèmes de santé.
Et aussi des grandes questions.
Tout à coup, tu'arrêtes de...
quelques secondes où tu vois quelque chose,
et là, tu remets tout en question.
Pourquoi on vit de cette façon-là?
Puis comment ça se fait qu'il y a tant de monde qui souffre?
Puis la misère, puis qu'est-ce que je peux faire?
Puis là, tu rends compte, moi, j'achève ma vie, là.
Fait que ce que j'ai pas, je ne pourrais pas le faire.
Je n'aurais pas le temps.
Ce dont je me rends compte des fois, c'est ça.
Je me dis, oh, j'aurais dû, j'aurais pu.
Je ne l'ai pas fait.
Puis là, il était un peu trop tard.
Ça vous habite, ça. Vous avez des regrets.
Oui, j'ai des regrets, certain.
Mais je suis en général heureux.
Parce que j'ai lu que Clémence Desrochers
a déjà dit à votre sujet
qu'elle aimerait tellement avoir la certitude
qu'il est heureux, cet homme, en parlant de vous.
Oui, oui.
Parce que vous avez souvent dit en entrevue
que vous aviez de la difficulté à goûter au bonheur.
Un moment, je sais que ça a l'air mal. Pourtant, vous aviez de la difficulté à goûter au bonheur. Un moment que j'avais.
Je sais que ça a l'air mal.
Pourtant, vous aviez tout.
J'avais tout pareil.
C'est pour ça que ce n'est pas ce qu'on a.
Je ne sais pas.
J'avais tout et j'étais mal.
Mais j'étais mal de tout avoir.
C'est ça aussi.
C'est pour ça que vous avez lancé votre première fondation.
Vous l'avez mise sur pied parce que vous étiez mal à l'aise
avec tout l'argent que vous récoltiez grâce à votre carrière.
C'est ça, la première fois, oui, dans les années 70.
En fait, j'étais tellement mal que je me disais...
Parce que c'est notre Moses, tu sais.
Notre culture judéo-chrétienne.
C'était péché d'avoir de l'argent quand on était enfant.
Et après, j'étais plutôt un gars de gauche.
Alors, qu'est-ce que je fais avec de l'argent?
Je n'ai pas d'affaire à avoir de l'argent.
Et ça me rendait malheureux.
Ça me rendait malheureux.
Et là, j'ai même pensé, je vais arrêter de travailler.
On ne ferait plus l'argent maintenant.
Mais ce n'était pas une très bonne idée.
Ça aurait réglé votre problème, mais ça en aurait créé d'autres.
Ça en aurait créé pas mal d'autres.
Alors, finalement, ce n'est pas moi qui ai passé, c'est Jody.
Elle me dit, c'est tellement fatigant que ton argent, donne-le,
puis on n'en parlera plus.
C'est ça qui est arrivé.
On l'a donné, puis
c'était parfait, c'était merveilleux.
Ne pas oublier d'être drôle le plus
souvent possible. C'est votre
maxime, ça. Vous remettez parfois des plaques
à certains jeunes humoristes
avec cette phrase-là inscrite dessus.
Pourquoi est-ce que cette phrase-là est importante
pour vous?
Parce que Jody me disait ça souvent quand j'écrivais.
Elle passait au quelque chose, elle disait,
« Oubliez pas d'être drôle. »
Parce que quand je partais à une idée,
c'est jamais drôle en soi.
Et là, je lui disais,
« Je veux parler de tel sujet, puis tout ça. »
Puis elle se disait, « Wow, il n'y a rien de drôle là-dedans.
À temps en temps, elle passait, elle me disait,
n'oubliez pas d'être drôle.
Là, je dis, OK, je vais l'écrire.
N'oubliez pas d'être drôle.
Je me suis mis ça dans le front.
Je ne sais pas si j'ai été plus drôle pour ça.
Je veux dire que c'est de l'humour.
Il faut faire de l'humour.
Il faut être dr l'humour.
Il faut être drôle de temps en temps.
Donc, vous aviez cette phrase-là devant vous lorsque vous écriviez?
Oui, les dernières années.
Moi, je couvre l'humour à la presse.
Puis, il y a souvent des gens qui m'écrivent,
des gens sans doute d'un certain âge.
Je me permets de présumer qu'ils ont un certain âge,
qui me disent que des bons humoristes n'existent plus.
Le dernier véritable humoriste au Québec,
c'est Yvon Deschamps. Après ça, il n'y en a plus. Il n'existent plus. Le dernier véritable humoriste au Québec,
c'est Yvon Deschamps.
Après ça, il n'y en a plus.
Il n'y en a plus après lui.
C'est drôle parce que pendant des années,
à chaque entrevue,
on me disait que j'étais le premier.
Il ne l'avait pas eu avant.
Vous êtes le premier et le dernier.
Le seul, donc.
Bon, bien, moi, j'étais le seul.
Moi, là, l'humour... Ah, bon.
Ah, bien, là, là...
Mais je sais que vous avez encore à l'oeil
ce qui se fait en humour au Québec.
Vous les connaissez.
Pas mal. J'en connais beaucoup.
J'en connais beaucoup. J'aime beaucoup l'humour.
Alors, on est... Comment je dirais ça?
Privilégiés. On a des humoristes de coeur.
Hommes et femmes, là.
On est équipés.
Pour une petite gang comme on est,
écoute, on a de super humoristes.
Donc, que vous êtes le dernier, ce serait pas vrai?
Non, non, non.
Pour eux autres, je suis le premier.
Oui.
Pour eux.
On n'oublie jamais son premier.
C'est ça, exactement.
C'est ça, mais c'est tellement différent.
On vit dans un monde tellement différent de mon époque
et même de mon époque, je veux dire,
les années 70, 80, beaucoup.
Mais même quand les dernières choses que j'ai écrites
c'était en 2007, 2010,
même depuis ce temps-là,
ça a changé.
Même depuis 10 ans, 15 ans,
ça change.
Le monde change.
Est-ce que ça change pour le mieux ou pour le pire?
Ça change.
Je ne sais pas
si c'est pour le mieux ou pour le pire.
