Les Pires Moments de l'Histoire - Les asiles victoriens
Episode Date: December 21, 2021En enfer, pas besoin de carte d’assurance maladie. Dans les hôpitaux psychiatriques de l’époque victorienne non plus. D’ailleurs, Charles vous y attend pour une effroyable visite guidée, à u...n moment de l’histoire où la folie se traitait par essai-horreur. De la lobotomie aux électrochocs en passant par les « tours à fous » : bienvenue à l’asile. Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.
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Salut, c'est Hugo Meunier, un des meilleurs journalistes et plus grands auteurs du Québec.
Hugo, le texte!
Ah oui, oui.
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qui vous aide à voir le monde différemment.
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Balado Urbania.
Bonsoir, mes petits enjoufflus de peinture de la Renaissance.
C'est une fois de plus le moment de trouver refuge dans le réconfortant giron des pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne,
le podcast historique qui vous rappelle que l'humanité est un perpétuel recommencement avec des téléphones de plus en plus petits avant de redevenir inexplicablement de plus en plus gros.
Mon Dieu, j'ai hâte de voir comment cette intro-là va vivre.
Bref, parlant d'aliénation, ça tombe bien
parce qu'aujourd'hui, je me penche sur la petite histoire
des asiles psychiatriques.
Ces endroits sinistres où on enfermait
tous les gens qu'on jugeait trop dérangés
pour vivre en société
et leur influence sur, en tout cas, j'allais dire
la médecine, mais...
Vous allez voir que c'est pas tout à fait ça.
Oui, je sais que le titre de l'épisode, c'est techniquement
les asiles victoriens, comme dans
Chapeau de forme, corset, calèche, monocle,
folklore gothique, puis genre
Jack l'éventreur qui boit de l'absinthe
en regardant Arsène Lupin qui
French Dracula qui French Sherlock Holmes, pendant
que Watson essaie désespérément de combattre
des problèmes érectiles pour avoir un petit peu d'action lui aussi.
En fait, l'idée qu'on a des asiles victoriens
est un autre cliché de cette bonne vieille culture populaire.
Puis je comptais capitaliser là-dessus
pour m'attirer un petit peu de cette fameuse clientèle steampunk,
alias ceux qui font vivre à eux seuls le marché de la montre de poche.
Vous serez surpris à quel point il y a beaucoup de monde dans mon fanbase
qui aime se déguiser en femme de chambre sexy
ou en vieille horloger également sexy pour des raisons qui m'échappent.
Je vous assure, vous n'êtes pas les plus weirdos à me suivre.
La vérité, c'est que la plupart des pratiques les plus effroyables
qu'on associe aux asiles victoriens ont généralement soit pas du tout existé,
soit elles ont sévi après la période dite victorienne
ou encore dans des endroits loin de l'Angleterre
et de tout ce qui a un lien avec la Reine Victoria.
Néanmoins, pour tous ceux qui trouvent qu'un épisode
sur les balbutiements de la psychiatrie, c'est pas assez glauque à leur goût,
eh bien, soyez sans crainte,
on s'apprête quand même à parler de la période où on a essayé de guérir les troubles psychiques
par essais-erreurs, ou devrais-je dire par erreur-erreurs.
Un moment dans l'histoire où la cocaïne se vendait en pharmacie
et on ne jurait que par les bienfaits miraculeux du radium
dans la pâte à dents, le chocolat et les capotes.
Et quoi de plus inquiétant qu'avoir du radium directement sur la queue?
Donc, on parlera peut-être pas de chambres capitonnées
ou de geôliers avec des cages autour de la tête
pour se protéger de gens eux-mêmes dans des cages,
mais si vous êtes fins, je vous parle de lobotomie.
Vous avez déjà écouté ça, vous, des vidéos de lobotomie?
Vous seriez surpris de voir à quel point
ça n'en prend pas tant pour que ce soit pas mal
le seul programme proche tout cinéma de répertoire
de l'intérieur de tes paupières quand tu fermes les yeux.
Alors, c'est parti pour un saut directement dans le terrier du lapin
et le monde fou-fou-fou des asiles victoriens.
Par le générique!
Ah ouais, le monde fou-fou-fou des asiles.
J'ai décidé d'aller pour ce segway-là, moi.
Eh bien, qu'est-ce que je suis en train de devenir?
Ce qu'on appelait à l'époque les fous, les folles ou encore les malades mentaux
regroupait un paquet de monde.
Les gens avec des problèmes de santé mentale,
ceux avec des déficiences intellectuelles,
des gens en burn-out
ou les gens qui tombaient juste un petit peu trop souvent dans la lune.
Mettons que ça ratissait large et que c'était aussi un genre de fourre-tout
pour les comportements qu'on ne comprenait pas vraiment.
Pour ma part, je vais faire un effort de plus que les psychiatres de l'époque
en évitant les expressions comme zinzin, maboule et frappadingue.
Ça ne rendra pas le sujet plus léger.
Contexte historique.
Évidemment, c'est un petit peu difficile
de retracer exactement l'arrivée
du premier asile à proprement parler.
C'est probablement parce que ça a pris un certain ébout de temps
avant qu'on comprenne ou même qu'on considère
les troubles de santé mentale comme autre chose
que des démons qui font une file de limbo dans ta tête.
troubles de santé mentale comme autre chose que des démons qui font une file de limbo dans ta tête.
Par exemple, en Antiquité, le consensus, c'était que tout comportement bizarre est le résultat d'une manifestation divine quelconque.
Genre, les malades mentaux ont été inventés par Zeus parce que ça le faisait beaucoup rire de voir du monde capoter.
