Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette - #34 Éric-Emmanuel Schmitt | Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette
Episode Date: December 25, 2023Dans ce trente-quatrième épisode d'Ouvre ton jeu avec Marie-Claude Barrette, je reçois un auteur français avec qui j'ai développé une belle complicité au fil de ses passages au Québec ...: Éric-Emmanuel Schmitt. Je l’ai rencontré alors qu’il était à Montréal à la fin du mois de novembre pour le salon du livre, mais je voulais vous offrir cet épisode pour Noël. Il me partage ses leçons de vie avec une grande ouverture. ━━━━━━━━━━━ L'épisode est également disponible sur Spotify, Apple Podcasts et les plateformes d'écoute en ligne. Vous aimez Ouvre ton jeu? C'est à votre tour d'ouvrir votre jeu avec la version jeu de société. Disponible dès maintenant partout au Québec et au https://www.randolph.ca/produit/ouvre-ton-jeu-fr/. Visitez mon tout nouveau site web : www.marie-claude.com et découvrez l'univers enrichissant du MarieClub, pour en apprendre sur l'humain dans tous ses états et visionner les épisodes d'Ouvre ton jeu, une semaine d'avance! ━━━━━━━━━━━ Ouvre ton jeu est présenté par Karine Joncas, la référence en matière de soins pour la peau, disponible dans près de 1000 pharmacies au Québec. Visitez le karinejoncas.ca et obtenez 15% de rabais avec le code ouvretonjeu15.
Transcript
Discussion (0)
J'arrive au Vatican.
Alors d'abord, il faut à peu près une heure et demie pour arriver de salon en salon, arriver jusqu'à lui.
On vous fait attendre d'antichambre en antichambre.
Et je voyais ce Vatican luxueux, plein d'œuvres d'art, que lui, il déteste.
Parce qu'il n'aime pas, c'était un évêque des pauvres, il n'aime pas le luxe, la pauvreté la veille du jour où je l'ai vu il avait donné un repas pour 2500 personnes
sans abri
sur la place Saint-Pierre
il avait partagé le repas avec eux
alors qu'il refuse de partager
un dîner avec
Emmanuel Macron ou Justin Trudeau
c'est quand même cet homme-là
il casse une tradition
voilà
et puis je le rencontre et
c'est un homme lumineux, tout à fait lumineux parce qu'il est habité véritablement. On voit
qu'il y a quelque chose en lui qui est plus fort que son âge, que la souffrance physique parce
qu'on voit qu'il souffre de la hanche, de la jambe, etc. Et il écoute avec autant de profondeur qu'il souffre de la hanche, de la jambe, etc.
Et il écoute avec autant de profondeur qu'il répond.
C'est très... Il tire le meilleur de vous,
et il rebondit en vous élevant encore plus.
Et voilà, et puis il me raccompagne,
il veut me raccompagner jusqu'à la porte.
Moi, je vois son degré de souffrance, je lui dis non, c'est moi.
Et il me dit... Donc on ne résiste pas à sa gentillesse, donc il se lève, il m'accompagne, jusqu'à la porte moi je vois son degré de souffrance du nom c'est moi je et oui donc
on résiste pas sa gentillesse donc se lève il m'accompagne et sur le pas de la porte il me
dit priez pour moi là je me dis mon italien se barre j'ai pas compris j'ai une bande de répéter
il dit priez pour moi et moi je suis fils de mon père était kinésithérapeute physiothéter, il me dit, priez pour moi. Et moi, je suis fils de... mon père était
kinésithérapeute, physiothérapiste.
Il passait son temps à soigner
les gens. Et donc
j'ai un réflexe, je regarde sa jambe,
je regarde sa hanche, je regarde sa canne,
et il voit que j'interprète ça
comme ça, et il a un grand sourire.
Et il me dit, non, non, non,
non, non. Et il monte
la bibliothèque du Vatican immense, le Vatican derrière
et sans doute toute la chrétienté
en disant la tâche est lourde
ma charge est pesante
priez pour moi
pour que j'y arrive
Ouvre ton jeu est présenté par Karine Jonca
la référence en matière de soins pour la peau, disponible dans près de 1000 pharmacies au Québec.
Bonjour, aujourd'hui, j'ai le plaisir de rencontrer quelqu'un dont vous avez sûrement entendu parler parce que c'est un des plus grands auteurs, je dirais presque de la planète, je pense que j'ai parfaitement raison en disant ça. C'est quelqu'un que j'ai croisé
sur les plateaux de télévision et à chaque fois,
ça a été des discussions profondes.
C'est quelqu'un qui me fait réfléchir
par ses écrits. C'est un acteur,
un compositeur, un acteur,
un écrivain,
un réalisateur aussi.
En fait, on va
le découvrir. Savez-vous quoi? Je ne vais pas
tout vous dire sur cet homme-là
parce qu'il nous accorde
le temps, il nous accorde
peut-être, je ne sais quoi, une heure et demie, deux heures
avec lui aujourd'hui, pour faire un
« Ouvre ton jeu » et vous dire
combien j'étais heureuse qu'il accepte
et ça, c'est pour vous.
