Juste entre toi et moi - Yvon Deschamps

Episode Date: July 10, 2023

Dans ce rare entretien ponctué par son rire inimitable, Yvon Deschamps parle de la liberté de parole des humoristes, de l’avenir de la langue française et de son enfance dans Saint-Henri. Il rép...ond aussi à ceux qui se demandent si ses monologues pourraient être présentés à l’identique en 2023.

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Starting point is 00:00:00 Sous-titrage Société Radio-Canada et moi, bienvenue au dernier épisode de cette première saison de Juste entre toi et moi. Oui, déjà le dernier épisode. Je prends d'emblée quelques instants pour vous remercier d'avoir été aussi nombreux au rendez-vous. Merci pour vos généreux messages dans lesquels vous me disiez être heureux d'entendre des entretiens durant lesquels
Starting point is 00:00:40 on prend le temps de prendre le temps. Merci d'avoir pris le temps de m'écrire on sait pas encore quand la balado sera de retour mais si tout va bien il devrait y avoir une deuxième saison oui, il devrait y avoir une deuxième saison
Starting point is 00:00:55 de juste entre toi et moi un jour, bientôt et vous serez bien sûr tenus au courant en temps et lieu dans les pages de la presse mais d'ici là, mon invité pour ce dernier épisode Et vous serez bien sûr tenus au courant, en temps et lieu, dans les pages de la presse. Mais d'ici là, mon invité pour ce dernier épisode, c'est nul autre que M. Yvon Deschamps. Yvon Deschamps remontera sur scène à la salle Wilfrid Pelletier le 20 juillet prochain pour le Gala Ultime,
Starting point is 00:01:21 présenté à l'occasion du Festival Juste pour Rire. Tous les profits de cette soirée seront remis à la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud qui vient en aide aux jeunes du quartier Centre-Sud à Montréal. C'est d'ailleurs dans les bureaux de sa fondation que notre entretien a été enregistré. M. Deschamps est arrivé avec à ses côtés son indéfectible amoureuse, Mme Judy Richards
Starting point is 00:01:40 et il s'est assis devant moi avec son immense sourire. Il ne me reste plus qu'à vous dire que vous pouvez lire l'article que j'ai tiré de cette rencontre dans La Presse Plus, sur lapresse.ca ou sur l'application mobile La Presse. Et voici mon entretien avec une légende vivante, Yvon Deschamps. Entre toi et moi Tout est parfait, c'est merveilleux. Est-ce que vous êtes heureux, M. Deschamps?
Starting point is 00:02:36 Moi? Ah oui, ah oui. Je suis heureux, je comprends. Très heureux. Très heureux, ça veut dire pas trop de problèmes, pas trop de grandes peurs, pas trop de grandes tristesses, mais heureux, ça veut pas dire être toujours bien puis content, là.
Starting point is 00:02:57 C'est que je suis... Moi, je suis chanceux dans la vie. Premièrement, j'ai fait une carrière qui m'est tombée dessus par hasard et que j'ai travaillé fort, mais je veux dire, tout est arrivé sans que j'aille à pousser. Puis on me disait que ce que je fais dans la vie, je me suis... À partir du moment où j'ai fait des monologues, j'ai pu penser à rien d'autre. Et j'ai une belle famille. Jody et moi, on fait 55 ans qu'on est ensemble. Tu sais, j'ai tout. J'ai tout, au fond.
Starting point is 00:03:33 Mais il reste qu'on a des problèmes. Problèmes de famille, problèmes de santé. Et aussi des grandes questions. Tout à coup, tu'arrêtes de... quelques secondes où tu vois quelque chose, et là, tu remets tout en question. Pourquoi on vit de cette façon-là? Puis comment ça se fait qu'il y a tant de monde qui souffre?
Starting point is 00:03:55 Puis la misère, puis qu'est-ce que je peux faire? Puis là, tu rends compte, moi, j'achève ma vie, là. Fait que ce que j'ai pas, je ne pourrais pas le faire. Je n'aurais pas le temps. Ce dont je me rends compte des fois, c'est ça. Je me dis, oh, j'aurais dû, j'aurais pu. Je ne l'ai pas fait. Puis là, il était un peu trop tard.
Starting point is 00:04:19 Ça vous habite, ça. Vous avez des regrets. Oui, j'ai des regrets, certain. Mais je suis en général heureux. Parce que j'ai lu que Clémence Desrochers a déjà dit à votre sujet qu'elle aimerait tellement avoir la certitude qu'il est heureux, cet homme, en parlant de vous. Oui, oui.
Starting point is 00:04:38 Parce que vous avez souvent dit en entrevue que vous aviez de la difficulté à goûter au bonheur. Un moment, je sais que ça a l'air mal. Pourtant, vous aviez de la difficulté à goûter au bonheur. Un moment que j'avais. Je sais que ça a l'air mal. Pourtant, vous aviez tout. J'avais tout pareil. C'est pour ça que ce n'est pas ce qu'on a. Je ne sais pas.
Starting point is 00:04:54 J'avais tout et j'étais mal. Mais j'étais mal de tout avoir. C'est ça aussi. C'est pour ça que vous avez lancé votre première fondation. Vous l'avez mise sur pied parce que vous étiez mal à l'aise avec tout l'argent que vous récoltiez grâce à votre carrière. C'est ça, la première fois, oui, dans les années 70. En fait, j'étais tellement mal que je me disais...
Starting point is 00:05:17 Parce que c'est notre Moses, tu sais. Notre culture judéo-chrétienne. C'était péché d'avoir de l'argent quand on était enfant. Et après, j'étais plutôt un gars de gauche. Alors, qu'est-ce que je fais avec de l'argent? Je n'ai pas d'affaire à avoir de l'argent. Et ça me rendait malheureux. Ça me rendait malheureux.
Starting point is 00:05:40 Et là, j'ai même pensé, je vais arrêter de travailler. On ne ferait plus l'argent maintenant. Mais ce n'était pas une très bonne idée. Ça aurait réglé votre problème, mais ça en aurait créé d'autres. Ça en aurait créé pas mal d'autres. Alors, finalement, ce n'est pas moi qui ai passé, c'est Jody. Elle me dit, c'est tellement fatigant que ton argent, donne-le, puis on n'en parlera plus.
Starting point is 00:06:04 C'est ça qui est arrivé. On l'a donné, puis c'était parfait, c'était merveilleux. Ne pas oublier d'être drôle le plus souvent possible. C'est votre maxime, ça. Vous remettez parfois des plaques à certains jeunes humoristes avec cette phrase-là inscrite dessus.
