Les Pires Moments de l'Histoire - Les Allumetières
Episode Date: November 27, 2020Après avoir épargné la Belle Province dans les deux premières saisons, Charles s’enflamme enfin pour l’horreur made in Québec. Un hommage aux ouvrières de l’Outaouais qui, il n’y a pas s...i longtemps, ont souffert le martyre pour que l’on puisse profiter de nos bougies parfumées à la vanille. Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.
Transcript
Discussion (0)
Salut, c'est Hugo Meunier, un des meilleurs journalistes et les plus grands auteurs du Québec.
Hugo, le texte!
Ah oui, oui.
Bon, je suis aussi le rédacteur en chef d'Urbania, un média québécois indépendant
qui vous aide à voir le monde différemment.
Notre mission? Vous amener ailleurs.
Abonnez-vous au Micromag sur urbania.ca.
T'as-tu bon?
Oui, oui.
Bienvenue au Balado Urbania.
Balado Urbania.
Bonjour et bienvenue au Pire moment de l'histoire avec Charles Beauchesne.
Le podcast qui foque complètement mes historiques de recherche dans le but de vous exposer les événements les plus glauques de l'histoire.
Puis là maintenant, les sites pornographiques qui me sont suggérés, c'est genre du guillotine sexe.
Et pour être honnête, ce que j'ai vu me déstabilise. Alors aujourd'hui, plutôt que de vous parler d'un meurtre au Saint-Empire romain germanique
ou de la fois où Léonidas et les trois sens parciates se sont fait fourrer par un bossu,
j'ai décidé de rester chez nous dans ce bon vieux Québec.
Et non, c'est pas une tentative de magasiner local pour faire plaisir aux gens qui écrivent
« tôt au Québec, ici, t'es qu'un cop, t'es deux, t'es là », ils ne m'aiment pas beaucoup.
Et ça, même si je suis blanc.
En fait, c'est plutôt par désir de montrer que nous aussi, au Québec,
on peut être de la merde dans
le passé. Et j'ai pas eu à
chercher longtemps non plus, ni très
loin, juste à soulever le tapis chagui brun
de l'histoire pour y retrouver de la moisissure qui
dévalue complètement le condo.
Ouais, ma deuxième passion après l'histoire, c'est l'immobilier.
Plus précisément, aujourd'hui, je
vais vous parler des conditions de travail des
femmes ouvrières pendant la révolution industrielle.
Et c'est un sujet gigantesque si on prend le temps de se rappeler qu'au moment où j'enregistre ce podcast,
les femmes gagnent encore en moyenne moins que les hommes.
Imaginez de quoi ça avait l'air à l'époque où c'était juste des pondeuses de bébés avec un droit de vote plus absent que jamais.
À l'époque industrielle, il y avait donc des femmes exploitées dans les usines de textiles,
des femmes exploitées dans les usines de cigares, des femmes exploitées dans les usines de textile, des femmes exploitées dans les usines de cigare,
des femmes exploitées dans les usines
de boîtes de conserve, des femmes empoisonnées
au radium dans les usines aux États-Unis.
On leur donnait la tâche de
peindre les cadrans phosphorescents des montres
puis on les obligeait à affiner
la pointe de leur pinceau avec leurs lèvres
parce qu'utiliser une débarbouillette
gaspillait trop de ce précieux radium
qui allait radioactivement niquer leur bouche.
Mais n'ayez crainte, le radium s'en est super bien tiré, lui.
Donc, par souci de rester au Québec,
j'ai finalement jeté ma fascination malsaine
sur l'histoire des allumetières.
Et le nom vous a peut-être donné un indice,
elles travaillaient dans le domaine des allumettes.
Fuck top, je sais.
Précisément à empacter les petits bâtons de feu
dans la région de l'Outaouais,
ce qui en fait donc un sujet « doll ».
« Doll » dans le sens de la ville, pas de...
Anyways, ah ouais, swing-moi ce générique-là dans le fond de la boîte à bois
et, si possible, comme s'il s'agissait d'une baccaisse.
Donc avant d'être une région célèbre pour ses fonctionnaires
et son abondance de grosses dindes noires qui pissent ses couches,
l'Outaouais a jadis été une plaque...
Oh, la tabarnak elle va revenir.
L'Outaouais a jadis été une plaque tournante de l'industrie forestière.
Contexte historique!