Intéressant.
Éventuellement, au 4e siècle avant Jésus-Christ,
c'est Hippocrate, un médecin grec,
qui va nuancer un petit peu tout ça, mais pas trop quand même.
Il va juste identifier certains troubles de santé mentale,
tels que la mélancolie, la manie,
et surtout, l'hystérie,
un soi-disant trouble typiquement féminin,
provoqué, selon lui, par... le déplacement de l'utérus dans le corps de la femme »
« Mais bien sûr, la réponse était devant nous »
« Les éclairs dans le ciel sont en fait fabriqués par ces cyclones »
« Mon grec, mon grec, mon grec, mon grec »
En Europe occidentale, on doit attendre 1407 pour que le Bethlehem Royal Hospital de Londres
devienne le premier hôpital à s'occuper des gens accablés par les troubles de santé mentale.
Cependant, selon certains historiens, il y aurait eu des asiles dès le début du Moyen-Âge au Moyen-Orient.
Oui, je suis conscient que Moyen-Âge au Moyen-Orient, ça sonne vraiment moyen.
Ça doit être pour ça qu'on n'en parle jamais dans les cours d'histoire.
Ça ou parce que nos cours d'histoire semblent oublier qu'il y a eu d'autres continents que l'Europe.
Du côté de l'Europe maintenant, pendant le Moyen-Âge à saveur vanille,
les gens ayant des troubles de santé mentale ou des déficiences intellectuelles
étaient normalement pris en charge par leur famille.
Quand même toute une responsabilité additionnelle à une époque
où ne pas mourir stupidement pour toutes sortes de raisons médiévales
était même pour les gens en pleine santé une surprise agréable.
Et pour tous les fous sans famille,
dans les grands levées,
ou dans les petits villages,
qui n'avaient pas le luxe de se joindre
à un cirque, avec des chiens,
un singe et un vieil homme,
qui vont tous mourir d'épisode en épisode
et perturber toute une génération.
Bref, ce monde-là se retrouvait
soit en prison,
soit à l'hôpital, ou même parfois dans ce qu'on appelait les tours à fous.
Et ça, c'est aussi relaxant que ça en a l'air.
Détail dark.
C'était le cas de la ville de Caen,
la place qui tripe sur les trips,
ce gag culinaire complètement obscur
qui va faire plaisir à genre deux personnes maximum.
Bref, Caen, cette ville de Normandie,
a abrité pendant plusieurs siècles la tour Chastimoine,
où on entreposait ce qu'on appelait à l'époque les aliénés et les nécessiteux,
dans des cages avec espoir que le problème se résorbe de lui-même.
Effectivement, les prisonniers les plus hostiles étaient placés dans des trous en forme de personnes,
à même le mur qu'on refermait avec une porte dont les gonds étaient scellés dans le mur,
donc designés pour ne jamais s'ouvrir une autre fois,
tout ce équipé d'une ergonomique trappe pour le cul.
Génial!
Au début des années 1700 en Angleterre, on voit l'apparition de plus en plus de maisons de fous privées
où les riches pouvaient cacher ce membre de la famille gênant
dans un endroit où c'est pas grave s'il brise une coupe de meubles.
C'est aussi une façon pour la noblesse, qui se targuait d'avoir du sang pur,
de cacher les membres de la famille avec des maladies super congénitales.
Bref, ça donnait lieu à ce que certains appellent le commerce de la folie,
ce qui est une twist très marketing pour décrire un service où tu fais juste payer un doute
qui te débarrasse de quiconque pourrait soulever beaucoup de questions quand tu as de la visite.
Ça alors, mon cousin Victor persiste à se promener nu-couille devant mon magasin de sous-vêtements
en créant enfin libérer de cette prison de coton ».
C'est très mauvais pour les affaires, ça.
Si seulement je pouvais faire comme d'habitude et garrocher de l'argent sur le problème jusqu'à ce qu'il disparaisse.
Parfait. Dans ce cas, laissez-le-moi.
Pour le bon prix, je saurais bien m'en occuper, si vous voyez ce que je veux dire.
Ok, mais ça reste mon cousin quand même. Sera-t-il logé et soigné adéquatement?
Allez-vous venir le visiter?
Probablement pas, non.
Alors je vous jure que nous en prendrons bien soin.
Vous êtes quoi au juste? Un genre de reptile?
Ces maisons-là étaient aussi une excellente façon de se débarrasser de son épouse quand elle ne faisait plus l'affaire.
Allez, suivez-moi, Victor. Je vais vous conduire jusqu'à votre chambre.
Eh, monsieur, vous n'auriez pas, par hasard, un prix au volume?
Vous pourriez emmener mon cousin et ma femme.
Elles ne semblent jamais heureuses en ma présence et je suis persuadé qu'elle est folle.
Comme toutes mes ex, d'ailleurs.
Ha! Ha! Right? Right? Right? Right?
En Occident, ce n'est pas avant le 18e et le 19e siècle qu'on va voir l'arrivée des asiles pour les masses
et ça coïncide étrangement avec l'essor de la révolution industrielle.
La révolution industrielle, grosso modo,
c'est ce moment dans l'histoire où on s'est mis à inventer
les usines. Les villes s'étendent,
elles deviennent de plus en plus populeuses et on a rapidement
besoin d'un endroit où mettre tous ces pauvres gens
qui n'entreposent adéquatement dans l'engrenage
de la productivité. Ça tombe aussi pile-poil
avec ce moment où la science fait des bonds de géants,
ce qui a trait au traitement de la folie.
Parce que la priorité du moment, c'est de traiter
les gens fous sans se questionner
si justement, ce serait pas ce satané travail
et l'usine qui finit par devenir aliénant.