Starting point is 00:06:20 Pourquoi est-ce que cette phrase-là est importante pour vous? Parce que Jody me disait ça souvent quand j'écrivais. Elle passait au quelque chose, elle disait, « Oubliez pas d'être drôle. » Parce que quand je partais à une idée, c'est jamais drôle en soi. Et là, je lui disais,
Starting point is 00:06:39 « Je veux parler de tel sujet, puis tout ça. » Puis elle se disait, « Wow, il n'y a rien de drôle là-dedans. À temps en temps, elle passait, elle me disait, n'oubliez pas d'être drôle. Là, je dis, OK, je vais l'écrire. N'oubliez pas d'être drôle. Je me suis mis ça dans le front. Je ne sais pas si j'ai été plus drôle pour ça.
Starting point is 00:07:00 Je veux dire que c'est de l'humour. Il faut faire de l'humour. Il faut être dr l'humour. Il faut être drôle de temps en temps. Donc, vous aviez cette phrase-là devant vous lorsque vous écriviez? Oui, les dernières années. Moi, je couvre l'humour à la presse. Puis, il y a souvent des gens qui m'écrivent,
Starting point is 00:07:16 des gens sans doute d'un certain âge. Je me permets de présumer qu'ils ont un certain âge, qui me disent que des bons humoristes n'existent plus. Le dernier véritable humoriste au Québec, c'est Yvon Deschamps. Après ça, il n'y en a plus. Il n'existent plus. Le dernier véritable humoriste au Québec, c'est Yvon Deschamps. Après ça, il n'y en a plus. Il n'y en a plus après lui.
Starting point is 00:07:30 C'est drôle parce que pendant des années, à chaque entrevue, on me disait que j'étais le premier. Il ne l'avait pas eu avant. Vous êtes le premier et le dernier. Le seul, donc. Bon, bien, moi, j'étais le seul. Moi, là, l'humour... Ah, bon.
Starting point is 00:07:42 Ah, bien, là, là... Mais je sais que vous avez encore à l'oeil ce qui se fait en humour au Québec. Vous les connaissez. Pas mal. J'en connais beaucoup. J'en connais beaucoup. J'aime beaucoup l'humour. Alors, on est... Comment je dirais ça? Privilégiés. On a des humoristes de coeur.
Starting point is 00:08:00 Hommes et femmes, là. On est équipés. Pour une petite gang comme on est, écoute, on a de super humoristes. Donc, que vous êtes le dernier, ce serait pas vrai? Non, non, non. Pour eux autres, je suis le premier. Oui.
Starting point is 00:08:16 Pour eux. On n'oublie jamais son premier. C'est ça, exactement. C'est ça, mais c'est tellement différent. On vit dans un monde tellement différent de mon époque et même de mon époque, je veux dire, les années 70, 80, beaucoup. Mais même quand les dernières choses que j'ai écrites
Starting point is 00:08:39 c'était en 2007, 2010, même depuis ce temps-là, ça a changé. Même depuis 10 ans, 15 ans, ça change. Le monde change. Est-ce que ça change pour le mieux ou pour le pire? Ça change.
Starting point is 00:08:56 Je ne sais pas si c'est pour le mieux ou pour le pire. On peut dire que ça change pour le pire, mais demain, ça va changer pour le mieux. » Ça s'en va en dents de scie. Et on ne sait pas où ça s'en va, parce que là, moi, mes petits-enfants,
Starting point is 00:09:15 je les regarde aller et je dis « Wow, qu'est-ce qu'ils vont faire? Qu'est-ce qu'ils vont être? Qu'est-ce qu'ils vont être? Parce que c'est la culture pop américaine qu'ils allument, au total. Ils aiment parler anglais. Ils parlent anglais, leur grand-mère, mais moi,
Starting point is 00:09:36 vous ne me parlez jamais en anglais. C'est ça la règle, chez grand-papa? Grand-maman, c'est une anglaise, correct. C'est ça la règle. Non. Ils'est correct. Non. Ils parlent français.
Starting point is 00:09:49 C'est des francophones. Mais ils aiment ça, parler anglais. Ils aiment ça. Comment vous l'expliquez, cet attrait-là, pour l'anglais chez les jeunes? Je ne sais pas. Je pense que c'est l'attrait de la culture pop américaine qui fait qu'ils en regardent tellement sur leur téléphone
Starting point is 00:10:07 qu'ils trouvent ça plus cool de dire des choses en anglais. C'est cool, oui, oui. Mais d'ailleurs, vous, en 78, vous avez enregistré un album en anglais. Oui. Vous avez envisagé faire carrière aux États-Unis, en anglais, forcément. Pourquoi est-ce que ça n'a pas abouti?
Starting point is 00:10:28 Pourquoi est-ce que ça a avorté votre projet de faire carrière aux États-Unis? Ça, ça a été... C'est parce qu'à cette époque-là, c'était l'époque des compagnies de disques. C'est les compagnies de disques qui contrôlaient tout. Donc, moi, quand je suis arrivé en Californie, bon, j'ai fait une couple de shows, Dinah Shore, etc., puis il y avait beaucoup d'intérêt,
Starting point is 00:10:55 mais la seule chose qu'on a trouvée qui s'en venait, qui était une possibilité, c'était un contrat de cinq ans à CBS. À CBS? À CBS, oui. Donc prestigieux. Prestigieux, un beau contrat, là.
Starting point is 00:11:13 Mais c'est un contrat qui te contrôle. Pendant cinq ans, ils te possèdent. C'est eux autres qui te vont dire qu'est-ce que tu fais quand tu vas jouer dans tel petit théâtre à Détroit ou à New York? » Parce qu'ils pensaient naturellement plus le nord, parce que mes affaires, dans le sud, ils se seraient demandé « Où est-ce qu'elle est, la ruelle? » « Oui, la cour. Où est-ce qu'elle court? »
Starting point is 00:11:37 Il n'y a pas de cour. Alors, et j'avais, à ce moment-là, on venait d'avoir notre aîné qui avait sept ou huit semaines. Vous étiez un jeune père. Oui, un jeune père de 40 quelques années. Et là, j'ai dit non, là, je ne m'en vais pas cinq ans à me faire dire quoi faire, un peu tout ça. Non, s'il n'y a pas autre chose, on est revenus.
Starting point is 00:12:03 Vous avez dit à CBS, laissez tomber. Laissez tomber. Je retourne à la maison. Yes! Est-ce que vous l'avez regretté, ça, ou jamais? Non, non, pas du tout. En fait, j'aurais regretté si je n'avais pas travaillé ici autant. Mais j'ai travaillé autant que j'ai voulu.