La ville de Gatineau, anciennement ville de Hull, anciennement Wrightville,
était à l'origine une grande forêt ancestrale où les alggonquins vivaient, chassaient et trapaient.
On pourrait même dire qu'ils tripaient à traper. Hihi.
Jusqu'à ce qu'ils se fassent éventuellement tasser par des colons dans tous les sens du terme
qui, à partir de 1800, vont tous crisser à terre pour se construire des chacques.
Par la suite, arrivent les fameux businessmen du bois
qui envoient les hommes dans les forêts pour bûcher tout ça dans le froid hivernal
quand ils ne sont pas trop occupés à conclure des pactes avec le diable
pour essentiellement aller baiser leur cousine.
Au printemps, on envoyait le bois coupé dans la rivière la plus proche avec les draveurs,
ces gens dont la job pourrait se résumer par
« Regardez, je suis capable de marcher sur un billot qui spine dans l'eau.
Les filles trouvent ça super cool, mais la seconde où je tombe,
ces mêmes billots vont m'empêcher de remonter à la surface
et vous allez me repêcher mort noyé avec la face bleue.
Donc, les billots se rendaient ainsi jusqu'aux usines des géants du bois canadiens et américains.
Et c'est d'ailleurs le début d'une longue tradition de méchants patrons qui parlent anglais.
I don't want Maurice, I want the rocket!
Je comprends rien, man! Dis-moi ce que tu veux, puis je vais le faire!
Évidemment, ce genre d'exploitation du bois se faisait un peu partout au Québec et au Canada, mais dans
la région de Hull, c'était la grande industrie
d'un dénommé Ezra Butler
Eddy. Difficile de dire qu'est-ce
qui est un nom et qu'est-ce qui est un prénom dans tout ça.
Les ouvriers de l'usine d'Ezra Butler
Eddy ramassaient donc
les billots de bois qui flottaient à travers
les cadavres de draveurs un peu trop show-off
pour en faire divers produits tels que
nos chites, des planches de bois, mais également des manches à balais, des pâtes et papiers, les cadavres de draveurs un peu trop show-off pour en faire divers produits tels que, no shit,
des planches de bois, mais également des manches à balais,
des pâtes et papiers, du, j'en suis certain,
très confortable papier de toilette début 1900,
ainsi que des allumettes.
La spécialité d'Ezra Butler Eddy,
le gars qui sonne comme s'il y était trois personnes en même temps.
Mais enfin, M. Eddy, les gens se passent votre papier de toilette entre les fouines d'un océan à l'autre.
Que pouvez-vous bien vouloir de plus?
Certes, mais quand tous ces gens iront aux toilettes, n'auront-ils pas aussi besoin de craquer des allumettes?
Grand Dieu, quel génie des affaires!
C'était en effet un stratagème assez intelligent puisque les Canadiens de l'époque, pauvres ou non,
utilisaient en moyenne 15 allumettes par jour. Fascinant, je sais.
que, pauvre ou non, utilisait en moyenne 15 allumettes par jour.
Fascinant, je sais.
Pour faire des allumettes, il suffisait de dipper des retailles de bois dans les produits chimiques pour obtenir ce bien essentiel dans le monde des pays d'en haut.
Séraphin, je me sens pas bien. Peux-tu aller chercher le docteur?
Viande à chien, Donalda!
Et que tout le sarrazin qu'on mange, moi je garderais de l'argent de côté pour des allumettes.
15! 15, ça sera pas assez, Donalda! Ça sera pas assez! Et faut croire qu'Ezra Butler Eddy a eu une idée lucrative
parce qu'à une certaine époque, 99 % de toutes les allumettes vendues au Canada
étaient produites dans l'usine E.B. Matches.
En 1869, l'usine produit 1,5 million d'allumettes à l'heure.
Ça, les amis, c'est suffisamment d'allumettes
pour qu'une fois collées ensemble,
on obtienne une autre allumette,
mais beaucoup plus grande.
Et quoi de mieux pour empacter tous ces petits bâtons de feu
que les petits doigts agiles des femmes!
Et je déconne pas, c'était vraiment le critère
d'embauche totalement sexiste de l'époque.
Grâce à leurs doigts typiquement féminins, toutes ces femmes feront un excellent travail délicat et féminin.
Après tout, il faut bien les occuper, puisque comme tout le monde le sait, elles sont incapables d'atteindre l'orgasme.
Oui, nous sommes au 19e siècle, c'est le plus féministe que ça devient.