Le nid est dans la branche, la branche est dans l'arbre,
l'arbre est en chemin vers une usine de pâte
et papier quelconque. La révolution industrielle,
l'arrêt d'on l'arrêt des...
détails d'arc.
Au 18e et au 19e siècle,
en plus des gens qui souffrent bel et bien de problèmes de santé mentale,
on a tendance à qualifier de fou n'importe qui s'écarte de la norme et slash ou s'oppose au pouvoir politique en place.
Majoritairement blanc et masculin.
Tiens, tiens.
C'est donc une très mauvaise nouvelle pour les femmes.
L'asile devient effectivement très vite une arme pour maintenir le statu quo
et à l'époque, quand une femme critiquait ouvertement les hommes et la politique,
on pouvait l'enfermer sous prétexte qu'elle souffrait d'un terrifiant cas de...
Politicomanie!
Et je vous rappelle qu'avec nous, vous aurez un gouvernement à l'image de vos sièges de toilettes.
Toujours debout!
Je ne suis pas d'accord.
Mais enfin, qu'est-ce que...
Hé!
Mais enfin, qu'est-ce que... Hé!
On croyait, entre autres, qu'une femme qui savait se taire
était en harmonie avec sa nature et s'évitait la souffrance.
Alors, on diagnostiquait plutôt rapidement la maladie mentale
chez une femme avec des comportements qui n'étaient pas ceux attendus
d'une bonne participante à la vie domestique,
incluant tout et n'importe quoi, un oui, un non, un regard coquin pour la voisine,
saut de dumeur, SPM, post-partum.
Ah, chérie, j'ai une fin de loup.
Content de voir que tu nous prépares un délicieux poulet.
Non, c'est du poisson.
Éventuellement, on voit l'arrivée d'Hôpitaux pour Lunatique,
financée par les fonds publics, histoire d'aider tous ces pauvres fous
qui n'avaient pas le luxe d'être un désagrément dans une famille bien hantie.
Cela dit, dans un contexte où les gens envoyés dans les maisons privées
étaient maltraités, je vous laisse imaginer de quoi ça pouvait avoir l'air
dans les endroits où le staff était lui-même pauvre et sans ressources.
Ouais, finalement, j'ai décidé de pas vous laisser l'imaginer
puis de vous prendre par la main.
Détail dark. Dans ces établissements, tout le monde dormai décidé de pas vous laisser l'imaginer puis de vous prendre par la main. Détail dark.
Dans ces établissements, tout le monde dormait sur de la paille,
l'affaire piquante qui pue même quand c'est frais coupé.
Certains patients passaient leur journée nus,
d'autres en camisole de force ou enchaînés pour ne pas se blesser,
blesser les autres ou encore être sexuellement inappropriés.
Le genre d'ambiance que tu peux pas juste régler
avec un jeudi pizza à la cafétéria.
Ouais, là, pensez pas une seconde que ça se passait bien, bien mieux
de notre côté de l'Atlantique. Aux États-Unis, c'est en 1765
qu'on construit le premier hôpital psychiatrique
à Philadelphie. L'hôpital qui servait à la fois
de prison, de salle de spectacle
et de zoo dans lequel on pouvait venir
admirer les fous en famille.
Papa, papa, dépêche-toi, je veux voir l'oncle des fous,
je veux voir l'oncle des fous, papa! Ha, ha, ha! Bon, enfin, fiston, les f, je veux voir l'enclos des fous, je veux voir l'enclos des fous, papa!
Bon, enfin, fiston, les fous ne vont pas s'envoler.
Tiens, il y en a justement un, ici.
Papa, papa, il bouge pas, papa, fais-le bouger, papa!
Effectivement, ils l'ont attaché.
Peut-être qu'en cognant sur la vitre...
Papa, papa, papa, tout ce qu'ils font, c'est dormir!
Tiens, regarde celui-ci, il est bel et bien réveillé.
Oh, mais c'est parce qu'il est en train de se masturber.
Allons plutôt voir celui-ci.
Non, lui aussi.
Peut-être que celui-là, non.
Non, il se masturbe encore plus furieusement que tous les autres.
Je savais bien qu'on aurait dû aller à l'asile des femmes.
Qui aurait cru qu'aller voir un zoo de fous aurait été aussi peu family friendly.
C'est ce qu'on a l'eau.
Donc, à faire un petit pit-stop au 18e siècle,
profitons-en pour aborder ce qu'on appelle
le siècle des Lumières,
c'est-à-dire une période d'effervescence philosophique,
scientifique, culturelle et sociale,
en plus de sonner comme le titre du prochain show
de Robert Lepage, maintenant qu'on lui a suggéré
d'y aller mollo sur l'appropriation culturelle.
Avec le siècle des Lumières vient donc un changement
de mentalité face aux problèmes de santé mentale.
On considère désormais que ce sont des problèmes
qu'on devrait traiter avec empathie et compassion dans l'espoir d'un rétablissement... de mettre ces mesures-là en place. Ha! Ha! Ha! Beau travail, mes amis! Pouvez-vous croire
qu'en un seul après-midi, nous avons réglé
le problème de la folie pour toujours?
Pour toujours!
Allons maintenant nous taper dans le dos
en buvant du Beaujolais au goulot pour nous récompenser
de notre grosse journée de siècle des Lumières.
Un, deux, trois...
Siècle des Lumières!
C'est ce genre de pensée progressiste
qui a mené, entre autres,
à l'éventuelle institutionnalisation des asiles en Angleterre
grâce au County Asylum Act de 1808.