Starting point is 00:12:23 Je fais ça, pensez-y. Chaque fois que j'ai voulu. C'est ça. Pense-y, là. Chaque fois que j'ai voulu, j'ai rempli mes salles. Ça, là, pendant 30 quelques années, c'est quand même fabuleux. Tu dis, moi, je suis chanceux. Je réécoutais un numéro dont je ne peux pas prononcer le titre
Starting point is 00:12:40 parce que c'est un mot qu'on ne peut pas prononcer, le titre de votre numéro avec le mot en N. Oui, oui. Votre antiracisme, votre indignation face au racisme, ça vient d'où, ça? Évidemment, on est tous contre le racisme. Oui, oui, oui, oui. Mais chez vous, il y avait une très grande indignation face à ça.
Starting point is 00:12:59 Oui. Mais c'est parce qu'aussi, pour nous, les Noirs étaient des Anglais. Et il y avait seulement des Noirs à Saint-Henri. La petite Bourgogne n'avait pas ailleurs. Les Haïtiens n'étaient pas arrivés encore. Eux sont venus à partir du début 60 pour fuir du Valier.
Starting point is 00:13:21 Mais c'était des Noirs. Et ils étaient vraiment... Comment je dirais ça? Moi, en fait, le monologue dit le contraire. Le monologue dit que... C'est ironique. On aimerait ça. Ils ne sont pas mieux que nous autres parce que c'était ça.
Starting point is 00:13:38 Ils dansent mieux, ils ont de la meilleure musique. À ce moment-là aussi, quand ça se passe, dans ma tête, le personnage avait 10 ans à peu près, donc 46-47, champion du monde poilot,
Starting point is 00:13:53 c'était encore Joe Louis. L'homme le plus vite du monde, c'était encore Jesse Owen. Et là, il arrive l'autre qui vient jouer au baseball chez nous, puis qui va au début, puis qui remplit le stade. Tu sais, c'était merveilleux. Mais en même temps, je disais,
Starting point is 00:14:09 wow, ils sont bons, s'il vous plaît. Et il était... Je ne sais pas les mêmes mots, je suis vieux maintenant. Ça va. Il était ostracisé quand même. Non, mais tu sais, quand tu vieillis, là, j'ai dit, j'ai perdu à peu près la moitié de ma vue,
Starting point is 00:14:28 mais j'ai des lentilles internes. J'ai 50 % d'audition, mais j'ai des aides auditives. Mais le 50 % de mon cerveau qui est parti, je le remplace avec quoi? La médecine, aucune réponse pour ça. Non. Il n'y en a pas. Non, aucune réponse pour ça. Non. Il n'y en a pas. Non, c'est ça.
Starting point is 00:14:49 C'était la discrimination. Mais pour nous, moi, je pensais que les Noirs n'avaient pas le droit de venir à notre école. C'était vrai. Mais ce n'est pas parce qu'ils étaient Noirs. Ce n'est pas parce que c'était des écoles confessionnelles. Alors, il fallait être catholique. Il n'était pas catholique. Alors, c'il était noir. C'est pas si t'as des écoles confessionnelles. Alors, il fallait être catholique. Il était pas catholique.
Starting point is 00:15:07 Alors, c'était juste ça. Moi, je t'assure qu'ils acceptent pas, puis etc. Je peux te monter une idée. Puis on sait à quel point il y a eu de la discrimination terrible. Épouvantable. On dit souvent qu'on pourrait plus aujourd'hui présenter
Starting point is 00:15:25 certains de vos numéros de l'époque de la même manière. Est-ce que c'est grave, ça? Est-ce que c'est vrai, selon vous? Est-ce que c'est grave que l'époque ait changé? C'est vrai, mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave? Oh non, pas du tout. Mais c'est vrai.
Starting point is 00:15:39 Premièrement, ce monologue-là, dont on parlait, au fond, il y a juste moi qu'elle comprenait vraiment. Les gens ne comprenaient pas bien le message dans la salle? Ben, comprenaient que c'était antiraciste, mais ils ne pouvaient pas comprendre d'où ça venait, cette idée-là.
Starting point is 00:15:58 Mais pour ça, il fallait être à côté de la petite bourgogne. Puis pas dedans, à sais, à côté, puis de voir ce qui se passait. Parce qu'il y avait une communauté noire importante dans le quartier de votre enfance. Très importante, très importante,
Starting point is 00:16:14 qui était venue pour... Au départ, c'était des Américains, je pense, parce que c'était... Quand ils ont ouvert la gare Bonaventure, qui est une gare internationale, là, il y a eu des trains qui venaient des États-Unis, et aux États-Unis, il y avait une loi que seulement des Noirs pouvaient être porteurs dans les trains
Starting point is 00:16:31 et décharger les trains et tout ça. Donc, il a dû y avoir des Noirs qui s'installent à Montréal, peut-être 15, 20 familles au début, puis la petite Bourgogne, c'est à côté de la Carbone Aventure. Et ils sont restés là tout le temps. Et ils ont grandi, puis ils nous ont donné Oscar Peterson et puis bien du monde intéressant.
Starting point is 00:16:54 La communauté noire a été très importante pour la Petite Bourgogne, oui, effectivement. Mais est-ce qu'il y a certains numéros que vous avez regrettés parce que les gens les ont mal interprétés lorsque vous les avez présentés? Oui, mon Dieu!
Starting point is 00:17:07 L'intolérance? L'intolérance, je l'ai... Je l'ai faite 250 fois, je pense. Je l'ai faite pendant un spectacle. Je faisais un spectacle pendant un an et demi. Puis j'en recommençais à nouveau six mois plus tard. Et j'avais peur tous les soirs. J'avais peur parce qu'il fallait rendre quelqu'un intolérant
Starting point is 00:17:30 puis il criait des noms. C'est drôle, ça. C'était ça l'objectif? C'était que la foule se retourne contre vous? Oui, voilà. C'est pas fin quand t'es sur scène. T'es pas supposé faire ça. T'es supposé te faire aimer. Pas te faire haïr. Alors, il y a des soirs, c'était terrible.
Starting point is 00:17:48 Mais en fait, je le regrette pas. Mais c'est un monologue que peu de gens ont compris. Donc, quand les gens disent qu'Yvon Deschamps a été adulé pendant toute sa carrière et que chacun de ses mots a été applaudi et célébré, encore une fois, c'est de l'exagération. On embellit le passé. Mettons que, écoute, dès 73, je te faisais pas longtemps, ça faisait pas 5 ans que j'avais commencé. En 73, mon spectacle, qu'est-ce qu'il y avait dans la libération de la femme, en tout cas, il y avait deux, trois avait dedans? La libération de la femme.
Starting point is 00:18:27 En tout cas, il y avait deux, trois affaires. La libération de la femme aussi, ça a choqué. Ça, ça brassait. Ça, ça brassait. Mais c'était épouvantable aussi. Parce que vous disiez des choses horribles au sujet des femmes? Non. Oui.