Détail intéressant.
À la base, les gens n'aimaient pas vraiment l'idée que les femmes travaillaient à l'usine, parce que
sexisme old school. Entre autres,
l'Église considère qu'une femme qui travaille
est détournée de sa mission divine
d'évacuer des kids aussi souvent que
Tim Hortons nous sort des fournées d'rocettes au miel.
Pourtant, au Québec, en 1891,
les femmes formaient le cinquième
de la main-d'oeuvre des manufactures.
Et dans les grandes villes comme Québec et Montréal, cette proportion passe au tiers.
Oh merde! La bécoce est encore occupée!
Satanée les femmes! Je savais bien que ça allait être le bordel pour aller aux toilettes!
T'es devant l'armoire à balais, Henri!
Dans les usines de textile, les conditions sont excessivement difficiles.
Le milieu de travail est souvent insalubre, mal aéré, et les ouvrières sont constamment surmenées.
En fait, c'est tellement épouvantable qu'on laisse le choix aux madames d'amener leurs besognes de découpage à la maison
et de se surmener dans le confort de leur foyer, tout en faisant travailler leurs douze enfants qui crient en puant.
Au début, l'usine d'allumettes essaie la même tactique.
Les femmes venaient uniquement récupérer leur lot d'allumettes qu'elles devaient empacter par la suite à la maison.
Mais rapidement, on réalise que c'est une méthode moins
efficace et on rapatrie tout le travail à l'usine.
Parce qu'à la surprise de tous les hommes en position
d'autorité, les femmes étaient plus productives
quand elles n'avaient pas besoin de faire en même temps
le souper, le ménage et raccommoder les fonds
de culottes de tout le monde. Après tout, c'est de ça
que servent les soirs et les fins de semaine.
En plus, ce qui est le fun avec les femmes
de toute époque confondues, c'est qu'on peut les payer
le tiers ou la moitié du salaire d'un homme.
Aviez-vous remarqué?
Selon le ministre du Travail de l'époque,
une femme qui travaillait en usine
ne faisait que 2 ou 3 $ par semaine
en trimant environ 60 heures,
alors qu'un charpentier était payé 3 $ par jour.
Pour les allumetières,
le salaire annuel était de 223 $ en
1910, alors que le salaire annuel
moyen d'un homme était de 354 $.
Et ça, c'est vraiment
merveilleux pour...
les hommes.
Hourra!
C'est nous, les hommes de l'histoire!
Pourquoi l'égalité quand
on peut vous opprimer? Ouais!
Le souper, mieux d'être prêt
Bon pis là je vous entends déjà me dire
Ok, ça va juste être une anecdote d'équité salariale
Boring
Eh bien non, ça c'est juste les bandes-annonces
Avant le main feature de
À quel point c'était de la marre d'être une femme à l'usine d'allumettes au 19e siècle
Déjà c'est amusant de savoir que chaque année chez E.B. Matches
Environ 20 employés meurent dans un accident de travail
La routine quoi
Monsieur, encore un accident de travail. La routine, quoi!
Monsieur, encore un accident à l'usine.
Les vêtements de quelqu'un ont, sans grande surprise, brûlé.
J'imagine qu'ils nous poursuivent?
Pas tout à fait. Ils sont morts.
Eh bien, problème réglé dans ce cas.
On a bien failli avoir l'air de mauvais patrons.
En fait, les accidents font tellement partie du quotidien à l'usine que c'est à peu près aussi prévisible que de se faire demander
si tu préfères une grosse molle ou une petite dure
quand tu travailles dans une crèmerie. Donc,
nos allumetières sont majoritairement
des filles âgées entre 12 et 20 ans
et ce, même si l'âge minimum légal de l'époque
pour travailler en usine était de 14 ans.
Dieu merci, ils ont fait une exception.
On aurait aussi vu des enfants plus jeunes
que 12 ans. C'est juste difficile à prouver
parce que, mystérieusement,
la compagnie ne gardait pas de registre très à jour de tous ces enfants qu'elle n'avait pas le droit de faire travailler.
Horton, c'est vous qui avez le dossier qui répertorie tous les enfants que nous exploitons?
Euh, oui, je viens de finir de le mettre à jour.
Parfait! Quand vous aurez fini, crissez-moi ça dans le feu. Quelqu'un pourrait s'imaginer que nous sommes de mauvais patrons.