On peut dire
que ça change pour le pire,
mais demain, ça va changer pour le mieux. »
Ça s'en va en dents de scie.
Et on ne sait pas où ça s'en va,
parce que là, moi, mes petits-enfants,
je les regarde aller et je dis
« Wow, qu'est-ce qu'ils vont faire?
Qu'est-ce qu'ils vont être? Qu'est-ce qu'ils vont être?
Parce que c'est la culture pop américaine
qu'ils allument, au total.
Ils aiment parler anglais.
Ils parlent anglais,
leur grand-mère, mais moi,
vous ne me parlez jamais
en anglais.
C'est ça la règle, chez grand-papa?
Grand-maman, c'est une anglaise,
correct.
C'est ça la règle.
Non. Ils'est correct. Non.
Ils parlent français.
C'est des francophones.
Mais ils aiment ça, parler anglais.
Ils aiment ça.
Comment vous l'expliquez, cet attrait-là,
pour l'anglais chez les jeunes?
Je ne sais pas.
Je pense que c'est l'attrait de la culture pop américaine
qui fait qu'ils en regardent tellement sur leur téléphone
qu'ils trouvent ça plus cool de dire des choses en anglais.
C'est cool, oui, oui.
Mais d'ailleurs, vous, en 78,
vous avez enregistré un album en anglais.
Oui.
Vous avez envisagé faire carrière aux États-Unis,
en anglais, forcément.
Pourquoi est-ce que ça n'a pas abouti?
Pourquoi est-ce que ça a avorté votre projet de faire carrière aux États-Unis?
Ça, ça a été...
C'est parce qu'à cette époque-là, c'était l'époque des compagnies de disques.
C'est les compagnies de disques qui contrôlaient tout.
Donc, moi, quand je suis arrivé en Californie,
bon, j'ai fait une couple de shows,
Dinah Shore, etc.,
puis il y avait beaucoup d'intérêt,
mais la seule chose qu'on a trouvée
qui s'en venait,
qui était une possibilité,
c'était un contrat de cinq ans à CBS.
À CBS?
À CBS, oui.
Donc prestigieux.
Prestigieux, un beau contrat, là.
Mais c'est un contrat qui te contrôle.
Pendant cinq ans, ils te possèdent.
C'est eux autres qui te vont dire qu'est-ce que tu fais
quand tu vas jouer dans tel petit théâtre à Détroit ou à New York? »
Parce qu'ils pensaient naturellement plus le nord,
parce que mes affaires, dans le sud,
ils se seraient demandé « Où est-ce qu'elle est, la ruelle? »
« Oui, la cour. Où est-ce qu'elle court? »
Il n'y a pas de cour.
Alors, et j'avais, à ce moment-là,
on venait d'avoir notre aîné qui avait sept ou huit semaines.
Vous étiez un jeune père.
Oui, un jeune père de 40 quelques années.
Et là, j'ai dit non, là, je ne m'en vais pas cinq ans
à me faire dire quoi faire, un peu tout ça.
Non, s'il n'y a pas autre chose, on est revenus.
Vous avez dit à CBS, laissez tomber.
Laissez tomber.
Je retourne à la maison.
Yes!
Est-ce que vous l'avez regretté, ça, ou jamais?
Non, non, pas du tout.
En fait, j'aurais regretté si je n'avais pas travaillé ici autant.
Mais j'ai travaillé autant que j'ai voulu.
Je fais ça, pensez-y.
Chaque fois que j'ai voulu. C'est ça. Pense-y, là. Chaque fois que j'ai voulu,
j'ai rempli mes salles.
Ça, là, pendant 30 quelques années,
c'est quand même fabuleux.
Tu dis, moi, je suis chanceux.
Je réécoutais un numéro
dont je ne peux pas prononcer le titre
parce que c'est un mot qu'on ne peut pas prononcer,
le titre de votre numéro avec le mot en N.
Oui, oui.
Votre antiracisme, votre indignation face au racisme,
ça vient d'où, ça?
Évidemment, on est tous contre le racisme.
Oui, oui, oui, oui.
Mais chez vous, il y avait une très grande indignation face à ça.
Oui.
Mais c'est parce qu'aussi, pour nous,
les Noirs étaient des Anglais.
Et il y avait seulement des Noirs à Saint-Henri.
La petite Bourgogne n'avait pas ailleurs.
Les Haïtiens n'étaient pas arrivés encore.
Eux sont venus à partir du début 60
pour fuir du Valier.
Mais c'était des Noirs.
Et ils étaient vraiment...
Comment je dirais ça?
Moi, en fait, le monologue
dit le contraire. Le monologue dit que...
C'est ironique. On aimerait ça.
Ils ne sont pas mieux que nous autres
parce que c'était ça.
Ils dansent mieux, ils ont
de la meilleure musique.
À ce moment-là aussi,
quand ça se passe,
dans ma tête,
le personnage avait 10 ans à peu près,
donc 46-47,
champion du monde poilot,
c'était encore Joe Louis.
L'homme le plus vite du monde, c'était encore Jesse Owen.
Et là, il arrive
l'autre qui vient jouer au baseball
chez nous, puis qui va au début,
puis qui remplit le stade.
Tu sais, c'était merveilleux.
Mais en même temps, je disais,
wow, ils sont bons, s'il vous plaît.
Et
il était...
Je ne sais pas les mêmes mots,
je suis vieux maintenant.
Ça va. Il était ostracisé
quand même. Non, mais tu sais, quand tu vieillis,
là, j'ai dit, j'ai perdu à peu près la moitié de ma vue,
mais j'ai des lentilles internes.
J'ai 50 % d'audition, mais j'ai des aides auditives.
Mais le 50 % de mon cerveau qui est parti,
je le remplace avec quoi?
La médecine, aucune réponse pour ça.
Non.
Il n'y en a pas. Non, aucune réponse pour ça. Non. Il n'y en a pas.
Non, c'est ça.
C'était la discrimination.
Mais pour nous, moi, je pensais que les Noirs
n'avaient pas le droit de venir à notre école.
C'était vrai.