Alors, je vous le présente, Éric Emmanuel-Schmidt.
Bienvenue, Éric.
Bonjour. Est-ce qu'on peut dire Éric ou Éric Emmanuel?
Éric.
Éric, ça vous convient. Éric, je n'avais pas préparé de présentation parce que ce n'est pas le but du podcast. Dans le fond, le but, c'est de vous découvrir à travers les questions et ne pas laisser croire qu'on vous connaît parfaitement avant que ça commence, parce que vous êtes presque un personnage, j'aurais envie de dire, en ce qui me concerne, mystique.
Parce que je me demande comment vous arrivez à faire tout ce que vous faites.
Parce que j'ai sauté des étapes, mais vous écrivez les pièces, vous jouez dans les pièces,
vous pouvez jouer un, deux, trois personnages dans la même pièce.
Vous avez toujours un ou deux livres qui vont sortir chaque année.
Vous êtes présent, vous faites des conférences, vous rencontrez les gens,
vous voyagez beaucoup.
Oui, j'adore.
Vous voyagez, je vous vois ce matin, vous êtes tout frais et dispo.
Alors, c'est quoi votre secret?
Le secret, le sommeil.
Je dors comme un bébé.
Du moment que j'ai mes huit heures de sommeil. Je dors comme un bébé. Du moment que j'ai mes huit heures de sommeil, je suis en forme toute la journée, concentrée toute la journée.
Par contre, si on ne me donne que sept heures de sommeil, je commence à être agacée.
Et si je dois dormir moins, alors là, je suis vraiment… je peine. Mais voilà, le sommeil me régénère.
Mais quand vous voyagez avec le décalage horaire, est-ce que ça vous affecte?
Ben non, parce que là, je sors d'une nuit de 9 heures.
Je me suis levé, mais heureux.
Il y avait le soleil sur Montréal.
On avait rendez-vous.
Je jouis de chaque instant.
Je crois que s'il y a un secret, c'est ça.
Mon secret, c'est la joie. C'est-à-dire
que la joie
décuple le pouvoir
de faire. Si on fait les choses
avec joie, on arrive à faire beaucoup
plus de choses que si on les fait sans joie.
Et
j'ai compris ça
au cours de ma vie.
Et je me dis que chaque instant,
je dois le vivre intensément,
je dois le déguster,
il est important, il est unique,
et je rêve pas d'être ailleurs,
et je pense pas au passé,
je suis complètement dans le présent.
Un peu comme un enfant, en fait.
Complètement au présent.
Mais ça se pratique, cet art-là?
Je crois que oui.
On a tous des raisons d'être nostalgiques, mélancoliques.
Il nous manque toujours quelque chose.
Et si on regarde notre vie sous le mode du manque, on est malheureux.
La même vie, si on la regarde sous le mode de la joie,
c'est-à-dire la joie d'exister, la joie d'être au monde,
la joie d'être en face des personnes avec qui on est,
la joie d'avoir les relations qu'on a avec les autres, la joie d'avoir ce qu'on a.
Eh bien, ça change tout.
Donc, vous voyez, la même vie, selon votre regard, c'est une vie triste ou une vie heureuse.
Alors moi, résolument, j'ai pris le parti du bonheur.
À quel moment ça arrivait dans votre vie de prendre ce parti-là?
Pas si tôt que ça.
J'avais des dispositions pour le bonheur
parce que j'ai eu la chance d'avoir une enfance heureuse.
Puis après, la vie vous donne des coups.
J'ai eu ma part de coups.
Les êtres compères, les maladies, la violence du monde.
Il y a toutes les raisons de quitter ce bonheur spontané. les êtres compères, les maladies, la violence du monde.
Donc il y a toutes les raisons de quitter ce bonheur spontané.
Et la philosophie m'a aidé à me dire, attention, place-toi du côté du positif.
Et ça a été un long travail.
Et après, ça devient une seconde nature. Ou plutôt, j'ai retrouvé ma nature d'enfant
par un travail, finalement, philosophique,
un travail de sagesse.
Parce que moi je trouve que c'est ce qui est triste
en avançant en âge,
c'est que souvent on perd notre capacité d'émerveillement.
Et en même temps, c'est probablement là
qu'on aurait le besoin le plus dans notre vie.
Complètement.
Parce qu'on vit souvent,
par procuration, les problèmes de nos proches. On s'on vit souvent par procuration les problèmes
de nos proches. On s'inquiète,
on regarde la télé, on devient angoissé.
Donc, ça rend
la joie moins accessible.
Moi, je pense qu'on a un pouvoir
sur nous. On n'a pas de pouvoir
sur le monde, ou très peu,
mais on a un pouvoir sur notre perception
du monde.
Et donc, à ce moment-là, on peut vraiment, à mon avis, redresser les choses.
Je pense que ce que vous avez dit, c'est extrêmement important.
L'émerveillement, l'étonnement.
Quand on est enfant, on s'étonne et on admire, c'est-à-dire on s'émerveille.
Je crois que c'est quelque chose qu'on peut retrouver.
Moi, très volontairement, je vis chaque instant comme ça,
avec étonnement, avec émerveillement.
Et du coup, la vitalité est là.