Mais les toilettes ne sont-elles donc jamais
libres ici? C'est l'armoire à balais!
Ah oui, c'est vrai. Les boys
allaient constamment pisser là-dedans et c'est pour ça
qu'on l'a barré. Continuez le bon travail!
Les allumettes hier
empaquetent des allumettes 10 heures par jour,
6 jours par semaine. Évidemment, pas le dimanche,
parce qu'il faut aller à l'église te faire dire qu'il faut pas travailler à l'usine
quand t'es une femme. Et malheureusement pour ces travailleuses,
l'empaquetage d'allumettes est calissement dangereux.
Surtout l'été, quand l'air est sec et propice à prendre feu.
Détail dark!
Effectivement, l'été, quand le mercure est trop haut, l'usine doit fermer ses portes parce que les risques d'incendie sont trop élevés.
Quand je dis que les risques sont élevés, ça veut dire encore plus élevés que les habituels 20 incendies par jour chez EB Matches.
Les salles de l'usine où se trouvaient les femmes étaient surchauffées
et d'ailleurs fermées à clé, sans doute pour les protéger du feu.
C'est pourquoi les allumetières gardaient en permanence une éponge mouillée
et un seau d'eau à leur poste de travail,
parce que leur journée se résumait à constamment manipuler des allumettes
qui se frottent contre d'autres allumettes
et peuvent constamment s'allumer et enflammer les autres allumettes autour, dans un endroit
qui brûle plus facilement qu'un briquet à côté du cul.
Fiel à l'incendie!
Ah!
Ah!
Est-ce que tout va bien ici, mesdames?
Au feu! Ouvrez-nous la porte!
Non, non, non, non.
Je ne fais que m'assurer que la porte est bien barrée.
Bonne chance!
Oh, les filles, mauvaise nouvelle!
Il semblerait que le feu soit tellement chaud que les éponges sont inefficaces! Oh, non!
Alors que certaines allumetières sont
veuves ou vieilles filles, bon nombre
d'entre elles travaillent en attendant de se marier.
Ce qui, ironiquement, deviendra de plus en plus
difficile au fur et à mesure qu'elles travaillent chez
EB Matches, en raison de leur fréquente
brûlure au visage, aux mains, et le fait qu'on repère facilement
les allumetières dans la rue parce que leurs cheveux
empestent le souffre.
Ah, Bernadette! Ma parole! Vos cheveux puent de plus en plus!
Ça alors! Et Lucille qui a pris feu pour la troisième fois
aujourd'hui. Espérons que les hommes sauront nous apprécier
pour notre beauté intérieure.
Désolé, Lucille. Je vous renverrai bien à la maison, mais la porte est barrée.
Et comme si c'était pas déjà assez stressant, dans les industries de l'époque, on payait les femmes en fonction de leur rendement, alors que les hommes étaient payés à la
semaine, ce qui impose un rythme de travail tout à fait malboisant. Dans les filatures
de coton, par exemple, une seule femme doit surveiller en moyenne quatre métiers à tisser en même temps.
Et en cas d'erreur, c'est déduit de sa paye de façon plutôt arbitraire par le patron.
Dans les usines de chaussures, les ouvrières étaient payées une scène par semelle,
mais se voyaient retirer quatre scènes pour chaque semelle avec un défaut.
Voilà ce qui arrive à une époque où les gens travaillent en usine à la place de passer leur mat 436.
Personne ne devrait faire de salaire négatif.
Autre détail, Dark.
Quand le rendement des femmes en usine n'était pas au goût du patron
ou que la ponctualité de l'ouvrière laissait à désirer,
les punitions étaient monnaie courante.
Certaines manufactures avaient ce qu'on appelle, de façon tout à fait ludique,
des « black holes », une espèce de cellule d'isolement au sous-sol
où on enfermait les employés fautives.
Mademoiselle, vous aviez 15 minutes de retard ce matin.
Avez-vous une idée de l'argent que vous me faites perdre?
Allez donc passer 4 heures dans le black hole sans pouvoir travailler.
Ça vous apprendra à ne pas travailler.
Un cas célèbre ailleurs au Québec est celui de Georgina Loisel,
une apprentie dans une usine de cigares
qui fut battue par son patron
parce qu'elle avait refusé de faire
100 cigares de plus dans sa journée.
Interrogée par la Commission des normes du travail
de l'époque, faut-il seulement le mentionner,
le patron a simplement répondu que c'était
à la demande des parents qu'il châtiait
ses apprentis
comme un bon père de famille.