Mais ce n'est pas parce qu'ils étaient Noirs.
Ce n'est pas parce que c'était des écoles confessionnelles.
Alors, il fallait être catholique.
Il n'était pas catholique. Alors, c'il était noir. C'est pas si t'as des écoles confessionnelles. Alors, il fallait être catholique. Il était pas catholique.
Alors, c'était juste ça.
Moi, je t'assure qu'ils acceptent pas,
puis etc.
Je peux te monter une idée.
Puis on sait à quel point
il y a eu de la discrimination terrible.
Épouvantable.
On dit souvent qu'on pourrait plus aujourd'hui présenter
certains de vos numéros de l'époque de la même manière.
Est-ce que c'est grave, ça?
Est-ce que c'est vrai, selon vous?
Est-ce que c'est grave que l'époque ait changé?
C'est vrai, mais ce n'est pas grave.
Ce n'est pas grave?
Oh non, pas du tout.
Mais c'est vrai.
Premièrement, ce monologue-là, dont on parlait,
au fond, il y a juste moi qu'elle comprenait
vraiment.
Les gens ne comprenaient pas bien le message dans la salle?
Ben, comprenaient que c'était
antiraciste,
mais ils ne pouvaient pas comprendre
d'où ça venait, cette idée-là.
Mais pour ça,
il fallait être à côté
de la petite bourgogne.
Puis pas dedans, à sais, à côté,
puis de voir ce qui se passait.
Parce qu'il y avait une communauté noire importante
dans le quartier de votre enfance.
Très importante, très importante,
qui était venue pour...
Au départ, c'était des Américains, je pense,
parce que c'était...
Quand ils ont ouvert la gare Bonaventure,
qui est une gare internationale,
là, il y a eu des trains qui venaient des États-Unis,
et aux États-Unis, il y avait une loi
que seulement des Noirs pouvaient être porteurs dans les trains
et décharger les trains et tout ça.
Donc, il a dû y avoir des Noirs qui s'installent à Montréal,
peut-être 15, 20 familles au début,
puis la petite Bourgogne, c'est à côté de la Carbone Aventure.
Et ils sont restés là tout le temps.
Et ils ont grandi, puis ils nous ont donné
Oscar Peterson
et puis bien du monde intéressant.
La communauté noire a été très importante
pour la Petite Bourgogne, oui, effectivement.
Mais est-ce qu'il y a
certains numéros que vous avez
regrettés parce que les gens
les ont mal interprétés
lorsque vous les avez présentés?
Oui, mon Dieu!
L'intolérance?
L'intolérance, je l'ai...
Je l'ai faite 250 fois, je pense.
Je l'ai faite pendant un spectacle.
Je faisais un spectacle pendant un an et demi.
Puis j'en recommençais à nouveau six mois plus tard.
Et j'avais peur tous les soirs.
J'avais peur parce qu'il fallait rendre quelqu'un intolérant
puis il criait des noms. C'est drôle, ça.
C'était ça l'objectif? C'était que la foule se retourne contre vous?
Oui, voilà.
C'est pas fin quand t'es sur scène.
T'es pas supposé faire ça.
T'es supposé te faire aimer.
Pas te faire haïr.
Alors, il y a des soirs, c'était terrible.
Mais en fait, je le regrette pas.
Mais c'est un monologue que peu de gens ont compris.
Donc, quand les gens disent qu'Yvon Deschamps a été adulé
pendant toute sa carrière et que chacun de ses mots
a été applaudi et célébré, encore une fois, c'est de l'exagération. On embellit le passé.
Mettons que, écoute, dès 73, je te faisais pas longtemps, ça faisait pas 5 ans que j'avais
commencé. En 73, mon spectacle, qu'est-ce qu'il y avait dans la libération de la femme,
en tout cas, il y avait deux, trois avait dedans? La libération de la femme.
En tout cas, il y avait deux, trois affaires.
La libération de la femme aussi, ça a choqué.
Ça, ça brassait.
Ça, ça brassait.
Mais c'était épouvantable aussi.
Parce que vous disiez des choses horribles au sujet des femmes?
Non.
Oui.
Bien, horribles, non.
Mais, tu sais, le personnage, il s'adresse au monde.
Est-ce qu'il y en a qui sont pour la libération de la femme?
Oui, sacrez votre camp.
Vous ne prendrez pas notre place.
Etc.
Et là, il déclinait tout ce qu'il faisait pour sa femme.
Il salissait son linge,
qu'elle puisse le laver.
Etc.
Donc, c'était rough,
parce que ça allait direct. Ça insultait même quelques personnes, des fois. Mais c'était, comment je dirais, pour moi, ma mission première,
c'était ça. Parce que je travaillais au Chênon, comme j'étais à ce moment-là
au conseil d'administration et porte-parole du Chénon, qui est une maison pour femmes en difficulté.
C'était le début des années 70.
Donc, c'était vraiment la grande marche.
Les femmes n'avaient pas encore le droit
de faire opérer leur enfant, même.
Il va mourir, mais il faut que son père signe.
Oui, oui.
Pas le droit de reconnaître son enfant.
C'est le père qui doit reconnaître l'enfant.
Mais oui, qui l'a eu, l'enfant?
Qui est sûr que c'est son enfant?
Juste la mère.
Donc, en 73,
probablement en cause
de la libération de la femme, écoute,
dans la presse, justement,
j'ai eu droit à
cinq colonnes à la une.
Derrière les monologues d'Yvon Deschamps,
le vide.
Et là, une page entière pour dire
que j'avais rien dit.
Puis comment est-ce que vous preniez ça, à ce moment-là?
Ça fait mal, écoute.
Oui, ça fait mal, certain.
On prend ça
avec un grain de sel. En 73, 79, même chose, certains. On prend ça avec un grain de sel.
En 73, 79,
même chose, 79,
je me suis fait crier des noms.
Avec la manipulation.
Oui, que j'avais plus d'affaires, etc.
Donc, c'est pas vrai que
ça a toujours été rose.
Et puis, j'ai eu des spectacles
que le monde n'aimait pas du tout.
