Les Pires Moments de l'Histoire - Léopold II au Congo
Episode Date: December 17, 2019Léopold II a été roi des Belges. Il a aussi été à la tête d’un effroyable carnage passé sous le radar de l’histoire, mais pas sous celui de Charles. Récit d’une abomination dégoulinant...e de caoutchouc et de mains coupées. Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.
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Salut, c'est Hugo Meunier, un des meilleurs journalistes et les plus grands auteurs du Québec.
Hugo, le texte.
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Bonjour et bienvenue au Balado, les pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne.
J'espère que c'est ce que vous vouliez écouter à la base,
puis que vous n'êtes pas juste perdu en chemin vers un énième balado true crime à propos du tueur en série qui s'est fait faire un tatouage intégral de dragon
parce que sa grand-mère menaçait d'y couper le pénis.
Parce qu'aujourd'hui, je vous parle de colonisation,
un sujet infini de légèreté comme vous les aimez si bien.
Étant donné que la colonisation, c'est large en estie,
puis qu'à un moment donné, 6 heures où je vous explique essentiellement
que des populations entières se sont faites voler tout ce qu'elles avaient,
ça risque d'attirer un public que je ne suis pas certain de vouloir comprendre.
J'ai donc décidé de me concentrer sur un colonisateur en particulier
qui passe souvent sous le radar du trou-de-cul-homède de l'histoire,
Léopold II, roi des Belges,
ainsi que le pays qui a malheureusement décidé de défigurer à jamais à grands coups de très gros racisme,
le Congo.
Et non, il n'y aura pas de joke sur Congo, le film de 1995,
avec une intrigue de diamants et de gorilles carnivores
qu'on fait exploser avec le rayon laser du satellite à la fin.
En tout cas, vous y jetterez un coup d'oeil, c'est du bon divertissement
de stoner, ça, les amis.
Bref, voici les aventures de Léopold II
au Congo. Shoot, moi,
ce générique-là dans le tapis, mon chum.
Transportons-nous, si vous le voulez bien,
à l'époque de Léopold II, roi des Belges,
à la fin des années 1800.
Ah oui, vous pensez que c'est un gars qui avait l'excuse d'avoir régné au Moyen Âge?
Eh bien non, surprise!
Il y avait des voitures et la photographie existait, fait qu'on sait de quoi il a l'air.
Une espèce de Père Noël avec un uniforme plein de médailles,
de gars qui a fait zéro armée, soit dit en passant.
Léopold II était le fils du premier roi de Belgique.
Roulement de tambour, Léopold Ier.
On est en 1865 et la Belgique est, à l'époque,
un pays tout neuf, nouvellement indépendant
de la Hollande et qui se cherche
encore une identité.
À cette époque-là, les boys du marketing
n'avaient pas encore décidé de mettre le paquet
sur la bière, le chocolat, les groves
et leur espèce de fontaine en forme de bébé qui pisse
que tout le monde prend en photo et qui a un angle rigolo
qui donne l'impression qu'on se fait uriner dessus par un enfant.
Sérieux, je sais tout simplement pas ce que la Belgique fait aux gens.
Bref, le père de Léopold voulait désespérément une colonie
pour faire éclore sa nouvelle nation.
Parce que, comme je le dis toujours,
rien de mieux pour forger une identité nationale
que d'en détruire une autre et recycler les morceaux.
Maintenant, prenez-moi en photo pour que le bébé ait l'air de me faire pipi dans la bouche.
Tout de suite, sire!
Parlons maintenant de Léopold II.
La plupart des livres d'histoire nous décrivent sa jeunesse
comme quelque chose de complètement fucked up
parce que sa famille était plutôt dysfonctionnelle.
Entre autres, son père a grosso modo lâché tous les siens
pour aller faire plein d'enfants illégitimes à une fille de 16 ans.
Sa mère lui disait constamment qu'il avait un gros nez dégueulasse,
il y a eu un mariage arrangé super jeune
ou question de comprendre comment jouer aux fesses,
il a été obligé de demander des conseils à sa tante, la reine Victoria.