Une chance que mes patrons m'ont jamais fait ça,
parce que je serais mal vu recevoir une fessée
de ma supérieure de centre d'appel de 19 ans.
Bref, ça brasse chez les filles de l'usine.
C'est d'ailleurs à cause de ces conditions
de travail sexiste et paternaliste
qu'un des personnages importants de la vie à l'usine,
c'est la contre-maîtresse.
Et non, il ne s'agit pas ici de la fille avec qui tu couches
pour tromper ta maîtresse en criant
échec et mat. Les contre-maîtresses
agissaient à titre de confidentes auprès
des allumetières et les protégeaient
contre les possibles abus des hommes dans
la manufacture. Et quand je dis possible,
je veux dire 100% certain.
Selon les mœurs super progressistes
fin 19e, début 20e siècle,
aller travailler quand t'es une femme,
c'est s'exposer au monde des hommes
et te rendre vulnérable à leurs fantasmes.
En gros, tout le monde avait peur
que les hommes essaient de les baiser
et les contre-maîtresses étaient là pour rappeler
à tout le monde de garder leur dick dans leurs pants.
Et si vous trouvez que les conditions de travail
des allumetières étaient pas suffisamment hostiles,
eh bien, laissez-moi vous parler de ce qu'on appelait
dans le métier le fosija,
ou en termes plus médicals, la nécrose maxillaire.
Ah, by the way, si vous étiez en train de manger, arrêtez de le faire.
Maintenant.
Détail dark!
En effet, les allumetières passaient plusieurs heures à l'usine
exposées aux produits chimiques qui composaient le bout des allumettes,
et plus particulièrement, le phosphore blanc.
C'est un produit dangereux qui agit sur le système nerveux,
et avant 1900, on considérait qu'à cause de cette particularité,
c'était aussi un aphrodisiaque très puissant
s'il était pris en petite quantité.
Mais soyons clairs, c'est surtout un poison mortel
qui causait de la toux, des bronchites, des maux de tête,
des coliques, des douleurs à l'estomac
et une maladie osseuse qui s'attaque directement à la mâchoire.
Quelle surprise!
Chaleur, humidité et produits chimiques ne font pas bon ménage.
Alors, généralement, la nécrose maxillaire s'amorce tranquillose
par quelque chose qui s'apparente à une rage de dents,
suivie beaucoup plus rapidement qu'on pourrait le croire,
d'une enflure aux gencives et à la mâchoire,
assortie d'un nombre assez impressionnant d'abcès de pus jaunes ou bruns,
tapissant l'intérieur de la bouche.
Exactement les couleurs les plus encourageantes en termes de pus.
Suite à quoi, les choses deviennent encore plus un chieur de marde très rapidement,
puisque les mâchoires des malades ont tendance à enfler et se déformer,
causant des douleurs intenses et incessantes,
alors que l'os pourrit de l'intérieur jusqu'à se désagréger.
Je vous rappelle que ça, ça se passe pendant que les femmes sont toujours en vie.
Et ce n'est pas agréable.
Et enfin, feu d'artifice final, les dernières étapes de la maladie.
Une inflammation du cerveau, des convulsions
et des hémorragies tout aussi internes qu'externes.
Mais ne vous inquiétez pas,
toutes les femmes atteintes ne seront des palas.
Certaines seraient mortes en s'étouffant
dans le pu de leur abcès,
alors que d'autres se faisaient amputer une partie
ou la totalité de la mâchoire.
Je sais pas ce qui est pire entre perdre une partie de la mâchoire
ou toute la mâchoire, mais chose certaine,
bonne chance la vie sociale avec un trou d'en face. Oh, seigneur, Lucille, qu'est perdre une partie de la mâchoire ou toute la mâchoire, mais chose certaine, bonne chance la vie sociale avec un trou d'en face.
Oh seigneur, Lucille, qu'est-il arrivé à votre mâchoire?
Et dire qu'on faisait ce métier en attendant un mari.
En Europe, pour lutter contre ce mal qui affligeait les ouvriers,
on leur donnait de quoi se gargariser comme un grand verre de lait.
Ouache, un grand verre de lait.
Un autre truc pratico-pratique de l'époque, c'était d'inhaler de la térébenthine.
Excusez-moi, mais je trouve que le lait,
c'est encore la plus dégueulasse des deux options.