Cet article de loi qui permet aux magistrats anglais
de faire bâtir des asiles de comté gérés par l'État.
Par contre, presque personne va le faire
avant qu'on publie un autre County Asylum Act en 1845,
37 ans plus tard.
By the way, là, on est dans la période victorienne.
Youpi.
Détail intéressant.
Le County Asylum Act de 1845 est passé en même temps que le Lunacy Act.
Je peux toujours pas croire qu'aucun groupe de screamos des années 2000 a pensé à voler ce nom-là.
Shut the door, it's the Lunacy Act!
Blah, blah, blah, blah, blah, blah, blah, blah!
Le screamo, right?
C'est par le Lunacy Act de 1845
qu'on définit finalement les aliénés
comme des patients et pas juste comme des
détraqués qu'on traite avec le détachement
de ceux qui essayent de récupérer une fougère molle
qui n'a pas été arrosée pendant deux semaines au chalet.
Ah non, ma fougère préférée!
Ben juste venez deux arrosoirs dedans,
puis il y arrivera ce qui arrivera.
Aux États-Unis, on a passé une loi
pour la création des asiles d'État en 1842,
mais il faut attendre 1850 avant l'ouverture du premier,
le Utica State Hospital à New York.
Et pour ceux qui trouvent que huit ans,
c'est long pour bâtir un hôpital,
je vous rappelle que le projet pour le CHUM à Montréal
a été constitué en 1995
et que l'hôpital a été ouvert qu'en 2017.
Je sais qu'on dirait que je vais partir sur un speech de Jean-Luc Mongrain sur le gouvernement pis nos taxes,
mais non, je me suis juste commis à ce ton-là sans savoir où ma phrase allait finir
pis je sais pas trop quoi faire de ça finalement.
Détail intéressant.
Local.
Pour ceux que ça intéresse, le premier asile du Québec fut ouvert en 1839 dans la prison de Bordeaux,
comme si c'était pour leur rappeler que non, non, c'est pas une prison, même si c'est bel et bien la même chose qu'être en prison.
Donc on a finalement des asiles psychiatriques qui ouvrent un petit peu partout pour accommoder la population grandissante de gens avec des besoins en termes de santé mentale.
En fait, pendant la première moitié du 19e siècle, le nombre de patients d'asile aurait bondi d'un humble 927 % aux États-Unis
et de façon similaire en Angleterre et en Allemagne.
Ça commence à faire beaucoup de coucous pour très peu de petites horloges en forme de chalet.
Avec ces nouveaux fabuleux asiles qui abritent souvent jusqu'au double de leur capacité maximale,
ça devient un petit peu inévitable que quelqu'un coupe les coins ronds
à quelque part dans cette patente-là.
Le problème, c'est qu'il y avait peu de chances que les choses s'améliorent pour les patients
vu que la société victorienne se ferme collectivement les yeux
et se fait croire que d'envoyer les gens à l'asile, c'est une solution facile
comme les estides de l'héros qui abandonnent leur chien en deux déménagements.
Mais y aura-t-il quelqu'un pour dénoncer tout ça?
Oui!
Une femme! Nellie Bly,
une journaliste de 23 ans du New York World qui avait pas l'intention qu'on la relègue à la
section des madames de l'époque à écrire le top 10 des gaines de soutien pour se trouver un mari.
En fait, Nellie Bly était une pionnière du journalisme fonce dans le tas qui voulait écrire
sur la politique et les droits de la personne et c'est pour ça que sur la plupart de ses photos,
on la voit avec ce visage sévère de femme qui joue du coude dans un monde d'hommes à une époque où
personne souriait ses photos parce qu'il fallait garder la pose genre Milan.
En 1887, Miss Bly décide donc de se faire interner pour dix jours à l'asile de Blackwell's
Island à New York pour enquêter sur des rumeurs de maltraitance dans l'aile des femmes.
En effet, difficile de confirmer quoi que ce soit
parce que personne ne sort vivant de Blackwell's Island.
Ce qui est déjà un gros esti de Red Flag tant qu'à moi.
Sa stratégie pour se faire interner?
Se prendre une chambre dans une pension pour femmes
et faire des faces de folle jusqu'à ce qu'on appelle la police.
Oui, oui, en faisant des grimaces.
C'était aussi simple que ça, se faire interner au 19e siècle.
Bref, dès sa première nuit, elle réussit à convaincre tout le monde
de son dangereux déséquilibre mental
en refusant de se coucher à la même heure que les autres.
Un acte d'une telle rébellion
que sa voisine de chambre en aurait fait un cauchemar.
Elle me fixait avec ses yeux démons
de personne qui n'est pas vraiment assez fatiguée
pour aller se coucher tout de suite.
Il était pourtant 20h30, c'était affreux!
Il était pourtant 20h30, c'était affreux!
Le lendemain matin, Nelly est promptement livrée à la police et on la présente à des médecins qui lui posent quelques questions pas très pertinentes du genre.
Où est votre mari?
Non, pas de mari.
Votre frère, un cousin peut-être, un voisin de confiance.
Écoutez, êtes-vous vraiment certaine qu'un homme ne peut pas simplement venir vous chercher Marie, votre frère, un cousin peut-être, un voisin de confiance.
Écoutez, êtes-vous vraiment certaine qu'un homme ne peut pas simplement venir vous chercher?
Un professeur peut-être?
Avez-vous échangé un regard avec un monsieur dans le métro récemment?
Attendez, j'ai une idée.
Bonjour, population de New York.
Y a-t-il un homme qui pourrait prendre en charge cette meuf?