Pour moi, chaque instant est une aube.
C'est ce qu'on ressent à votre contact, Éric.
En tout cas, je vous vois toujours un peu d'humeur égale,
toujours de bonne humeur, toujours content d'être là,
malgré le décalage, malgré que ça fait votre huitième entrevue.
Vous avez toujours cette présence.
Donc, c'est un travail.
Il faut en être conscient de ça.
Oui, oui, oui. C'est-à-dire qu'il faut lutter contre soi-même.
Parce qu'on a tous des pentes
qui peuvent nous amener vers la mélancolie.
Moi, par exemple, je voudrais
faire une confidence, si je bois,
je deviens triste.
Vous avez le vin triste. J'ai le vin triste.
Pourquoi? Parce qu'arrive
tout ce que j'ai refoulé toute la journée.
Les gens qui ont le vin
gai, ils ont refoulé leur gaieté naturelle
ou leur désir pendant la journée.
Ils sont désinhibés et ils deviennent gais.
Moi, c'est la tristesse qui arrive.
Parce que je suis arrivé à inhiber tout le temps.
Donc, je sais qu'il y a un grand fond de mélancolie,
il y a un grand fond de nostalgie.
Je suis extrêmement attaché à des êtres que j'ai perdus.
Mais je lutte. Mais est-ce que des fois, vous dites, j'ai perdus. Mais je lutte.
Mais est-ce que des fois, vous dites,
j'ai envie de prendre un verre justement pour arriver dans cette zone-là?
Tu sais, des fois, on écoute une pièce musicale.
La musique.
La musique.
La musique plus que l'alcool.
La musique, je trouve que ça nous ramène à des émotions.
Complètement.
Autant de la musique joyeuse que de la...
Moi, c'est la musique classique,
ça vient me chercher profondément.
Moi aussi.
On dirait que je me reconnecte à mon essence.
Oui, on se reconnecte à sa vie spirituelle
et sentimentale.
Moi, ça m'est arrivé, je me souviens vraiment,
une fois, j'avais perdu quelqu'un
et ça m'avait tellement choqué
que j'ai perdu
tous mes souvenirs d'avec elle
en même temps. Complètement.
Rien. Un choc post-traumatique.
Oui, c'est ça. Mon cerveau m'a protégé du
chagrin en m'enlevant les souvenirs.
Et plusieurs
années après, tout d'un coup,
une musique de Mozart, concerto pour violon,
le mouvement lent,
une mélodie extrêmement délicate, sensible, féminine.
Et là, tout m'est revenu.
D'abord les larmes, enfin.
Enfin les larmes.
Et puis les souvenirs.
Parce que même les larmes avaient été bloquées.
Oui.
Donc l'émotion, c'est pas juste...
C'est vrai que l'émotion arrivait avec les souvenirs.
Donc il y avait un blocage c'était trop lourd
c'était trop lourd, mon cerveau m'avait protégé
je pouvais y rester
et qu'est-ce que ça fait
quand les larmes coulent
c'est bon parce qu'on retrouve la personne d'abord
parce que j'avais perdu les souvenirs
et puis
on commence le processus du chagrin,
c'est-à-dire qu'on refait une place à une personne qui est partie dans notre vie.
C'est une place qui est dans notre esprit,
c'est une place qui nous accompagne dans la perception du réel,
c'est une réconciliation avec ses souvenirs,
c'est une façon surtout de faire exister l'autre qui n'existe plus.
C'est doux. C'est une reconstruction surtout de faire exister l'autre qui n'existe plus. C'est doux.
C'est une reconstruction de l'autre.
Vous êtes prêt à ouvrir votre jeu?
Alors?
Alors voilà comment ça fonctionne, Éric.
Il y a les cartes vertes.
Tantôt, je vais vous dire, vous allez devoir en piger.
Ce sont des questions générales.
Ce sont des questions que je pourrais poser.
Je les choisis, mais je pourrais quand même poser à tous les invités.
Les jaunes, on commence quand même
à définir la personne.
Les rouges sont
vraiment pour vous, les questions rouges.
Les mauves, si ça vous tente de
continuer, vous allez répondre
à une question mauve. C'est des questions
plus hypothétiques. Et vous avez le droit
de me poser la question de votre choix aussi.
Si vous décidez d'aller jusqu'aux
questions mauves. Ça, c'est toujours
la dernière que je pose. Et vous avez
un joker. Donc,
si, parce qu'il y a les questions, je pose
des sous-questions. Si à un moment donné, vous dites
« Ah ben moi, j'arrête là. Alors moi, ça me permet
d'aller là où je veux. » Parce que vous avez
une protection. Alors ça, vous êtes
libre de l'utiliser ou non. Donc,
vous brassez. Elles sont un peu grosses. Vous pouvez les brasser sur la
table comme ça. Vous allez m'en donner trois.
On va commencer avec les cartes vertes.
Vous allez m'en donner...
Vous allez m'en donner quatre.
Vous allez en choisir une
et je vais en choisir une. Je vais vous les lire.
La première.
Je vous les donne?
C'est moi qui vous les donne?
Vous m'en donnez quatre.
