Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette - #19 Pierre Bruneau | Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette
Episode Date: September 11, 2023Pour ce dix-neuvième épisode, je reçois qui s'ouvre avec franchise et générosité au fil des cartes pigés : Pierre Bruneau. Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette c’est la rencontre d�...�un invité à cœur ouvert avec une animatrice aguerrie, autour d’un jeu de cartes unique. Réflexions, prises de conscience, confidences: au hasard des cartes-questions retournées, l’invité de Marie-Claude se révèle comme il ne l’a jamais fait et utilise son pouvoir de joueur pour la faire parler à son tour. Des questions sur mesure dans une entrevue qui laisse place au hasard. Une intervieweuse, telle une cartomancienne, qui se lance sans filet. Un invité qui joue, cartes sur table, dans un échange privilégié où le temps s’arrête. ━━━━━━━━━━━ Soyez les premiers à connaître mes projets à venir en inscrivant votre courriel au https://marieclaude.com Pour écouter l'épisode sur YouTube : https://youtu.be/17JZqT2YG_I Retrouvez le podcast « Ouvre ton jeu » sur les principales plateformes d'écoute en ligne : https://marieclaude.com/liens
Transcript
Discussion (0)
Parce qu'il faut se ressaisir et il faut continuer la vie.
Et je l'ai en pris encore avec les enfants.
Quand on a la célébration des funérailles terminée,
puis on rentre chez nous, on est quatre, là.
Ginette, moi, Geneviève, Jean-Sébastien, la porte ferme, chez nous.
La visite est partie, tout le monde est parti.
Et là, Geneviève nous regarde et dit,
allez-vous nous aimer autant que vous avez aimé chat?
Bonjour, bienvenue au podcast Ouvre ton jeu.
Je suis toujours contente parce que je rentre dans l'intimité d'un
invité à chaque fois qu'on ouvre ce podcast-là. Aujourd'hui, c'est un homme que je connais depuis
quelques années. En fait, que je connais depuis que je suis petite pratiquement, mais que je connais
davantage depuis quelques années. Et vraiment, je trouve que c'est un homme qu'on a à découvrir
davantage. C'est quelqu'un
qu'on a vu dans la sphère publique beaucoup, mais dans la sphère privée, il y a plein de
surprises qui arrivent quand on le connaît. Alors, je vous présente un homme de cœur,
Pierre Bruneau. Bienvenue, Pierre. Bonjour Marie-Claude, bonjour.
Tellement contente que tu sois là. Moi aussi. Merci pour l'invitation,
c'est toujours agréable. Comment tu te sens, là, retraité?
Tellement bien, tellement, tellement, tellement bien.
Les gens m'arrêtent sur la rue pour me demander
est-ce que vous vous ennuyez?
Est-ce que vous écoutez les nouvelles encore
à 6 heures tous les jours ou à 5 heures?
J'ai de la difficulté à répondre à tout ça
parce que je suis tellement décroché maintenant.
Je suis ailleurs.
Ailleurs dans ma vie.
Ça s'est fait quand même
relativement rapidement. Mais
on a décidé d'une coupure
drastique, par exemple. On est partis pendant
six mois. Ça a permis
vraiment de me détacher
à la fois du lieu de travail,
de l'horaire de travail
et surtout du contenu du travail.
Je t'avais reçu il y a quelques
années à Deux Fées le matin
sur une émission sur la retraite,
quand tu as eu, je pense, 65 ans.
Exact.
Puis tu avais refusé le livre que je voulais te donner,
Comment préparer sa retraite.
Tu ne voulais rien savoir, Pierre, à ce moment-là.
En fait, je ne pensais même pas à la retraite à ce moment-là.
Mais j'y pensais et je n'y pensais pas
parce que j'étais allé voir un peu
mon patron
et j'avais dit, ben là, à 65 ans,
il m'avait regardé et il m'avait dit,
ben voyons, 65 ans,
tu es dans le meilleur de ta carrière présentement,
ce n'est pas le temps de penser à la retraite.
Et puis bon, ton patron
dit ça, tu finis par dire,
bon, mais peut-être que ce n'est pas le moment.
À 67, par exemple, je voulais partir.
À 67 ans, je voulais partir,
mais est arrivé quoi, la pandémie?
Et pendant la pandémie, bien, je me
sentais un peu mal de laisser tous mes
collègues, de laisser les téléspectateurs
pour dire que
je m'en vais à la maison, au moment
où je pense qu'il y avait une
connexion nécessaire entre les téléspectateurs.
Oui, ce lien-là, absolument.
Vraiment, il y avait de l'incertitude
pour tout le monde, il y avait
des messages politiques qui arrivaient, il y avait
des analystes autour de nous,
il y avait des experts qui
venaient un peu commenter tout ça aussi.
Et j'ai trouvé mon métier
pour une fois
véritablement connecté
avec les besoins de la population.
J'ai adoré ce que j'ai fait pendant la pandémie, j'ai adoré ce moment-là.
J'ai travaillé beaucoup, des heures et des heures supplémentaires, on en a fait,
mais je me sentais utile.
Alors, j'ai repoussé la retraite.
Et puis, une fois la pandémie terminée,
est arrivée la guerre en Ukraine.
Puis là, écoute, pendant quelques jours,
tout notre regard était fixé sur l'Ukraine, sur la Russie.
Et là, je me suis regardé dans le miroir en arrivant chez moi.
Un soir, je me suis dit, bien voyons,
il y a toujours une autre nouvelle qui va gober la prochaine,
qui va gober la précédente.
Et puis, bien, il y aura toujours une première nouvelle qui va être différente. Il qui va gober la précédente. Et puis, il y aura toujours une première
nouvelle qui va être différente.
Il était temps que j'accroche.
C'était quoi ton élément déclencheur pour décider
de prendre ta retraite?
C'est 70.
Ça frappe.
70 ans, ça a frappé fort.
Je t'avoue que je pensais
jamais...
Je vais te faire rire parce que souvent dans les nouvelles,
on dit un ou une septuagénaire au volant
qui a causé un accident.
Mais là, je me suis regardé, j'ai dit,
hé, c'est moi ça, 70 ans, septuagénaire?
Non, non, je voulais pas.
Non, je voulais pas.
Je trouvais qu'il y avait un arrêt nécessaire.
Pas parce que, tu sais, l'âgisme, ça me frustre un peu.
Quand les gens nous cataloguent par l'âge,
je me suis catalogué moi-même.
Est-ce que tu as senti qu'à 65 ans,
tu en parlais davantage, la retraite?
Non.
C'est comme le temps.
Parce que, tu sais, il y a comme une notion de temps,
des fois, comme on prend pour acquis.
Périmé, un produit périmé? Non, pas un produit périmé,
c'est juste plus culturel.
C'est-à-dire que...
À profit de la vie. Bien, c'est ça, c'est comme à
65 ans, il y a comme quelque chose de naturel
à dire, bien, c'est le temps. Pense-tu à la
retraite, on nous pose moins ça
à 45 ans, par exemple, cette question-là.
Mais mon père a pris sa retraite à 55 ans,
pas parce qu'il le voulait,
parce que des problèmes de santé l'ont amené à.
Et je me disais, je le regardais,
puis je le voyais vieillir plus rapidement
une fois la retraite arrivée,
que pendant qu'il était actif.
Je me dis, est-ce que c'est ça que je veux?
Est-ce que c'est ça qui nous attend?
Je suis,
de par mon métier,
je lis beaucoup et je continue à lire beaucoup. Je me rendais
compte que, bon,
à 70 ans, tous ceux qui se rendent à 70 ans
peuvent facilement
espérer vivre jusqu'à 90.
Tu sais, si tu
t'arrives à 70 en santé,
ta moyenne d'âge
va aller, c'est ça
mais
à 65, c'est
quand même 20 ans encore
20 ans
moi je suis de la vieille école où l'oisiveté
est la mère de tous les vices
mais tu sais il faut avoir
quelque chose qui oriente un peu notre
retraite aussi, je veux pas être
une retraite pour moi Je ne veux pas être…
Une retraite pour moi, ce n'est pas de m'asseoir sur ma chaise
puis regarder l'eau couler sur le Richelieu.
Non, non, non.
C'est vraiment d'être actif, d'être encore impliqué dans des décisions,
que ce soit à la fondation,
d'être encore intéressé par les choses qui se passent autour de moi.
Oui, oui, tu es encore interpellé.
Beaucoup. Est-ce que tu es prêt à
jouer à Ouvre ton jeu? Oui,
jusqu'où on va avec ça?
Ça, c'est toi qui le décide. On va voir.
On va le savoir après, Pierre. Après?
Bon, bien, on y va plus. Je vais t'expliquer le jeu.
Tu as des cartes vertes. Parce que, bon,
tu étais parti ici. Moi, tu n'as manqué un bout.
Je vais te ramener. Alors, il y a des
vertes, il y a des jaunes et il y a des questions rouges ici.
Ça, c'est quoi? C'est stop rouge, non?
Tu vas voir.
Ça, il y a des questions mauves et tu as le joker.
Alors, les questions vertes,
c'est des questions que je pourrais poser
à à peu près tous les invités.
OK.
Les questions jaunes,
ça commence à se personnaliser pour toi.
OK.
Et les questions rouges,
c'est vraiment des questions écrites
que je ne pourrais pas,
parce que tous les invités ont chacun un jeu.
Tu vas repartir avec, c'est tes questions.
Et ça, c'est vraiment plus personnel,
je te dirais, comme question.
Et les questions mauves,
c'est quand tu décides,
quand tu dis que j'ai envie de continuer le jeu,
tu vas en piger une, tu lui réponds.
Et si tu lui réponds,
tu pourras
poser aussi la question de ton choix,
qui n'est pas nécessairement sur
les...
C'est toi qui as un téléphone?
Ben oui, excuse-moi, c'est des fameuses
montres aujourd'hui qui te rejoignent partout.
Mais ça, si tu fermes ton téléphone, là,
tu vas être correct. C'est ça, la vraie vie.
Ah mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu.
Non, mais il n'y a pas de problème, là.
Écoute donc, je ne me rappelle même plus comment on ferme notre téléphone. Mais tu l'as dit, c'est ça, la vraie vie. Ah, mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu. Non, mais il n'y a pas de problème. Écoute donc, je ne me rappelle même plus comment on ferme notre téléphone.
Mais, tu l'as dit, c'est correct?
Mais oui, mais oui.
Sinon, tu peux répondre. Je veux dire, on va répondre avec toi.
Mais non, ben non.
Donc, alors, la façon que ça fonctionne, tantôt, tu vas piger quatre cartes vertes.
Tu vas m'en donner deux. Tu vas te les lire.
Tu vas en choisir une, je vais en choisir une.
Les cartes jaunes, tu vas en piger trois. Je vais te les lire. Tu vas en choisir une, je vais en choisir une. Les cartes jaunes, tu vas en piger trois,
je vais te les lire, tu vas en choisir une, je vais en choisir une.
Les cartes rouges, tu en piges deux,
tu en choisis une des deux. Et les cartes
mauves, tu en piges une et tu lui réponds
si tu acceptes de répondre. Alors, tu es prêt
à commencer? Donc, tu commences
par brasser. Bon, il y en a qui les brassent
comme ça, ils sont quand même assez
grosses. Ah, j'ai oublié de te dire quelque chose,
le joker.
Si tu dis, écoute, moi,
cette question-là, j'ai pas envie de répondre
pour des raisons qui t'appartiennent,
tu peux sortir n'importe quand,
une fois dans le jeu, et dire, OK, celle-là,
j'y réponds pas.
T'as droit à deux, j'ai droit à deux.
C'est ça que j'ai compris?
Non, je vais à toutes les lire.
Je vais aller lire les quatre,
et tu vas en choisir une des...
OK, c'est toi l'intervieweuse.
C'est moi l'intervieweuse.
Tu en choisis une, la première.
Est-ce facile pour toi d'exprimer tes émotions?
À quoi aurais-tu
dû dire non?
Quelle est ta plus grande peur?
Et qu'est-ce qu'une vie heureuse?
Mon Dieu,
elles sont bonnes les quatre.
Très bonnes.
À quoi j'aurais dû dire non?
Je choisirais ça.
– Parfait.
– À quoi j'aurais dû dire non?
Et je ne sais pas qu'est-ce que je vais te répondre encore,
mais sauf que ça m'intrigue toujours cette question-là.
Parce que souvent dans la vie,
on est sollicité,
on s'amène,
puis on trouve toutes les idées géniales.
Tout le monde est autour de toi, puis il dit, écoute,
t'as été la personne qu'il faut pour faire telle histoire.
J'aurais dû dire probablement non.
Quand j'ai commencé dans ma carrière,
la première fois quand j'ai décidé de…
Je me trouve privilégié dans ma carrière. dans ma carrière, j'ai eu tout ce que je voulais
et même plus
on m'a sollicité plus que j'ai sollicité
et donc
j'ai pas eu jamais véritablement
à m'arrêter et me dire, dis non
parce qu'ils m'offraient ça sur un plat d'argent
j'y allais, mais
peut-être que j'aurais dû dire
non à
toutes les fois où on m'a sollicité en supplément de ma semaine de travail,
qui était toujours, je n'ai jamais dit non.
Venez pour une conférence un week-end, venez pour un congrès à Québec, je me déplaçais,
je faisais des choses pour lesquelles j'aurais dû dire non bien souvent.
Mais le résultat
était finalement
en bout de ligne extraordinaire aussi.
Je me souviens d'être allé
en Gaspésie
un week-end pour deux soupers
spaghettis des Chevaliers de Cologne.
Ça avait rapporté
1200 pour un et 800 dollars pour l'autre
à la Fondation Charles-Brun dollars pour l'autre. À la fondation
Charles Bruneau, à l'époque, on commençait,
je te parle des années 90,
91, et
j'aurais dû dire non.
Puis j'ai dit oui.
Puis j'ai jamais regretté,
finalement. – Tu as vécu une expérience humaine.
– J'ai vécu une expérience humaine.
Alors, quand on dit « j'aurais dû dire
non » à une chose, c'est quand on a réfléchi à l'affaire. Quand on dit « oui » spontanément, c'est qu'on est ouvert à aller vivre l'expérience, comme tu dis, l'expérience humaine, qui a été probablement plus grande que le retour que j'avais de petits chèques pour la F fondation, mais j'ai trouvé ça extraordinaire.
Est-ce que c'est quand
tu étais en route, par exemple, vers
la Gaspésie ou peu importe où, que tu disais
« Mais qu'est-ce que je fais dans ma voiture? »
– Toujours. – C'est ça qui est difficile,
parce que quand on y est... – Pourquoi j'ai accepté ta réponse?
– Oui, c'est ça. – Est-ce que ça t'arrive toi aussi?
– Je t'écoute, puis ça
m'interpelle beaucoup ce que tu dis.
Moi, je sais, des fois, je suis allée faire des conférences
et j'étais dans le stationnement.
Tu sais que tu ne connais personne.
Non.
Tu as fini ta journée.
OK, mais ça prend comme un…
Ouf, OK, il faut que je débarque de la voiture.
Pourquoi j'ai dit oui?
Finalement, une fois rendue à la conférence,
j'oublie tout ça.
Une fois que les premières paroles sont dites.
Oui.
Non, mais je me demande toujours,
qu'est-ce que je fais là?
Pourquoi j'ai accepté ça?
Parce que tu n'étais pas non plus
avec ta famille à ce moment-là.
Souvent pas.
Tu n'étais pas là pendant la semaine,
tu n'étais pas là pendant la fin de semaine.
Mais je m'en suis toujours accompagné, par exemple.
Elle t'a accompagné.
Je dis toujours,
une conférence, j'y vais,
mais on est deux.
Parce que je trouve que, dans le fond,
on a vécu un peu la même situation,
Jeanette et moi.
Bien, pas un peu.