On va également tenter d'éloigner les employés à risque,
souvent ceux avec une mauvaise hygiène buccale
ou des dents carriées,
ce qui élimine beaucoup de gens en 1900,
on va se le dire.
Et dans certaines usines,
on exige même un attaché bienveau partiel,
arrachage préventif de nul autre que toutes les dents ».
C'est moi où les solutions à la nécrose maxillaire
donnent de plus en plus envie de juste avoir la nécrose maxillaire.
À Hull, on rapporte notamment le cas d'Alzire Deschaînes,
une ex-allumetière de 46 ans,
alitée pendant plus de deux ans dans d'horribles souffrances
avant d'être complètement défigurée par l'ablation de
« ces deux mâchoires ravagées par le fos-sidja.
Les deux mâchoires?
C'était pourtant certain que la mâchoire du haut,
c'était le crâne, mais combien de mâchoires s'enlèvent?
Sinon, il y a aussi le cas de Lydia Tremblay, 41 ans,
qui avait fini par s'enlever elle-même
une partie de sa mâchoire ulcérée.
Ce qui est le plus terrible quand t'essayes d'enlever ta mâchoire,
c'est que tu peux pas mordre dans un bâton pendant que tu fais ça.
Il va falloir attendre jusqu'en janvier 1911
pour que William Lyon Mackenzie King,
le gars sur les billets de 50 piastres,
aille à la rencontre de ces allumetières défigurées.
Celui-ci va d'ailleurs tenter de légiférer aux communes
contre l'utilisation du phosphore blanc dans la fabrication ces allumetières défigurées. Celui-ci va d'ailleurs tenter de légiférer aux communes contre l'utilisation du
phosphore blanc dans la fabrication des allumettes
et révéler qu'il y a eu au moins
six décès à Hull des
suites d'empoisonnement au phosphore blanc.
Et ce, seulement en 1910.
Évidemment, on parle ici juste des
morts et on ne compte pas toutes ces femmes
avec la gueule pleine de traits rassurants pus.
En même temps, c'est difficile d'établir
le véritable nombre de victimes de la nécrose maxillaire à Hall
parce que la compagnie préférait ne pas garder
un compte très précis de ses victimes.
Bonne idée.
Et ces dernières, n'ayant pas les revenus suffisants,
évitaient d'aller dans les hôpitaux
et s'enlevaient simplement leur bout de mâchoire
en famille à la maison.
OK, dès que le souper est fini, on le fait.
Détail intéressant!
Pour se motiver à défendre les droits des allumetières,
William Lyon Mackenzie King gardait en tout temps sur son bureau
une mâchoire de femme rongée par la nécrose maxillaire.
J'ai aucune idée dans quelles circonstances on lui a donné ça,
mais chose certaine, ça devait être un bonnet de mémoire
pour éventuellement tweaker les conditions de travail des allumetières.
Enfin, qu'est-ce que c'est que cette mâchoire qui...
Oh oui, c'est vrai, les conditions
de travail des femmes!
J'ai bien failli oublier
parce que je suis Mackenzie King
et j'étais possiblement trop occupé à communiquer
avec le fantôme de ma mère dans une boule de cristal,
à collectionner les ruines de bâtiments
et à demander des conseils politiques
à mes trois chiens terriers qui s'appellent tous
Pat.
Ouais, Mackenzie King.
J'ai véritablement fait toutes ces choses.
Et maintenant, si vous voulez bien m'excuser, il faut que j'aille à un photo shoot pour les billets de 50 piastres.
Enfin, qu'est-ce que c'est que cette mâchoire qui... Oh oui, c'est vrai, les conditions de travail des femmes!
Et à partir de ce moment-là, tout est bien qui finit bien.
En 1914, une loi contre le phosphore blanc entre en vigueur
et les femmes n'auront été exposées aux produits chimiques dangereux que pendant 70 ans,
à une époque où l'espérance de vie, c'était de 49.
Magnifique!
Il était temps. Le Canada était juste 20 ans en retard sur certains pays d'Europe.
Effectivement, l'autre option, le phosphore rouge, était déjà inventé depuis 1870.
La Finlande
avait banni le phosphore blanc depuis
1872 et la France l'a interdit
en 1895. Quand les Français font
quelque chose avant nous, c'est mauvais signe. D'ailleurs, à cause
de l'exposition prolongée au phosphore blanc,
on disait que la laine et l'urine des travailleurs
et travailleuses brillaient dans le noir.