Et le problème, c'est que quand un spectacle que le monde n'aimait pas du tout. Et le problème, c'est que
quand un spectacle, les gens n'aiment pas
et que tu es vendu pour un an et demi,
250 000 personnes,
ça fait bien du monde qu'ils ne vont pas l'aimer.
J'ai réécouté la...
Il faut les faire quand même, les spectacles.
Mais il faut les faire. On les fait pareil.
Dans la manipulation, vous personnifiez un homme d'extrême droite,
d'extrême gauche, puis un flyer.
Un flyer, oui.
Lui, il veut répandre la joie totale chez tout le monde.
Ce numéro-là, il me semble qu'il est encore d'actualité
parce qu'on dit beaucoup qu'on vit dans une époque de polarisation.
Les gens se campent dans leur position et refusent de dialoguer.
Oui. Et que les gens sont sensibles.
Il y en a, là.
Et ce que je trouve de pire, c'est qu'aujourd'hui,
si tu as trois poilus et deux chauves qui sont contre quelque chose,
on arrête de le faire.
Mais on est 8-9 millions, là, les poilus et les chauves.
Ils ont le droit d'être contre.
Tu sais, comme quand ils ont arrêté
le spectacle de Lepage,
le festival de jazz,
parce que les gens manifestaient
puis disaient que c'était de l'appropriation.
Slav.
T'as le droit de protester,
mais t'as le droit de dire aussi
non, c'est pas ça.
C'est de la célébration.
C'est merveilleux,
ces chants-là.
Il faut qu'ils soient entendus.
Et tu le fais pareil, même
s'il y a 50, 100 personnes,
200 personnes devant le théâtre,
toi et soi, tu le fais pareil.
Tu sais, quand TNM a fait
Les filles ont soif,
Hébert Blanc a manifesté, toi et soir, toi et soir, toi et soir ».
Et c'est correct.
Les gens ont le droit d'être contre.
Ils ont le droit de manifester.
Mais on n'arrête pas pour ça.
On n'arrête pas les choses.
On n'arrête pas de vivre.
On n'arrête pas de dire des mots.
Puis ça, écoute, ça n'a aucun sens.
La phrase qu'on entend beaucoup, c'est « On ne peut plus rien dire ».
Les humoristes ne peuvent plus rien dire sur scène.
Mais ils ne devraient pas s'arrêter à cette phrase-là.
Bien non. Les humoristes ont tous les droits.
Mike Ward est allé jusqu'en Côte-Suprême pour nous donner tous les droits de dire tout ce qu'on veut.
Merci, Mike.
Votre premier numéro, c'est « Les unions, qu'est-ce que ça donne? »
Yes, sir.
En 68.
L'album est perdu en 69.
Vous personnifiez un homme qui est asservi.
Tout ce qu'il espère, c'est une bonne job, un beau boss,
une job stédée.
Absolument.
Évidemment, ce personnage-là, aujourd'hui,
il est difficile à comprendre.
Je ne sais pas si cet homme-là a un équivalent en 2023,
mais est-ce que vous trouvez
qu'en 2023, on a
troqué cet asservissement-là
contre d'autres formes d'asservissement?
Je ne le serais pas, sais-tu.
Je ne suis pas un grand observateur
de la société. Je suis
plutôt
une personne qui a...
Je me suis, moi, regardé
puis essayé de voir
qu'est-ce qu'étaient mes faiblesses et tout ça.
Mais ça peut exister encore.
Mais on dirait que c'est le contraire.
Là, maintenant, les gens ont tous...
Ah, bien là, je vais travailler de la maison.
OK.
Non, viens travailler. Ah, bien,, je vais travailler de la maison, OK. Non, viens travailler.
Ah, bien, je travaille pas s'il faut y aller.
Bien là, tu sais, moi, je pense que la servile existe moins qu'elle existait.
Mais on est pris avec nos dettes, avec la carte de crédit, avec la surconsommation.
Ah, on est pris, on est pris.
Mais la vie est plus facile quand même.
Je trouve. Mon grand-père est mort en 32, alors le gouvernement ne va pas encore passer une loi
pour que les ouvriers aient une semaine de vacances. Il n'a jamais eu de vacances.
C'est pas la première fois que vous entendez raconter ça,
mais j'ai encore de la difficulté à y croire.
Oui, ça fait mal.
J'ai mal pour votre grand-père, qui n'est que
parmi nous depuis plusieurs années déjà,
que je n'ai pas connu, mais quelle vie
atroce.
Non.
Non?
Non.
Il y a la...
C'était ça, la vie. C'était ça.
Travailler, travailler, travailler.
C'est comme nous, à notre époque,
on faisait sept ou huit spectacles par semaine.
Tout le temps.
Au cabaret,
ils jouaient deux, trois shows le vendredi.
Aujourd'hui, personne...
Les humoristes, aujourd'hui,
quatre spectacles dans une semaine,
je trouve ça exagéré.
Hé, je l'ai fait trois la semaine passée.
Je l'ai déjà fait cinq le même jour.
Cinq le même jour?
C'est vrai.
Je l'avais fait quatre la veille.
Mais il y a un avancement là-dedans.
Oui, oui, il y a un avancement.
Parce que les gens travaillaient.
Mais moi, quand je me disais que je travaillais beaucoup,
bien là, les gens avant moi,
Jean-Anne Souto, par exemple,
bien, Chris,
nous autres,
on changeait de pièce aux deux semaines au théâtre,
on répétait toute la journée, et puis, bon, tu sais, elle travaillait de pièce aux deux semaines au théâtre. On répétait toute la journée.
Et puis, bon, tu sais,
elle travaillait deux fois plus que nous.
Et Dodo puis Denise,
bien là, pendant pas,
ils finissaient à 3h du matin
puis à 8h du matin,
ils étaient à la télévision à faire.
Pour faire moins long.
C'est un peu de bon sens.
Alors, les gens travaillaient.
Et la normalité, ça fait pas mal. Cité ça fait pas mal c'est comme ça c'est
comme ça et aujourd'hui les gens pour eux ils peuvent plus pauvres et physiquement là qui
sait qui me dit ça il a fait six spectacles une semaine et un mois pour s'en remettre, tellement il était fatigué. J'ai dit, écoute...