On a vécu vraiment la même chose.
Si c'est sur le travail, c'est moi qui parle, bien sûr.
Mais je dis à Ginette, viens raconter un peu l'expérience de mère.
Parce que moi, je suis l'espèce de trophée que les gens veulent voir une fois.
Mais je trouve que Ginette a plus à dire que moi, qu'elle était la mère de Charles. Moi, je suis
toujours considéré
comme celui qui était le père de Charles.
Mais Ginette a été
tellement généreuse avec moi,
tellement généreuse.
Je le dis
avec beaucoup d'émotion parce que
quand on est
dans un régime matriarcal,
les mères sont très présentes.
Quand Charles était malade, Jeannette était très présente.
Elle est souvent à l'hôpital.
Mais Charles tournait toujours vers moi.
Et Jeannette m'a dit, oui, vas-y, vas-y, prends ce temps-là pour aller avec lui à l'hôpital.
Alors, j'ai accompagné Charles beaucoup. Et je dis,
en reconnaissant ce jeunette, je dis
toujours, toi, tu m'as permis d'accompagner
Charles dans la mort.
Et
quand Jean-Sébastien a eu son accident
l'année d'après,
j'ai laissé à jeunette toute la place
pour Jean-Sébastien. J'avais l'impression
qu'elle ramenait
Jean-Sébastien, j'avais l'impression qu'elle ramenait Jean-Sébastien à la vie.
C'est ça l'équilibre
d'un couple, à un moment aussi.
Il vient un temps où
on ne peut pas toujours être les deux
en même temps, dans une situation
dramatique, mais l'autre
peut laisser la place à l'autre
aussi et accompagner.
L'accompagnement, t'as accompagné ta mère, t'as accompagné...
Bon, tu sais ce que c'est que l'accompagnement.
Je dis aux gens souvent, quand on me demande c'est quoi l'accompagnement,
bien c'est souvent, ferme ta gueule.
C'est le silence.
C'est un lâcher-prise.
C'est un lâcher-prise.
C'est un silence.
Qu'est-ce que ça a changé en toi d'accompagner Charles?
Tu étais quand même assez jeune
dans ta vie, de l'accompagner
de, justement, de lâcher prise et de
laisser aller ton fils. On se dit souvent
entre nous, les adultes, arrête d'agir comme un enfant.
On devrait
les regarder parce que j'ai tout
appris de lui. Tout appris.
Ça m'a permis de
rencontrer des gens extraordinaires
au départ, dont son médecin-traitant.
Je parle souvent des trois valeurs qui ont guidé ma carrière,
qui sont dues à trois mentors différents, trois personnes que j'ai rencontrées dans ma vie.
Et je pourrais te parler des autres tantôt, mais je vais te parler de la compassion,
parce que j'ai appris avec le docteur Demers ce que c'était que l'accompagnement,
parce qu'on est souvent porté vers la personne qui est malade.
Le cancer d'un enfant, ça ne touche pas juste l'enfant, ça touche toute la famille.
J'ai appris qu'il fallait s'arrêter pour penser aux frères, aux soeurs, à la fratrie, penser à la famille.
On avait, à l'époque, je m'occupais beaucoup de l'Association pour les enfants atteints de cancer,
puis j'apprenais que 75 % des couples divorçaient au moment où ce drame-là arrive dans la vie
parce qu'on n'est pas du tout préparé à ça.
Déjà, on n'est pas préparé à être parent,
on est encore moins préparé à être un aidant
naturel ou à être... parce qu'on est tous victimes de ce cancer-là, d'une façon ou d'une autre. Nous,
on a eu cette, je dirais, cette force, parce que c'est une force qu'on a en dedans de nous. Je notais moi de l'accompagner
et d'être ensemble, solidaires,
dans notre traction d'aidant naturel.
Mais par bout, c'est pas toujours évident,
c'est pas toujours facile,
parce que la petite soeur, le petit frère,
qui était tous les deux plus jeunes que Charles,
avait aussi des besoins qu'on serait portés à...
À minimiser, peut-être?
À même pas voir.
À même pas voir.
À même pas voir.
Un exemple, Charles est pas mal en phase terminale.
On est, tous les jours, on succède,
Ginette et moi, à l'hôpital pour l'accompagner.
Et puis, on prépare le matin à la boîte à lunch de Geneviève
tu manges à l'école
et Charles avait 12 ans donc on avait 10
9, 10
et puis après en sa boîte à lunch
elle dépose fortement sur la table en disant
ce midi vous venez manger avec moi
ça a été comme
ah oui
c'est vrai
je me souviens
que ce midi-là, on est venu manger avec elle
parce qu'elle était
capable de l'exprimer
mais c'est pas tous les enfants qui l'expriment
et quand on parle de
on passe, on passe à
un autre appel ou un autre
sujet, puis parce qu'on focus
sur la maladie de Charles
ou les moments où on doit
être avec lui, on oublie
presque qu'il y a une famille
puis qu'il y a du monde,
qu'il y a des besoins puis des attentes.
Minimaux, là. Tu sais, c'est des
attentes. – Je t'écoute, puis souvent,
on va dire la vie continue une fois que la personne est décédée.
Mais la vie continue pendant
la maladie aussi. C'est peut-être
ce bout-là, des fois, que... – c'est là que c'est rocailleux
c'est comme si on reporte tout ça
mais il y avait des vies qui dépendaient
de vous, les deux enfants
dépendaient complètement de vous aussi
t'as des petits
tu sais, le deuil
c'est quelque chose de très douloureux
les gens qui l'ont vécu
tu l'as vécu, on a tous vécu un deuil
à un moment ou un autre.
On sait qu'on va en vivre.
Non, mais ce n'est pas juste la mort de quelqu'un,
c'est le travail qu'on perd, c'est peu important.
Ce sont des
deuils qu'on doit assumer. Mais la
perte d'un enfant, c'est probablement
un des plus grands drames qu'on peut vivre.
Et au moment où on vit,
bon, plein de gens autour de toi,
il y a un entourage extraordinaire, les gens te supportent. Et le deuil commence véritablement au moment où tu apprends que tu as une maladie mortelle, ton fils ou l'inéluctable arrive à un moment ou à un autre.
Alors, c'est toute cette période-là qui est
un peu difficile,
mais quand ça arrive,
la fin, il y a
une autre période qui commence
aussi, qui n'est pas facile non plus,
c'est celle de véritablement
se, je dis à tout le monde,
se ramasser, parce qu'il faut
se ressaisir
et il faut continuer la vie.
Et je l'ai en pris encore
avec les enfants.
Quand on a
la célébration des funérailles terminée
et on rentre chez nous,
on est quatre.
Ginette, moi, Geneviève, Jean-Sébastien,
la porte ferme, chez nous.
La visite est partie.
Tout le monde est parti.
Et là Geneviève nous regarde et dit
« Allez-vous nous aimer autant que vous avez aimé
les chats? »
Ça disait tout.
Ça disait tout, mais
en même temps, on a répondu spontanément « On vous a toujours aimé autant les Ça disait tout, mais... De sa souffrance.
En même temps, on l'a répondu spontanément.
On vous a toujours aimé autant, les uns que les autres,
mais la situation nous a menés ailleurs.
C'est qu'elle vous a résumé en une phrase
ce qu'il aurait pu prendre du temps dans le silence à comprendre.
Et qu'elle ne l'avait pas exprimé.
Ça aurait été dur à comprendre. Tout le monde aurait vécu encore tout ça. Parce qu'il y avait beaucoup de profondeur dans ce qu'elle ne l'avait pas... Elle ne l'avait pas exprimée. Ça aurait été dur à comprendre.
Tout le monde aurait vécu encore tout ça. Parce qu'il y avait
beaucoup de profondeur dans ce qu'elle a dit pour une petite
fille comme ça. Les deux fois,
c'est elle qui les exprimait.
J'ai besoin de vous. Puis là, encore
plus maintenant.
Oui. Ça, ça ramène dans le moment présent.
Oui.
Mais, tu vois, les années ont
passé, puis on a appris à découvrir et à assumer un peu toute cette situation-là, tu sais, parce que moi, je suis une personnalité publique, mais Charles était aussi une personnalité publique. C'est pour ça que ce deuil-là était si différent pour eux, parce que c'était tout le monde partageait le deuil de Charles.
Moi, je me souviens, je t'avais croisé.
J'étais suivie pour un problème de santé à l'hôpital Sainte-Justine.
Et je t'avais croisé avec Charles.
Tu arrivais avec lui dans l'entrée.
Puis j'avais l'impression de vous connaître les deux sans vous connaître.
Puis certainement, j'ai vu Pierre-Bruno et Charles puis tout le monde savait
qu'est-ce qui se passait
c'est vrai
j'étais contente puis pas en même temps
parce que c'est pas un lieu où on a envie de se rencontrer
nécessairement à l'hôpital
mais ta fille a fait en sorte
que vous avez pris conscience
de choses importantes
est-ce que la famille s'est rapprochée
beaucoup
on a été très je pense que tout le monde ensemble de choses importantes. Est-ce que la famille s'est rapprochée? – Ah, beaucoup, beaucoup.
On a été très...
Je pense que tout le monde ensemble,
on a essayé de...
par cette relation-là,
de...
je dirais, comment, de se tisser
encore plus serré, même si on l'était déjà,
on était une famille quand même, bon.
Mais pour les enfants, c'était toujours Charles
qui était toujours en avant.
– C'est que l'hôpital faisait aussi
partie, les soins faisaient aussi
partie de votre quotidien. Là, il n'y avait plus
cette partie-là. – Mais comme le focus
était beaucoup sur Charles,
l'année d'après, il y a eu Jean-Sébastien et son accident.
Tu sais, Jean-Sébastien, encore une fois,
il devenait chez les traumatisés crâniens.
– C'est quelques 13 mois après, c'est un peu ça.
– Exact. Arrivée après.
Et puis là, Geneviève qui regarde encore.
Encore Geneviève qui regarde sa mère et qui dit,
c'est pas drôle d'être une fille, nous autres.
Tu sais, c'était comme...
Moi, j'étais le gars de la télé.
Puis Charles avait été une figure de pro pour le cancer.
Puis là, c'était Jean-Sébastien.
Puis c'était comme si...
Mais en même temps,
elle ne voyait pas
que l'un qui était décédé
puis que l'autre était souffrant.
Elle voyait que la tension était portée sur eux.
Contrairement à sur elle
ou sur Ginette ou sur... Peu importe.
Elle voyait ce qu'elle n'avait plus.
Exact.
C'est peut-être plus rare que les enfants
l'expriment. Ils vont souvent exprimer ce qu'ils voient.
Mais elle, déjà, elle exprimait ce qu'elle n'avait pas.
Elle exprimait ce qu'elle ne voyait pas.
Et ça vous a aidé.
Alors, tout ça pour dire que
oui, les enfants, on devrait
les écouter beaucoup parce que ce sont eux
qui nous apprennent les grandes choses de la vie,
qui nous ramènent sur les rails
des fois aussi parce que, bon.
Mais ça a changé tout ça,
toute cette situation-là.
Ça a défini aussi le Pierre-Bruno de ma carrière professionnelle.
– Ça a changé. Ça t'a changé
comme homme. – Ah, beaucoup.
Parce que je pense toujours à,
tu sais, 88,
Charles décède, 89,
Jean-Sébastien, son accident,
89,
décembre, 89, Jean-Sébastien a son accident, 89, décembre 89,
Polytechnique arrive.
Je suis en onde,
et puis, bon, le bulletin de
nouvelles commence,
on a entendu des coups de feu à Polytechnique,
bon, notre reporter se
dirige sur place,
et là, tout à coup, on est rendu à 2,
4, 6, 7, 8, 14 personnes
qui ont été tuées.
Mais on ne sait pas que ce sont des femmes au début,
tout ça aussi.
Mais là, on reçoit des images en vrac qui passent en ondes.
Et moi, tout ce que je vois,
c'est des parents qui arrivent là-bas en pleurs.
Puis tout ce que je reconnais,
c'est cette douleur
qu'ils ont dans les yeux, puis dans la figure.
Une douleur que je venais de vivre, moi,
parce que un an avant,
puis quelques mois avant, Jean-Sébastien.
Alors ces images-là, là, ça m'a
tellement bouleversé, là.
Je voyais plus la situation, je voyais pas
les intervenants, je voyais juste les parents
qui arrivaient. — Et t'étais en ondes.
— Moi, j'étais en ondes, là. Puis on commentait
les images, puis notre reporter...
Et...
Là, je me suis
dit... J'ai failli perdre pied, là, tu sais,
de contrôle de la situation.
Puis là, je me suis ressaisi en me disant, tu sais,
je connaissais trop bien cette douleur-là.
Je me rappelle d'avoir dit en ondes
ma première pensée, c'était à tous
ces parents-là.
Tous ces parents qu'on voit présentement qui arrivent à Polytechnique,
ils sont ou dans l'inquiétude pour leur fille ou leur fils,
parce qu'on ne savait pas que c'était juste des filles qui avaient été tuées,
on ne connaissait pas les circonstances.
Alors c'est ça le danger toujours du direct aussi.
On ne connaît pas toute la situation.
On savait que c'était une tuerie, mais on ne connaissait pas les intentions
du tueur. – Ça a été quand même long avant qu'on comprenne que c'était des filles.
Il n'y avait pas de cellulaire non plus.
– Mais non, pas de cellulaire. – Il n'y avait pas
de texto pour dire « je suis vivante » ou « je suis vivant ».
Même ceux qui étaient dans
les classes. Moi, j'ai un ami qui était
dans une classe dans laquelle
ses collègues sont décédés.
Puis il dit « on n'a jamais
compris que c'était que les filles.
À un moment donné, ils ont fait sortir les garçons.
Puis tu sais, son réflexe,
pourquoi on n'a pas sauté sur le...
Mais tu sais, quand ça arrive, tu n'es pas conscient
qu'est-ce qu'il va faire avec les filles.
Personne ne savait ce qu'il allait faire avec les filles.
Ils ont compris quand il a fermé la porte.
Mais c'était tout.
C'est lui qui les avait fait sortir, les garçons.
Oui, il a fait sortir les garçons, mais les garçons comprenaient pas qu'est-ce qui allait
se passer. — Puis il y en a beaucoup, là-dedans,
qui se sont suicidés par la suite, malheureusement,
parce qu'ils se sont dit
« J'aurais pu intervenir. » — Mais qui a le droit?
Moi, j'étais à l'UQAM à l'époque, j'étais étudiante,
puis tout le monde s'est ramassé dans
la brasserie parce que, justement, on t'écoutait
à la télé, et ça se passait
dans l'autre université, tu sais.
Puis, écoute, pendant des jours,
ça nous a habité.
Polytechnique, c'est pas rien.
Moi, ça m'a habité. Ça m'habite
encore beaucoup. C'est probablement,
tu sais, j'ai fait, j'ai eu
des couvertures du 11 septembre, de tout ce que
tu veux, c'est sûr que ce sont des événements
qui sont internationaux,
tout ça. Mais tu sais, des tueries, on n'avait jamais
vécu ça ici au Québec, on ne s'attendait
surtout pas à vivre ça
comme femme c'était 35 ans
moi je me souviens au début
84 qu'il y avait eu la tuerie
à l'Assemblée nationale aussi
mais ça c'était un événement
on savait que c'était
une situation
mais là, dans une école,
des jeunes femmes victimes d'atteinte de...
On n'était pas bien comme hommes, là.
On n'était pas bien comme hommes,
par la suite, de constater,
en fait, même pas notre impuissance
à réagir à tout ça.
C'était pas Jojo. Ça n'a pas été
des mois très...
Mais
ça reste l'événement qui a marqué ma carrière
et qui a défini Pierre-Bruno, tout ça aussi.
Parce que là, j'avais cette sensibilité
pour avoir vécu déjà une situation
comme celle-là. Et par la suite,
ça m'a habité
toute ma carrière.