Malheureusement pour ses médecins, Nellie Bly s'entêtait à répondre la même chose.
Je suis seule et tout ce que je veux, c'est retrouver ma valise.
Mais vous voyez bien qu'elle est complètement hystérique.
Peut-être qu'un homme a en main sa valise.
Attendez, j'ai une idée. Population de New York, nous sommes maintenant à la recherche d'une valise.
Après cet interrogatoire,
les médecins déclarent qu'elle est atteinte d'une folie
tout simplement intraitable et l'envoient
à l'asile en moins de temps que ça en prend pour dire
« Je suis seul et tout ce que je veux, c'est retrouver
ma valise. » Sérieusement, il faut faire
des t-shirts avec ça. Une fois à l'asile,
Nelly constate que les conditions sont bel et bien
terrifiantes, la nourriture est à peine
mangeable, la viande est avariée, le pain est noir
et le beurre redéfinit la notion même de date de péremption.
Il y a un bain, seulement deux serviettes pour 45 patientes
et même pas de mousse!
Les employés refusent de chauffer la bâtisse tant qu'on
n'est pas rendus dans le cul de l'hiver et les couvertures
fournies pour dormir sont trop courtes.
Impossible de ne pas geler soit des pieds ou des boobs.
Et quand Nelly plaide pour qu'on lui donne
de la literie convenable, elle se fait répondre
qu'elle devrait pas s'attendre à avoir du bon service
dans une institution publique, ce qui est,
quand on y pense, un argument très rationnel
adressé à des gens qui ont supposément plus toute leur tête.
Détail dark.
Chacune des chambres réservées aux patientes
était verrouillée à clé, ce qui signifie
qu'en cas d'incendie, il fallait ouvrir
chacune des portes à mitaines.
Mais bon sang, que faites-vous? L'édifice brûle!
Justement, nous devons libérer les patientes.
Bon, pas cette clé-là.
C'est la clé de mon casier.
Cadenas de vélo.
Attendez, ne paniquez pas, mesdames.
Nous sommes dans une institution publique.
Celle-là, c'est pour ouvrir mon journal intime.
Autant dire que les chances qu'une patiente s'en sorte étaient peu élevées.
En plus, les employés et les infirmières étaient excessivement cruels avec les femmes internées.
On n'hésitait pas à les battre ou à les étrangler à la moindre incartade pour leur faire perdre connaissance.
On pouvait aussi les attacher, leur cracher dans les oreilles, leur arracher les cheveux,
fait qu'avoir une grande grande soeur, finalement.
Pas vrai, les filles!
Quand une femme avait un malaise, on la ramenait à l'ordre
en lui pinçant le sourcil.
Vous savez, ce petit remontant bien connu.
Aucune activité thérapeutique était vraiment proposée,
à part que tous les jours, les patientes étaient forcées
de s'asseoir le dos droit sur des chaises dures
pendant des heures sans rien dire,
puis on les réprimandait s'ils essayaient
de changer de position pour être plus confortables.
Nelly dira d'ailleurs plus tard...
Quoi d'autre à part la torture produirait
la folie plus rapidement que ces traitements?
Chut! Vous! Restez droites!
Il reste encore une heure à la période
de chaises! Les femmes considérées
comme dangereuses ou suicidaires étaient
attachées ensemble par la taille et devaient
se promener comme une espèce de longue chenille
aux personnalités multiples, certaines ayant d'ailleurs même leur propre personnalité
multiple. Si on avait besoin de calmer les patientes, on leur injectait des quantités
super approximatives de morphine ou on leur faisait boire du laudanum, cette espèce de
vin d'opium victorien qu'on utilisait pour les faire partir sur un trip d'opium. Question
d'avoir la paix deux minutes. Un trip d'opium, c'est quand même un gros après-midi.
À certaines occasions, l'héricalcitrante est envoyée dans ce qu'on appelle une retraite fermée.
Allons, allons, je crois que le moment est venu pour faire un petit séjour en retraite fermée.
Ah, ça alors, ça sonne vraiment apaisant pour mon esprit troublé.
C'est-à-dire se faire amener dans un segment isolé de l'asile pour se faire mettre un drosse à la tête, pitcher dans un bain puis battre à coups de balai.
Détail intéressant.
Selon ce qu'on raconte, les asiles anglais étaient dans certains cas du moins un légumes, leur donnant accès à une bien meilleure diète que l'alimentation
de style déjeuner continental décevant
de la plupart des travailleurs de l'époque industrielle
qui devaient se contenter de galettes
d'avoine et de bacon bouillis.
C'était pas rare non plus de voir
les asiles brasser leur propre bière.
Ouf!
Vous êtes certains que ce qui manquait dans cette équation-là,
c'est de la bière?
Effectivement, la bière était
parfois un pivot incontournable de la vie
d'asile. On donnait des rations quotidiennes
de bière aux patients
en les menaçant de leur enlever leur privilège
de bière s'ils refusaient
d'aider aux tâches quotidiennes à l'asile.
On allait même jusqu'à payer le staff
en bière, exactement
comme dans un bar où on organise des soirées
de stand-up et ça commence à faire
beaucoup de bière pour un endroit où on veut
éviter que le monde se batte.
En fait, à cette époque-là, on considérait que l'alcool
avait des propriétés médicinales et on le prescrivait
pour plein d'affaires, comme par exemple aux gens
souffrant de mélancolie, une de ces fameuses
situations où on a de la misère à voir,
où le problème commence et où la solution finit.
Un des trucs que marquait Nellie Bly
lors de son séjour, c'est que plusieurs des patientes de l'asile
semblaient même pas spécialement affligées par la maladie mentale.