Et c'est à ce moment, Léopold, qu'il vous sera capital
d'effectuer un mouvement rapide du bout de la langue sur le clitoris
afin d'obtenir un cunni qui devrait rocker sa vie.
C'est d'ailleurs ici que j'aimerais que nous parlions de piercings.
Donc, en 1865, à la mort de son père,
quand Léopold II monte sur le trône de Belgique
avec sa lourde valise de problèmes personnels,
il décide de continuer le projet du paternel
qui est de trouver une colonie pour la Belgique.
Disons que c'était vraiment l'affaire à avoir
pour une grande nation à l'époque. Les Anglais ont des
colonies, les Français ont des colonies,
les Portugais ont des colonies, les Espagnols ont des colonies,
les Hollandais ont des colonies,
et si ces satanés amateurs de hache et de
moulin à vent en ont, autant dire que
tout le monde en a. Puis après l'Amérique
et l'Océanie, le nouveau prime real
estate pour les colonies au 19e siècle,
c'était bien sûr le continent africain.
D'ailleurs, à ce moment-là, en Afrique,
il y avait toutes sortes d'explorateurs,
les entendez-vous les guillemets en audio,
qui sillonnaient l'Afrique à coups de gones à éléphants,
de casques d'aventuriers, de short beige
avec les bords montés jusqu'aux genoux,
de monocles et de très grosses moustaches funky.
Ces doudlas étaient en fait payés
par les grandes puissances européennes
pour parcourir les contrées inexplorées, cartographier le tout et revenir avec de l'info sur les meilleurs spots où aller exploiter le monde pis les ressources naturelles, avant de retourner en Europe, publier leurs récits de voyage pour donner des émotions fortes aux gens qui sortent pas de chez eux.
Oh Horace, avez-vous vu cela? C'est une bête étrange qu'ils appellent un hippopotame. Ça me semble diablement sympathique.
Fun fact, les hippopotames sont super territoriaux
et tuent plus de monde par année que les lions et les crocodiles.
Léopold II va alors faire appel au plus dingue de tous ces dingos,
Sir Henry Morton Stanley.
Et pour ceux qui auraient besoin d'un visuel, imaginez le méchant d'Ajumanji.
L'original, pas celui avec The Rock,
parce qu'il ne devrait pas y avoir d'hélicoptère et de moto dans Jumanji.
Donc, Sir Henry Morton Stanley débarque en Belgique et fait au roi une présentation de ses nombreux voyages en Afrique
en lui proposant différents territoires pour son projet, comme une espèce de PowerPoint pour vendre des condos en timeshare.
Alors ici, nous avons le Congo, un espace luxuriant, presque 80 fois plus gros que la Belgique,
végétation abondante, sous-sol très riche,
accès à la rivière ainsi qu'un crapton d'arbres à caoutchouc que j'ai surnommé l'or collant.
Cette nouvelle affaire dont nous avons besoin pour faire les pneus des voitures qui sont bel et bien inventées à notre époque.
Évidemment, il y a déjà beaucoup de résidents, de différents groupes ethniques et de différentes tribus,
mais je suis pas mal certain qu'on pourra facilement les exproprier pour ensuite les prendre comme locataires dans leur propre pays.
Mais ça, c'est juste moi, Sir Henry
Morton Stanley, un gars
qui gonne des éléphants pour le plaisir.
Évidemment,
le gros problème dans tout ça pour Léopold,
c'est que coloniser un pays, ça coûte plus cher
que s'inventer un nouveau logo
qu'un enfant de quatrième année aurait pu imaginer
histoire de donner l'impression à tes membres
que ta caisse populaire est encore dans le coup.
Ça demande bien des soldats pis de l'artillerie.
Pis les Belges, eux, ça les intéresse
moyen de flauber leur taxe dans des conquêtes étrangères.
En plus, la Belgique, c'est une monarchie constitutionnelle,
ce qui veut dire que Léopold II,
c'est plus comme une espèce de mascotte
dispendieuse et gênante.