Cette compassion-là.
Qui est nécessaire. Ça, c'est une des valeurs
de mon travail qui a été
pour moi, avec la rigueur
et avec la passion, la passion du travail,
la passion de la langue, la passion
de la rigueur, des faits, de tout.
Et la compassion de
comprendre à qui on s'adresse et
qui est encore concerné par les
sujets qu'on élabore.
Merci. Est-ce que
tu es prêt pour la deuxième question?
C'était-tu juste la première?
C'était juste la première.
Tu ne me demandes pas des réponses de 30 secondes, j'espère.
Non, moi je t'écoute. Non, pas du tout. Il n'y a pas de montage.
Bon, parfait. Tout ce qu'on dit,
les gens vont l'entendre ou vont le voir
parce qu'on peut faire les deux.
J'ai envie de te demander
quelle est ta plus grande peur?
Ma plus grande peur
de ne pas être
à la hauteur de tout.
Tu es exigeant.
Très exigeant.
Ce n'est pas de l'ambition, par exemple.
Non, mais envers toi, tu es exigeant.
Je suis exigeant. Je sais qu pas de l'ambition, par exemple. Non, mais envers toi, t'es exigeant.
Je suis exigeant.
Je sais qu'on a un travail qui est public.
Les gens ont des attentes.
Il y avait, bon, toujours ce challenge du défi des codes d'écoute.
T'as travaillé dans le privé, toi aussi.
Tu sais très bien que c'est le plus grand challenge qu'on vit.
Je pense pas que mon employeur m'aurait gardé 46 ans à l'antenne
si j'étais un jour tombé deuxième.
Tu comprends?
C'est comme si on avait un bulletin quotidien.
Exact.
On analyse les notes à chaque jour.
Chaque jour.
Oui.
Puis ton patron les voit, puis tout le monde les voit.
Puis il y a beau te dire, ce n'est pas important au jour le jour,
mais tu sais très bien qu'en bout de ligne, c'est le calcul qui va faire.
Pierre, il faut quand même le dire, le bulletin de nouvelles, c'est déterminant dans la journée pour la soirée, entre autres.
C'est déterminant. Donc, tes codes d'écoute sont déterminants peut-être pour toute une soirée d'antenne.
Pour le début de la soirée, on le dit toujours toujours parce que dans le fond, les gens se branchent et
ne changeront pas de poste parce qu'ils vont
regarder le début de l'émission suivante
et tout ça aussi. Donc, il y a de la pression sur les
épaules parce que quand on n'est pas à la télé, des fois, on ne comprend
pas à quel point ton poste,
ce que tu faisais comme chef d'antenne, il y a une pression
qui vient avec ça.
Et on avait un million de
téléspectateurs. Un million
de téléspectateurs. TVA, LCN, combiné, bien sûr.
Mais un million,
c'est pas un million. On n'est pas au stade
olympique, puis avec un
public captif comme ça.
C'est une ou deux personnes
par foyer, branchées,
qui t'écoutent.
Et qui ont entre les mains ce que j'appelle toujours
l'arme de destruction massive, c'est la manette.
Ils peuvent changer de poste.
En une fraction de seconde, ils t'éliminent, puis il n'est pas dit qu'ils vont venir te voir après.
Alors, c'est de garder l'intérêt tout le temps d'interpeller le téléspectateur
et d'établir ce lien de confiance.
Tu sais, quand je dis de ne pas être à la hauteur,
pour moi, le plus grand défi, je te parlais
de rigueur tantôt, c'est toujours celui-là,
et c'est celui de garder la confiance du public.
Tu sais, garder,
l'avoir la confiance, tu peux l'avoir un temps,
mais garder la confiance
pendant tout ce temps-là,
à travers Vans et Marais, à travers
peu importe les sujets, à travers les
difficultés de l'un, de l'entreprise,
de notre vie personnelle, les difficultés de l'un, de l'entreprise, de notre vie personnelle,
des difficultés de tout, du service, des nouvelles.
Puis on a eu des moments où tout le monde se questionnait
sur l'avenir de notre salle des nouvelles,
sur la vente de Télémétropole à TVA, de TVA à peu importe.
On est passé de Vidéotron à Québécois.
C'est quoi les stratégies?
Nous autres aussi, ça nous questionne.
À chaque fois, on se questionne sur la suite,
non seulement de notre travail, mais de la vision d'entreprise.
Alors tout ça, c'est…
Et un service des nouvelles, c'est probablement la base
pour un réseau de télévision sur lequel
tout s'assoit, comme tu disais tantôt.
Non seulement ça annonce la soirée, mais ça
donne la couleur d'une station aussi.
Oui, oui, oui, tout à fait. Ça donne un ton, absolument.
Mais si
tu n'avais pas eu cette vie publique, aurais-tu
été différent? Parce que dans le fond, tu as vécu
avec quand même une pression, tu sais,
vouloir être
bon dans ce qu'on fait
et d'être public,
il y a une couche supplémentaire
dans le fait d'être public.
Je ne sais pas ce que j'aurais fait d'autre.
Je ne sais vraiment pas.
Aujourd'hui, j'ai commencé,
j'étudie en psychologie à Trois-Rivières.
J'aurais été probablement psychologue.
Probablement qu'il y a beaucoup de psychologie,
finalement, dans le travail que j'ai fait.
Et puis, c'est l'analyse que je peux faire maintenant.
Mais être dans l'œil du public, c'est quand même...
Tu sais, pour la famille, c'est quand même quelque chose
d'être dans l'œil du public toute une vie.
Et encore aujourd'hui.
Et encore, et pas n'importe comment, il faut le dire,
parce que quand tu es chef d'antenne,
il y a comme un
protocole, on dirait, qui vient avec ça.
Tu n'as pas le droit d'être drôle
partout, tu n'as pas le droit d'être
négligé dans ta tenue
vestimentaire, tu n'as pas le droit d'être...
Tu comprends-tu? Tout ce que ça comporte.
Tu arrives à quelque part...
C'est drôle,
parce qu'on est allé faire un tour
dans le Bas-Saint-Laurent au cours des derniers jours
plutôt de la
Côte-Nord et puis quand on est
j'ai entendu deux fois
vous avez autant de classe qu'à la télé
autant de classe qu'à la télé
parce qu'il y a une attente
ben oui
si j'avais été négligé ce jour-là...
Est-ce qu'il te l'aurait dit, tu penses?
Non, il ne m'en aurait pas dit,
mais il l'aurait pensé.
Il aurait été peut-être déçu.
Mais il l'aurait dit à d'autres.
Oui, oui, c'est ça.
Hé, j'ai vu Pierre Bruneau.
Tu ne sais pas comment il était habillé.
Il avait l'air de la chienne en joc.
Mais c'est quand même quelque chose,
vivre avec ça autant d'années.
Donc, encore aujourd'hui,
tu le vois dans le regard des autres.
C'est vrai. Je le vois dans le regard
des autres, mais en même temps, je ne m'arrête
pas à ça. C'est devenu,
après 50 ans,
je commence à être habitué.
Ma tenue vestimentaire ne change pas tant que ça.
Ma façon de m'habiller, ma façon de me
comporter, ça ne change pas. Sauf
quand je suis avec des amis.
Là, tu es plus relax.
Vraiment plus relax. Mais là, tu as parlé
comme d'une peur professionnelle.
Est-ce que tu as des peurs dans ta vie personnelle
aussi?
C'est-à-dire que c'est des peurs.
Quand on arrive à 70 ans,
on fait des bilans,
qu'on le veuille ou pas.
J'aurais peur de perdre Ginette
avant de partir. J'aurais peur qu'elle me meure avant moi.
Ah oui, hein?
Ça, c'est une peur que j'ai. On est en symbiose depuis tant d'années, sur tant de choses dans la
vie, de tant de situations, les drames, la vie, les enfants qui sont arrivés, les petits-enfants, nos projets, projets de maison,
projets de voyage,
toutes ces choses-là, on les a
fait ensemble aussi.
Assez que des fois, je me dis
que je suis devenu dépendant,
puis elle, dépendante de moi.
Mais quand tu cherches
la définition de symbiose, tu comprends
que ce n'est pas une dépendance,
mais c'est une synergie
naturelle.
Et puis, bon,
je me dis,
comment, c'est comme si on m'ampute,
si j'avais
un bras amputé, ou
ta vie doit changer de façon drastique.
– Tu aurais appris à vivre sans.
– Exact. Et je sais pas.
J'aime mieux pas penser à ça,
mais c'est une peur
certainement qui est là
dans ma tête à moi aussi.
– C'est tout à fait légitime aussi.
– Oui.
Je n'ai pas peur pour moi.
Je n'ai pas peur de mourir.
Je n'ai pas peur de ça.
Mais j'ai peur de perdre
une personne qui est importante dans ma vie.
Oui.
– On va passer aux questions jaunes.
– Aux questions jaunes.
– Alors, je te laisse brasser. Tu. Aux questions jaunes, parfait.
Je te laisse brasser, tu vas
m'en donner trois.
Une, deux
et trois.
J'espère que...
Alors, on est parti avec les questions jaunes.
Qu'est-ce que ça prend pour vivre
à deux?
Ça prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de complicité. Qu'est-ce que ça prend pour vivre à deux? Ça prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de complicité.
Qu'est-ce que tu n'as pas reçu de tes parents et qui t'a manqué?
De quoi es-tu le plus fier?
Ah mon Dieu, ce que je n'ai pas reçu de mes parents.
Tu veux que je réponde à deux?
À une, à une de celles-là, puis je vais en choisir une après.
Mon Dieu, je suis tenté par celle-là,
puis de quoi je suis le plus fier?
Je te dirais que c'est...
Tu sais, j'ai eu, je ne sais pas combien de trophées
dans ma vie, puis de reconnaissances
dans ma vie.
J'ai la satisfaction
d'avoir fait un travail,
d'avoir été privilégié
dans ce travail-là. Ça, c'est une satisfaction.
Mais la fierté vient de l'action dans la Fondation Charles-Bruneau. La Fondation est l'œuvre qu'on a pu laisser,
comme c'est un leg je pense qu'on va laisser à la société québécoise. Aujourd'hui, il y a quatre
unités Charles-Bruneau au Québec, à l'hôpital Sainte-Justine, à Montréal pour enfants, à Laval
à Québec, au Centre mère-enfant, puis à Sherbrooke, au Centre universitaire de Sherbrooke.
Des unités Charles-Bruneau où on arrive où tous les enfants qui arrivent là, qui sont diagnostiqués d'un cancer, ont les mêmes chances de guérison.
Parce qu'il y avait des disparités au Québec.
Quand on était juste à Sainte-Justine, les enfants s'en venaient à Sainte-Justine ou s'en allaient aux Children puis tout ça aussi. Mais on a contribué
à créer des espaces
de traitement,
d'hospitalisation qui permettent
aux enfants d'avoir le meilleur
accompagnement, le meilleur environnement
pour la guérison. Et on investit
beaucoup dans la recherche.
C'est 100 millions de dollars que la Fondation
Charles-Bruno a réinvesti depuis qu'elle existe.
100 millions de dollars. C'est des sous. – Et t'as commencé avec 800 puis 1200 dollars que la Fondation Charles-Bruno a réinvesti depuis qu'elle existe. 100 millions de dollars.
C'est des sous.
Et tu as commencé avec 800 puis 1200 dollars de la Gaspésie.
Exactement.
Tu sais, tu as commencé.
On avait cherché ça comme ça.
La Fondation n'existait même pas encore.
On avait un fonds qu'on avait dédié dans ce projet de construction.
Parce que tout ça, c'est un beau projet.
Quand on était arrivé, j'étais allé à Québec.
C'était le congrès des chevaliers de Cologne,
puis on m'avait invité pour aller donner une conférence
aux épouses des chevaliers de Cologne,
qui ne savaient pas trop quoi faire,
j'imagine, pendant qu'ils ont marié.
Il y avait des réunions.
Il y avait des réunions, c'est très fermé,
les chevaliers de Cologne.
Alors, OK, j'avais rencontré les femmes,
puis juste avant que je parle,
elles remettent un chèque, je ne me rappelle pas,
à une fondation quelconque,
un montant qu'elles avaient accumulé.
Alors j'arrive.
Là, j'arrive sur la scène.
Je dis, bien, bravo.
Puis là, ah, c'était un rêve d'enfant.
OK.
Le chèque était pour rêve d'enfant.
Le chèque était pour rêve d'enfant.
Alors là, j'arrive sur la scène, puis je dis,
je vais vous raconter un rêve.
Un rêve d'enfant.
Et vous allez pouvoir y contribuer un jour,
si vous avez le goût d'y embarquer.
Mais ça n'existe pas encore.
Et je leur avais parlé du centre de cancérologie pédiatrique.
Écoute, c'est un projet qu'on avait
en tête, qu'on avait élaboré,
mais pour lequel il fallait trouver
20 millions de dollars, pas moins.
J'avais, on avait trouvé
et convaincu M. Chagnon.
C'est une grosse montagne à monter.
Ben là, écoute, on prend les bouchées
ou on la prend pas.
Et là, écoute, je leur avais vendu
cette idée de projet,
mais j'avais raconté le rêve de Charles à travers cette histoire-là. Le rêve de guérir. Et parce que je dis, le premier rêve d'un enfant, c'on peut ensemble réaliser. Et puis, finalement,
c'est là qu'elles sont entrées dans le jeu,
les épouses des Chevaliers de Cologne.
52 week-ends ont suivi.
50 sur les 52,
on était partis, je notais moi,
à la rencontre, on est allés à Fermont,
on est allés à Murdochville,
on est allés à, je nomme toutes les villes,
Rouyn-Noranda,
on a fait l'Estrie,
peu importe où.
On est allé dans l'Outaouais tous les week-ends
pour aller chercher des dîners spaghettis,
des soupers, des rencontres.
Et finalement, elles ont amassé dans l'année
plus de 200 000 $.
C'était, en quelque sorte,
mais au-delà du 200 000 $,
c'était le contact
établi dans des régions du Québec.
Parce que toute notre histoire faisait la manchette des journaux locaux,
qui étaient à l'époque très présents et très lus.
Et ça nous permettait de rayonner et de faire connaître un peu notre action.
Et c'est comme ça qu'on a développé notre histoire
et qu'on est devenu la fondation qu'on est aujourd'hui.
C'est la plus grande fierté que j'ai.
C'est une grande fierté.
Puis l'implication, parce que je suis contente que…
Je ne savais pas que tu allais répondre ça,
mais l'implication sociale, dans le fond, Charles,
vous a amené à vous impliquer pour une cause,
parce que je pense qu'on s'implique toujours pour des causes qui sont organiques.
Yvon Deschamps, à un moment donné,
m'avait dit en entrevue,
tu sais, on s'implique d'abord pour nous.
C'est évidemment ce que j'allais te répondre.
Si je n'avais pas eu cette...
Penses-tu qu'à 30 ans ou 32 ans,
j'avais 35 ans quand Charles est décédé,
il en avait 26 quand il a été diagnostiqué le CMI.
J'avais 26 ans. – Il était tout jeune.
– Penses-tu qu'à 26 ans,
on a la tête à dire « Ah, moi, je m'implique
en philanthropie, puis je vais m'instituer. »
– Non, ça prend une cause
qui vient nous chercher.
– Et le docteur Demers
m'avait dit « Bien, Pierre, t'es déjà
à la télé. » Je commençais à la télé.
Là, j'avais un choix à faire
en même temps. Je me souviens très
bien, j'apprends que mon fils,
mon premier enfant,
a un cancer. J'ai 26 ans.
Je rentre dans le bureau du patron.
Moi qui étais pas ambitieux,
mais je te parlais tantôt de
satisfaire
aux normes, puis être à la hauteur
de tout. J'ai dit, il se peut que je ne sois être à la hauteur de tout.