Ça vous a pas fait pleurer?
Non, non, non.
C'est comme ça.
Vous allez participer au dernier gala Juste pour rire,
l'ultime gala Juste pour rire.
Yes, sir! Ça, ça va être quelque chose.
Qu'est-ce que Juste pour rire a apporté, a changé
dans le paysage de l'humour au Québec?
Je sais pas comment dire ça. Peut-être que ça a donné
une chance
de se faire entendre
à tout le monde qui sortait
de l'école de l'humour.
Tous les nouveaux qui sortaient.
Écoles! Tu sais, à un moment donné,
il en sortait
10-12 par année. Il fallait qu'il aille quelque part.
Ça prend des scènes.
Alors, le jeu pourrir a aidé beaucoup pour ça.
Beaucoup, beaucoup.
Moi, j'ai beaucoup aimé faire ça.
On parle beaucoup des années 70 de votre carrière,
de cette période-là de votre carrière,
mais les années 90 avec le festival Juste pour rire,
ça a été une période faste pour vous également.
Oui, oui. Les années 90, c'était une belle décennie pour moi.
Les années 80, j'ai...
Ça a été ma fin, là. En 84, j'ai...
Là, je lisais partout que j'avais plus d'affaires sur scène,
et puis moi-même, je commençais à être fatigué.
Alors j'ai dit, je vais arrêter ça.
Alors, j'ai arrêté ça pendant huit ans.
Et puis, on a fait un petit peu de télé à la place.
On a fait le samedi de rire, c'est-à-dire,
on a fait un film ou deux.
Et je pensais pas revenir sur scène.
J'avais fait un film ou deux. Et je pensais pas revenir sur scène. J'avais écrit un film.
Ah, boy!
Est-ce que c'était votre film avec Jean Lapointe?
Oui.
Oui? Ça a jamais été tourné?
Non.
Ça racontait quoi? Est-ce que vous vous en souvenez?
Ah! Oui, oui.
D'ailleurs, le titre était cœur.
C'était un des meilleurs titres.
Le titre, c'était
« Quand est-ce qu'on va venir riche si on travaille tout le temps? »
C'est très Yvon Deschamps comme phrase, ça.
Oui.
Alors, puis là, moi,
il y avait des affaires très osées là-dedans.
Et très poussées.
C'était une comédie?
Oui.
Puis là, Jean, lui,
qui était mon ami,
il me dit, je suis ton ami.
Là, il était tellement...
Quand j'ai fait lire le scénario,
il était tellement gêné.
Il ne voulait pas me le dire.
Il me l'a fait dire par son agent
que ça ne serait pas bon dans sa carrière à ce moment-là.
Mais c'était poussé de quelle manière?
De quelle manière est-ce que c'était poussé, ce film-là?
C'est qu'il y avait, à un moment donné,
une affaire d'espionnage.
C'était un peu comme James Bond.
Il se retrouvait dans un camp
où les gens s'entraînaient, puis tout ça.
Et puis,
il passe à un endroit.
Puis là, c'est des espions russes ou je ne sais pas quoi
qui se pratiquent à dire
«Ce petit tabarnak de Carlos
de Calvary de Saint-Siboir!»
Puis tu sais,
pour être des vrais Québécois,
l'autre,
il se...
Ça, je ne devrais pas le dire.
C'est pas ça.
L'autre, il s'exerçait au tir comme un...
Tu sais, avec l'ours.
Mais c'était des petites personnes.
Parce qu'on en met plus
dans le coffre de l'auto.
Je commence à comprendre Jean Lapointe,
de ne pas avoir voulu tourner dans ce film-là.
Mais il n'est pas trop tard.
J'imagine que le scénario existe quelque part.
Non, non.
Non, ça a été brûlé, ça a été déchiqueté.
Ça aurait été...
Mais il y avait deux petites choses comme ça,
mais le reste, c'était cute à mort, c'était joli.
Vous avez aussi écrit des chansons.
Oui.
Une de mes chansons préférées de votre répertoire,
vous l'avez créée avec Serge Fiori.
C'est la chanson « Seul ».
Vous l'aimez, vous aussi, celle-là?
Oui. On s'ouvre les poignets après.
C'est une chanson qui parle de ce qui nous attend de l'autre côté.
Oui, tout le monde.
Qui me tiendra la main au bout de mon chemin,
qui me tiendra la main au jour sans lendemain.
C'est Jody. C'est ça ça la réponse à la question oui voilà comment est ce que votre amitié
avec avec sa chérie l'aîné serge à ben je les connais au moment de d'Harmonium, là. Et puis après, on s'est retrouvés
parce que
je travaillais...
Libère Siborana, il travaillait avec moi.
Un autre membre d'Harmonium.
Puis Libère était dans Harmonium.
Alors là,
on s'est vus trois, quatre fois.
Et puis là, j'étais en train d'écrire.
Puis j'ai dit à Serge,
ferais-tu des musiques?
Puis il a dit oui.
Alors...
Il m'avait fait pas mal toutes les musiques de cette année-là.
4-5 chansons, 5-6.
Seul, c'est beau, ça n'a pas de bon sens.
C'est magnifique, ce qu'il a composé.
Je ne veux pas vous poser une question trop grave,
mais manifestement, à ce moment-là, en 1982,
vous pensiez à la mort.
Est-ce que vous y pensez de la même manière aujourd'hui, en 2023?
Non.
Moi, ça m'a toujours obnubulé, la mort.
Je l'ai dans ma vie chaque jour, depuis ma naissance, je pense.
Depuis l'âge de 6 ou 7 ans,
quand d'un coup, j'ai réalisé que je l'ai mourue,
je n'ai pas accepté ça du tout.
Je me suis dit, bon, il y en a, les autres peut-être,
mais moi, non.
Et vers 12, 13 ans, je suis sûr que moi, je ne mourrais pas,
qu'il arriverait quelque chose, qu'on ne mourrait plus.
Et ça m'a...
Vraiment, j'ai fait des crises d'angoisse
pas mal souvent dans ma vie à cause de ça.