Fait qu'ils se disent que tout bon monarque symbolique
finit par se dire,
tant pis, je vais le faire tout seul dans mes temps libres.
Il veut donc envoyer sur le terrain
son ami, le méchant dans le Tarzan de Disney,
Henry Morton Stanley
et ses trucs de magie.
Oui, oui, vous avez bien entendu.
La stratégie, c'était d'utiliser
des tours de magie pour impressionner
les Congolais, un peu comme une espèce
de Criss Angel,
si sa principale illusion était le racisme.
Détail intéressant.
Stanley va, par exemple, dissimuler une batterie
dans sa manche et distribuer des poignées de main
électrifiées aux Congolais.
Je me présente, Sir Henry Morton Stanley.
Bon, et si nous allions faire exploser quelques éléphants?
Sinon, il faisait aussi croire qu'il contrôlait les rayons du soleil
en utilisant une loupe pour allumer ses cigares.
Voyez-vous, nous, les Blancs, contrôlons le soleil.
C'est d'ailleurs pour cette raison que nous choisissons
de devenir super rouges et pelés agressivement autour de notre camisole l'été.
Des questions?
Et maintenant, signez ce document qui cède l'entièreté de votre territoire à Léopold II, roi des Belges.
Un document que vous n'avez aucune façon de comprendre parce que vous ne savez pas lire.
Excellent! Quelqu'un veut dynamiter un petit rhinocéros?
Pendant ce temps en Europe,
Quelqu'un veut dynamiter un petit rhinocéros?
Pendant ce temps en Europe,
Léopold II va réussir d'une façon légèrement foiresque à convaincre les autres puissances européennes
de le laisser s'occuper du bassin du Congo.
En fait, en 1876, il va faire croire à tout le monde
qui s'en va là-bas avec des organismes de charité
qu'il a lui-même créés
pour venir en aide aux Congolais
en les libérant de l'esclavage
et en les convertissant au christianisme.
En espérant que ça va bien
se passer cette fois-ci.
En conclusion, si vous me laissez
faire, tout va bien aller.
Mais quoi que vous fassiez,
ne venez surtout pas vérifier ce qui se passe
dans ce coin-là, vous risqueriez d'être
beaucoup trop émus par
tout le bien que nous y faisons.
Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha!
Ah! L'audience est levée.
Allons nous faire photographier avec le bébé qui pisse maintenant.
Et parce que Léopold II avait un sens de l'humour particulièrement tordu,
il va décider de rebaptiser le territoire
l'État indépendant du Congo.
What?
Donc, comme je l'expliquais,
le véritable attrait pour Léopold II au Congo,
c'est les arbres à caoutchouc.
Et pour s'en emparer, il va commencer
par inciter les missionnaires et soldats
belges à tranquillement profiter
des Congolais. Il leur dira, entre autres,
et je cite...
Vous interpréterez l'évangile d'une façon
qui serve à mieux protéger
nos intérêts dans cette partie du monde.
Si vous voyez ce que je veux dire...
Et c'est honnêtement la seule partie
que je citerai mot pour mot,
parce qu'après ça, le mot qui commence par un N revient plus souvent que dans Huckleberry Finn.
Mon podcast allait vraiment bien jusqu'à maintenant.
La stratégie était de les désintéresser de leurs propres richesses
en leur faisant croire que la seule richesse dont ils avaient besoin
était dans le cœur d'un monsieur invisible dans le ciel.
Alors le plan est littéralement devenu, et je cite,
« d'évangéliser les Noirs jusqu'à la moelle des eaux afin qu'ils restent toujours
soumis aux colonialistes blancs, en leur enseignant des doctrines que même les Belges
ne mettraient jamais en pratique. »
Il a dit exactement ça.
En fait, non, il n'a pas dit les Noirs.
Détail dark.
Les tactiques pour forcer les villages du Congo à récolter du caoutchouc
étaient toutes plus cinglées et complètement over the top les unes que les autres.