J'ai dit, il se peut que je ne sois pas à la hauteur de ce travail-là au cours des prochains mois, années,
je ne sais pas, j'ai un fils qui m'en a l'air.
Et puis je leur avais expliqué,
puis je me souviens très bien de la réaction du patron
qui m'avait dit, prends le temps qu'il faut,
on ne brusque rien, on a confiance en toi,
on va miser sur toi,
prends le temps qu'il faut avec ton fils.
Chaque fois qu'il y aura quelque chose.
Je me souviens, j'allais en traitement avec Charles
le matin et j'arrivais
à TVA parce que je faisais les nouvelles du midi
puis je l'amenais avec moi.
Alors tout le monde a connu Charles à TVA
aussi. Donc c'est devenu comme
une façon, mais
j'ai eu ce privilège-là
puis cette capacité de dire aussi
je suis dans la vie
publique, mais j'ai une vie
familiale avec
un drame qu'on a à vivre chez nous,
et on veut le surmonter. Et puis
pour moi, c'était un drame. À 26 ans,
tu t'attends pas, tu sais, tu mises
sur ta carrière, tu t'attends pas à avoir un fils
malade, tu sais que tes parents,
tu vas peut-être les perdre.
Mais pas ton enfant.
Mais pas ton enfant, tu ne penses surtout pas à ça.
Et là, je remonte en 1979.
Quand Charles a été diagnostiqué en 1979,
il y avait 30 % de chances de guérison.
Deux ans avant, on perdait 95 % des enfants.
Là, la progression au niveau de la recherche,
pas de la recherche, au niveau des traitements
permettait
un meilleur taux de succès
au niveau de la guérison.
Mais là, on vivait dans une
espèce de... Je savais même pas
que ça existait, les cancers d'enfants. Moi, je me
souvenais d'avoir vu
un film, puis Love Story.
Ah oui.
Ah oui.
Où la jeune étudiante meurt et puis bon.
Tu sais, c'est toute une histoire.
Mais c'était la seule fois où j'avais vu une jeune personne mourir d'un cancer.
Ça de la leucémie aussi, je me souviens de ça.
Et puis, mais sinon, c'était des histoires que tu entendais.
Tu sais, dans les journaux, c'était tellement tabou, Marie-Claude,
qu'on n'écrivait pas qu'ils étaient morts d'un cancer,
les enfants. On écrivait qu'ils étaient morts à la suite d'une longue maladie.
C'est ça.
On ne voulait pas associer.
En même temps, ça faisait une méconnaissance.
Une méconnaissance. On ne connaissait pas du tout.
Et le docteur Demers a poussé
la machine pour qu'on comprenne
très bien que le cancer,
puis là, je te parle, on est en 2023,
tous les jours, au Québec, une famille apprend que son enfant a un cancer.
Toutes les semaines, au Québec, un enfant meurt de cancer.
Malgré toutes les avancées qu'on a faites,
malgré tous les succès en recherche,
le cancer demeure en 2023 la première cause de maladie
mortelle chez les enfants.
Première cause de maladie mortelle.
Tu sais, on a beau
se taper dans le dos,
se réjouir qu'on réussit
à faire des choses extraordinaires,
mais la réalité,
elle est là.
Et on a encore beaucoup de chemin à faire.
Et c'est pourquoi je dis, c'est une fierté d'avoir avancé un peu,
mais il en reste encore tellement.
Moi aussi, j'ai un rêve.
Charles avait le rêve de guérir.
Moi, j'ai le rêve de fermer la fondation un jour,
parce qu'on n'aura plus de cancer chez les enfants,
ou le cancer ne sera plus mortel, mais sera une maladie chronique
qu'on pourra toujours suivre.
Je le souhaite fortement. En tout cas, je nous le souhaite.
À tout le monde, oui.
Une question, François, je vais poser
celle sur laquelle tu as
te ziuté. Qu'est-ce que tu n'as
pas reçu de tes parents et qui t'a
manqué?
De mes parents,
c'est drôle
parce que mes parents, moi, j'ai eu des grands-parents. J'aurais voulu avoir des parents. Ma mère avait 46 ans quand je suis venu au monde. Mon père en avait 50. Alors, j'ai toujours eu l'impression d'avoir des grands-parents. – Puis il y avait eu d'autres enfants. – Je suis le dixième de dix.
Il y a six ans de différence entre l'avant-dernier mois.
– Il y avait de l'usure, j'imagine, un peu de la fatigue peut-être.
– Il y avait tout ça aussi.
Mais je vais te donner... Puis on n'était pas une famille très riche.
Surtout pas. Mon père était comptable.
Puis bon,
neuf garçons chez nous.
Moi, j'héritais des patins des plus vieux
puis des vêtements des plus vieux.
Tout se passait de l'un à l'autre.
J'étais très gâté par mes frères et sœurs parce qu'ils étaient pas mal plus vieux.
C'est ma sœur, ma seule sœur qui est ma marraine, puis mon frère le plus vieux qui est mon parrain.
Et quand je regarde tout ça dans ma vie, ça a été extraordinaire.
Mais je n'avais pas de parents. J'avais des grands-parents.
Mon père, quand j'ai eu 15 ans,
il en avait 65.
Et il était malade depuis l'âge de 55 ans.
Donc, j'ai toujours vu mon père assis dans un fauteuil,
plus souvent qu'autrement,
difficulté à marcher.
Et c'est ça qui m'a manqué le plus.
Des parents. Et je me rappellerai toujours à 12 ans
j'ai eu ma première paire de patins qui n'était pas trop versée
pour aller jouer au hockey
mon père était venu avec moi
et dans la chambre des joueurs
il m'avait aidé à attacher mes patins
et c'est drôle parce que tous les
autres joueurs autour de moi
ils avaient dit ah t'es chanceux toi ton grand-père est avec toi
j'avais dit à mon père non je suis capable d'attacher mes patins tu viens plus dans la chambre des joueurs autour de moi, ils avaient dit « Ah, t'es chanceux, toi, ton grand-père est avec toi. » J'avais dit à mon père
« Non, je suis capable d'attacher
mes patins, tu viens plus dans la chambre des joueurs. »
J'avais cette honte
d'avoir des grands-parents, mais pas des parents.
Mais mes parents ont été
extraordinaires, pareil.
Aujourd'hui, je regarde
ça avec mes yeux d'aujourd'hui, mais
toute mon enfance,
j'avais l'impression d'avoir des grands
parents avec moi. Je jouais avec mes amis autour de chez nous, tous les parents. Écoute, moi,
j'avais 7-8 ans, je me souviens très bien. Puis mes amis, leurs parents avaient 30 ans. Puis moi,
j'avais des… Je rentrais chez moi, mon père à 7 ans, il était rendu à 57, il y avait quelque chose de déconnecté
avec les amis
autour de moi.
Moi, je pouvais
aller partout dans les autres maisons,
mais les autres, c'était comme, ils étaient gênés
de rentrer chez moi, comme si c'était
on va aller chez tes grands-parents,
on va aller à quelque part.
Et toi aussi, tu avais comme une gêne.
Exact, de les amener chez moi.
Et aujourd'hui, quand tu regardes ça...
Je me trouve ridicule.
Parce qu'aujourd'hui, tout a changé dans la société.
Là, tu sais,
il y a des gens qui recommencent
une union à 50 ans, puis qui ont
des enfants à cet âge-là aussi, tu sais.
Mais je sais pas. C'était
moi ce que je vivais, c'est tout.
Est-ce que ça aurait... À quel moment ça t'a manqué, ça, d'avoir des parents
qui étaient plus jeunes?
Mais tu vois, ça m'a manqué
au point où j'avais hâte
d'être pensionnaire, d'être allé...
Je suis allé dans un collège,
de me retrouver. Non.
C'est dur ce que je dis.
Ça t'a apporté une différence? Tu te sentais différent
quand tu étais avec tes parents?
Je sentais que je devais toujours aider chez moi.
Mes parents étaient plus âgés, donc à 15 ans, mon père en avait 65,
je faisais, tout le monde qui faisait l'entretien,
je vais me dire que ça aurait été normal que tous les enfants de 15 ans
entretiennent le gazon ou fassent du travail manuel chez eux,
mais j'étais mauvais là-dedans.
Mais j'étais obligé de le faire
parce qu'il y avait une incapacité chez mes parents pour le faire.
Puis les plus vieux étaient tous partis.
Alors ça m'incombait, à 12 ans, 13 ans.
Je me rappelle, on avait une pente comme ça pour faire la tondeuse,
puis je glissais tout le temps dans la pente pour remonter.
Puis je finissais tout le temps dans la pente pour remonter.
Puis je finissais la pelouse, puis je braillais parce que je me disais, j'haïs-tu ça, faire la pelouse?
Comment ça se fait que je suis obligé de faire la pelouse?
Mes autres frères sont tous partis.
Tu comprends?
Il y avait...
C'est niaiseux, ce que je dis aujourd'hui.
Je me trouve ridicule.
Je me trouve ridicule de te raconter ça.
Tu te trouves ça ridicule,
mais moi, je pense qu'il y a des gens
qui doivent se reconnaître dans ce que tu dis.
Parce qu'il y en a
beaucoup de familles, quand tu étais
le plus jeune, forcément, tes parents
étaient un peu comme un bâton
de vieillesse à quelque part. Il y avait cette expression-là
à l'époque, être le bâton
de vieillesse. Souvent, ça incombait
au plus jeune. J'ai peut-être eu peur de devenir
le bâton de vieillesse aussi de mes parents.
Pourquoi? J'avais hâte de partir à Trois-Rivières
après, étudier. J'avais hâte
d'arriver à Montréal.
Je ne me serais pas vu
vivre dans ma communauté
auprès de mes parents.
Me sentir toujours comme...
Non, je...
– Tu te sentais obligé? – Je me sens un peu égoïste.
– Mais tu te sentais un peu obligé à l'époque
parce que, si on le ramène dans le contexte,
ce n'est pas ce que tu ferais aujourd'hui, mais dans...
Non, après, quand j'ai commencé à être plus à l'aise dans mon travail,
j'avais hâte d'aller voir mes parents les week-ends,
j'avais hâte de leur offrir quelque chose,
de les amener au resto, de faire quelque chose, tu comprends.
Mais il y avait comme... Je me sens ridicule, là, de les amener au resto, de faire quelque chose, tu comprends. Mais il y avait comme...
Je me sens ridicule, là,
de te raconter ça.
Mais est-ce que ça... Parce que mes parents, je les ai
beaucoup aimés. Ma mère a été, pour moi,
extraordinaire. Décris-moi tes parents.
Ah, ma mère, c'était
une amie d'Olivette
Thibault. Je ne sais pas si tu as connu
Olivier Thibault. Bien certainement. Qui jouait dans quelle famille?
Pas personnellement, mais je sais absolument c'est qui dans l'histoire du Québec. Bon, Olivier Thibault et ma ne sais pas si tu as connu Olivier Thibault. – Bien, certainement. – Qui jouait dans quelle famille? – Pas personnellement, mais je sais absolument
c'est qui dans l'histoire du Québec.
– Bon, Olivier Thibault et ma mère étaient deux amis
jeunes.
Quand Olivier Thibault est parti pour
Montréal, il a dit, Armande, ma mère
s'appelait Armande, tu devrais venir avec moi
faire du théâtre, tout ça aussi. Je m'en vais
faire du théâtre parce que je jouais dans
des pièces de théâtre, un peu.
Et ma grand-mère, Bouchard,
avait dit à ma mère, tu vas pas à Montréal
parce que tu vas perdre ton âme.
Oh!
C'est un avertissement qui est pas mineur.
Tu vas perdre ton âme.
Alors, c'était...
Écoute, là, on est...
Ma mère est venue au monde en
1910, 1908.
Mais là, on est dans 1928, peut-être.
Donc, elle n'est pas allée à Montréal.
Elle n'est pas allée à Montréal.
Sa destinée a changé.
Mais elle a joué au théâtre.
Moi, je me souviens de l'avoir vue jouer des pièces de théâtre à Victoriaville,
sur la scène du Centre catholique.
Elle jouait.
Dont une pièce, je me souviendrai toujours.
Elle meurt sur la scène.
Elle tombe sur le divan. Puis là, je
pleure dans la salle.
Mon père essaie de me consoler à côté.
Je vois ma mère mourir.
Elle était bonne comme comédienne.
Tu y as cru.
Alors, ma mère avait tellement
voulu être comédienne.
Je pense que peut-être ce
côté artistique que j'ai hérité de ça aussi, cette facilité
dans la communication, elle était très bonne
en communication. Elle était toujours
la première à parler.
Elle n'avait peur de rien.
Elle était très à l'aise
avec l'accent
des années 30, 40,
50, quand elle a
certainement appris le théâtre et toutes ces choses-là.
Non, ça, c'est ma mère.
Mon père était un intellectuel, très intellectuel, lire les journaux, concentré sur...
Mais pas très...
Mon père avait un très grand défaut.
D'abord, il était parfait bilingue.
Il écoutait la télévision en anglais tout le temps chez nous.
Puis nous autres, on ne comprenait absolument rien.
Puis là, je le vois rire.
Nous autres, on ne comprenait pas pourquoi il riait.
Il écoutait Red Skelton Show, puis Ed Sullivan, puis des choses comme ça.
Ed Sullivan, ça passait parce qu'il y avait de la musique.
Mais de Red Skelton, c'était un stand-up comique.
Donc, c'est ça, quand tu ne comprends pas l'anglais, tu ne peux pas rire.
Tu ne peux pas réagir.
Mais mon père était, c'est ça, un intellectuel.
C'était vraiment...
Il lisait énormément, beaucoup, toujours.
Les encyclopédies, il y en avait toujours
une ou autre, je me rappelle, avec
trois, quatre feuillets dans des pages.
Là, tout à coup,
il lisait les choses.
Non, c'était mon père.
C'était mon père.
Très, plus porté
vers tout ce qui était
plus l'éducation,
les choses comme celles-là. Ma mère,
elle était très spontanée,
artistique, nous aidait,
mais c'était elle qui gérait la maison chez nous.
C'est elle qui vraiment…
Qu'est-ce que tu as retenu de ta mère et de ton père?
De ma mère, j'ai retenu la ténacité et ne jamais abandonner.
Parce que j'entendais François Legault récemment parler des enveloppes de sa mère.
Chez nous, il n'y avait pas d'enveloppes parce qu'il n'y avait pas d'argent à mettre dans les enveloppes.
Souvent, les fins de mois étaient très difficiles.
La paie arrivait, mais c'était l'épicerie
et c'était des choses comme celles-là.
Et puis, il y avait une situation qui faisait
qu'on naviguait toujours,
mais on avait une maison.
C'était déjà un privilège d'avoir une maison.
Alors, j'ai l'impression, je ne sais pas combien,
parce que quand ils ont vendu la maison,
je pense qu'il devait être trois fois le prix qu'il l'avait payé au départ.
Tu comprends?
Il l'avait refinancé au fil des années
pour nous permettre, toute la famille, de pouvoir vivre.
Et ça avait été comme un levier qui avait permis à tout le monde de vivre sans que mes
parents s'endettent trop sinon payer un logement puisqu'ils auraient fait probablement ailleurs
je garde un bon souvenir de ce souci malgré tout j'ai appris la ténacité la mer n'abandonnait
jamais trouvé des solutions à tous on était neuf gar Alors, je revois un peu la situation,
les problèmes de l'un,
les problèmes de l'autre, les amours de l'un,
l'alcoolisme de l'autre,
les sautes d'humeur du troisième.
Il y avait toujours quelque chose à gérer,
j'avais l'impression, comme dans
toutes les familles.
Oui, mais c'est une grande famille.
Une grande famille. Et puis, ma mère
était toujours...
Elle écoute.