Mais en vieillissant,
c'est le contraire qui arrive.
C'est comme...
C'est bien correct.
J'ai eu une vie complète.
J'ai tout.
J'ai de l'amour.
Ça n'a pas de bon sens.
J'ai encore une bonne santé.
Et je ne fais pas de crise d'angoisse.
J'en fais plus.
Donc, il y a une forme d'apaisement par rapport à...
Oui, d'apaisement.
L'idée que c'est inévitable
et qu'on l'accepte.
La seule chose, c'est toujours pareil,
qu'on craint comment.
Tu ne veux pas traîner des années dans un lit.
Mon père était dans... Malheureusement, mon père est mort en CHSLD à l'époque,
mais à l'époque où il y avait du personnel, il était bien traité.
Et aussi parce que c'était à Saint-Henri qu'il y avait deux de ses frères
puis une de ses soeurs qui étaient là.
Alors, il y avait un gars dans la chambre à côté je t'instincte ce que
l'air qui restait dans son lit et mon père est mort avant lui alors si je veux pas être comme
ça le jeu on est présentement dans le centre sud oui on Oui. On est chez vous, d'une certaine manière.
On n'est pas dans votre résidence.
Non.
C'est grand, c'est grand.
Oui, c'est grand chez vous.
C'est beau, c'est lumineux.
On est dans les bureaux de votre fondation.
Oui.
Votre indignation par rapport à la pauvreté, elle vient d'où?
Ah mon Dieu, parce que je n'ai jamais compris ça.
Qu'on ne puisse pas
partager
plus également des choses.
Je comprends,
et moi je suis d'accord pour que
si tu fais quelque chose
de spécial,
tu es un petit peu plus que les autres.
Mais les écarts qu'il y a,
et là c'est pire que jamais.
Il s'est rendu...
À un moment donné, ils vont être trois, quatre
sur les Comtes-Vallées.
Ils vont posséder le monde entier.
On arrive là, ou presque.
Écoute,
il y a toujours
cette même misère.
Mais moi aussi, il faut dire que
moi, je suis né dans les années 30.
Alors même si j'étais jeune, sans le savoir, j'étais marqué par ça.
C'était la grande misère.
C'était la grande misère.
Même nous autres à l'école, dans les années 40,
vraiment, il y a des familles où il y avait juste une paire de souliers.
Alors, les enfants, ils venaient pas tous les jours, ils changeaient.
J'avais des amis qui habitaient encore dans un taudis sur le sol battu,
pas de plancher.
On voyait l'air à travers. Et c'était vraiment,
c'était la crise du logement, pas comme aujourd'hui. C'était la crise du logement
au point qu'il y avait vraiment des bidonvilles, des gens qui se faisaient des cabanes.
On y voit des condos qu'on voit aujourd'hui dans Saint-Henri.
Oui, c'est ça. Il y avait des cabanes le long des rails du CPR
et puis il y avait le village aux Oies
et des gens habitaient
où ils pouvaient.
Nous autres, dans la cour,
il y avait deux petits garages
et au-dessus, une grande pièce
de, je dirais peut-être,
25 par 20
avec une grande porte double
pour sortir du stock. C'était en bloc de ciment. Et il y avait
une famille de 14 personnes là-dedans, là, qui ont vécu là 10 ans au moins, là. Père, la mère,
12 enfants. Une jeune demétante qui habitait dans un petit back store de magasin, il était 8,
dans une pièce avec un lavabo à un coin puis la toilette dans l'autre coin.
C'était dur, là.
La pauvreté,
le visage de la pauvreté a changé, évidemment.
Oui, oui.
Mais il y en a encore. Ce que vous décrivez à l'instant,
bon, c'est peut-être un petit peu moins pire aujourd'hui,
mais des gens qui vivent à plusieurs
dans des appartements trop petits, ça existe encore.
Ça existe encore.
La seule chose qui a changé, c'est la technologie.
On gèle moins aujourd'hui.
Je ne sais pas.
Non, mais tu sais, chez nous, on vivait au rez-de-chaussée.
Alors, le plancher était à peu près à un pied et demi du sol.
Mais c'était juste un rang de planche.
Alors ça, l'hiver, ça gelait.
Le plancher était glacé, portait des bottes.
Il faisait froid.
Il fallait... Avant l'huile,
on chauffait au bois ou au charbon, ça s'éteint maintenant dans la nuit, le matin, il ne fait
pas chaud quand il fait moins 20 dehors, il y avait du frimat sur le cadre de porte dans
la chambre. Mon père se levait, partait les feux, on avait un feu dans la cuisine, un autre dans le passage.
Tu sais, aujourd'hui, t'as plus besoin de ça. Au moins, c'est plus simple.
Grâce à vous, j'aurai davantage de gratitude la prochaine fois que je partirai le chauffage à la maison.
Je me rappellerai que ça n'a pas toujours été disponible.
Non, non, c'est ça.
Comment est-ce que les souvenirs de votre enfance
dans Saint-Henri se transforment dans votre esprit?
Parce qu'évidemment, plus le temps passe,
plus ces moments-là sont loin derrière vous.
Oui, oui.
Est-ce qu'ils se transforment dans votre esprit,
les images qui vous restent de Saint-Henri?
C'était très important.
J'étais à Saint-Henri,
à l'âge de 4 ans à 20 ans à peu près.
C'est là que tout se passe. Alors, j'ai été à Saint-Henri d'un âge de 4 ans à 20 ans à peu près. C'est là que tout se passe.
Alors, j'ai des souvenirs.
Il ne faut pas que je dise ça, parce que j'allais dire que j'ai des souvenirs très précis.
Et l'autre jour, je regardais une émission scientifique.
C'était une neuropsychologue ou ça,
qui disait, quand tu as un souveneur qui est très précis,
ça veut dire qu'il est faux.
Il faut s'en méfier.
On le reconstruit nous-mêmes.
Oui, bien oui.
C'est quelque chose qu'on s'est construit.
Je dis, oh, maudit.
Oh, je me rappelais tellement de ça.