Entre autres, on pouvait affamer un village
si les habitants ne ramenaient pas une certaine quantité de caoutchouc.
On pouvait aussi tout bonnement kidnapper les femmes, les enfants
et les tuer si le village ne remplissait pas son quota de caoutchouc.
On pouvait menacer de brûler un village s'il ne remplissait pas son quota de caoutchouc. On pouvait menacer de brûler un village s'il ne remplissait pas son quota de caoutchouc. Et une fois les
quotas de caoutchouc remplis, brûler le village à Neways pour rappeler à tout le monde l'importance
de remplir son quota de caoutchouc. Ouais, il n'y avait pas vraiment de bonne réponse.
Et je vous rappelle que tout ça, c'est pour la sève d'un arbre qui sert à faire des
élastiques à brocolis. Mais comment Léopold s'arrangeait-il pour contrôler une si vaste
population sur un territoire huit fois plus gros que la Belgique?
Ça aurait nécessité beaucoup trop de militaires belges avec des petites peaux fragiles de tintin pour faire face au soleil et à la faune locale.
Et dois-je vous rappeler à quel point personne n'est à l'abri d'un hippopotame aux prises avec des frustrations sexuelles?
Merde, mon canot est brisé et le courant m'empêche de rejoindre la berge.
Vite, accrochons-nous à ce rocher particulièrement lisse. Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr ainsi nous assurer que tout ça reste dans la famille. Il établit alors ce que l'on appelait la force publique, une milice
de Congolais spécialement entraînée
pour faire peur aux Congolais afin qu'ils ramassent plus de caoutchouc.
Et pour recruter les Congolais
qui allaient faire peur aux Congolais pour qu'ils ramassent
plus de caoutchouc, qu'est-ce qu'on faisait? Eh bien,
on faisait peur aux Congolais, avec comme instruction
d'abattre quiconque ne voulait pas faire peur aux Congolais
pour qu'ils ramassent plus de caoutchouc. L'arbre est dans ses feuilles,
by the way. Mais question d'éviter que la milice
ne prenne éventuellement les armes contre les gouverneurs
généraux belges, ils vont restreindre au minimum le nombre de munitions. Ça évitait que les gens
accumulent des balles pour se rebeller ou encore chasser et nourrir leur famille. À quoi pensaient-ils?
Les armes, c'est fait pour donner la frousse, pas pour subvenir à ses besoins.
Les dirigeants belges envoyés par Léopold
gardaient effectivement un contrôle serré sur les balles
en exigeant chaque fois une preuve
que la balle avait bel et bien été utilisée pour tuer.
Et c'est là qu'entre en ligne de compte
le merveilleux système des mains coupées.
Spoiler alert, ce n'est pas vraiment merveilleux.
Chaque soldat qui utilisait une balle devait amener la main coupée de sa victime
pour prouver qu'il avait bel et bien tué quelqu'un.
Et ce, à toutes les fois.
Réfléchissons à ce concept quelques instants.
Si un milicien allait dans un village et décimait la population
pour leur faire peur et les forcer à ramasser du caoutchouc,
il devait ramener les mains coupées de tous les gens tués.
Si un milicien avait faim et chassait un animal avec ses précieuses balles,
il devait quand même ramener des mains coupées.
Si un milicien ratait sa cible et devait tirer deux fois plus tôt qu'une question
d'abattre un père de famille qui n'a pas rempli son quota de caoutchouc,
il devait quand même ramener deux mains coupées.
Vous voyez comment ça peut rapidement déraper?
Nous n'avons, je vous le rappelle, qu'à un certain nombre de mains.
Pendant ce temps, en Europe,
Léopold II se la coule douce en devenant astronomiquement riche
alors qu'il saigne un pays à blanc.
Son seul fils est mort, et en plus,
Léopold est aussi le genre de personne à être convaincu
que seuls les hommes peuvent être propriétaires,
et il fait tout ce qui est humainement possible
pour s'assurer que ses filles n'aient pas
la moindre scène de l'héritage.