C'est un peu comme si vous étiez chez une carte homme ancienne.
Oui.
Et on ne sait pas où on s'en va avec l'entrevue, vous comprenez?
Je ne sais pas ce que vous allez dire dans cette entrevue-là.
Le thème, c'est vous.
Quelle place prend l'amitié dans votre vie?
Quel est le plus grand leg de votre mère?
Quand je me regarde dans le miroir,
je vois. Quel est le trait de caractère sur lequel vous avez dû travailler?
Alors, quand je me regarde dans un miroir, qu'est-ce que je vois? Eh bien, j'ai détesté les miroirs pendant quasiment toute ma vie.
C'était juste un truc hygiénique pour se raser, pour vérifier, etc.
Et depuis que ma mère est morte, j'aime me regarder dans les miroirs parce que je vois une partie de ses traits.
Donc, je suis complètement réconcilié.
Et maintenant, quand je me regarde dans un miroir, je souris. Mais parce que j'ai l'impression
que je lui souris aussi.
C'est une de ces façons d'être là.
Quels sont les traits que vous avez hérités de votre mère?
Le menton, le petit menton rond,
les faussettes,
le regard,
la forme des yeux.
Et alors ça, ça me...
Voilà. Je lui souris, donc je me souris.
Et pourquoi c'était si difficile avant de se regarder?
Parce que j'avais...
Je trouvais que ça avait...
C'est très con et très prétentieux, ce que je vais vous dire.
Je trouvais que ça n'avait aucun rapport avec moi.
C'était pas comme vous vous sentiez en dedans.
Moi, je me sentais pas en dedans, c'est-à-dire que je...
Alors, bien sûr, parce que
les mouvements
de l'image sur le miroir
répondaient à mes mouvements, je me rendais bien compte que c'était moi,
mais je me disais, mais c'est quand même
aberrant, c'est arbitraire,
c'est pas ça. Parce que
moi, je sais que
je dégage l'image d'une certaine force et je me sens pas comme ça. Je me sens beaucoup plus fragile que l'image que je peux donner.
Parce que vous avez une carrure dans ce sens-là, c'est que votre corps est fort.
Oui, et puis le visage, il est ferme aussi, etc.
Qu'est-ce que vous auriez aimé voir à ce moment-là dans le miroir?
En fait, je sais pas. Quelqu'un
qui semble plus... Quelqu'un, oui, qui
semble plus... Plus fragile?
Plus fragile, oui, oui, oui.
Et je me disais, putain,
mais c'est...
Et puis, en fait, je me suis rendu compte que c'était...
C'était faux
ce que je pensais, c'est-à-dire que, de fait,
je suis fort.
Je me suis rendu compte. J'ai une énergie
incroyable, j'avance,
je... Et en fait,
la partie qui dit plus,
qui compense et qui dit plus
ce que je suis, c'est la voix.
Parce que j'ai une voix de ténor, j'ai une voix
douce, et alors finalement, je me dis,
oui, alors l'ensemble du physique qui est fort
et la voix qui est douce, c'est moi.
Est-ce que ce physique-là
qui est carré,
est-ce que ça vous a nuit dans la vie?
Non. Non, ça vous êtes fier de ça?
Ben, oui,
non, non, oui, je suis, oui, oui, oui, oui,
je, je, je, ben,
à partir du moment où on est aimé,
moi, j'avais pas d'avis
sur mon physique avant que
je puisse vivre des histoires d'amour qui me montraient que c'était possible.
Alors, je me suis dit, bon, ça va, je ne vais pas m'emmerder à penser des choses moches sur moi, puisque de toute façon, ça fonctionne.
Mais parce que ce que vous dites, c'est quand même un enjeu chez plusieurs.
Cette espèce de décalage entre comment on se sent à l'intérieur et l'image qu'on projette.
Parce que c'est la première rencontre avec l'autre. C'est d'abord cette l'image qu'on projette. Parce que c'est la première rencontre avec l'autre.
C'est d'abord cette image-là qu'on projette.
Des fois, on a l'impression qu'on n'est pas reçu
comme on devrait être reçu.
Et alors, on peut se tromper.
Moi, en l'occurrence, je m'étais trompé.
C'est-à-dire, quand je pensais
que l'image que j'offrais n'était pas moi,
je me trompais.
Parce qu'en fait, comme je vous disais,
oui, le corps est solide mais la
voix est douce voilà donc la perception est juste donc j'ai fini par lui dire finalement je me
ressemble qu'est ce que vous préférez chez vous physiquement mes jambes mais on les verra pas
vous savez pourquoi parce que je suis fils de sport. Mon père était boxeur et ma mère était sprinteuse, championne de France de course.
Son record a mis 20 ans à être battu.
Et donc, j'ai hérité des muscles d'athlète.
Et donc, j'ai des jambes d'athlète alors que je suis un intellectuel toujours assis.
Quand j'étais petit, comme ma mère était aussi danseuse, elle m'a mis dans un cours de danse.
Problème classique, j'étais l'unique garçon du cours de danse. Donc
je disais à mes parents, non, je ne veux pas aller à la
danse et tout. Alors on m'a fait faire de l'escrime.
Et ça, j'ai adoré.