Tu sais, mais c'est ça.
Mais je suis un gars de Saint-Henri encore à mon âge.
Puis je pense chez nous.
Je pense devant chez nous, chez ma tante.
Mon père avait six frères et deux soeurs.
On habitait tous sur trois rues à peu près.
Mais un grand moment des champs.
Mais on n'a plus notre école, on n'a plus notre église.
Mais être un gars de Saint-Henri,
ça veut dire quoi?
Ça veut dire que je me sens bien quand je suis à Saint-Henri.
Vous n'êtes jamais senti chez vous dans Westmount?
Non.
Non, c'est vrai.
Mais moi, dans ma tête, je ne vivais pas en Westmount.
Je vivais à Côte-de-Neige.
Parce qu'en fait,
on cherche une maison à Côte-de-Neige. Parce qu'en fait, on a cherché une maison à Côte-de-Neige,
on a trouvé celle-là,
et là, quand on a signé, c'est marqué
Westmont, j'ai dit, comment ça on est
à Westmont, on est à Côte-de-Neige? Non, non,
ça finit la maison à côté.
Ah! La maison
d'à côté est à Côte-de-Neige, mais pas nous autres.
Ah ben là,
on est à Côte-de-Neige, pareil, nous autres. On est à côté de neige pareil nous autres.
Si vous aviez à écrire un numéro aujourd'hui, un monologue, ça parlerait de quoi?
Ça parlerait probablement de l'hypersensibilité de certaines personnes. J'avais pensé, j'avais dit,
tu sais, mettons c'est un gars, un monsieur de 75 ans qui a une petite business avec 20 ans d'employé,
25 employés, puis là, il voudrait bien prendre sa retraite,
mais ça lui prend un gros contrat,
ça lui prend quelque chose pour que ça marche assez bien
pour qu'il puisse vendre, puis là, prendre sa retraite,
et tout ça, et finalement, il arrive, il y a ce contrat-là,
mais ça se négocie entre trois ou quatre.
Et là, finalement, lui, il peut l'avoir,
mais il faut que ça soit signé avant, mettons, 5 heures.
Alors, il va venir un courrier.
Là, il dit à la réceptionniste,
il y a un courrier qui va venir.
C'est très important pour le restant de ma vie.
Ça, c'est très important.
Vous montez tout de suite dans mon bureau
pour que je le signe, etc.
Puis là, elle, très bien, monsieur,
très bien, monsieur, mais là, que veux-tu?
Il y a un gars qui arrive et qui lui demande
où est-ce que c'est Marion?
Marion est au chien.
Je ne sais pas. L'autre, il veut savoir.
Le messager arrive,
elle signe, elle met ça là,
puis elle n'y va pas. Puis lui, il perd son là, puis il ne va pas.
Puis lui, il perd son contrat,
il perd sa business.
Mais parce qu'il perd son contrat,
à 5 heures, il descend.
Il y avait jusqu'à 5 heures pour signer.
Il descend, puis il dit,
le messager n'est pas venu?
Ah oui, j'ai oublié d'aller vous porter.
Fait que là, il crie des noms.
T'es ben épaisse, tu sais! » Bon.
Là, lui, il perd son contrat.
Il peut pas vendre son business.
Finalement, il a une vie plus difficile.
Puis là, elle poursuit.
Parce qu'il a parlé fort.
Et là, elle, elle aura pu jamais travailler.
Parce que quand elle pense à aller travailler,
elle se dit que le patron va me parler fort,
elle pleure,
elle n'est plus capable de travailler.
Ce serait des choses dans cet esprit-là.
Donc, vous trouvez que les gens
ont parfois l'épiderme un peu trop sensible?
Mettons, mettons.
Est-ce que vous pourriez écrire
un numéro sur l'environnement?
Est-ce que ça vous inquiète?
Oh, bien oui.
La crise climatique?
Oui et non. Pas pour moi, pour mes enfants, mes petits-enfants.
C'est sûr que ça m'inquiète.
Mais moi, j'ai toujours confiance.
Je me dis, l'homme des cavernes, il était très, très inquiet de l'avenir.
On pense rarement à l'inquiétude de l'homme des cavernes.
Quand le feu
pognait dans la forêt à cause
de la foudre, là, admettons
que la fin
du monde est approche et puis
l'environnement, j'y pense
beaucoup.
Et je me dis que ça se peut
pas que les humains, on soit
assez épais pour pas
faire ce qu'il faut au moment.
Vous avez combien de petits-enfants?
Cinq.
Est-ce qu'ils sont familiers avec votre travail,
avec vos monologues, vos petits-enfants?
Oui.
Pas les petites-petites.
Qu'est-ce qu'ils en pensent?
Mes grands-enfants, oui.
Mes grands-enfants.
Mes grands, écoute, ils sont tellement fiers de leur grand-père. Mes grands-enfants. Mes grands, les grands, écoute,
sont tellement fiers de leur grand-père.
C'est quelque chose.
Surtout que maintenant, quand tu es vieux,
à un moment donné, les gens,
comment je dirais ça,
même ceux qui ne t'aiment pas,
ils s'adoucissent et ils disent,
« Ah, quand même. »
Alors là, tout à coup là comme vous avez dit
au début je pense là c'est tout est parfait ça a toujours été bon c'est le meilleur alors mes
petits enfants ils entendent ça tout le temps alors mettons qu'ils sont violents. Mon grand-père, c'est mon grand-père.
Moi, je n'en reviens pas de vous rencontrer aujourd'hui.
J'étais aussi nerveux en m'en venant ici
que si je rencontrais René Lévesque ou Félix Leclerc.
Mais oui.
Bien, j'espère.
Est-ce que vous arrivez à l'entendre
lorsqu'on vous dit que vous êtes le père de l'humour québécois,
que vous êtes une icône pour la culture québécoise?
Est-ce que vous l'entendez ou il y a une part de vous qui mettez encore un peu de distance entre ces mots-là et votre cœur?
On prend ça avec un grain de sel, comme on dit.
C'est bien le fun à entendre, mais c'est tout.
C'est le fun à entendre.