Elle se disait toujours,
« Ah, vous autres, ça va bien.
Vous n'avez pas besoin de moi autant que... »
Elle se tournait vers ceux qui avaient le plus besoin.
Et de ton père, tu as retenu quoi?
J'ai retenu de mon père le silence.
Mon père était souvent dans...
J'ai jamais vu mon père colérique, j'ai jamais vu mon père
s'emporter, j'ai jamais vu mon père
mais
c'était toujours un homme de silence.
Et aujourd'hui,
je réalise que le silence est tellement
important, tellement facile. C'est pas pour rien
qu'on dit « la parole est d'argent,
le silence est d'or ». C'est que
souvent, en écoutant,
si on prend le temps d'entendre
et d'écouter les autres, c'est là qu'on apprend le plus.
Est-ce que
le fait,
chez vous, l'argent, ça ne coulait pas en flot,
est-ce que ça a
une influence sur ta relation avec l'argent?
Je me trouve privilégié.
Est-ce que j'ai travaillé
en fonction de l'argent, puis en avoir
beaucoup? Ou y faire attention quand t'en as?
Oui. Parce que tu t'es vu,
c'était quoi aussi la rareté
d'argent, à quel point ça pouvait être un casse-tête aussi?
Oui, mais
c'est drôle,
l'argent, on dirait
que ce que j'ai gagné, ce n'est pas pour moi.
C'est bizarre à dire.
Je suis, je pense,
extrêmement généreux
dans mon entourage, avec mes
enfants et tout.
Il y a quelque chose,
ma relation, c'est...
Mais
le dicton
que je privilégie aujourd'hui,
c'est tout ce que l'on reporte, on ne le fera pas.
À mon âge, tout ce que je reporte, je ne le ferai pas.
Alors, ça se présente, je dis oui ou je dis non.
Si je dis non, c'est correct.
Mais si je dis oui, on va au bout tout de suite.
On n'attend pas de dire, ah, ça, c'est un projet dans trois ans.
Oublie ça, là.
Est-ce que le fait d'être parti six mois avec Ginette,
ça, c'est un rêve que tu réalisais?
En fait, c'était vraiment pour la coupure du travail.
J'avais besoin de dire,
je veux sortir complètement de mon environnement
qui a marqué 50 ans ou les dernières années.
Combien de repas ou d'invitations j'ai refusées
parce qu'il faut que je rentre.
En fin de semaine, c'est l'événement.
En fin de semaine, il y a ci ou d'autres choses.
Je disais non. Combien de fois?
Ou si je disais oui, je disais oui trop souvent
et j'étais épuisé au bout de l'île.
Alors, il y a quelque chose où j'avais besoin de couper. J'avais besoin de couper et puis dire on part. Et pendant ce temps-là, ça nous permet juste de remettre un peu d'ordre dans notre avenir aussi, de voir ce qu'on veut garder et puis plus garder. On avait deux maisons, une maison de campagne, une maison à Montréal.
On en a vendu une, on s'est concentré sur l'autre,
et puis on se dit, c'est extraordinaire ce qu'on vit maintenant.
Extraordinaire.
Il y a plus de déplacements, mais il y a tellement plus de bonheur quand on est chez nous, tu comprends.
Et quand on en a trop, on en a trop.
Je commence, j'apprends de Ginette,
parce qu'elle a toujours eu ça,
de réduire, réduire, réduire un peu
tous les biens qu'on a.
On en a trop, on finit par en avoir trop,
puis on dit, bien, on a-tu besoin de ça?
C'est libérateur.
C'est libérateur.
C'était un, disons, tout un processus.
Et quand on revient, on constate
pas que les autres ont changé.
On constate que nous, on a changé. Après six mois,
c'est pas si long que ça, mais six mois, on revient et on regarde aller des choses autour
de nous et on se dit, est-ce que c'est encore ça qu'on veut? Est-ce que c'est encore vers ça qu'on veut aller?
Je sais pas. Est-ce que tu as découvert quelque chose chez toi? Le calme.
J'ai commencé à découvrir le calme.
Je pensais que je ne serais jamais capable.
Moi, je serais sans aucun doute aujourd'hui un enfant au ritalin.
Ah oui!
Ah oui, donc tu es agité à l'intérieur.
Oui, toujours.
J'avais toujours quelque chose qui...
Ça allait pas assez vite ou ça allait trop vite
ou ça allait pas de la façon dont je voulais ou je pensais.
Tu sais, j'avais besoin de ce calme-là,
mais je l'avais pas.
J'avais pas ce calme-là, tu sais.
Il y avait toujours...
Je me rappelle au collège, je disais,
« Hé, Bruno, calme-toi un peu, tu sais. »
Bien non, combien de fois je me suis fait arrêter par le bras,
parce que j'étais toujours trop emballé, pas assez préparé.
Tu comprends?
Les enfants au ritalin aujourd'hui ont besoin juste d'être encadrés.
Et le ritalin leur permet peut-être d'accepter l'encadrement.
Parce que quand on a…
C'est être contenu à quelque part.
Oui.
Se contenir à quelque part. Oui. Se contenir à
quelque chose. Sinon,
on est toujours
sur le 100 volts.
Là, tu as appris à te déposer.
Exact. J'ai appris ça.
Et ça, ça change quoi?
C'est le bonheur total.
Des fois, je me sens
trop lent maintenant pour faire beaucoup de choses.
Mais il y a tellement d'autres choses.
J'ai pas vu si on avait parlé,
mais comme j'ai eu la chance d'aller à ta maison de campagne à quelques reprises,
j'aimerais ça que tu...
Écoute, ça n'a même pas rapport avec la question,
mais c'est parce que tu as quelque chose d'un horticulteur.
Tantôt, tu disais que tu n'aimais pas passer la tondeuse, faire le gazon,
mais reste que chez toi,
il y a quelque chose de méditatif, j'imagine.
Je suis toujours. Moi, je suis un contemplateur.
Parce que
tu es rockeur.
Je ne sais pas comment tu appelles tes plates-bandes,
tes rockeurs, peu importe, mais
on sent tout l'amour que tu y mets à ça.
C'est drôle.
Ce matin, on partait
et je regardais encore cette plate-bande-là,
puis je me disais, ça n'a pas de sens.
C'est vraiment, pour moi,
c'est quelque chose qui est tellement,
tellement beau encore.
On est rendu au mois de septembre, mi-septembre,
je regarde les fleurs, ça m'inspire.
Puis je regarde toute la saison où les fleurs
changent et en a quelques-unes.
Et c'est toi qui les plantes, tes fleurs?
Oui. Tout de suite, la plantation.
Comme on était partis
pendant six mois, j'ai confié ça à un jardinier
pour la période.
Mais tu sais, c'est quelque chose de tellement...
Ça nous calme.
C'est vraiment...
Ça me permet de penser à autre chose
que de penser au point de presse
de Legault ou à telle histoire
de Trudeau, peu importe.
Peu importe.
Donc, tu as appris à te déposer aussi.
C'est un grand gain, ça.
Ça et le vélo. Le vélo, c'est...
Écoute, depuis que je suis...
La semaine dernière, je pense que j'en ai fait
400 kilomètres.
50, 75 kilomètres
tous les jours.
Mais c'est fou comment t'es un sportif, là.
Ben, heureusement.
Je pense que j'ai trop bouffé
pendant les vacances. Je suis revenu, puis là,
on m'a dit, hop, vous faites un peu de cholestérol,
M. Bruno.
Pardon.
Mais t'as changé de mode de vie,
j'imagine, quand tu pars six mois
comme ça.
Là, on commence à rétablir
l'origine.
Ginette, et toi, tout ce que vous avez fait,
c'est déjà de faire la muraille de Chine, mais pas du côté
des visiteurs. La muraille de Chine qu'il faut pratiquement
escalader,
c'est quand même autre chose.
Le camp de base Everest.
Tu as besoin de défis. Oui. C'est quand même autre chose. Le camp de base Everest. T'as besoin de défis. Oui.
J'adore.
C'est excitant.
C'est l'adrénaline qui monte.
Il y a quelque chose qui fait que tu te dis
« Hey, écoute, on l'a réussi. »
Et le Kili,
deux fois plutôt qu'une.
Il y a comme une satisfaction
de découvrir et de redécouvrir
ces endroits-là. Tu peux prendre de l'eau encore?
Tu peux prendre de l'eau, certain.
Excusez-moi, excusez-moi.
Non, non, non, il n'y a vraiment pas de souci.
C'est parce que moi, vous m'impressionnez
de...
Vous allez
haut du vent, vous
partez à l'aventure. En fait, vous êtes des
aventuriers, Ginette et toi.
Oui, mais avec une confiance inouïe.
On part, on est encadrés.
Tu sais, moi, c'est...
On avait fait le camp de base Everest
et le Machu Picchu.
La même année, il y avait aussi une équipe
qui allait au Kilimanjaro. Et Serge Dessureau, qui est décédé au camp de base Everest, était de l'équipe qui était allée au Kilimanjaro. Et les gens m'en par je suis revenu, puis d'abord, quand j'ai appris son décès à lui,
dans une expédition qu'il avait faite,
je me suis dit, mon Dieu,
des fois, on est un peu...
On part, on fait confiance,
puis on ne sait pas trop
dans quoi on s'embarque,
mais on y va naïvement.
Il y a quelque chose qui fait...
Tu sais, dans le fond,
c'est notre vie qui est menée comme ça.
Notre travail, nos choix personnels.
Ma mère disait toujours, tu sais, Pierre,
quand tu as une décision
à prendre, il y a toujours quelqu'un qui va te taper
sur l'épaule de droite, qui va te dire,
« Hey, tu devrais faire ça. »
À gauche, il va te dire, « Ben non, ben non, ben non, regarde.
Les statistiques montrent que c'est ça
que tu devrais faire. » Puis en dedans de toi,
il y a toujours quelque chose qui te guide.
Puis c'est ça
qu'il faut écouter.
C'est ça qu'il faut écouter.
Elle est là la réponse.
Souvent les gens vont, quand on leur dit quelque chose
comme je vais aller monter le Kilimanjaro,
ils vont te faire peur de leur peur.
Faire peur de leur peur à eux.
Ben oui, parce que c'est ce que
tu ne ferais pas.
C'est confrontant quand les autres
relèvent des défis comme ça.
C'est confrontant de dire, est-ce que je le ferais?
Parce qu'on a tous tendance à se poser
cette question-là, mais moi, je trouve que
vous êtes une source d'inspiration.
Mais en même temps, on se dit,
Ginette n'était pas sûre la première fois.
C'est toi qui l'as tiré vers ça.
Non, non, non, mais j'avais dit,
si tu n'y vas pas, je n'y vais pas.
Mais Ginette n'aurait pas fait ça naturellement.
Non.
Puis moi non plus.
C'est quelqu'un qui m'a dit finalement…
Puis là, tu t'es dit, je vais convaincre Ginette.
Oui.
Je suis arrivé à la maison, non, non,
j'ai dit, on s'équipe tous les deux,
on va faire le kini manja.
Ah, le quoi?
Non, non, mais en même temps
il y a quelque chose dans cette expérience
qui nous a beaucoup rapprochés
tu sais, quand on se retrouve
dans notre petite tente
qui fait moins 20 la nuit
puis que tu sens le vent
puis la tente, tu l'as de même sur ton
sleeping, puis là tu fais
chauffer de l'eau, des bouillottes
de bouteilles d'eau que tu mets dans le fond
de ton sleeping parce que tu congèles.
Là, tu dors la nuit,
puis là, c'est le festival
du Zeper qui part le matin parce que
tout le monde va être le premier à aller dans
la petite cambuse à côté
qui est la...
La toilette portative.
Non, non, tu sais, c'est
un autre monde. Mais tu le fais dans ta vie et puis tu te dis, j' tu sais, c'est un autre monde.
Mais tu le fais dans ta vie et puis tu te dis, j'y vais.
J'y vais, je le fais.
Puis il y a un défi, puis il y a une satisfaction
quand tu as complété tout ça.
C'est incroyable.
Donc, il faut le faire.
Il faut le faire.
Quand la petite voix nous dit de le faire, on le fait.
On le fait.
On est rendu aux questions rouges.
Donc, il y a quatre questions.
Tu en choisis une, puis tu lui réponds.
Oh!
Mais qu'est-ce que c'est?
À quel besoin
profond Ginette répond-elle?
Soit c'est la suite, dans le fond.
Ben oui, mais je pense que j'ai beaucoup répondu
à cette question-là. Elle répond à
cette...
Dans la vie, peu importe,
on ne peut pas vivre seul.
Ce n'est pas vrai.
Tous ceux qui vont vous dire qu'on est bien seul,
il y a une solitude qui finit par peser.
On a besoin.
On ne peut pas écouter que notre voix à nous tout le temps.
Notre petite voix intérieure, elle est importante.
On a besoin de vivre en couple.
Homme-femme, femme-femme, peu importe, on a besoin de vivre
à deux, des choses.
Ginette répond
à tout ce que je n'ai pas.
Elle est rationnelle comme ça se peut pas.
Elle va analyser jusqu'au
moindre détail avant que l'on parte
cette expédition-là,
peu importe. Je vous donne ça comme exemple.
Et moi, je suis naïf.
Je fais confiance
à tout le monde. Même chose
en finance, même chose...
– J'aurais jamais dit ça, Pierre.
Donc, toi, tu fais confiance facilement.
– Facilement. Je me dis
si les gens... En fait, pas pour eux.
Je vois ceux qui vont venir
pour profiter de l'affaire.
Mais une fois
que je fais confiance,
je fais confiance.
Jeannette va toujours avoir
cette rationalité qui va dire
non, là, la limite, elle est là.
On arrête là.
Et il y a autre possibilité
ou autre solution qui s'offre à nous.
Tu regardes là.
Moi, c'est toujours la voie de la simplicité
et de la confiance. On est parti, on y va.
Alors ça, c'est un besoin
profond et c'est la même chose dans l'amour.
Moi, je suis
la même chose.
T'es tellement ouvert avec elle,
tellement...
J'ai eu
dans... Et pour moi,
la valeur de la fidélité,
elle est essentielle.
Je pense que c'est ce qui nous a tenus beaucoup.
La fidélité dans le sens où j'ai besoin de son amour
puis elle a besoin du mien.
Puis c'est pas à 50 %, puis c'est pas à 60 %,
puis c'est pas...
On se remet tous en question à un moment dans la vie.
Je pense que c'est normal.
Mais une fois qu'on est
assez courageux pour laisser l'autre
décider de son
et que l'on dit, on continue
ensemble, c'est un contrat à vie.
Tu sais, 50 ans de mariage, nous.
Alors pendant 50 ans,
on a eu, bon, à travers
les difficultés, mais à chaque fois, ces
difficultés-là nous ont rapprochés.
Parce que vous avez de la tension
l'un envers l'autre. – La tension, beaucoup.
– Je pense qu'il y a une clé. Il y a une étude aux États-Unis
qui a été faite par l'Université Harvard sur 80 ans.
Ils ont pris
724 hommes.
50 % venaient de l'Université Harvard,
50 % d'un milieu défavorisé.
Et par la suite, il y a de la descendance
qui s'est ajoutée. Ils voulaient étudier
la condition humaine. Même John F. Kennedy faisait partie de cette étude. Et il y a beaucoup deance qui s'est ajoutée. Il voulait étudier la condition humaine. Même John F. Kennedy faisait partie
de cette étude. Et il y a
beaucoup de chapitres dans ce livre-là,
Qu'est-ce qu'une vie heureuse? Et le chapitre sur le couple,
ils disent que les
fondements du couple, évidemment
c'est l'amour, mais c'est
l'attention. L'attention
qu'on porte à l'autre. Moi, tous les matins, encore,
je rappelle, je vais porter le café,
je réveille Ginette avec le café, tous les matins, encore, je rappelle, je vais porter le café, je réveille Ginette
avec le café, tous les matins.