Mais
très vite, mon maître d'armes
qui s'appelait Maître Soup,
Maître Soup m'a dit, Éric Emmanuel, vous êtes
très doué, mais vous n'êtes pas assez agressif.
Et c'est vrai que je ne suis pas
agressif. Et donc, j'étais
toujours en défense. Et en fait,
j'ai compris, je croyais que je faisais encore de la danse
quand je faisais de l'escrime.
Oui, c'est vrai qu'il y a quelque chose de légal dans l'escrime.
Exactement. Donc, je me suis dit,
bon, ce n'est pas pour moi. Et puis après,
j'ai fait du sport parce que mes parents en faisaient
beaucoup. Mais est-ce que vous auriez pu continuer dans la danse?
Non. Non, non,
parce que je n'ai pas de...
Non, j'éprouve du bonheur à faire de la musique,
mais mon corps ne suit pas la musique.
Je sais pas...
Et puis en plus, j'avais une mère qui dansait tellement bien
que j'étais comme ça.
Je me disais, c'est pas pour moi. C'est trop bien.
Vos parents, ils disaient quoi, justement,
que vous étiez plus intellectuel que sportif,
alors qu'eux, c'est des sportifs de haut niveau?
Oui, mais ils étaient aussi très culturels.
Ils adoraient le théâtre, l'opéra, le ballet.
Ils lisaient beaucoup.
Donc, ils voyaient que moi, j'avais les capacités sportives.
C'est-à-dire, moi, je veux dire au bac, j'étais hors barème.
J'ai eu 22 sur 20.
J'étais en course, en saut en longueur, en saut en hauteur.
J'étais au-dessus du barème, parce que j'avais hérité des qualités de mes parents.
Mais ça ne m'intéressait pas.
Ils étaient très surpris que ça ne m'intéresse pas.
Mais ils me voyaient quand ils voulaient partir faire du sport avec moi.
Je leur disais, laissez-moi tranquille, laissez-moi dans ma chambre avec mes livres et mon piano.
C'est tout ce que je voulais.
Et ça, ils le respectaient.
Oui.
C'est beau ça.
J'aimerais vous entendre, on on en a déjà parlé ensemble, de votre mère.
Mais c'est tellement beau quand vous en parlez.
Et cette question-là, je ne sais pas si je vous l'avais déjà posée,
mais quel est le plus grand leg de votre mère?
J'ai tendance à répondre que tout ce que j'ai de bien, ça vient d'elle.
C'est-à-dire la bienveillance.
C'était quelqu'un d'extrêmement bienveillant.
L'amour forcené pour ses proches.
C'était une mère louve.
Et moi, je suis un loup pour les gens que j'aime.
De temps en temps, j'ai peur.
Je me dis que je pourrais tuer pour défendre quelqu'un que j'aime.
Vous arrivez vite au barricade.
Oui.
Vous allez défendre.
Oui, vraiment.
Je suis très protecteur.
J'ai l'amour protecteur.
Ma mère avait aussi cet amour-là.
Le goût des arts,
le goût de la musique, du théââtre elle était folle de théâtre et pour elle ça a été un bonheur que j'ai une carrière de théâtre et puis après que je monte
sur scène elle adorait la musique l'opéra elle m'a transmis beaucoup de choses beaucoup beaucoup
de choses donc j'ai apprécié tout ce que j'ai et puis une espèce d'exigence aussi
je me souviens c'est à mon je ne sais combien
d'ièmes livre
elle m'avait toujours fait des compliments
sur ce que j'écrivais
et elle me dit bon cette fois
ça y est, je lui dis quoi ça y est
elle me dit ça y est, tu y es
tu écris comme un grand écrivain
c'est à dire que
et je lui dis mais qu'est ce que tu veux dire
et alors après à un autre de mes livres, elle a dit, regarde.
Et elle me dit, les deux phrases ont la même syntaxe.
Si tu prends Colette, si tu prends Maupassant, chaque phrase a sa tournure, etc.
Elle avait parfaitement raison.
Et je me suis dit, oh là là, les chiens ne font pas des chats.
Parce que j'en étais conscient, mais je me disais, allez, ça passe.
Mais avec elle, ça ne passait pas.
Est-ce que c'est votre première critique?
Bienveillante, oui. Parce que la critique
doit être bienveillante pour être utile.
On a besoin de critique, mais il faut
que ça soit dans l'amour.
Et dans l'appel à devenir meilleur.
Moi, je peux tout entendre.
Et de toute façon, quand les critiques sont méchantes,
ce ne sont pas des critiques, c'est de la méchanceté.
Mais il faut faire attention à ça, parce qu'on peut se faire prendre facilement à vouloir plaire aux gens qui, d'entrée de jeu, nous n'aiment pas et on oublie ceux qui sont déjà là.
Et ça, il y a un piège à vouloir plaire à tout le monde.
Et le piège, c'est d'abord de croire que c'est normal de plaire à certains, alors que c'est un privilège et qu'on doit les remercier.
Oui, exactement.
Et puis après, de vouloir séduire des gens qui, de toute façon,
ne sont pas de notre fratrie
et puis qui ne sont pas au monde
pour les mêmes raisons et qui ne parlent pas des choses
pour les mêmes raisons que nous.