Starting point is 00:18:42 Bien, horribles, non. Mais, tu sais, le personnage, il s'adresse au monde. Est-ce qu'il y en a qui sont pour la libération de la femme? Oui, sacrez votre camp. Vous ne prendrez pas notre place. Etc. Et là, il déclinait tout ce qu'il faisait pour sa femme. Il salissait son linge,
Starting point is 00:19:00 qu'elle puisse le laver. Etc. Donc, c'était rough, parce que ça allait direct. Ça insultait même quelques personnes, des fois. Mais c'était, comment je dirais, pour moi, ma mission première, c'était ça. Parce que je travaillais au Chênon, comme j'étais à ce moment-là au conseil d'administration et porte-parole du Chénon, qui est une maison pour femmes en difficulté. C'était le début des années 70. Donc, c'était vraiment la grande marche.
Starting point is 00:19:33 Les femmes n'avaient pas encore le droit de faire opérer leur enfant, même. Il va mourir, mais il faut que son père signe. Oui, oui. Pas le droit de reconnaître son enfant. C'est le père qui doit reconnaître l'enfant. Mais oui, qui l'a eu, l'enfant? Qui est sûr que c'est son enfant?
Starting point is 00:19:52 Juste la mère. Donc, en 73, probablement en cause de la libération de la femme, écoute, dans la presse, justement, j'ai eu droit à cinq colonnes à la une. Derrière les monologues d'Yvon Deschamps,
Starting point is 00:20:08 le vide. Et là, une page entière pour dire que j'avais rien dit. Puis comment est-ce que vous preniez ça, à ce moment-là? Ça fait mal, écoute. Oui, ça fait mal, certain. On prend ça avec un grain de sel. En 73, 79, même chose, certains. On prend ça avec un grain de sel.
Starting point is 00:20:25 En 73, 79, même chose, 79, je me suis fait crier des noms. Avec la manipulation. Oui, que j'avais plus d'affaires, etc. Donc, c'est pas vrai que ça a toujours été rose. Et puis, j'ai eu des spectacles
Starting point is 00:20:41 que le monde n'aimait pas du tout. Et le problème, c'est que quand un spectacle que le monde n'aimait pas du tout. Et le problème, c'est que quand un spectacle, les gens n'aiment pas et que tu es vendu pour un an et demi, 250 000 personnes, ça fait bien du monde qu'ils ne vont pas l'aimer. J'ai réécouté la... Il faut les faire quand même, les spectacles.
Starting point is 00:21:01 Mais il faut les faire. On les fait pareil. Dans la manipulation, vous personnifiez un homme d'extrême droite, d'extrême gauche, puis un flyer. Un flyer, oui. Lui, il veut répandre la joie totale chez tout le monde. Ce numéro-là, il me semble qu'il est encore d'actualité parce qu'on dit beaucoup qu'on vit dans une époque de polarisation. Les gens se campent dans leur position et refusent de dialoguer.
Starting point is 00:21:25 Oui. Et que les gens sont sensibles. Il y en a, là. Et ce que je trouve de pire, c'est qu'aujourd'hui, si tu as trois poilus et deux chauves qui sont contre quelque chose, on arrête de le faire. Mais on est 8-9 millions, là, les poilus et les chauves. Ils ont le droit d'être contre. Tu sais, comme quand ils ont arrêté
Starting point is 00:21:48 le spectacle de Lepage, le festival de jazz, parce que les gens manifestaient puis disaient que c'était de l'appropriation. Slav. T'as le droit de protester, mais t'as le droit de dire aussi non, c'est pas ça.
Starting point is 00:22:05 C'est de la célébration. C'est merveilleux, ces chants-là. Il faut qu'ils soient entendus. Et tu le fais pareil, même s'il y a 50, 100 personnes, 200 personnes devant le théâtre, toi et soi, tu le fais pareil.
Starting point is 00:22:20 Tu sais, quand TNM a fait Les filles ont soif, Hébert Blanc a manifesté, toi et soir, toi et soir, toi et soir ». Et c'est correct. Les gens ont le droit d'être contre. Ils ont le droit de manifester. Mais on n'arrête pas pour ça. On n'arrête pas les choses.
Starting point is 00:22:35 On n'arrête pas de vivre. On n'arrête pas de dire des mots. Puis ça, écoute, ça n'a aucun sens. La phrase qu'on entend beaucoup, c'est « On ne peut plus rien dire ». Les humoristes ne peuvent plus rien dire sur scène. Mais ils ne devraient pas s'arrêter à cette phrase-là. Bien non. Les humoristes ont tous les droits. Mike Ward est allé jusqu'en Côte-Suprême pour nous donner tous les droits de dire tout ce qu'on veut.
Starting point is 00:22:58 Merci, Mike. Votre premier numéro, c'est « Les unions, qu'est-ce que ça donne? » Yes, sir. En 68. L'album est perdu en 69. Vous personnifiez un homme qui est asservi. Tout ce qu'il espère, c'est une bonne job, un beau boss, une job stédée.
Starting point is 00:23:15 Absolument. Évidemment, ce personnage-là, aujourd'hui, il est difficile à comprendre. Je ne sais pas si cet homme-là a un équivalent en 2023, mais est-ce que vous trouvez qu'en 2023, on a troqué cet asservissement-là contre d'autres formes d'asservissement?
Starting point is 00:23:34 Je ne le serais pas, sais-tu. Je ne suis pas un grand observateur de la société. Je suis plutôt une personne qui a... Je me suis, moi, regardé puis essayé de voir qu'est-ce qu'étaient mes faiblesses et tout ça.
Starting point is 00:23:52 Mais ça peut exister encore. Mais on dirait que c'est le contraire. Là, maintenant, les gens ont tous... Ah, bien là, je vais travailler de la maison. OK. Non, viens travailler. Ah, bien,, je vais travailler de la maison, OK. Non, viens travailler. Ah, bien, je travaille pas s'il faut y aller. Bien là, tu sais, moi, je pense que la servile existe moins qu'elle existait.
Starting point is 00:24:15 Mais on est pris avec nos dettes, avec la carte de crédit, avec la surconsommation. Ah, on est pris, on est pris. Mais la vie est plus facile quand même. Je trouve. Mon grand-père est mort en 32, alors le gouvernement ne va pas encore passer une loi pour que les ouvriers aient une semaine de vacances. Il n'a jamais eu de vacances. C'est pas la première fois que vous entendez raconter ça, mais j'ai encore de la difficulté à y croire. Oui, ça fait mal.
Starting point is 00:24:48 J'ai mal pour votre grand-père, qui n'est que parmi nous depuis plusieurs années déjà, que je n'ai pas connu, mais quelle vie atroce. Non. Non? Non. Il y a la...