Puis Ginette me racontait,
forcément, quand je m'ouvre les yeux,
le sourire vient
avec l'ouverture de mes yeux.
Déjà de commencer avec le sourire de l'autre.
J'ai toujours vu sourire,
tous les matins. Alors, tu sais, c'est...
Tu sais, pour moi, ça, c'est important.
Tu sais, le matin, c'est le premier bonjour qu'on se dit,
puis on part, puis on placote.
On prend le temps de déjeuner, on prend le temps de partager,
puis on planifie la journée.
Comme je n'ai pas été très rationnel,
il faut que l'agenda soit clair quand la semaine commence
et quand la journée commence.
Est-ce que ça, t'as trouvé ça dur à un moment donné?
Un peu, parce que moi, je suis...
Cette espèce d'agenda,
je l'ai en tête. Alors moi,
écrire à 10h45,
oh, une entrevue aujourd'hui,
bon, je sais,
si je l'oublie, ils m'appellent.
Tu comprends? Ils vont me retrouver.
Non, mais il y a quelque chose comme...
Mais je dis, non, non.
Il y a tout ça aujourd'hui, on a ça aujourd'hui,
on doit aller. Tu sais, c'est pas...
C'est pas...
C'est pas une corvée, là. Tu sais, je dis pas...
Mais tu sais, au début, là, juste,
habitué à ça, hop! Alors, elle est le plus organisée
que moi. Même à la maison, tu sais.
Faut pas que j'ouvre mon armoire à côté
de l'armoire de Jeannette, là. Tu sais, c'est pas vrai.
Tu sais, mon fouillis, puis tu vas voir,
ça va être tout éclaté, elle.
Les chandails par couleur,
puis les pantalons par couleur.
Moi, c'est chandail, pantalon, pantalon, chandail, chandail.
Mais est-ce qu'un secret de ça,
c'est justement qu'elle ne laissait pas
que tu fasses comme elle et que tu n'essaies pas?
Parce que des fois, c'est ça aussi le couple.
Il y en a un qui essaie de rendre l'autre comme lui,
d'imposer.
Donc, la personne qu'on a aimée dès le départ,
on est en train de la transformer,
donc c'est plus la même personne.
C'est le respect, ce respect-là.
Elle ferme la porte doucement
quand elle vient pour s'habiller.
Et comment c'est passé?
Tu sais, on parle souvent
du syndrome du nid vide.
Ça fait quand même quelques années que vous l'avez vécu,
mais je suis curieuse de t'entendre là-dessus.
Quand les enfants partent, souvent on va nous dire
c'est l'ennui des enfants,
mais c'est aussi de ce...
Parce que vous n'avez pas été en couple
longtemps sans avoir d'enfants
dans votre histoire. Vous avez eu un enfant,
vous avez eu Charles rapidement.
Donc, quand les enfants sont partis,
vous vous êtes retrouvés les deux.
Comment ça s'est passé, cette transition-là. sollicité et tout. Et ça fait que j'ai pas ressenti
cette absence-là. Les enfants étaient pas
très loin. On les a toujours
vus. – Et le couple était solide aussi.
Vous aviez déjà des choses en commun.
– Ah, beaucoup. Oui.
– Vous avez toujours eu la facilité
à communiquer? – Toujours.
Oui. Moi, je pense que
je pense que c'est
l'ingrédient de base,
le secret au départ, communiquer.
Pas de secret. Pas de secret l'un pour l'autre.
On dit toujours qu'on a notre petit jardin secret.
On peut avoir un jardin secret sur des émotions,
mais je ne crois pas que dans des faits
ou des situations, je veux dire,
est-ce qu'un vit un problème économique
et il n'en parle pas à l'autre,
ou un problème de dépendance
et il n'en parlerait pas à l'autre,
ou un problème de ci, ou une difficulté
à l'autre?
Non, je pense qu'on est assez
ouverts là-dessus. Je pense que la communication
est nécessaire. Si on n'avait
pas eu ça,
on serait comme...
Je ne sais pas.
Je pense que le sujet de conversation a été
pendant les années, la maladie.
Pendant un autre temps,
l'éducation des enfants en même temps, parallèlement.
Et puis, les rêves
des trois enfants,
puis des deux enfants après,
puis les voir cheminer.
Puis arrivent les petits-enfants.
Ça amène
beaucoup de conversations sur
leur évolution, leur environnement,
tout ce qu'ils ont aujourd'hui.
Et puis, je trouve ça tellement le fun.
Ça, ça occupe une grande
place dans la communication.
Les enfants et les petits-enfants.
Oui, parce que vous vous intéressez
aussi à ce qu'ils font.
Puis ils s'intéressent encore à nous. Parce qu'être grand-papa, ça a changéants, oui, parce que vous vous intéressez aussi à ce qu'ils font. Puis ils s'intéressent encore à nous.
Oui. Parce qu'être grand-papa, ça a changé quoi, ça, dans ta vie?
Bien, j'étais jeune quand j'ai été grand-père la première fois, 48 ans.
Ah!
Oh, oui, oui, oui.
Papy!
C'est correct, c'est correct.
Mais j'étais, bon, c'est un privilège, c'est un privilège d'avoir et de les voir grandir, les petits-enfants.
Mais à travers ça, c'est de voir grandir nos propres enfants aussi, comme parents.
On se dit, où est-ce que j'ai échoué, moi?
Où est-ce qu'ils vont réussir, eux?
Ou vice-versa, où est-ce que j'ai réussi?
Où est-ce qu'ils, peut-être, peuvent-ils échouer?
Mais grands-parents, on n'est pas là pour décider des choses de nos enfants ou de nos petits-enfants.
On est là pour les accompagner.
C'est les aider, c'est les accompagner.
Dans la mesure où on peut le faire, oui.
Mais c'est beau ça, comme rôle.
Parce qu'en même temps, ça nourrit le couple aussi.
Bien oui.
Parce que vous vous occupez de vos petits-enfants.
Puis qu'ils sont rendus vieux.
Oui, c'est ça, c'est des rendus vieux. 16 ans à 22 ans.
Est-ce qu'il y a un challenge
sur
justement l'époque?
C'est
être dans le temps, être dans le bon temps.
C'est-à-dire, voici, au niveau de la technologie.
Est-ce que des fois, tu sens
qu'ils te ramènent?
Au niveau de l'informatique, il y a des téléphones et de toutes
les applications possibles.
Je pense que nos petits-enfants sont nettement
en avance sur nous et ils nous aident beaucoup.
Sur le challenge,
je dirais le challenge sportif.
J'ai des petits-fils
qui aiment faire du vélo,
mais ils ne voient pas l'âge que j'ai.
C'est ça le problème.
Mais tu en fais quand même beaucoup mais t'en fais quand même beaucoup
j'en fais quand même beaucoup mais tu sais
puis là je leur dis toujours ils partent comme des bombes
là je dis écoute
non non non le vélo c'est de l'endurance
de sprint
c'est une chose mais je vais vous rejoindre
continuez je vais finir par vous rejoindre
toi t'as été grand-papa
t'étais plus jeune que
l'âge que ton père avait.
– Oui. – Quand je suis...
– Donc, tu sais, quand tu parlais de grand-parents, il y a comme
une logique aussi.
Comment s'est passé le retrouvaille quand vous êtes revenu
de votre six mois d'expédition?
– Bien, en fait,
on avait l'impression de ne pas être parti pour eux
parce qu'on faisait des FaceTime quasiment
tous les jours. – Ah!
– Aujourd'hui, c'est la beauté de l'histoire.
On leur montrait où on était rendus.
On faisait...
Parce que c'est la première fois que vous faisiez quelque chose juste pour vous deux.
Oui, exactement. On les a
beaucoup amenés en voyage et ils ont
beaucoup partagé avec nous, mais là, je pense que
c'était le temps pour Gino témoigner.
Ça, c'était... Également, ça faisait
partie de l'équation. On part,
on décroche, on se retrouve comme couple
aussi
moi j'ai travaillé beaucoup et les dernières années
avec les projets de la fondation
avec le travail, la pandémie
la guerre en Ukraine, j'ai travaillé des week-ends
j'ai travaillé beaucoup plus
que j'avais travaillé auparavant
alors là le fait de décrocher je me sentais
comme tout à coup
libre, la liberté et avoir le même horaire quelque chose Alors là, le fait de décrocher, je me sentais comme tout à coup libre.
Et avoir le même horaire.
Et quelque chose.
Puis là, souper, partager les repas à heure fixe ensemble.
Moi, je faisais les nouvelles du midi jusqu'à une heure et demie,
souvent quand il y avait les points de presse.
Alors donc, je mangeais à deux heures des fois dans l'après-midi,
tout en préparant le bulletin en fin d'après-midi.
Puis j'arrivais chez moi à 7 heures, 7 heures et quart tous les soirs.
Donc, on partageait des repas plus tard.
Alors là, c'est de retrouver un horaire un peu plus équilibré
qui nous permet de faire comme les autres, de vivre comme les autres.
J'aime ça t'entendre parler du couple.
Ici, il y a beaucoup de séparation,
mais il y a beaucoup de séparation. Il y a des gens qui se retrouvent
aussi avec un nouveau, nouveau
conjoint, mais d'entendre
à quel point, tu sais, on dit toujours,
il faut communiquer, il faut communiquer, mais vous, vous l'expérimentez.
Mais se retrouver avec un nouveau
conjoint ou une nouvelle conjointe,
il y a aussi une période d'adaptation, il y a aussi
une période de connexion.
Si on n'a pas réussi la première fois puis qu'on applique la même recette dans le deuxième couple, je ne suis pas sûr que ça va marcher mieux. Il y a quelque chose qu'on apprend, et je reviendrai toujours à ça, on apprend par les enfants. C'est un privilège d'avoir des enfants dans notre vie. vie, leurs difficultés. Tu sais, avec Charles et avec Jean-Sébastien,
on ne pouvait pas changer de place.
J'aurais donc voulu cent fois
être celui qui
était malade,
mais on ne peut pas.
Mais son attitude face à la maladie,
son comportement, son rêve,
cette force qu'il avait en lui
et ce bonheur qu'il dégageait toujours.
Charles souriait tout le temps.
Il fallait qu'il soit gravement affaibli
pour se plaindre, mais jamais se plaigner.
Ça allait toujours bien.
J'ai toujours cette image,
je le vois, il était rentré au secondaire
chez les Pères Trinitaires à Saint-Bruno,
au Collège Trinitaire.
Il est en secondaire 1.
Et les premières
semaines, ça va bien.
Deuxième semaine, troisième semaine,
on sent que la maladie revient, puis on savait
depuis quelques mois que
ça allait être difficile
les prochains mois. Alors,
on lui dit,
bon, écoute Charles, c'est simple,
il y a une solution à ça.
Les cours sont difficiles,
tu arrives à 5h le soir, collège privé,
le transport partait à 9h,
mais tu reviens à 5h, 5h30 à la maison.
Si tu allais à la polyvalente ici,
tu prends l'autobus,
tu t'en vas là, à 3h tu es à la maison,
tu peux dormir, tu peux récupérer.
Il dit non, j'aime le collège,
je vais aller au collège.
Il était arrivé un soir,
il dit j'ai trouvé la solution.
C'est quoi?
Il dit « Je vais en parler d'abord au père Rodrigue, qui était le supérieur du collège. »
Alors, il s'en va au collège et le lendemain, il nous dit « Ça marche. »
Je lui dis « Qu'est-ce que tu as proposé? »
Et j'ai dit au père Rodrigue « Je vais sauter mes cours de latin. »
Parce qu'il donnait encore des cours de latin là-bas.
Il dit « Pendant les cours de latin, je vais aller dormir à l'infirmerie.
Puis je vais être bon mes autres cours il avait trouvé sa solution il était tenace et c'est ce qu'il a
fait jusqu'à ce qu'il soit hospitalisé l'émotion qui monte présentement c'est quoi l'image qui fait monter cette émotion-là? C'est le courage.
C'est la force.
C'est de dire, écoute,
un enfant de 12 ans qui cherche ses solutions à ses problèmes,
puis nous, on est là à se regarder
et se dire qu'est-ce qu'on va faire,
puis on n'a pas de solution.
Hé!
Moi, ça m'a tellement inspiré.
Et Jean-Sébastien, c'était pareil après.
Aussi, à travers toute sa récupération à la suite de cet accident-là,
de les voir évoluer dans tout ce qu'ils font,
je me dis, de quoi on se plaint?
Un, on n'a pas à se plaindre.
Deux, il y a des solutions à des problèmes pas mal
moins dramatiques. – Tu as quand même eu un diagnostic
de cancer il y a quelques années
quand tu as entendu
encore une fois le mot cancer, comment tu as
réagi à ce moment-là?
– Bien, en fait
comme journaliste
tous les jours
on lisait des nouvelles sur le cancer
peu importe, les dépêches.
Et moi, j'ai... Merci.
Je savais qu'on s'en allait
vers une personne sur deux
va avoir un cancer dans sa vie.
Alors, je me suis dit, bon,
ça m'arrive à moi.
La chance que j'ai, c'est un cancer
qui est probablement très facile
à suivre à tout le mois d'évolution.
Il y a des traitements qui amènent à la guérison.
Alors, point. Je pense que ça… Et j'ai eu deux récidives après.
Et puis, ça a permis, bon, de juste me concentrer sur la bataille qu'on avait amenée.
Puis, j'ai vécu ça, tu sais, tu parles de ça, tu sais.
En 2016, je vis une... J'ai été diagnostiqué en...
C'est ça, 2016, 2018.
J'ai eu une récidive.
Et puis, je suis à l'hôpital, j'ai été opéré.
Tout ça, je rentre au travail le lundi, le mardi de la fête.
Écoute, on était... C'était le mois d'avril, Pâques, on était le lundi de Pâques. J'apprends que Jean Lapierre meurt dans un accident et moi j'arrive,
je viens de vivre une opération, une hospitalisation, j'avais été opéré le jeudi,
le vendredi, samedi je suis à l'hôpital, le dimanche je sors, le lundi je suis à la maison
et le mardi je suis au travail. Je veux en parler à personne de ce que j'ai vécu. Mais là, j'arrive. Et là, la mort de Jean Lapierre, je me sentais
tellement pas à ma place.
Et je suis passé à travers ça aussi.
Je n'en ai jamais parlé. J'en ai parlé
cinq ans plus tard, quand j'ai publié
le livre. – Oui, on l'apprenait presque
à la fin du livre.
Alors, mais ça,
est-ce que ça a changé ta relation avec le temps?
– C'est là que
j'ai décidé que tout ce qu'on reportait,
on ne le fera pas. Alors,
la vie,
je suis, aujourd'hui,
je ne me suis pas arrêté à dire, je vais mourir,
j'ai un calendrier, on a tous
une échéance, mais
j'ai accepté la mienne.
Tu avais été peut-être sensibilisé
à ça, tu as vu ton fils trouver ses solutions jusqu'à la dernière seconde.
Et surtout, jusqu'à la dernière semaine, je te dirais, ne jamais abdiquer.
C'est savoir qu'il y a toujours quelque chose d'autre qui peut arriver.
Pas d'acharnement, mais qui peut arriver,
qui permette à tout le moins un soulagement dans la période que tu vis, plus difficile.
Donc, il t'a aidé aussi à passer à travers.
Beaucoup, beaucoup.
Oui, mais je ne me suis même pas arrêté à ça.
Maintenant, je n'y pense même plus.
On a des examens de routine.
Chaque fois que j'y vais, Ginette me pose toujours la même question.
Comment tu te sens avant d'y aller?
Je dis non, je suis sûr que ça va bien aller.
Puis effectivement, aucune crainte.
Et si ça arrive, parce que ça peut arriver,
je me dis, écoute, c'est un privilège d'avoir eu la santé jusque-là,
une très bonne santé, d'avoir fait tout ce que j'ai à faire.