Et moi qui croyais que la situation était dramatique
quand je mange des asperges...
Inutile de vous dire que, face à toute cette shit,
les allumetières vont éventuellement
décider d'en profiter pour mettre
leurs grosses culottes de grand-mère en dentelle
de proto-féministes.
En 1919, la compagnie va effectivement
mettre de l'huile sur le feu,
en essayant d'instaurer encore plus d'heures
de travail dans ce merdier. Et j'en profite pour vous rappeler
que les femmes n'avaient pas encore le statut de personnes aux yeux de la loi
et qu'on considérait que c'était, à proprement parler, des meubles.
Ouvrière mécontente! Ouvrière mécontente! Ouvrière mécontente!
Nom de Dieu, est-ce des femmes qui manifestent en bas ou des tabourets?
Ah, difficile à dire. Je les confonds toujours.
bas ou des tabourets. Difficile à dire, je les confonds toujours.
Qu'à cela ne tienne, elles vont néanmoins finir par fonder la toute nouvelle Association syndicale féminine catholique. Et juste à temps, parce qu'à 12 jours de Noël, la compagnie
décide de tomber en lock-out pour faire pression et les femmes tombent en contregrève. Contre
toute attente, c'est un succès. 48 heures plus tard, la compagnie plie et revoit leurs
exigences, les salaires et reconnaît l'existence
du syndicat. Go meubles!
Tout est bien qui finit bien? Pas tout à fait.
Puisque cinq ans plus tard, en
1924, la Eddie Limited
ignore complètement la convention et annonce
une diminution des salaires. Parce qu'il faut croire
qu'ils pouvaient aussi juste faire
le contraire. Les allumetières
entrent en grève une fois de plus. Évidemment, c'était pas
les seules ouvrières de la province à user de moyens de pression devant les demandes
irréalistes de leurs employeurs. En 1880, au Moulin-Hudon, à Hochelaga, plus de 500
ouvrières réclamaient déjà moins d'heures et de meilleurs salaires. Et rendue en 1900,
la Montréal Cotton avait déjà sept grèves à son actif. J'espère maintenant de tout
cœur que leur slogan, c'était « On n'est pas des cotons ».
Mais ce que le syndicat d'allumatières avait de véritablement spécial,
c'est qu'il était appuyé par le clergé.
Serait-ce parce que la congrégation catholique des Pères Oblats
voulait être de bons alliés et encourager une initiative
où les femmes seraient considérées comme des humains?
Mais bien sûr que non!
On parle ici de l'Église.
Ceux qui ont écrit dans la Bible, Syracide 26,
« Une femme qui sait se taire est à dos du Seigneur. »
En fait, c'était plutôt pour protéger leur vertu.
Hé là là.
Parce que, d'après l'Église, un deuxième quart de travail
empêcherait les femmes d'être à la maison pour s'occuper de leur famille.
Qu'elles n'ont pas, puisqu'il leur manque des morceaux de face suite à tous ces quarts de travail.
Mais il reste que pour ce syndicat,
l'appui de l'Église est vraiment important.
Ce sont entre autres des prêtres comme le père Bonhomme
qui va négocier pour les allumetières.
Je ne veux pas dédramatiser quoi que ce soit,
mais c'est vraiment un nom de prêtre le fun.
Le père Bonhomme.
Donc, je pense que les allumetières
mériteraient de meilleures conditions de travail.
Et une bonne tape sur les fesses si elles sont trop indépendantes.
Oh, père bonhomme!
En fait, le père bonhomme, c'est le représentant masculin du syndicat
qui va représenter les ouvrières accompagnées d'une délégation exclusivement masculine.
Parce que même si elles ont un syndicat,
aucun employeur de l'époque n'accepterait
de négocier quoi que ce soit avec...
une femme!
Le pire, c'est que tout ça avait vraiment commencé dans la bonne direction
avant de redevenir plus misogyne que jamais.
Rajoutez à ça le fait qu'en 1924,
Ezra Butler Eddy va couper
leur salaire de 40 % en refusant
de négocier et de reconnaître le syndicat.
Dans ce qui semblait être une tentative
de revenir à l'époque où tout le monde était
big time abusé. Mais qu'à cela ne tienne,
les annuitières seront menées par la légendaire
Donalda Charon,
porte-parole du syndicat, dans une grève
impressionnante. Oublions pas que
l'usine E.B. Eddy est l'employeur
le plus important de la région.