Starting point is 00:25:01 C'était ça, la vie. C'était ça. Travailler, travailler, travailler. C'est comme nous, à notre époque, on faisait sept ou huit spectacles par semaine. Tout le temps. Au cabaret, ils jouaient deux, trois shows le vendredi. Aujourd'hui, personne...
Starting point is 00:25:28 Les humoristes, aujourd'hui, quatre spectacles dans une semaine, je trouve ça exagéré. Hé, je l'ai fait trois la semaine passée. Je l'ai déjà fait cinq le même jour. Cinq le même jour? C'est vrai. Je l'avais fait quatre la veille.
Starting point is 00:25:46 Mais il y a un avancement là-dedans. Oui, oui, il y a un avancement. Parce que les gens travaillaient. Mais moi, quand je me disais que je travaillais beaucoup, bien là, les gens avant moi, Jean-Anne Souto, par exemple, bien, Chris, nous autres,
Starting point is 00:26:01 on changeait de pièce aux deux semaines au théâtre, on répétait toute la journée, et puis, bon, tu sais, elle travaillait de pièce aux deux semaines au théâtre. On répétait toute la journée. Et puis, bon, tu sais, elle travaillait deux fois plus que nous. Et Dodo puis Denise, bien là, pendant pas, ils finissaient à 3h du matin puis à 8h du matin,
Starting point is 00:26:16 ils étaient à la télévision à faire. Pour faire moins long. C'est un peu de bon sens. Alors, les gens travaillaient. Et la normalité, ça fait pas mal. Cité ça fait pas mal c'est comme ça c'est comme ça et aujourd'hui les gens pour eux ils peuvent plus pauvres et physiquement là qui sait qui me dit ça il a fait six spectacles une semaine et un mois pour s'en remettre, tellement il était fatigué. J'ai dit, écoute... Ça vous a pas fait pleurer?
Starting point is 00:26:46 Non, non, non. C'est comme ça. Vous allez participer au dernier gala Juste pour rire, l'ultime gala Juste pour rire. Yes, sir! Ça, ça va être quelque chose. Qu'est-ce que Juste pour rire a apporté, a changé dans le paysage de l'humour au Québec? Je sais pas comment dire ça. Peut-être que ça a donné
Starting point is 00:27:08 une chance de se faire entendre à tout le monde qui sortait de l'école de l'humour. Tous les nouveaux qui sortaient. Écoles! Tu sais, à un moment donné, il en sortait 10-12 par année. Il fallait qu'il aille quelque part.
Starting point is 00:27:24 Ça prend des scènes. Alors, le jeu pourrir a aidé beaucoup pour ça. Beaucoup, beaucoup. Moi, j'ai beaucoup aimé faire ça. On parle beaucoup des années 70 de votre carrière, de cette période-là de votre carrière, mais les années 90 avec le festival Juste pour rire, ça a été une période faste pour vous également.
Starting point is 00:27:44 Oui, oui. Les années 90, c'était une belle décennie pour moi. Les années 80, j'ai... Ça a été ma fin, là. En 84, j'ai... Là, je lisais partout que j'avais plus d'affaires sur scène, et puis moi-même, je commençais à être fatigué. Alors j'ai dit, je vais arrêter ça. Alors, j'ai arrêté ça pendant huit ans. Et puis, on a fait un petit peu de télé à la place.
Starting point is 00:28:14 On a fait le samedi de rire, c'est-à-dire, on a fait un film ou deux. Et je pensais pas revenir sur scène. J'avais fait un film ou deux. Et je pensais pas revenir sur scène. J'avais écrit un film. Ah, boy! Est-ce que c'était votre film avec Jean Lapointe? Oui. Oui? Ça a jamais été tourné?
Starting point is 00:28:33 Non. Ça racontait quoi? Est-ce que vous vous en souvenez? Ah! Oui, oui. D'ailleurs, le titre était cœur. C'était un des meilleurs titres. Le titre, c'était « Quand est-ce qu'on va venir riche si on travaille tout le temps? » C'est très Yvon Deschamps comme phrase, ça.
Starting point is 00:28:51 Oui. Alors, puis là, moi, il y avait des affaires très osées là-dedans. Et très poussées. C'était une comédie? Oui. Puis là, Jean, lui, qui était mon ami,
Starting point is 00:29:08 il me dit, je suis ton ami. Là, il était tellement... Quand j'ai fait lire le scénario, il était tellement gêné. Il ne voulait pas me le dire. Il me l'a fait dire par son agent que ça ne serait pas bon dans sa carrière à ce moment-là. Mais c'était poussé de quelle manière?
Starting point is 00:29:30 De quelle manière est-ce que c'était poussé, ce film-là? C'est qu'il y avait, à un moment donné, une affaire d'espionnage. C'était un peu comme James Bond. Il se retrouvait dans un camp où les gens s'entraînaient, puis tout ça. Et puis, il passe à un endroit.
Starting point is 00:29:50 Puis là, c'est des espions russes ou je ne sais pas quoi qui se pratiquent à dire «Ce petit tabarnak de Carlos de Calvary de Saint-Siboir!» Puis tu sais, pour être des vrais Québécois, l'autre, il se...
Starting point is 00:30:06 Ça, je ne devrais pas le dire. C'est pas ça. L'autre, il s'exerçait au tir comme un... Tu sais, avec l'ours. Mais c'était des petites personnes. Parce qu'on en met plus dans le coffre de l'auto. Je commence à comprendre Jean Lapointe,
Starting point is 00:30:25 de ne pas avoir voulu tourner dans ce film-là. Mais il n'est pas trop tard. J'imagine que le scénario existe quelque part. Non, non. Non, ça a été brûlé, ça a été déchiqueté. Ça aurait été... Mais il y avait deux petites choses comme ça, mais le reste, c'était cute à mort, c'était joli.
Starting point is 00:30:42 Vous avez aussi écrit des chansons. Oui. Une de mes chansons préférées de votre répertoire, vous l'avez créée avec Serge Fiori. C'est la chanson « Seul ». Vous l'aimez, vous aussi, celle-là? Oui. On s'ouvre les poignets après. C'est une chanson qui parle de ce qui nous attend de l'autre côté.
Starting point is 00:30:58 Oui, tout le monde. Qui me tiendra la main au bout de mon chemin, qui me tiendra la main au jour sans lendemain. C'est Jody. C'est ça ça la réponse à la question oui voilà comment est ce que votre amitié avec avec sa chérie l'aîné serge à ben je les connais au moment de d'Harmonium, là. Et puis après, on s'est retrouvés parce que je travaillais... Libère Siborana, il travaillait avec moi.