Après, il y a des choses qu'on ne contrôle pas,
et certainement pas ça.
Donc, tu es zen par rapport à ça?
Très, très, très, très, très zen.
J'ai trop vu d'enfants mourir.
J'ai trop vu accompagner trop de familles,
accompagner des gens qui me disaient,
comment on fait pour vivre?
Je dis, le deuil, c'est un je dis le deuil c'est un éléphant
qu'on doit manger
une tranche à la fois
une tranche à la fois
et puis
on y va tranquillement
une fois
deux fois
c'est
surtout pas avoir d'ingestion
tout digérer ça c'est difficile à digérer. C'est long le processus, ce n'est pas la même chose pour tout le monde, mais un deuil doit se vivre. malheureusement, je trouve, de négliger celui du... de la séparation physique
avec la personne qui meurt.
Ça fait des années qu'il y a
plus ou moins d'exposition,
il y a moins de ci et moins de ça,
mais là, de plus en plus,
j'entends des gens qui ne veulent même plus
de funérailles, ne veulent même plus de
cérémonies. C'est comme si
la mort, on disparaît,
on enlève,
on fait un Photoshop sur une photo,
l'autre personne n'existe plus,
n'a jamais existé. – J'ai vécu
des funérailles de gens comme ça,
tu sais, où il y a une messe,
une cérémonie de 15 minutes,
puis c'est
dur à vivre pour ceux qui restent, je trouve.
Il ne faut pas vouloir s'effacer
du cœur des gens.
Puis, il y a
le processus de deuil. Il faut aussi
l'interner. Puis, des fois, de partager sa peine
avec les autres,
de se rappeler de bons moments.
On retourne chez nous,
on a l'impression, bon, il est décédé.
On dirait, sinon, on se rend à peine compte que la
personne est décédée.
Maintenant, est-ce que c'est parce qu'on veut s'effacer nous-mêmes?
Souvent, c'est le choix de la personne qui est décédée.
Aussi, aussi.
Mais j'essaie de comprendre pourquoi on en est rendu là.
Parce qu'avant, c'était le contraire.
Je me souviens, quand les gens de la famille mouraient,
quand j'étais petite, ça durait 3, 4, 5 jours.
Oui, trois soirs d'exposition, puis des funérailles.
La personne mourait, par exemple, le mardi.
C'était le vendredii déjà, elle était exposée.
Tu sais, maintenant, il y a des délais.
Charles est décédé le mercredi.
Le vendredi, les funérailles avaient lieu.
Le jeudi, il était exposé le lendemain.
C'était complètement autre chose.
Mais on l'avait fait comme ça parce qu'il y avait comme,
pour nous tous, la famille,
on avait vécu avec lui la dernière semaine,
tellement pénible, tellement difficile,
puis on le voyait partir tranquillement.
Et puis, il fallait
comme, pour nous, c'était boucler
la boucle du deuil.
Boucler la boucle de...
Tu sais, les funérailles faisaient partie
intégrante de tout ce
processus-là de séparation.
Tu connais Éric-Emmanuel Schmitt?
– Oui, oui, absolument.
– Éric-Emmanuel Schmitt, dans un livre qu'il a écrit sur sa mère,
c'est un livre incroyable,
il parle du deuil administratif, de l'importance,
parce que moi, j'avais une entrevue avec lui pendant la pandémie,
et il disait, on vient de perdre cette étape du deuil administratif,
parce qu'il venait de perdre un de ses bons amis,
mais il dit, je ne suis pas là,
je ne peux pas rien faire dans la préparation.
Parce que lui, il disait, quand ma mère est décédée,
la peine était tellement lourde,
mais de penser à quel type de funérail,
qui va chanter, qu'est-ce qu'on va manger,
ça occupe le cerveau.
Absolument.
Au moins, c'est la dernière chose que tu fais
pour la personne qui est décédée.
Donc, de te casser la tête encore pour cette personne-là,
encore pour lui faire plaisir par amour,
c'est une étape qui est importante.
Et l'échange entre les gens qui ont aimé cette personne-là aussi.
Et ça m'avait vraiment marqué cette expression-là.
Puis, il a parfaitement raison.
Mais, tu sais, moi, j'ai...
On avait un ami, quand j'étais
jeune, c'est lui qui nous a mariés.
C'est un prêtre. Il nous a mariés. Il était un jeune prêtre.
Il avait 25 ans.
Il nous a été ordonné. C'est lui qui nous a mariés,
Ginette et moi. Il a baptisé chacun
de nos enfants. Et c'est lui
qui a célébré les funérailles de Charles.
Il y avait comme quelque chose
de, tu sais, je veux dire, c'était
une personne tellement importante
dans notre vie. Je te dirais pas
toute notre vie, notre amitié
et tout, mais notre vie spirituelle,
notre vie
d'émotion, de tout.
Il était toujours présent
dans notre vie, tu sais, c'est comme...
Mais ça, c'est beau parce que le curé le connaissait aussi.
Je comprends.
Tantôt, tu utilisais le mot osmose,
mais il y avait comme une osmose aussi.
Parce qu'après ça, il vous habite différemment.
C'est la transition entre les espaces,
entre le corps et l'âme.
Moi, c'est une très
grande fierté de l'avoir eu. Quand on est
parent, on se dit, c'est quoi notre
rêve? C'est d'amener nos
enfants à leur autonomie, leur permettre
de vivre leur vie.
Mais nous, on n'a pas...
C'est pas ça qu'on a fait avec Charles.
Mais j'ai comme l'impression que
lui nous a permis de grandir.
Son rêve, quand je serai grand, je serai guéri, bien il nous a fait guérir, nous, comme parents,
et il nous a amenés vers une guérison, et puis il nous a amenés comme couple à,
je dis pas accepter parce que je pense pas qu'on puisse accepter ça, mais à assumer sa perte et faire
que ça devienne quelque chose de
très positif et très rassembleur
dans notre famille. Il n'y a pas une journée
où on ne parle pas de la Fondation,
mes enfants disent « Papa, j'ai vu
telle histoire, il y avait des gens
qui font une levée de fonds pour la Fondation,
ils font une activité, il y a eu
tel commentaire sur le site. »
C'est toujours là.
Donc, tu sais, tu te dis, c'est un privilège
de l'avoir eu dans notre vie.
C'est un privilège.
Alors, ce privilège-là ne t'amène pas à la tristesse.
Nous, on est très joyeux.
On est un couple très...
On aime le party.
Vous aimez la vie.
On aime la vie.
Il faut mordre dans la vie.
On aime la vie.
On aime nos enfants, nos petits-enfants. On aime la vie. Il faut mordre dans la vie. On aime la vie. On aime nos enfants, nos petits-enfants.
On aime les voyages. On aime
très honnêtement l'amitié.
On aime ça, se rencontrer
et partager des choses.
Je ne pense pas qu'on soit plate.
Je ne pense pas que les gens qui viennent autour de nous sont plates.
Au contraire, ils nous nourrissent
et on les partage.
Tout ça parlait du
besoin profond auquel
Ginette répondait.
C'est très bien répondu.
Tout à fait ça.
Est-ce que tu veux continuer? Il nous restera une question mauve.
Alors, tu peux piger une question mauve.
Question mauve.
Oui, la question mauve.
Oh!
On est comme dans une suite.
Les cartes sortent vraiment dans une suite aujourd'hui.
C'est vrai.
Si tu avais la chance de partager un repas avec Charles,
que voudrais-tu lui dire?
En fait, il serait vivant, donc.
C'est parce qu'habituellement, la question,
on a décidé de la personnaliser dans ton cas,
c'est si tu avais la chance de partager un repas
avec quelqu'un décédé.
De décédé, OK.
Moi et mon équipe, on a décidé,
en tout cas, moi, je voulais que tu entendes parler de Charles.
Qu'est-ce que tu as envie de lui dire aujourd'hui?
Surtout qu'il y avait des doutes
qu'on ne voyait pas grandir.
La première question que je lui poserais
tout simplement, ça serait
comment te sens-tu?
Comment te sens-tu? Comment te sens-tu?
Est-ce que tu
constates
que l'œuvre que t'as
mise en place, parce que c'est quand même ton rêve,
tu sais, les gens ont souvent l'impression
que, tu sais,
les gens disent, ah,
pourquoi essayer de garder
Charles vivant par une fondation?
C'est pas Charles que je garde vivant, c'est son rêve, son rêve de guérison.
Alors je lui dirais, Charles, tu peux être fier de ce que ton rêve se réalise aujourd'hui.
Tu as permis à plein d'enfants, parce que ça nous a, tout le monde, obligé à mettre l'épaule à la roue pour travailler sur un projet.
Comment on peut amener d'autres enfants à la guérison.
Tu sais, aujourd'hui, si tu vivais, Charles,
tu aurais 80 % de chance,
tu aurais eu...
Si on diagnostiquait chez toi aujourd'hui un cancer,
une leucémie, tu aurais 80 % de chance de guérir.
– À l'époque, il y en avait quoi, 30 % environ?
– Même pas.
– Même pas.
– Alors, tu sais, mais je ne veux pas te dire ça
parce que tu...
pour te frustrer
de dire que c'est aujourd'hui que j'aurais dû venir au monde.
Non.
Juste pour te dire que ce que tu as vécu,
dans la situation
où tu l'as vécu, t'a permis aux choses
d'évoluer. T'a permis à la situation,
à la recherche de progresser, à ta façon.
Chacun contribue à.
Dans la vie, moi je dis, c'est une course à relais qu'on a.
Quand t'as le bâton dans les mains,
on te demande pas de courir un mille,
cent mille, on te demande de faire ce que tu peux.
C'est ce que t'as fait dans ta vie.
Mais d'autres ont pris le bâton auprès de toi
pour suivre la course.
Puis c'est pas la petite fille ou le petit gars qui va
finir la course parce qu'on aura 100%
de guérison qui va dire,
« Hey, j'ai gagné. »
Chacun des enfants, dont toi.
Tous ceux qui auront pris le bâton.
Tous ceux qui auront pris le bâton auront contribué à faire de cette victoire-là une victoire sur le cancer.
Alors, ton message de guérir, nous, on a essayé de le propager, on a essayé de le partager.
Puis, bravo, je suis tellement fier de toi.
Et en terminant, je t'aime.
Est-ce que tu lui disais souvent?
Oui.
Oui, parce que
des enfants,
nos enfants, ils aiment tous nos enfants,
tu sais, mais
j'avais cette fragilité
devant moi parce qu'à chaque fois que je le voyais,
je me disais
« Mon Dieu, combien de temps je vais pouvoir lui dire
que je l'aime? Pendant combien
d'années? Je ne sais pas. » Surtout
quand on a su
le portrait, tu sais, c'est-tu des mois,
des semaines, des jours? Mais
à chaque fois, je lui disais. Puis quand
aujourd'hui, encore, je lui dis
que je l'aime.
Parce que c'est vrai, on l'aime.
Il fait partie de notre vie encore, différemment.
Mais il fait toujours partie de notre vie.
Est-ce que tu crois en la vie après la mort?
La vie après la mort.
Quelque chose après la mort?
Il y a certainement quelque chose.
Ça ne se peut pas que ça finisse bêtement de même.
Qu'on te mette dans un trou,
ou bien non, qu'on te mette dans une urne et qu'on te place là
et que ça s'arrête là, t'as donné toute ta vie
quelque chose.
Je ne sais pas comment
se définit cette
vie après la mort,
mais certainement,
je disais souvent,
il y avait une jeune fille qui
m'avait dit, un jour, qui m'avait dit un jour,
elle m'avait dit, j'ai peur que les gens m'oublient quand je te mords.
Je dis, pourquoi tu dis ça, j'ai peur que les gens m'oublient,
mais elle dit, parce qu'ils finissent par oublier qu'on n'est plus là.
Je dis, non, au contraire, moi je pense que quand on meurt,
on est comme, c'est comme notre meurt, on est comme...
C'est comme notre âme.
Tu crois ça qu'on a une âme?
Elle me dit, bien oui.
Je pense que ton âme éclate en millions de parcelles.
Millions.
Et à chaque fois que quelqu'un pense à toi,
tu revis à travers l'âme de ces gens-là.
Donc, c'est comme ça que je la vois, la vie.
Je vois toujours, il y a toujours quelqu'un.
Il t'arrive peut-être un jour de penser à ta grand-mère et tu as l'impression qu'elle vit ta grand-mère
parce que tu ramènes une parcelle de son âme en toi.
Et c'est vrai pour tout le monde.
C'est comme ça qu'on garde vivant ou qui est la vie après la mort,
je pense, de chacun des autres. On a
l'impression qu'ils nous inspirent, on a l'impression
qu'ils entrent dans
nos vies pour nous amener ailleurs.
As-tu des signes, des fois,
disons, je pense que c'est Charles,
tu sais, des signes de la vie?
Bien, c'est devenu un peu maladif
chez moi-même, mais c'est des signes de la vie
où je les provoque, les signes de la vie.
Tu sais, telle affaire, telle situation.
Ah, Charles, il faut que tu sois là.
Tu m'aides.
Tu sais, c'est comme...
Mais c'est ça.
J'ai l'impression qu'on est deux à traverser
une rivière qui est une situation plus difficile.
On est deux à la traverser ensemble.
Je ne serai pas seul.
J'ai besoin de toi.
Puis c'est tout.
C'est vrai.
J'aime ça entendre ça. c'est comme l'intangible
ben oui, mais faut pas avoir peur
de ça, c'est
notre vie, on a grandi comme ça
on a vécu comme ça, écoute
je me suis confié, aujourd'hui ça se peut pas
est-ce que t'as une question
pour moi?
j'en ai plein pour toi
toi comment tu fais pour assumer
une vie avec une personne qui a été
toute sa vie aussi
très publique? Est-ce que ça
t'a bloqué, toi,
dans le développement de ta propre carrière?
C'est une grande question
que tu me poses parce que
oui, à un certain
niveau, c'est sûr. Parce que
moi aussi, j'étais une militante et tout ça,
mais il reste que quand Mario est devenu chef en politique,
moi, j'ai décidé un peu de...
J'ai quitté le niveau du contenu.
J'étais allée au niveau de l'organisation
parce que j'avais un malaise, tu sais.
Moi, j'aime avoir toute ma place.
J'aime pas avoir un petit morceau.
J'ai pas de personnel.
Oui, c'est correct.
Mais je pense que tout le monde, on est comme ça.
Moi, j'ai toujours dit, j'aime pas rentrer par la porte
de côté, j'aimerais rentrer par les portes d'en avant.
Puis je pense que tout le monde, si on se respecte,
c'est comme ça qu'on devrait
faire.
Et j'ai décidé d'aller vers l'organisation.
Après ça, bien, Mario était
député du comté de Rivière-du-Loup.
Pour moi, c'était clair que quand t'es député
d'un comté, t'habites dans le comté. On dirait que pour moi,
ça se pouvait pas se poser la question différemment.
J'ai compris après qu'il y en a beaucoup qui le font pas, mais
moi, c'était un peu comme ça. Donc, je suis allée
habiter là-bas et je pense qu'à
ce moment-là, ça a été vraiment
un choix de vie qui était en
fonction de la politique, en
fonction beaucoup plus de Mario
que moi parce que je sais, tu sais,
j'ai beaucoup aimé mes années dans le Bas-Saint-Laurent,
mais j'ai pas fait,
si tu veux, professionnellement
ce que j'aurais pu faire.
J'ai vraiment,
j'ai vraiment, tu sais, j'ai parti
une entreprise d'organisation d'événements.
Après ça, j'ai été responsable du financement
du musée du Bas-Saint-Laurent. Après ça, j'ai été
directrice générale de l'école de musique de Rivière-du-Loup,
où on a fait construire
une école de musique, où je m'impliquais beaucoup
sur la scène culturelle, parce que
j'avais besoin, moi, d'avoir
quelque chose qui m'appartenait.