Ceux-là, il faut les laisser baigner
dans leur jus et puis...
Oui, parce que peu importe ce qu'on va faire.
Parce que les réseaux sociaux, je trouve, c'est cette dimension-là
qu'ils apportent aussi.
Il y a des gens qui vont se modifier, qui vont changer
pour plaire à des commentaires,
alors qu'il y en a beaucoup plus
de l'autre côté,
qui sont dans la même mouvance.
Et ça, il y a un piège
à ces contacts directs
négatifs, souvent.
Oui. On pensait que
les réseaux sociaux allaient abolir les murs,
et ils en ont construit.
Tellement, c'est bien dit.
Oui.
C'est vrai.
Oui, puis surtout, on peut parler à des gens de partout,
il n'y a plus de barrière, il n'y a plus de frontière sur les réseaux sociaux,
mais c'est vrai qu'on se construit des murs entre nous.
Oui. De toute façon, moi je pense que prendre la parole
pour être sarcastique
ironique, méchant
moqueur, c'est pas la peine, c'est du temps perdu
vous me direz pourquoi je suis en forme
parce que je passe jamais le temps à dire du mal
ah oui
c'est pas la peine
c'est
il faut que chacun pense ça dire du mal des autres c'est perdre la peine c'est il faut que chacun pense ça
dire du mal des autres
c'est perdre de l'énergie pour être soi-même
donc c'est pas la peine
à quel moment elle vous manque le plus votre mère
quand j'ai fini un livre
elle le lira pas
quand je vois une belle représentation d'une pièce
elle le verra pas.
J'avais besoin toujours de...
Mon amour se confondait avec de la fierté.
Vous voyez ce que je veux dire?
J'aimais...
Parce que mon père était très pudique, donc il ne me manifestait son amour que sous la forme de « Je suis fier de toi, mon fils ».
Donc c'est vrai que j'aime bien pouvoir acquérir la fierté des autres.
C'est très enfantin, mais c'est comme ça.
Oui, mais ça fait partie de la capacité d'émerveillement.
Oui, tout à fait.
C'est la capacité de recevoir, de donner la valeur à ce qu'on reçoit
et non jouer juste la carte de l'humilité.
Oui, oui, non, il n'y avait pas d'humilité là-dedans.
Mais souvent, je trouve que ce besoin d'humilité nous prive de certaines choses.
Parce qu'un enfant n'est pas dans l'humilité.
Non, puis je vais vous dire, rien de grand n'a été fait par modestie.
Non, mais il faut avoir de l'ambition.
Il faut avoir de l'orgueil, peut-être même un peu de prétention.
Parce que pour repousser des barrières, pour repousser ses limites,
pour nourrir son énergie, il y a parfois des mauvais
aliments, mais il faut s'en
servir. Parce que moi, c'est drôle que des fois,
puis moi, j'ai dû apprendre aussi, si quelqu'un
va te faire un compliment, mais tu aurais fait la même chose à ma place.
Non, mais je viens de te dire quelque chose,
c'est à toi, dis-moi merci,
mais dis-moi pas, retourne,
c'est vrai, j'invalide
le propos. C'est difficile de recevoir desne. C'est vrai, j'invalide le propos.
C'est difficile de recevoir des compliments.
C'est très difficile.
Il faut être là complètement à ce que dit l'autre.
Et puis alors, si on entend vraiment, on est ému.
Alors, on ne sait pas quoi répondre.
Non, ce n'est pas facile.
Savoir recevoir.
Est-ce que c'est facile pour vous de s'émouvoir devant les autres?
Est-ce que vous vous laissez aller?
Difficilement.
Il y a une pudeur? donc l'équivalent de l'Oscar ou du César en France pour le théâtre. Et je commence à parler et je me rends compte que l'émotion arrive.
Hop, je me suis interrompu, je suis parti.
Aujourd'hui, je pense que je saurais utiliser mon émotion
et parler par-dessus, mais à l'époque...
Parce que la crainte, c'est que ça ouvrait quelque chose trop grand.
Trop grand devant trop de monde.
Oui, là, c'est la vulnérabilité qui embarque.
Oui, c'est ça.
Et comme je n'ai pas une formation d'acteur,
je ne sais pas utiliser ces choses-là.
Maintenant que je joue, oui, je pense que je saurais utiliser cette émotion
pour aller plus loin dans mon rapport avec les autres
et dans l'effusion de ce que j'aurais à dire.
Mais à l'époque, non.
Et quand vous regardez ce moment-là,
est-ce que vous vous dites, j'aurais dû continuer à parler malgré tout?
Oui, je pense ça.
Je l'avais ressenti.
Sur le moment,
je n'avais pas le sentiment d'avoir raison.
J'avais le sentiment de me défiler.
Il y avait une belle émotion qui me tombait dessus.
Parce que c'est beau, une émotion.
Bien, pour celui qui la reçoit,
c'est ce qu'on veut dans la vie.
C'est vivre ces moments de vulnérabilité, de vérité,
d'être là en même temps que vous, dans le même état.