Starting point is 00:31:31 Un autre membre d'Harmonium. Puis Libère était dans Harmonium. Alors là, on s'est vus trois, quatre fois. Et puis là, j'étais en train d'écrire. Puis j'ai dit à Serge, ferais-tu des musiques? Puis il a dit oui.
Starting point is 00:31:46 Alors... Il m'avait fait pas mal toutes les musiques de cette année-là. 4-5 chansons, 5-6. Seul, c'est beau, ça n'a pas de bon sens. C'est magnifique, ce qu'il a composé. Je ne veux pas vous poser une question trop grave, mais manifestement, à ce moment-là, en 1982, vous pensiez à la mort.
Starting point is 00:32:08 Est-ce que vous y pensez de la même manière aujourd'hui, en 2023? Non. Moi, ça m'a toujours obnubulé, la mort. Je l'ai dans ma vie chaque jour, depuis ma naissance, je pense. Depuis l'âge de 6 ou 7 ans, quand d'un coup, j'ai réalisé que je l'ai mourue, je n'ai pas accepté ça du tout. Je me suis dit, bon, il y en a, les autres peut-être,
Starting point is 00:32:29 mais moi, non. Et vers 12, 13 ans, je suis sûr que moi, je ne mourrais pas, qu'il arriverait quelque chose, qu'on ne mourrait plus. Et ça m'a... Vraiment, j'ai fait des crises d'angoisse pas mal souvent dans ma vie à cause de ça. Mais en vieillissant, c'est le contraire qui arrive.
Starting point is 00:32:49 C'est comme... C'est bien correct. J'ai eu une vie complète. J'ai tout. J'ai de l'amour. Ça n'a pas de bon sens. J'ai encore une bonne santé. Et je ne fais pas de crise d'angoisse.
Starting point is 00:33:06 J'en fais plus. Donc, il y a une forme d'apaisement par rapport à... Oui, d'apaisement. L'idée que c'est inévitable et qu'on l'accepte. La seule chose, c'est toujours pareil, qu'on craint comment. Tu ne veux pas traîner des années dans un lit.
Starting point is 00:33:25 Mon père était dans... Malheureusement, mon père est mort en CHSLD à l'époque, mais à l'époque où il y avait du personnel, il était bien traité. Et aussi parce que c'était à Saint-Henri qu'il y avait deux de ses frères puis une de ses soeurs qui étaient là. Alors, il y avait un gars dans la chambre à côté je t'instincte ce que l'air qui restait dans son lit et mon père est mort avant lui alors si je veux pas être comme ça le jeu on est présentement dans le centre sud oui on Oui. On est chez vous, d'une certaine manière. On n'est pas dans votre résidence.
Starting point is 00:34:08 Non. C'est grand, c'est grand. Oui, c'est grand chez vous. C'est beau, c'est lumineux. On est dans les bureaux de votre fondation. Oui. Votre indignation par rapport à la pauvreté, elle vient d'où? Ah mon Dieu, parce que je n'ai jamais compris ça.
Starting point is 00:34:25 Qu'on ne puisse pas partager plus également des choses. Je comprends, et moi je suis d'accord pour que si tu fais quelque chose de spécial, tu es un petit peu plus que les autres.
Starting point is 00:34:41 Mais les écarts qu'il y a, et là c'est pire que jamais. Il s'est rendu... À un moment donné, ils vont être trois, quatre sur les Comtes-Vallées. Ils vont posséder le monde entier. On arrive là, ou presque. Écoute,
Starting point is 00:34:59 il y a toujours cette même misère. Mais moi aussi, il faut dire que moi, je suis né dans les années 30. Alors même si j'étais jeune, sans le savoir, j'étais marqué par ça. C'était la grande misère. C'était la grande misère. Même nous autres à l'école, dans les années 40,
Starting point is 00:35:24 vraiment, il y a des familles où il y avait juste une paire de souliers. Alors, les enfants, ils venaient pas tous les jours, ils changeaient. J'avais des amis qui habitaient encore dans un taudis sur le sol battu, pas de plancher. On voyait l'air à travers. Et c'était vraiment, c'était la crise du logement, pas comme aujourd'hui. C'était la crise du logement au point qu'il y avait vraiment des bidonvilles, des gens qui se faisaient des cabanes. On y voit des condos qu'on voit aujourd'hui dans Saint-Henri.
Starting point is 00:36:01 Oui, c'est ça. Il y avait des cabanes le long des rails du CPR et puis il y avait le village aux Oies et des gens habitaient où ils pouvaient. Nous autres, dans la cour, il y avait deux petits garages et au-dessus, une grande pièce de, je dirais peut-être,
Starting point is 00:36:19 25 par 20 avec une grande porte double pour sortir du stock. C'était en bloc de ciment. Et il y avait une famille de 14 personnes là-dedans, là, qui ont vécu là 10 ans au moins, là. Père, la mère, 12 enfants. Une jeune demétante qui habitait dans un petit back store de magasin, il était 8, dans une pièce avec un lavabo à un coin puis la toilette dans l'autre coin. C'était dur, là. La pauvreté,
Starting point is 00:36:50 le visage de la pauvreté a changé, évidemment. Oui, oui. Mais il y en a encore. Ce que vous décrivez à l'instant, bon, c'est peut-être un petit peu moins pire aujourd'hui, mais des gens qui vivent à plusieurs dans des appartements trop petits, ça existe encore. Ça existe encore. La seule chose qui a changé, c'est la technologie.
Starting point is 00:37:06 On gèle moins aujourd'hui. Je ne sais pas. Non, mais tu sais, chez nous, on vivait au rez-de-chaussée. Alors, le plancher était à peu près à un pied et demi du sol. Mais c'était juste un rang de planche. Alors ça, l'hiver, ça gelait. Le plancher était glacé, portait des bottes. Il faisait froid.
Starting point is 00:37:24 Il fallait... Avant l'huile, on chauffait au bois ou au charbon, ça s'éteint maintenant dans la nuit, le matin, il ne fait pas chaud quand il fait moins 20 dehors, il y avait du frimat sur le cadre de porte dans la chambre. Mon père se levait, partait les feux, on avait un feu dans la cuisine, un autre dans le passage. Tu sais, aujourd'hui, t'as plus besoin de ça. Au moins, c'est plus simple. Grâce à vous, j'aurai davantage de gratitude la prochaine fois que je partirai le chauffage à la maison. Je me rappellerai que ça n'a pas toujours été disponible. Non, non, c'est ça.
Starting point is 00:38:03 Comment est-ce que les souvenirs de votre enfance dans Saint-Henri se transforment dans votre esprit? Parce qu'évidemment, plus le temps passe, plus ces moments-là sont loin derrière vous. Oui, oui. Est-ce qu'ils se transforment dans votre esprit, les images qui vous restent de Saint-Henri? C'était très important.