Tu comprends? C'est-à-dire de le faire
avec un groupe qui n'était pas en politique,
quelque chose d'autre que, quand j'y arrivais,
c'était pas la conjointe d'eux,
la femme d'eux, mais c'était moi qui arrivais à picher.
– Mais je vais aller plus loin.
Est-ce que tous ces emplois-là,
on te les donnait parce que t'étais la femme
de Mario ou t'avais été capable?
– Non, j'avais été capable.
Non, non, non, pas du tout.
Non, au contraire, je te dirais que...
– T'as pas senti ce regard-là des fois?
Ah, il est toujours là, c'est toujours là.
– Non, au contraire, il y avait des réticences
parce que j'étais la femme
et je ne venais pas du...
Il y a beaucoup de gens qui pensent que je viens
du Bas-Saint-Laurent. Moi, je ne viens pas du Bas-Saint-Laurent.
Et il y avait quand même
une barrière dès le départ
parce que je n'étais pas du Bas-Saint-Laurent.
Tu sais, des fois, je me disais, mais toi, tu n'es pas d'ici.
Il y a des affaires que tu ne pourrais pas comprendre.
J'ai habité partout au Québec.
Tu comprends, je n'arrive pas d'une autre culture. Tu sais, ce n'est pas... Ni d'une autre planité partout au Québec. Je ne suis pas d'une autre culture.
Ni d'une autre planète.
Non, je n'arrive pas d'une autre planète.
Des fois, on me disait, ça, il fait frais
l'hiver. J'habitais à Amos, au Québec.
Peu importe où tu habites au Québec,
il fait froid l'hiver.
Je me suis fait une place tranquillement.
Je pense qu'il y avait quand même des barrières.
Au début, on ne savait tellement pas qui j'étais, Pierre.
Puis quand je suis arrivée à Rivière-du-Loup,
si j'ai fait le choix d'aller habiter là,
c'est que j'étais enceinte d'Angela.
Et là, on avait un condo.
On avait un appartement à Montréal.
On avait un condo à Québec.
Puis on avait un appartement à Rivière-du-Loup.
Puis on se promenait entre les trois.
Ça faisait beaucoup de...
Moi, j'avais fait un bac en économie,
je recommençais un bac en psychologie.
Finalement, je suis enceinte.
Et là, bien, tu sais,
Marie-Louise et moi, on se parle,
je dis, bien là, tu sais,
il va falloir qu'on vive à la même place
à un moment donné.
On ne peut pas passer de cette vie de bohème, là.
Et, bon, t'es élue à Rivière-du-Loup,
donc on va aller vivre dans l'appartement
à l'époque qu'on avait à Rivière-du-Loup.
Et là, Angela est née,
mais quand je suis arrivée à Rivière-du-Loup,
j'étais enceinte.
Donc, j'étais allée dans les cours prénatales.
Parce qu'on dit prénatales.
J'ai appris que ce n'est pas des cours prénataux,
mais dans les cours prénatales.
Mais j'y allais toujours seule.
Parce que Mario était à Québec la semaine.
Et donc, tout le monde pensait
que j'étais une mère monoparentale.
Puis, tous les exercices que je faisais,
moi, c'était avec l'infirmière qui donnait
le cours, les massages, les ci, les ça.
Et quand je suis tombée, quand j'ai accouché,
c'était avant la fin des cours.
Et à l'époque,
il y avait un journal à River Zoo qui n'a pas
duré longtemps qui s'appelait Le Fleuve.
Et sur la page frontispiste, c'était
j'étais avec
Angela et Mario. Et quand
je suis retournée, parce que j'ai quand même
fini mes cours, je suis retournée voir la gang,
mais avec mon bébé.
Et là, t'es, ah, mais t'es la femme à Mario.
Et là, tout le monde t'a dit, t'es pas toute seule.
On était tellement tristes de te savoir monoparentale
de cette façon-là.
Et tu sais, alors tu vois, les gens me reconnaissaient
pas. Et j'ai toujours aimé
cet anonymat-là. Parce que du moment
où les gens se sont mis à me reconnaître,
tu sais, Mario, je veux dire, je me suis beaucoup
impliquée politiquement avec, mais
tu sais, je me souviens, je me prenais dans une vieille voiture
pis les parents de Mario disaient « Mais tu peux pas vraiment avoir
une aussi vieille voiture
que ça parce que t'es
la conjointe du député. » Mais j'étais là
parce que moi, là, j'ai pas de paiement sur
ma vieille voiture, comprenez-vous.
Et c'était... Fait que tu sais, il y avait quand même quelque chose qui s'installait.
Moi, je suis très bohème, Pierre, dans ma vie,
mais ça forçait un petit peu mon côté bohème à s'effacer.
– Maintenant, vous êtes tous les deux en communication.
Est-ce que tu sens que ça peut bloquer l'autre
dans le développement de sa propre carrière? Pas du tout.
Il n'y a pas cette compétition-là.
On dirait que c'est plus apprécier
le travail de l'autre, en fait.
C'était plus drôle.
Il y en a un qui, sur l'émission, s'appelle Mario.
Moi, c'était Marie-Claude.
Dans les deux dernières années,
il y a une partie qu'on était à la même heure,
à deux pas différents.
Ses parents ont toujours dit, on t'enregistre, Marie-Claude. deux dernières années, puis il y a une partie qu'on est à la même heure, à deux pas différents. Tu sais, ses parents
ont toujours dit, ben tu sais, on t'enregistre, Marc,
là, on écoute Mario.
Tu sais, il y avait comme un conflit de
loyauté. J'étais là, ben non, mais c'est
correct. Non, non, mais
je trouve qu'on est...
Moi, tu sais, j'ai vraiment
besoin... – Très complémentaire aussi.
– Oui, puis moi, toute ma vie, je me suis sentie libre
malgré tout, parce que je pense que c'est pour ça aussi
que j'étais une militante,
mais moi, j'aurais jamais pu juste rester
à la maison et subir
parce que la politique, on la subit aussi.
Il faut bien comprendre
que qu'on soit conjoint, conjointe,
enfant ou encore
un politicien actif,
on subit. Si on écoute
un sondage qui ne va pas bien,
les gens ne te parlent pas.
Ils ne veulent pas l'aborder.
Quand on parle de communication, ils ne veulent pas l'aborder,
mais dans le fond, ils devraient, pour que tout le monde
puisse clairement expliquer. C'est là quasiment que les gens
devraient parler, c'est quand ça ne va pas.
Puis là, quand ça va bien, wow,
tu dois être contente, mais tu sais, une semaine
après, c'est... Là, on n'en parle
plus. Ils ne savent pas comment t'aborder.
– Non. Il y a des moments où tu es très
isolé par rapport à quand tu as une vie
politique active. – Mais on parlait de deuil tantôt.
C'est un peu un deuil. Dès l'instant où ces sondages-là,
tu le sens. Tu le sens. Mario disait
« On perd ce soir ». Il sentait
le fait de gagner. – Tu sais, Mario l'a raconté
plusieurs fois. J'ai envie de dire une anecdote,
même si c'était quand même triste.
Mario est à Québec
pendant cette campagne électorale-là.
En campagne électorale,
tu as toujours un chauffeur, mais comme chef
de l'opposition officielle, tu as la Sûreté du Québec
qui est tout le temps avec toi 24 heures sur 24
partout où tu vas.
Mario avait le chauffeur
que Charles connaissait. Les chauffeurs,
c'est des agents de l'ASQ armés.
On les connaissait, Steve, Guy, c'est des agents de l'ASQ armés. C'est quand même, on les connaissait, Steve, Guy,
tout ça, et Pierre, entre autres.
Et là, il y avait une
annonce de, tu sais, genre, si vous achetez
une voiture, vous avez un taux d'intérêt plus
bas pour les cinq premières années. Puis là,
Charles, qui avait,
attends, qui devait avoir 9-10 ans,
il avait son père. Bien là, faudrait-tu commencer à regarder
ça, parce que d'après moi, tu vas avoir besoin
d'une voiture.'es arrivé avec une voiture
et là Mario disait ok là quand ton fils
de 10 ans te dit ça
c'est que si tu comprends pas
quelque chose là tu te fermes les yeux
mais tu vois comment Charles était
perspicace lui c'était ben non là il va falloir t'acheter un char
c'est fini là toi cette vie là
alors
on l'a vécu je dirais
relativement bien mais c'est sûr que moi j'avais l'image vécu, je dirais, relativement bien.
Mais c'est sûr que, tu sais, moi, j'avais l'image qu'il fallait plonger
puis chercher un piton reset.
Tu sais, de dire, OK, là, nous, notre vie, depuis qu'on se connaît...
Moi, j'ai connu Mario, il m'a ouvert la porte du Parti libéral du Québec physiquement.
C'est comme ça qu'on s'est connus, tu comprends?
Fait que la politique avait toujours fait partie
de notre vie, de notre quotidien, de nos décisions.
C'était en fil grande, de fond de notre vie,
c'était la politique.
Alors, c'est déstabilisant, donc on a plongé.
Puis je pense que chacun, on a trouvé notre piton,
notre piton reset qui disait,
OK, là, on est allé bas, maintenant, on va remonter.
Puis on va remonter chacun à notre rythme.
Lui, il l'a vécu différemment.
Moi, je ne peux pas me... Je veux dire, lui,
je ne veux pas
parler en son nom, mais ce qu'il trouvait difficile,
c'est d'avoir convaincu des gens
de... – De venir et que le rêve
ne se réalise pas. – Exactement, et que ces gens-là
se retrouvent devant lui. – Mais si, aujourd'hui,
on l'incitait ou l'invitait et qu'il
acceptait d'aller
en politique, est-ce que tu l'encouragerais?
– Je pense que je deviendrais ta
ginette, dans le sens que je deviendrais très
rationnelle avec lui.
Et au contraire,
mon côté bohème, là, je dirais,
OK, là, à l'instant, on va
se parler. Parce que
moi, personnellement,
je n'aurais pas envie de retourner là.
Parce qu'il faudrait aussi...
C'est une affaire de couple.
Écoute, retourner...
Mettons, si Mario se relançait en politique,
ça veut dire que moi, de mon côté,
il faudrait aussi que je fasse des choix différents.
Parce que tu n'es pas libre.
Il faut arrêter de se faire accroître.
On n'en parlera pas trop,
parce que les gens à la maison,
ils vont penser que Mario ne pense pas du salut en politique.
Non, non, non.
Il ne pense pas du tout.
D'ailleurs, tu sais, des fois, il se dit…
Je parle souvent.
Des fois, il se dit…
Il regarde le salon bleu quand il y a des extraits.
J'ai de la misère à m'imaginer que j'ai déjà été assis.
J'ai de la misère à imaginer que j'ai déjà vécu ça.
Tu sais, c'est quand même…
Ce qu'il fait présentement le prend tellement.
Il y a quand même un domaine connexe.
Il reste quand même dans l'actualité, tout ça.
Mais il est assez décroché.
Mais je n'ai pas l'impression qu'il va y retourner.
En tout cas, je ne pense pas.
Je ne veux pas qu'on laisse sa place.
En tout cas, je ne l'encourage pas.
On va se le dire, je ne l'encourage pas. Et quelle question
tu m'as posée, écoute, je vais me remettre,
mais je n'en reviens pas comment c'est
venu me chercher. – Mais je suis content que
tu puisses l'exprimer aussi, je pense
que c'était le plus gros événement qui a marqué
votre vie, votre couple, parce que
c'était, écoute, c'est
360 degrés, comme tu dis, reset,
on recommence une autre vie. – Ah oui, oui, oui.
– Et on peut imaginer ce que c'est qu'un divorce, ce que c'est 360 degrés, comme tu dis, reset, on recommence une autre vie. Et on peut imaginer ce que c'est
qu'un divorce, ce que c'est,
mais c'est exactement ce que vous avez vécu.
Divorce de la politique, divorce de
beaucoup de cercles d'amis aussi.
– Ah, mais tout a changé. Mais tu sais, c'était un échec
public. Tu sais, des fois, c'était
vraiment un échec, là. Et tu le vis
en 360 degrés,
en direct, à la télé.
Tu sais, on vit rarement ça.
Des fois, on peut vivre un échec dans sa vie
et tu ne veux pas trop en parler.
Mais là, c'est le...
Et oui, les cercles d'amis,
mais tu sais, aussi, tu as des amis qui sont là
parce que tu es en politique.
Ça fait un ménage, je te dirais.
Un échec politique, ça fait un ménage naturel.
Il y a des amis qui sont là aussi
parce que tu es à la télé? Moins, parce que maintenant, on fait un ménage naturel. Il y a des amis qui sont là aussi parce que t'es à la télé?
Moins, parce que maintenant, on a des barrières
de ça, tu comprends? On a appris beaucoup
de 2008, ce soir-là.
On a appris beaucoup.
On a toujours été quand même
frileux sur qui vient à la maison.
On a toujours eu cet aspect-là
parce que c'était le noyau familial,
c'est là où c'était un peu
le bordel, tu comprends?
C'est la vraie vie, on n'était pas...
Il y a des gens qui pensaient des fois qu'on avait
une gouvernante, puis c'est là,
hé mon Dieu, vous allez être déçus
si vous venez chez nous, parce que
ça n'avait rien à voir. Quand Mario
est venu chef de l'opposition officielle, il y en a qui pensaient
quasiment qu'on allait déménager,
tu comprends, mais non, la vie a continué
telle qu'elle était,
mais avec un père plus absent pour les enfants
parce que c'était très, très, très prenant.
Alors, mais oui, c'est un divorce.
C'est quelque chose de...
En tout cas, c'est pas quelque chose que je souhaite aux gens.
Et je me dis, quand on se présente en politique,
c'est pas dans le but de vivre ça, tu sais.
On va pas le pourperdre, je crois pas.
Absolument.
Mais en même temps, vous avez appris beaucoup.
On a appris beaucoup.
Ça vous a rendu encore…
Ah oui, mais il n'y a pas de regret, tu comprends?
Il y a comme de l'émotion, mais ça ne veut pas dire que c'est un regret.
Ah, c'est une grosse blessure.
Oui.
Une grosse blessure.
Je finis toujours avec cette question-là, Pierre, parce que je la trouve belle.
La lampe d'Aladin existe.
Quels sont tes trois vœux?
Trois vœux, en fait, c'est de mourir en santé,
c'est-à-dire me rendre jusqu'à la fin lucide et tout.
Ça, je pense, c'en est un.
Garder mon amour jusqu'à la fin aussi.
Je pense être capable toujours de l'exprimer.
C'est tellement important.
Et la troisième, je dirais qu'on gagne cette bataille sur le cancer.
Je pense que je les donnerais en ordre comme ça parce que le premier me concerne,
puis je n'aurais pas dû le mettre en premier, mais j'aurais dû mettre le deuxième,
garder Gynote jusqu'à la fin, et puis qu'on trouve une solution au cancer.
Ça t'habite, hein?
Beaucoup.
Ah oui, non, non, c'est une mission d'une vie.
Tu n'as pas utilisé ton joker
merci pour cette rencontre
on a eu de l'émotion
à chacun de nos moments dans cette rencontre
et j'ai envie de dire aux gens
vous pouvez vous abonner à la chaîne
youtube Marie-Claude Barrette
et ça coûte rien parce qu'il y a des gens qui me disent
comment ça marche
mais on peut s'abonner
c'est là qu'on met tous les balados. Évidemment, si vous
le regardez, vous le savez comment
le voir, mais parlez-en.
En plus, on a des choses qui s'en viennent
éventuellement, donc je vais vous tenir
au courant. Alors, merci
d'avoir été là et merci à toi,
Pierre. – Merci beaucoup et longue vie
à ton balado. – Merci, c'est gentil.