C'était principalement des femmes pauvres,
abandonnées par leur famille,
ou simplement des femmes qui ne parlaient pas assez bien anglais
pour convaincre le staff qu'elles étaient pas folles.
Just tell us if you're crazy, yes or no.
Je ne suis pas folle.
Pure gibberish. She's crazy, I tell you. Crazy! D'ailleurs, à partir du moment où elle a été institutionnalisée,
Nellie Bly ne jouait plus du tout la folie.
Puis il est arrivé ce fameux truc où plus elle avait l'air d'être saine d'esprit,
plus on s'imaginait que c'était parce qu'elle était folle.
On appelle ça le biais de la folie.
C'est-à-dire que les gens de l'asile présumaient que si t'es là, c'est parce que t'es folle,
donc tout ce que tu dis passe forcément par le filtre de ta démence.
Peu importe à quel point ce que tu dis a l'air posé et logique.
Et c'est plutôt frustrant.
Finalement, après dix jours, Nelly est libérée, comme prévu, par son éditeur,
nul autre que Joseph Pulitzer, avant qu'il devienne un prix.
Détail intéressant.
Tout ce que Pulitzer a eu à faire pour libérer Nelly, c'est de
se présenter à l'accueil et dire
Bonjour, je suis un homme et je viens
chercher cette femme. Parfait!
Euh, vous ne voulez pas
savoir qui je suis?
Bouf! Joseph Poulitzer.
Oui, oui, peu importe.
Qu'est-ce que vous voulez? Un prix?
Un moment de soulagement pour Nelly parce que quand on y pense,
les choses auraient pu être très différentes, advenant une crise
cardiaque mal timée pour son boss cette fin de semaine-là.
Le dossier qu'elle écrit pour le New York World en sortant
a effectivement l'effet d'une bombe, effet boule
de neige qui n'amasse pas mousse, au point où la ville
de New York décidera d'augmenter son budget pour
les asiles publics de 1 million de dollars
en argent de 1887,
l'année où ça coûtait
72,15 pour s'acheter un cheval.
C'est pas une joke, j'ai vérifié.
Bref, tout est bien qui finit bien,
si on fait abstraction du fait que Nelly est sortie de là
avec une sévère dépression,
puis que pendant l'enquête, suivant son séjour à Blackwell's,
on a tenté de la faire passer pour une satané menteuse
en servant du pain frais aux patients,
tout en s'étant préalablement débarrassée
de toutes les femmes avec qui elle s'était liée d'amitié,
comme si elles avaient tout simplement jamais existé.
Nous avons même retrouvé votre valise.
Regardez. En fait, il n Nous avons même retrouvé votre valise. Regardez.
En fait, il n'y a jamais eu de valise.
Et ce qu'il y a de plus inquiétant dans tout ça, c'est que notre cher journaliste a essentiellement vécu une expérience d'asile psychiatrique
somme toute assez soft. Il y avait tellement pire.
Faut se rappeler que dans ces asiles, travaillaient des médecins psychiatres
qui ont comme objectif de comprendre et traiter les maladies mentales.
Et ce, avec un stock inépuisable de cobayes
sans aucune surveillance gouvernementale.
Bref, mesdames et messieurs, le moment que vous attendiez tous...
La liste malbosante des traitements expérimentaux
de la maladie mentale qui nous rappelle
que même quand on essaie d'aider, on est les pires!
Tout d'abord, il y avait le bain surprise,
qui, comme son nom l'indique si bien,
consistait à pousser un patient dans un bain d'eau glacée
à son insu et à répétition.
La logique derrière ça, outre de pouvoir dire...
Bain surprise! Ha! Ha!
...et que le choc thermique était tellement violent
que c'était censé rebooter le cerveau des malades.
Quand ton plan de traitement, c'est le même
que le doute blasé du service chez Apple
qui te demande « Avez-vous essayé de redémarrer votre ordinateur? »
Ça pouvait dans les deux cas être très très long.
Une autre invention qui semble beaucoup plus proche de la torture que de la thérapie,
le girator.
Le nom sonne comme un des manèges dangereux dans un carnaval
où tu tournes dans le vide pas attaché en équilibre entre la mort et un voisin qui vomit.
Mais en fait, c'était pas mal ça.
C'est-à-dire une planche horizontale
où on installait les patients
avant de leur donner une couple de petits spins thérapeutiques.
Mais qu'est-ce que vous faites?
Vous allez voir, mon ami.
Un petit 5 contre 4 tours et vous allez vous sentir
comme un homme nouveau. Et hop!
Vous m'avez pas...
pas d'impatience. L'ingénieur
est pareil.
La sangle du pirata...
Oh!
L'idée derrière ça, c'est qu'on était convaincus
que la folie était due à un manque de sang dans le cerveau.
Fait que quoi de mieux que la force centrifuge elle-même
pour redistribuer tout ça de façon adéquate
et par le fait même prouver que ça marche pas.
Un des gros enjeux des psychiatres à l'époque,
c'était d'identifier la source de la folie.
Mais avec une technique que je qualifierais de plutôt
défaire une brassière à une main pour la première fois.
Cauchemardesque, c'est ça le mot que je cherchais.
Dans les années 1920, le psychiatre Henry Cotton du New Jersey
remarque que ses patients ont souvent des caries.
Et n'étant pas du genre à vouloir aller plus loin qu'un plus un égal deux,
il se convainc que les dents infectées étaient
à la source des désordres mentaux
et se met, attachez bien vos ceintures,
à arracher systématiquement
toutes les dents de ces patients.
Ce qui a dû prendre beaucoup de petites
ficelles attachées à beaucoup de poignées de porte.