Starting point is 00:38:19 J'étais à Saint-Henri, à l'âge de 4 ans à 20 ans à peu près. C'est là que tout se passe. Alors, j'ai été à Saint-Henri d'un âge de 4 ans à 20 ans à peu près. C'est là que tout se passe. Alors, j'ai des souvenirs. Il ne faut pas que je dise ça, parce que j'allais dire que j'ai des souvenirs très précis. Et l'autre jour, je regardais une émission scientifique. C'était une neuropsychologue ou ça, qui disait, quand tu as un souveneur qui est très précis,
Starting point is 00:38:50 ça veut dire qu'il est faux. Il faut s'en méfier. On le reconstruit nous-mêmes. Oui, bien oui. C'est quelque chose qu'on s'est construit. Je dis, oh, maudit. Oh, je me rappelais tellement de ça. Tu sais, mais c'est ça.
Starting point is 00:39:05 Mais je suis un gars de Saint-Henri encore à mon âge. Puis je pense chez nous. Je pense devant chez nous, chez ma tante. Mon père avait six frères et deux soeurs. On habitait tous sur trois rues à peu près. Mais un grand moment des champs. Mais on n'a plus notre école, on n'a plus notre église. Mais être un gars de Saint-Henri,
Starting point is 00:39:28 ça veut dire quoi? Ça veut dire que je me sens bien quand je suis à Saint-Henri. Vous n'êtes jamais senti chez vous dans Westmount? Non. Non, c'est vrai. Mais moi, dans ma tête, je ne vivais pas en Westmount. Je vivais à Côte-de-Neige. Parce qu'en fait,
Starting point is 00:39:45 on cherche une maison à Côte-de-Neige. Parce qu'en fait, on a cherché une maison à Côte-de-Neige, on a trouvé celle-là, et là, quand on a signé, c'est marqué Westmont, j'ai dit, comment ça on est à Westmont, on est à Côte-de-Neige? Non, non, ça finit la maison à côté. Ah! La maison d'à côté est à Côte-de-Neige, mais pas nous autres.
Starting point is 00:40:03 Ah ben là, on est à Côte-de-Neige, pareil, nous autres. On est à côté de neige pareil nous autres. Si vous aviez à écrire un numéro aujourd'hui, un monologue, ça parlerait de quoi? Ça parlerait probablement de l'hypersensibilité de certaines personnes. J'avais pensé, j'avais dit, tu sais, mettons c'est un gars, un monsieur de 75 ans qui a une petite business avec 20 ans d'employé, 25 employés, puis là, il voudrait bien prendre sa retraite, mais ça lui prend un gros contrat, ça lui prend quelque chose pour que ça marche assez bien
Starting point is 00:40:38 pour qu'il puisse vendre, puis là, prendre sa retraite, et tout ça, et finalement, il arrive, il y a ce contrat-là, mais ça se négocie entre trois ou quatre. Et là, finalement, lui, il peut l'avoir, mais il faut que ça soit signé avant, mettons, 5 heures. Alors, il va venir un courrier. Là, il dit à la réceptionniste, il y a un courrier qui va venir.
Starting point is 00:40:58 C'est très important pour le restant de ma vie. Ça, c'est très important. Vous montez tout de suite dans mon bureau pour que je le signe, etc. Puis là, elle, très bien, monsieur, très bien, monsieur, mais là, que veux-tu? Il y a un gars qui arrive et qui lui demande où est-ce que c'est Marion?
Starting point is 00:41:16 Marion est au chien. Je ne sais pas. L'autre, il veut savoir. Le messager arrive, elle signe, elle met ça là, puis elle n'y va pas. Puis lui, il perd son là, puis il ne va pas. Puis lui, il perd son contrat, il perd sa business. Mais parce qu'il perd son contrat,
Starting point is 00:41:31 à 5 heures, il descend. Il y avait jusqu'à 5 heures pour signer. Il descend, puis il dit, le messager n'est pas venu? Ah oui, j'ai oublié d'aller vous porter. Fait que là, il crie des noms. T'es ben épaisse, tu sais! » Bon. Là, lui, il perd son contrat.
Starting point is 00:41:48 Il peut pas vendre son business. Finalement, il a une vie plus difficile. Puis là, elle poursuit. Parce qu'il a parlé fort. Et là, elle, elle aura pu jamais travailler. Parce que quand elle pense à aller travailler, elle se dit que le patron va me parler fort, elle pleure,
Starting point is 00:42:05 elle n'est plus capable de travailler. Ce serait des choses dans cet esprit-là. Donc, vous trouvez que les gens ont parfois l'épiderme un peu trop sensible? Mettons, mettons. Est-ce que vous pourriez écrire un numéro sur l'environnement? Est-ce que ça vous inquiète?
Starting point is 00:42:22 Oh, bien oui. La crise climatique? Oui et non. Pas pour moi, pour mes enfants, mes petits-enfants. C'est sûr que ça m'inquiète. Mais moi, j'ai toujours confiance. Je me dis, l'homme des cavernes, il était très, très inquiet de l'avenir. On pense rarement à l'inquiétude de l'homme des cavernes. Quand le feu
Starting point is 00:42:45 pognait dans la forêt à cause de la foudre, là, admettons que la fin du monde est approche et puis l'environnement, j'y pense beaucoup. Et je me dis que ça se peut pas que les humains, on soit
Starting point is 00:43:01 assez épais pour pas faire ce qu'il faut au moment. Vous avez combien de petits-enfants? Cinq. Est-ce qu'ils sont familiers avec votre travail, avec vos monologues, vos petits-enfants? Oui. Pas les petites-petites.
Starting point is 00:43:18 Qu'est-ce qu'ils en pensent? Mes grands-enfants, oui. Mes grands-enfants. Mes grands, écoute, ils sont tellement fiers de leur grand-père. Mes grands-enfants. Mes grands, les grands, écoute, sont tellement fiers de leur grand-père. C'est quelque chose. Surtout que maintenant, quand tu es vieux, à un moment donné, les gens,
Starting point is 00:43:38 comment je dirais ça, même ceux qui ne t'aiment pas, ils s'adoucissent et ils disent, « Ah, quand même. » Alors là, tout à coup là comme vous avez dit au début je pense là c'est tout est parfait ça a toujours été bon c'est le meilleur alors mes petits enfants ils entendent ça tout le temps alors mettons qu'ils sont violents. Mon grand-père, c'est mon grand-père. Moi, je n'en reviens pas de vous rencontrer aujourd'hui.
Starting point is 00:44:08 J'étais aussi nerveux en m'en venant ici que si je rencontrais René Lévesque ou Félix Leclerc. Mais oui. Bien, j'espère. Est-ce que vous arrivez à l'entendre lorsqu'on vous dit que vous êtes le père de l'humour québécois, que vous êtes une icône pour la culture québécoise? Est-ce que vous l'entendez ou il y a une part de vous qui mettez encore un peu de distance entre ces mots-là et votre cœur?