Je sais que d'habitude je suis plus éloquent que ça, mais
c'est vraiment un gros lait.
Léopold II profite également de ses temps
libres pour se balader sur un énorme
tricycle du 19e siècle avec une gigantesque
roue en caoutchouc congolais afin de rendre
visite à sa maîtresse, une prostituée française de 16 ans.
Et inutile de vous dire que
Léopold II n'a pas 16 ans.
Les girls,
de grâce, ne laissez jamais un homme
entre-cycle accéder à votre jardin secret.
Vous méritez mieux que ça.
Léopold II a donc instauré toutes les lois
qui ont mis le Congo à feu et à sang.
Mais pouvez-vous croire qu'il n'a jamais lui-même
mis le pied là-bas? L'essentiel de sa job,
c'est de distribuer des tâches
à ses directeurs au Congo qui, eux,
mettent en place le carnage.
Si on voulait vraiment se forcer pour lui trouver une qualité,
on pourrait dire qu'il est bon pour déléguer,
mais nous ne le voulons pas.
Vraiment pas.
Dans le reste de l'Europe, le mot qui circulait,
c'était que les missions au Congo étaient vouées à christianiser la population.
Fait que des vrais bons Samaritains bien intentionnés
vont se porter volontaire pour y aller donner un coup de pouce.
Mais une fois en Afrique, ils vont recevoir l'ordre de déshumaniser complètement les Congolais
et s'engager dans la force publique où ils devenaient complètement débiles.
On les encourageait à maltraiter les habitants, voire à se vanter des sévices atroces qu'on leur faisait subir,
genre éviscerer une victime ou couper les organes génitaux des hommes qui n'avaient pas assez récolté de caoutchouc.
Une autre affaire qui était très populaire
était la chicotte, un fouet fait de peau d'hippopotame,
qui, je vous le rappelle, est bel et bien un animal dangereux,
peu importe sa forme.
En gros, c'était un fouet tellement puissant
que si t'étais condamné à 50 coups,
autant dire que t'étais condamné à mort.
On dit même qu'à un moment donné, une dizaine d'enfants
auraient été condamnés à 50 coups de fouet pour avoir
ri en présence d'hommes blancs.
Ouais, ouais, là, là, là, on en est
au bout où c'est correct de tuer des enfants
qui rivent. Vous vous souvenez quand ils ont vendu
l'entreprise comme une mission humanitaire?
En fait, je dis que Léopold II a jamais
directement impliqué sa personne dans les atrocités
au Congo, mais c'est pas tout à fait vrai.
Détail dark.
En Belgique, Léopold II avait un zoo d'humains.
Un zoo d'humains.
Vous avez bel et bien compris.
Léopold avait un zoo, sur sa propriété,
rempli d'habitants du Congo,
que les soldats avaient ramenés pour que des Belges puissent les observer et les nourrir comme des animaux.
Et personne n'a trouvé que c'était un indice d'une quelconque mauvaise gestion
dans le dossier Congo. Ben justement, à un moment donné, ça a commencé à se savoir
en Europe. Des missionnaires revenaient avec des récits affreux des crimes qui étaient
commis au Congo, ainsi que des photos, parce que les photos existaient, vous vous souvenez,
montrant les pauvres civils ainsi que leur absence de mains. Parce qu'il commençait
à y avoir vraiment beaucoup de mains coupées.
Ça s'était rendu qu'on coupait tellement de mains
qu'il y avait un fonctionnaire dont la job, c'était d'organiser
et classer les mains en faisant un processus de tannage.
Histoire de sauver la face, Léopold II payait des journalistes
pour détourner l'attention publique du Congo
en rappelant à quel point les conditions étaient mauvaises
dans les colonies des autres pays.
Ça prestille, Milou.
C'est inouï. Regarde ce que les Anglais
font en Inde. Et que dire des
Hollandais à Java? Au moins, ici
au Congo, tout baigne. Comme les gens
pourront le lire dans mon livre
Tintin au Congo, le seul
album de la série qui ne sera pas adapté
en dessin animé parce que ce serait beaucoup
trop raciste.