Non, non, je me l'étais reproché.
Qu'auriez-vous dit à ce moment-là?
Non, mais je ne sais pas.
Mais je pense que j'aurais été dans le remerciement.
Et puis, j'aurais fait comprendre qu'on était très très très fragile quand on était créateur et qu'on se risquait dans chaque phrase, qu'on se risquait dans chaque mot et que du coup être récompensé c'était un aboutissement et que ça pouvait donner de la force pour pouvoir continuer. Parce que, voilà, on sait qu'il y a des coups à prendre
et en même temps, il ne faut pas qu'on avance avec un bélier,
avec un... comment ça s'appelle?
Une armure.
Une armure, voilà, qui nous protège.
On sait qu'on a des coups à prendre,
mais qu'il faut continuer à avancer tout nu, quoi.
Mais parce qu'être créateur, c'est se mettre à découvert. Beaucoup. Et quand on voit que les gens nous récompensent dans ce qu'on est des coups à prendre, mais qu'il faut continuer à avancer tout nu. Mais parce qu'être créateur, c'est se mettre à découvert. Beaucoup.
Et quand on voit que les gens nous récompensent
dans ce qu'on est de plus profond,
c'est une grande vérité.
C'est-à-dire,
on se rend compte dans l'essentiel.
C'est René Char, le poète français,
qui disait que l'amitié,
c'est se marier
devant l'essentiel.
C'est beau, hein?
Il faut qu'on prenne cette phrase-là en note.
C'est vraiment magnifique, magnifique.
Est-ce que vous êtes prêts à passer au niveau jaune?
Alors, vous allez faire les mêmes choses.
Vous allez m'en donner trois, cette fois-ci.
Vous allez les brasser.
Vous m'en donnez trois.
Alors, vous en choisissez une.
À quel moment de votre vie auriez-vous souhaité que le temps s'arrête?
Qu'est-ce que vous n'avez pas reçu de vos parents et qui vous a manqué?
Quel type d'amoureux êtes-vous?
Je vais prendre quel type d'amour vous êtes vous?
d'accord
extrêmement
ça peut ne pas être compris
extrêmement confiant
j'ai confiance
dans l'amour que j'éprouve et dans l'amour
qu'on peut éprouver pour moi.
Je ne suis pas jaloux.
Tellement j'ai confiance.
C'est rare de ne pas être jaloux.
Vous avez
un attachement sécurisant.
Alors moi, je sais que je sécurise.
Vous êtes un sécurisant. Voilà, je sécurise j'ai tout j'ai fait un sécurisant
voilà je sais que j'ai ça mais mais mais c'est parce que je suis profondément confiant c'est à
dire que je pense que comment dirais-je il faut faire vivre l'amour c'est pas un truc qui vous
tombe dessus ce qui vous tombe dessus, c'est le désir.
Mais l'amour, c'est quelque chose
qu'il faut faire exister.
Donc, il faut le faire exister
dans ses premiers temps, puis après, il faut le faire
exister dans les temps suivants,
etc. Et que ça doit être
l'objet d'une grande attention,
cet amour, et que c'est une chose
vivante dont il faut prendre soin.
Et donc...
Vous êtes confiant à partir
de quel moment dans une relation?
Quand j'en ai fini avec
moi-même, avec mes doutes.
Est-ce que c'est bien
de moi
qu'on est amoureux? Est-ce que
c'est pour des bonnes raisons?
Est-ce qu'il peut y avoir de l'intérêt?
Parce que quand on est célèbre et envié, bien sûr...
Des fois, on peut aussi aimer la personne qu'on connaît publiquement.
Et finalement, ça ne veut pas dire que c'est ce qu'on est complètement.
Moi, je veux quand même vraiment complètement comme je suis.
Donc, une fois que
j'ai arrêté de me poser ces genres
de questions, alors c'est l'oblation.
Je donne cet amour
de façon absolue.
Je suis très patient en amour.
Je peux passer des...
Je tiens les traversées du désert.
Vous savez, parce que ça va pas toujours bien.
Mais je tiens les traversées du désert
parce que je veux que l'amour existe et je veux
que l'amour triomphe.
Je suis pas quelqu'un qui se lasse.
Mais est-ce que
vous posez des questions, est-ce que vous
communiquez facilement, Maman?
Pas facilement. C'est ça mon problème.
Parce que je suis en train de vous décrire l'amoureux
parfait, je ne le suis pas. Oui, c'est ça, j'essaie de dire
un instant.
J'essaie de démystifier l'amoureux non j'ai un grand
je pars toujours du principe
qu'il vaut mieux donner des preuves d'amour que des paroles d'amour
et parfois les paroles je ne les donne pas
ce qui est étonnant pour un écrivain
oui parce que deviner l'amour ce n'est pas toujours facile
non c'est ça alors j'ai appris à dire
c'est assez récent.
Oui, parce que ça a été comme par obligation.
On vous a...
Oui, oui, oui.
Pour moi, ça allait tellement de soi que je n'allais pas le dire.
Ma mère et moi qui nous aimions au-delà du possible,
on ne s'est jamais dit « je t'aime ».
C'était comme dire « il pleut quand il pleut ».