C'est comme recevoir un trophée, c'est le fun. C'est tout. C'est le fun d'entendre. C'est comme recevoir un trophée, c'est le fun.
C'est tout.
Je voulais vous parler, en conclusion,
d'un point qu'on a en commun, la batterie.
J'ai joué de la batterie, mais je n'étais pas très bon.
Mais j'aimais beaucoup ça.
Vous, vous avez appris à jouer de la batterie
spécialement pour accompagner Claude Léveillé?
Non, je n'ai jamais appris, moi.
Mais moi, je ne savais pas jouer du tout.
Vous en avez joué.
Oui.
Ça a été enregistré, j'ai ça chez nous.
Mais oui, Colin, je ne sais pas comment ça se fait.
En fait, j'avais fait à l'école
le corps de Cléron Tambour.
Alors, la caisse claire, ça, j'étais capable.
Vous aviez une barre. bien j'écoutais beaucoup
de jazz j'adorais le jazz alors j'entendais je l'entendais le drame je savais comment qu'est ce
qu'il faut faire et avec l'éveillé c'était simple il fallait pas faire de bruit il fallait être très
discret les brosses beaucoup et beaucoup. C'était très simple.
C'était plus comme des percussions
que du
vrai drum.
En fait, lui, c'est parce
qu'il voulait avoir quelqu'un.
Il ne voulait plus être tout seul sur scène.
Moi, j'étais là.
C'est tout.
Il m'a dit...
Il y avait un drum dans le décor de Domino,
une émission pour enfants,
que Claude faisait.
Et moi, j'étais le...
Comment est-ce qu'on appelle ça?
Le gars qui fait applaudir les enfants.
L'animateur de foule?
L'animateur de foule?
L'animateur de foule d'enfants.
C'est différent.
Et là, Claude,
ça préparait son entrée au Chat noir.
La première boîte à chansons
où il y avait des récitals.
Et il y avait comme une caisse claire
dans le décor.
À un moment donné, pendant le break,
il jouait ses chansons.
Moi, je m'assois.
« Tu joues du drum? »
J'ai dit « Oui, oui. « Ah, tu joues du drum? » J'ai dit oui, oui.
« Alors, m'accompagneras-tu? »
« Ah oui. »
« Écoute, quand? »
« J'ouvre Chanoix dans trois semaines. »
« Oh, OK, parfait. »
Il dit, « On va commencer à répéter. »
J'allais m'acheter un drum.
Aïe aïe.
J'ai dit, j'espère que je vais être capable de... Et puis, jouer un petit peu l'accordéon.
De temps en temps.
Lui, il avait un accordéon qui avait un son fabuleux.
Un son où on voulait pleurer.
Je veux s'entendre.
Et je faisais des contrechamps très simples.
Mais il m'a enduré pendant une couple d'années.
Donc, qu'est-ce que vous allez présenter
lors de l'ultime « Il y a là juste pour rire »?
Bien là, moi, je suis à la retraite.
Vous êtes très occupé pour un homme à la retraite.
Je ne veux pas sortir de ma retraite.
Je ne veux pas écrire.
Je ne veux pas écrire. Je ne veux pas y penser.
Dans ma tête, je pense à des affaires
que j'ai écrites il y a 20 ou 25 ans
et que je pense
qu'elles pourraient être pertinentes.
Il me vient des lignes
de ce temps-là.
À un moment donné, je pense que je vais avoir
l'idée complète.
Vous allez faire quelques blagues.
Quelques blagues, mettons.
En fait, je sais où je m''en vais même si c'est des choses
que j'ai écrit longtemps c'est ça va être nécessairement sûr c'est mon bon monsieur
je moi j'ai des personnages qui ont pas non mais mes personnages j'ai un de mes personnages qui est
mon bon monsieur que j'appelle qui c'est un bon monsieur, vraiment fin, puis tout ça,
mais il est raciste.
Mais il le sait pas, lui, parce qu'il a jamais été mis devant.
Alors...
Et j'essaye de ramasser des choses que j'ai écrites
sur la part de perdre l'identité
à cause des immigrants qui arrivent.
Les us et les coutumes, des autres,
qui peuvent nous enlever notre propre identité.
Ça, c'est une peur qui n'est pas fondée, selon vous?
Non, pas fondée du tout.
Votre numéro qui s'appelle Les ethnies était fabuleux.
C'était dans un de vos derniers spectacles, il me semble.
Ah oui?
Oui.
Je vais le relire. Les ethnies,, il me semble. Ah oui? Oui. Vous ne l'avez pas dit.
Je vais le relire.
Les ethnies, c'est très, très bon.
Oui.
Vous parlez précisément de ce sujet-là.
Vous pouvez y aller piger là-dedans, je pense.
OK.
Oui.
Bon, je vais le relire.
Appelez-moi, M. Deschamps.
Je pourrais vous diriger à travers votre oeuvre.
Oh oui, quand il va...
Oh oui, il voit son ethnique.
Son ethnique qui veut...
Oh, ça, c'est bon.
C'est super bon.
Il y a un livre qui est paru, un livre de Claude Paquette
qui est paru il y a quelques années,
qui s'intitule Yvon Deschamps.
La citation, c'est « J'en peux plus de parler de moi-même ».
Oui.
Est-ce que vous êtes encore tanné de parler de vous-même?
Toujours.
Donc, c'est de la torture ce que vous avez vécu
au cours des dernières minutes.
Je suis torturé. Est- ce que vous avez vécu au cours des dernières minutes. Je suis torturé.
Est-ce que vous avez
une dernière chose que vous aimeriez me dire
qui resterait juste entre vous et moi?
Entre nous?
J'ai faim.
Judy était partie vous chercher
quelque chose à manger et elle n'est pas revenue.
Elle ne voulait pas nous déranger.
Non, c'est ça. C'est parfait.
Je n'en reviens pas, M. Deschamps, que vous soyez devant moi.
Ben, hey!
Moi non plus.
Je n'en reviens pas que vous soyez devant moi,
c'est ça.
Merci beaucoup.
Moi, je n'en reviens pas d'être encore là.
Juste entre toi et moi.