Starting point is 00:44:36 On prend ça avec un grain de sel, comme on dit. C'est bien le fun à entendre, mais c'est tout. C'est le fun à entendre. C'est comme recevoir un trophée, c'est le fun. C'est tout. C'est le fun d'entendre. C'est comme recevoir un trophée, c'est le fun. C'est tout. Je voulais vous parler, en conclusion, d'un point qu'on a en commun, la batterie. J'ai joué de la batterie, mais je n'étais pas très bon.
Starting point is 00:44:56 Mais j'aimais beaucoup ça. Vous, vous avez appris à jouer de la batterie spécialement pour accompagner Claude Léveillé? Non, je n'ai jamais appris, moi. Mais moi, je ne savais pas jouer du tout. Vous en avez joué. Oui. Ça a été enregistré, j'ai ça chez nous.
Starting point is 00:45:12 Mais oui, Colin, je ne sais pas comment ça se fait. En fait, j'avais fait à l'école le corps de Cléron Tambour. Alors, la caisse claire, ça, j'étais capable. Vous aviez une barre. bien j'écoutais beaucoup de jazz j'adorais le jazz alors j'entendais je l'entendais le drame je savais comment qu'est ce qu'il faut faire et avec l'éveillé c'était simple il fallait pas faire de bruit il fallait être très discret les brosses beaucoup et beaucoup. C'était très simple.
Starting point is 00:45:46 C'était plus comme des percussions que du vrai drum. En fait, lui, c'est parce qu'il voulait avoir quelqu'un. Il ne voulait plus être tout seul sur scène. Moi, j'étais là. C'est tout.
Starting point is 00:46:02 Il m'a dit... Il y avait un drum dans le décor de Domino, une émission pour enfants, que Claude faisait. Et moi, j'étais le... Comment est-ce qu'on appelle ça? Le gars qui fait applaudir les enfants. L'animateur de foule?
Starting point is 00:46:19 L'animateur de foule? L'animateur de foule d'enfants. C'est différent. Et là, Claude, ça préparait son entrée au Chat noir. La première boîte à chansons où il y avait des récitals. Et il y avait comme une caisse claire
Starting point is 00:46:35 dans le décor. À un moment donné, pendant le break, il jouait ses chansons. Moi, je m'assois. « Tu joues du drum? » J'ai dit « Oui, oui. « Ah, tu joues du drum? » J'ai dit oui, oui. « Alors, m'accompagneras-tu? » « Ah oui. »
Starting point is 00:46:51 « Écoute, quand? » « J'ouvre Chanoix dans trois semaines. » « Oh, OK, parfait. » Il dit, « On va commencer à répéter. » J'allais m'acheter un drum. Aïe aïe. J'ai dit, j'espère que je vais être capable de... Et puis, jouer un petit peu l'accordéon. De temps en temps.
Starting point is 00:47:13 Lui, il avait un accordéon qui avait un son fabuleux. Un son où on voulait pleurer. Je veux s'entendre. Et je faisais des contrechamps très simples. Mais il m'a enduré pendant une couple d'années. Donc, qu'est-ce que vous allez présenter lors de l'ultime « Il y a là juste pour rire »? Bien là, moi, je suis à la retraite.
Starting point is 00:47:33 Vous êtes très occupé pour un homme à la retraite. Je ne veux pas sortir de ma retraite. Je ne veux pas écrire. Je ne veux pas écrire. Je ne veux pas y penser. Dans ma tête, je pense à des affaires que j'ai écrites il y a 20 ou 25 ans et que je pense qu'elles pourraient être pertinentes.
Starting point is 00:47:51 Il me vient des lignes de ce temps-là. À un moment donné, je pense que je vais avoir l'idée complète. Vous allez faire quelques blagues. Quelques blagues, mettons. En fait, je sais où je m''en vais même si c'est des choses que j'ai écrit longtemps c'est ça va être nécessairement sûr c'est mon bon monsieur
Starting point is 00:48:13 je moi j'ai des personnages qui ont pas non mais mes personnages j'ai un de mes personnages qui est mon bon monsieur que j'appelle qui c'est un bon monsieur, vraiment fin, puis tout ça, mais il est raciste. Mais il le sait pas, lui, parce qu'il a jamais été mis devant. Alors... Et j'essaye de ramasser des choses que j'ai écrites sur la part de perdre l'identité à cause des immigrants qui arrivent.
Starting point is 00:48:43 Les us et les coutumes, des autres, qui peuvent nous enlever notre propre identité. Ça, c'est une peur qui n'est pas fondée, selon vous? Non, pas fondée du tout. Votre numéro qui s'appelle Les ethnies était fabuleux. C'était dans un de vos derniers spectacles, il me semble. Ah oui? Oui.
Starting point is 00:49:04 Je vais le relire. Les ethnies,, il me semble. Ah oui? Oui. Vous ne l'avez pas dit. Je vais le relire. Les ethnies, c'est très, très bon. Oui. Vous parlez précisément de ce sujet-là. Vous pouvez y aller piger là-dedans, je pense. OK. Oui.
Starting point is 00:49:13 Bon, je vais le relire. Appelez-moi, M. Deschamps. Je pourrais vous diriger à travers votre oeuvre. Oh oui, quand il va... Oh oui, il voit son ethnique. Son ethnique qui veut... Oh, ça, c'est bon. C'est super bon.
Starting point is 00:49:27 Il y a un livre qui est paru, un livre de Claude Paquette qui est paru il y a quelques années, qui s'intitule Yvon Deschamps. La citation, c'est « J'en peux plus de parler de moi-même ». Oui. Est-ce que vous êtes encore tanné de parler de vous-même? Toujours. Donc, c'est de la torture ce que vous avez vécu
Starting point is 00:49:41 au cours des dernières minutes. Je suis torturé. Est- ce que vous avez vécu au cours des dernières minutes. Je suis torturé. Est-ce que vous avez une dernière chose que vous aimeriez me dire qui resterait juste entre vous et moi? Entre nous? J'ai faim. Judy était partie vous chercher
Starting point is 00:49:59 quelque chose à manger et elle n'est pas revenue. Elle ne voulait pas nous déranger. Non, c'est ça. C'est parfait. Je n'en reviens pas, M. Deschamps, que vous soyez devant moi. Ben, hey! Moi non plus. Je n'en reviens pas que vous soyez devant moi, c'est ça.
Starting point is 00:50:16 Merci beaucoup. Moi, je n'en reviens pas d'être encore là. Juste entre toi et moi.

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