Je sais même plus si les jeunes ont encore
le référent de cette affaire-là, mais anyways,
ils utilisaient des pinces. Déçu de n'avoir un taux
de succès que de 25%,
ce qui me semble déjà suspectement
énorme, le Dr Cotton
conclut qu'il tient quelque chose, mais qu'il s'est
simplement trompé d'organes. Il s'est donc mis
à chopper des colons, des utérus,
des prostates, des appendices, des vésicules
biliaires, tous ces organes qu'on associe
normalement aux dents. Ensuite,
je m'en voudrais de ne pas mentionner les électrochocs,
une technique inventée en Italie en 1838
par Ugo Cerletti
en adaptant la technologie
qui servait à assommer les animaux de ferme
avec des décharges électriques.
Dieu merci, ça a été adapté.
Ugo Cerletti
croyait bizarrement que la schizophrénie
était la maladie inverse de l'épilepsie
et qu'induire des convulsions épileptiques de façon artificielle allait, comme qui dirait, annuler le trouble psychotique.
C'est tout un gamble, ça, signore.
Cette technique a été très populaire, entre autres à l'hôpital de Greystone Park, au New Jersey,
où on s'en servait pour traiter les vétérans de guerre souffrant de syndrome post-traumatique,
parce que quoi de mieux pour oublier ces traumatismes du passé qu'ajouter une petite couche de traumatisme
dans le présent?
Détail intéressant.
On utilise encore à ce jour les électrochocs
et une étude de la BBC en 2018
a démontré qu'ils ont une certaine efficacité
dans le traitement de dépression majeure.
Faut juste pas y aller avec l'ampérage nécessaire
pour booster un char. Bref, bravo.
Excellente étude.
Sinon, dans les clichés d'horreur gothique,
on entend aussi souvent parler de la
trépanation, une procédure chirurgicale
où on drille un trou dans ta boîte crânienne
pour exposer
le cerveau à l'air.
Autre détail intéressant.
Vous serez déçus d'apprendre que
c'est pas vraiment quelque chose qu'on faisait
dans les asiles. En fait, c'est une opération qui a rien
à voir avec les troubles de santé mentale, mais bien une façon d'alléger l'hyperpression intracrânienne. Et c'est d vraiment quelque chose qu'on faisait dans les asiles. En fait, c'est une opération qui a rien à voir avec les troubles de santé mentale,
mais bien une façon d'alléger l'hyperpression intracrânienne.
Et c'est d'ailleurs une des plus vieilles procédures chirurgicales
effectuées partout dans le monde depuis le néolithique.
À ce qui paraît, le taux de survie à la trépanation
était jusqu'à 90 % plus élevé que celui des hôpitaux au 19e siècle,
où l'hygiène laissait tellement à désirer
que se faire faire ça par un homme des cavernes
avec une roche, c'était moins risqué.
Eh bien, évidemment, on ne peut pas passer à côté
de la fameuse camisole de force qui, en y repensant,
est une notion que les dessins animés ont amenée
très, très tôt dans ma vie.
Puis, je n'avais sûrement pas toute l'information
pour comprendre pourquoi les gens qui portaient ça
avaient l'air de rire autant.
Bref, c'était cette fameuse veste de contention
où tes bras
sont attachés contre ton
torse et qui était techniquement censé être
utilisé pour empêcher les patients les plus à risque
de faire mal aux autres patients
et à eux-mêmes à une époque où on savait
pas trop quoi faire de la schizophrénie,
de la dépression et des troubles
anxieux. Elle est d'ailleurs plus utilisée
aujourd'hui, à part pour être vendue
en version latex dans des boutiques de fétichistes.
Il paraît. Mais c'est pas moi
qui va là. C'est un ami.
Et comment terminer ce tour de carousel des mauvais
traitements psychiatriques sans jaser de
lobotomie? La lobotomie,
c'est l'opération qui consiste à sectionner
une partie du cerveau pour changer
le comportement des patients, afin de
prioriser un comportement similaire à celui d'un rutabaga.
Tout ça commence donc en 1935, quand le docteur John Fulton, un neurophysicien américain,
présente à une conférence de M. Ansaro deux chimpanzés à qui il a retiré le lobe frontal.
Et naturellement, tout le monde s'est émerveillé que les deux singes soient aussi tranquilles
que des iguanes dans le vivarium de votre ami bizarre qui essaie trop fort de vous faire croire
que ce n'est pas les animaux de compagnie de quelqu'un
qui a quelque chose à se prouver.
Inspiré par Fulton, le portugais Antonio Egas Moniz
tente l'expérience sur des humains,
cette fois-ci en 1936.
Sa technique?
Faire un trou dans le crâne et injecter de l'éthanol
pour détruire les connexions du lobe frontal
au reste du cerveau.
Génial!
Et ça, je vous rappelle que c'est la chirurgie
peaufinée. Pensez à ça deux secondes.
Puis là, à un moment donné,
il y a un monsieur du nom de Walter Freeman
qui trouve que la technique d'homonise est trop
complexe. Alors, il va décider de bypasser
tout ça avec un petit truc vraiment le fun qu'on appelle
la lobotomie transorbitale.
C'est-à-dire, insérer un pic à glace
dans l'orifice oculaire du patient avant de
le tapocher avec un petit maillet
jusqu'à ce qu'on pénètre la boîte crânienne puis zigonner comme ça jusqu'à ce qu'on détache le cortex préfrontal.
Et voilà, vous êtes maintenant guéri de la schizophrénie, de l'anxiété et de toute trace de personnalité.
Et on parle pas d'une opération marginale.