Néanmoins, éventuellement, avec les pressions internationales,
Léopold décide de lâcher une bonne fois
pour toutes le dossier Congo
en 1908, après s'en être mis
plein les poches pendant, oh là là,
20 ans. Il lègue donc
le Congo au peuple belge
parce que, oui, apparemment, tu peux
léguer un pays. Et oui,
étant donné qu'il a organisé le Congo
comme une entreprise privée,
il peut légalement le donner à d'autres gens.
Et après ça, Léopold se retira à plein osas
avec sa concubine sur son gigantesque tricycle.
Ah, by the way, n'oubliez surtout pas
de balayer tout ça sous le tapis de l'histoire.
Taillot!
Là, vous vous dites que tout est bien
qui finit bien au Congo.
Mais bien sûr que non, voyons.
Il y avait encore bien des trucs à exploiter au Congo
à part du caoutchouc. Parce que, croyez-le ou non,
on a découvert que son sol était rempli
de diamants.
Sans compter l'ivoire
et l'uranium.
Entre autres, presque tout l'uranium
des bombes nucléaires de Nagasaki et Hiroshima
provenait du sous-sol du Congo.
Ouep!
Tout cet uranium, qui a instantanément vaporisé tous ces Japonais,
était en fait le fruit de travaux forcés dans les mines du Congo.
Bonne nuit tout le monde!
Mais les Congolais se sont battus et des hommes d'État,
comme Patrice Lumumba,
ont éventuellement réussi à obtenir l'indépendance du Congo.
Vous vous dites que les Congolais étaient enfin tranquilles.
Non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non.
À un moment donné, les États-Unis ont organisé un coup d'État au Congo
par peur que le pays devienne communiste.
Ils ont renversé le président et l'ont remplacé par le dictateur Mobutu,
créant ainsi un climat politique instable
pendant plusieurs années.
Fin.
Évidemment, les répercussions de cette histoire coloniale
se font encore sentir aujourd'hui.
Quand une nation déshumanise une autre
et tient pour acquis qui peuvent l'exploiter,
ça crée évidemment des abus.
Et tout ça pour l'affaire qui sert à faire
des chou-claques, je le rappelle.
Mais comme je l'expliquais au début de l'épisode,
c'est étrangement une catastrophe historique
que les gens ont tendance à zéro connaître.
Aujourd'hui encore, Léopold II
est dans les parcs sous forme
de statue sur son cheval et il faut croire
que tout le monde s'en fout.
J'aimerais d'ailleurs vous rappeler que c'est aussi pour ça
que la capitale mondiale des diamants, c'est Anvers, en Belgique.
Une ville dont le sol ne contient pas la moindre trace de diamants.
On ne saura jamais réellement le nombre de victimes
de l'entreprise privée de Léopold II.
Évidemment, lorsque la communauté internationale est arrivée sur les lieux,
toutes les preuves du carnage avaient été soigneusement passées au feu.
Certains estiment que le nombre de morts
se chiffre à 4 millions.
D'autres estiment que c'est plutôt 10 millions.
Mais dans un cas ou un autre,
c'est ce qu'on appelle un génocide.
De toute manière, il ne faut pas demander aux Belges
de calculer ces affaires-là.
Ils disent 80 au lieu de 80
et 90 au lieu de 90.
Puis ça, c'est juste weird.
Bref, c'était les pires moments de l'histoire
avec Charles Beauchesne.
Et le cauchemar se poursuit dans un prochain épisode.
Les pires moments de l'histoire, c'est, au texte et à la recherche,
Charles Beauchesne, Audrey Rousseau et François de Grandpré,
pour Urbania, à la réalisation, Barbara-Judith Caron.
Au montage, Lucie Fournaison et la productrice exécutive,
Raphaël Huismans.
Le balado Les pires moments de l'histoire
avec Charles Beauchesne
est une production d'Urbania.
C'était un balado Urbania.
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E-boy.