Patron, les femmes se rebellent!
Ha! Qu'elles aillent au diable!
Je suis capable d'attendre!
Mais la population ne pourra plus allumer des chandelles parfumées
et il y a une vente de feu chez célibataires quétaines et compagnie.
Dieu ait pitié de nos âmes!
C'est un gros dragon à combattre.
Quelques semaines plus tard, un surintendant défie la ligne de piquetage
et cela fait pas mal de marde.
Selon la compagnie, ce sont les femmes qui auraient asseillé sa voiture en premier,
alors que les informations venant du camp des allumetières
semblent plutôt édiquer que le surintendant en question
aurait ordonné à son chauffeur de foncer sur elle.
On s'entend qu'il y en a un qui fait plus peur que l'autre.
Heureusement, personne ne va perdre la vie, mais la tension monte.
Les allumetières ont désormais le support de la population
ainsi que celui des commerçants des alentours qui leur amènent des vivres et des encouragements.
Même la ville de Hull doit intervenir dans le conflit.
Ouvrière mécontente! Ouvrière mécontente! Ouvrière mécontente!
Parole, qu'est-ce qu'ils font devant l'usine? Ils synchronisent leurs règles?
En fait, sans leur salaire régulier, les familles ne pourront jamais payer leurs impôts.
Mon Dieu, appuyons-les immédiatement! J'étais le premier à vouloir les appuyer!
Heureusement, après trois mois de grève chez EB Matches,
les messieurs arrivent finalement à une entente verbale au sujet des madames,
mettant fin à la grève des allumetières.
Évidemment, vous vous en doutiez dès que j'ai dit « entente verbale »,
aucune des conditions ne seront respectées.
Surprise!
Les femmes ne gagneront pas au change et les
contre-maîtresses seront renvoyées, surtout la
chef syndicale Donald Charon, dont la
compagnie veut la tête. Elle va se retrouver
sans emploi, sans mari, fin
trentaine dans les années 1920, perdre
une jambe dans un accident de tramway et mourir
dans l'oubli. Du côté des allumetières,
les conditions de travail ne seront pas améliorées
tant que ça. On va dissoudre le syndicat
des femmes et envoyer le père bonhomme dans le Grand Nord,
qui deviendra ici le père bonhomme de neige.
En tout cas, moi, je me suis trouvé vraiment malin sur celle-là.
Ça m'apprendra à aider les femmes.
Au moins, ici, je vais clairement faire une différence positive
dans la vie de tous ces autochtones.
Quatre ans plus tard, la compagnie va être vendue à des Britanniques, l'usine va être déménagée
en Ontario et toutes les allumetières
vont perdre leur emploi. Fin.
Pourquoi vous attendiez à ce que ça finisse bien?
Vous déjà écoutez ce podcast?
C'est encore difficile aujourd'hui de connaître
le nombre exact d'allumetières qui ont vécu
et travaillé en Outaouais. Combien sont mortes
des causes du phosphore blanc,
combien d'employés mineurs il y avait dans l'usine, etc.
Les compagnies comme ça gardent rarement des documents et des archives prouvant à quel point
ils ont été de la pisse en bouteille.
En plus, avec la conception qu'on avait des femmes à l'époque,
plusieurs familles cachaient aux agents du recensement
l'existence de travailleuses dans le foyer familial
pour éviter la honte d'être associée
à une courailleuse de salaire.
La fin du 19e siècle et pas mal la totalité du 20e
ont été le lieu de plusieurs moments charnières
dans la reconnaissance des droits des femmes.
Un combat qui, manifestement, ne se fait pas du jour au lendemain.
Un combat qui nous suit aujourd'hui encore
dans notre belle société confortable du 21e siècle
où cette fameuse parité semble être chaque jour
un peu plus en retard au 5 à 7.
C'était les pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne.
Et le cauchemar se poursuit dans un prochain épisode. C. Au texte et à la recherche, Charles Beauchesne, Audrey Rousseau et François de Grandpré.
Les auteurs remercient également Kathleen Durocher pour son aide précieuse.
Pour Urbania, à la réalisation, Barbara-Judith Caron.
Au montage, Lucie Fournaison.
Producteur exécutif, Raphaël Huysmans et Philippe Lamarre.
Les pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne est une production d'Urbania.
Vous venez d'écouter
un podcast Urbania.