Entre 1945 et 1954, on estime qu'il y a eu 100 000 patients lobotomisés dans le monde, dont la moitié
aux États-Unis. La procédure
est tellement simple que ça prend pas plus de 10 minutes
et le Dr Freeman pouvait pratiquer jusqu'à
20 fois la lobotomie transorbitale
dans une journée.
Guéri!
Guéri!
Guéri!
Meilleur docteur!
Guéri! Le Dr Freeman docteur! Guéri!
Le docteur Freeman aimait tellement lobotomiser les gens qu'il faisait souvent des lobotomies publiques
pendant lesquelles les étudiants et les experts
pouvaient le regarder live piocher ses patients
dans les deux yeux en même temps.
Il serait même déjà arrivé que,
pendant une présentation devant les médias,
son instrument ait tout bonnement glissé
dans le cerveau d'un patient qui est mort sur le coup,
ce qui ne l'a aucunement empêché de continuer sur un autre patient à côté comme si de rien n'était.
Guéri!
Docteur, loin de moi l'idée de vous remettre en question, mais ce type a l'air pas mal mort, non?
Oui, non, c'est simplement des merveilleux effets de la loboto...
Non, attendez, il est mort.
Sinon, la lobotomie est une procédure tellement hasardeuse que ça pouvait avoir toutes sortes d'effets,
généralement un état de stupeur, de confusion et d'incontinence. Bang! Guéri!
En fait, le plus horrifiant dans tout ça, c'est qu'un des objectifs de la procédure
était ouvertement de réduire les symptômes de troubles de santé mentale.
Les effets secondaires peuvent inclure une distorsion de la personnalité et de l'intellect du patient, une réduction
de la complexité de la vie psychique,
une diminution de la spontanéité, une augmentation
du temps de réponse au stimuli, une perte de conscience
de soi-même et la mort. Certains patients mouraient
à cause de l'opération, d'autres parce qu'ils
se suicidaient suite à l'intervention,
ce qui est un résultat tellement différent que c'est pareil.
Certains avaient même des dommages au cerveau
irréparables, pas pire pour une intervention
dont l'objectif est de créer un dommage permanent au cerveau.
D'autres devenaient plus faciles à gérer par leurs proches ou à l'hôpital,
mais la plupart tombaient dans une espèce de groupe intermédiaire où les symptômes étaient allégés ou pris de nouvelles pertes cognitives ou sur le plan émotionnel.
Bang! Guéri! Un dernier petit détail dark pour la route.
Le Dr Freeman désignait la procédure comme un état d'enfance induit chirurgicalement,
laissant les gens avec une personnalité perpétuellement infantile.
Il décrit d'ailleurs le cas d'une patiente de 29 ans, suite à la chirurgie,
comme souriante et paresseuse, avec le caractère d'une huître.
Elle était incapable de se souvenir du nom de son docteur
et il lui arrivait fréquemment de continuer à verser sans fin le café dans sa tasse.
Bang! Guéré!
Le fin mot de l'histoire
avec un grand H!
Vers le milieu du 20e siècle,
après des années d'expérimentation,
de maltraitance et d'indifférence,
le mot commence à se passer, puis on entame
les procédures de désinstitutionnalisation
des asiles. Ce qui semble d'abord être
une bonne idée,
met en lumière un tout nouveau problème.
Les patients maintenant libérés de leur tortionnaire
ont nulle part où aller et se retrouvent encore une fois
en prison ou dans rue.
Néanmoins, se concentrer comme on vient de le faire
sur les abus survenus dans les asiles,
c'est aussi faire abstraction de tout le reste.
Comme partout ailleurs, il y avait du bon et du mauvais.
Certains docteurs avaient à cœur leurs patients, certains patients ressentaient les bénéfices de leur séjour
à l'écart de la société qui les jugeait. Certains y retournaient même après en être
sortis parce que le monde extérieur leur était maintenant trop hostile. Au moins,
là-bas, ils se sentaient en sécurité, en plus de faire partie d'une communauté tout
en prenant le thé avec le Chapelier et le Lièvre de Mars.
Selon certaines correspondances venant du Royal Edinburgh Asylum, on pouvait voir que
certains patients se comptaient très chanceux d'avoir
la possibilité d'apprendre un métier et de
bien manger. Comme tout le monde,
finalement. Beaucoup des souffrances
infligées à l'époque étaient évidemment dues
au fait qu'on comprenait mal ce qu'étaient vraiment
les problèmes de santé mentale.
Évidemment, les traitements nécessaires
pour aider au rétablissement des patients.
On pourrait d'ailleurs argumenter qu'on est au gros minimum à peine plus avancé sur le sujet aujourd'hui.
Super!
Maintenant, croire à ma propre conclusion en essayant d'arrêter de penser à la fée qui n'arrête pas de verser du café dans sa tasse.
Je m'appelle Charles Beauchesne et le cauchemar se poursuit dans un prochain épisode.
Les pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne
est une idée originale de Charles Beauchesne.
Au texte et à la recherche,
Charles Beauchesne, mes coudons,
Audrey Rousseau et François de Grandpré.
À la réalisation, Barbara-Judith Caron.
Au montage, Alexandre Sarkis.
À la prise de son, Vincent Cardinal.
Consultant mécanique automobile, Vincent Cardinal.
À la coordination post-production maintenant, Mylène Fraser.
Producteur exécutif, Raphaël Huismans et Philippe Lamarre.
Les pires moments de l'histoire avec Charles Beauchesne est une production d'Urbania.
Vous venez d'écouter un podcast Urbania.
Sous-titrage Société Radio-Canada