C'était une évidence
oui ben voilà j'ai été élevé là-dedans
donc moi je vis
sous le parfum de l'évidence, j'ai pas besoin de formuler
pas besoin d'être redondant
c'est vrai pour un homme de mots comme vous
oui et alors du coup
oui l'homme de mots finalement ne fait pas de déclaration d'amour
et là je me suis dit
ah oui d'accord ça ça va pas
il faut l'entendre, ce mot-là.
Mais alors, le prononcer,
l'écrire encore, je peux.
Le prononcer, parce qu'il a le recevoir.
D'ailleurs, je ne l'ai jamais fait
que le chuchoter. Je ne peux pas arriver
à faire plus. Mais je prouve.
Vous pouvez seulement dire, comment vous le dites à quelqu'un?
À l'oreille, en chuchotant.
Mais je ne peux pas,
je ne peux pas, je ne peux pas.
Qu'est-ce qui se passerait si on le disait fort,
si vous le disiez fort?
Pourquoi vous... Y arrivez-vous
le mal-être ou le malaise
ou l'inconfort?
Pour moi, les évidences se murmurent.
Elles ne se crient pas.
OK. C'est comme ça.
Pratique d'être écrivain.
Les murs, les évidences,
ce murmure. Est-ce qu'on vous l'a
déjà crié qu'on vous aimait?
Est-ce qu'on vous l'a dit? Oui.
Il est fort en amour. Oui. Et quand on le crie,
j'y crois pas.
Donc, c'est vraiment ancré.
Donc, pour y croire...
C'est mes limites, hein? Mais quand on...
Pour y croire, on doit aussi vous le murmurer.
Oui.
Oui, mais c'est intéressant.
Oui, oui.
Mais là, je sais que je suis en train de parler de mes limites et de ma pathologie,
c'est-à-dire que je suis d'une pudeur extrême
et que pour moi, il ne faut pas forcer l'évidence.
Est-ce que l'écriture a permis justement de dépasser cette pudeur?
Beaucoup, beaucoup.
Vous savez, soit, moi je dis toujours, soit on est littéral, soit on est littéraire.
Soit on est littéral, c'est-à-dire on dit les choses comme elles sont, etc.
Pas beaucoup d'espace pour la poésie.
Pas beaucoup d'espace pour le mystère, pour le charme, etc.
Je préfère être littéraire.
C'est-à-dire,
il faut deviner une partie de ce que je veux dire.
Voilà.
Il faut bien vous connaître pour ça.
Oui. Pour comprendre
les signaux physiques ou
les gestes, pour bien
les interpréter aussi, parce que
des fois, la problématique dans le geste,
on s'en fait une interprétation.
Alors que dans les mots, des fois, c'est plus directionnel.
On comprend plus rapidement.
Et du moment où vous avez été capable de murmurer « je t'aime »
parce qu'on vous l'a clairement demandé à un moment donné,
parce que ça valide aussi quelque chose chez l'autre,
est-ce que ça a libéré?
Est-ce que ça a ouvert quelque chose chez l'autre. Est-ce que ça a libéré? Est-ce que ça
a ouvert quelque chose à l'intérieur?
C'est pour faire plaisir
que vous le faites. Je le dis pour l'autre, pas pour moi.
Pour moi, c'est l'évidence absolue.
Mais je sens la
fragilité de l'autre et je
dis. Voilà, c'est pour
répondre à...
Justement pour rassurer, pour ne pas
inquiéter. Mais... Mais c'est vrai que... Jeurer, pour ne pas inquiéter.
Mais c'est vrai que... Je vais aller jusqu'au bout, je me sens presque insulté d'être obligé de le dire.
Parce qu'on vous force à quelque part.
Oui, alors c'est pour ça, bon, ça va, je le chuchote.
Mais je le prouve autrement, du matin au soir.
Comment vous le prouvez?
Par mes actes, par ma responsabilité, par mon amour qui est visible dans les gestes, dans le quotidien,
par les choix de vie, par les aventures, les voyages, les cadeaux, tout.
Toujours dans la capacité d'émerveillement?
Oui, oui, oui.
Et puis c'est l'entrain absolu
que j'ai dans une histoire d'amour aussi ça me ça donne des ailes mais ouais pas les mots pas
les mots mais j'ai l'impression que ça ce que vous touchez un point ça vient beaucoup de notre
enfance je pense cette capacité parce qu'il ya des familles se dit je t'aime cc je veux pas
banaliser ça du tout mais je veux dire le je t'aime ». Je ne veux pas banaliser ça du tout,
mais je veux dire, le « je t'aime » arrive rapidement.
Oui, vous voyez, le domicile américain...
Oui, on se parle au téléphone « je t'aime », on s'écrit « je t'aime ».
Mais ils ne disent même plus « I love you ».
« Love you ».
Ah non!
Tellement important.
Je viens d'apprendre quelque chose sur Éric-Manuel.
« Je t'aime.
Non, mais c'est... Parce que pour plusieurs, c'est important de l'entendre.
Ça confirme les choses, puis ça apaise.
C'est ce qui m'a fait bouger.
Je me suis dit que je ne pouvais pas me contenter
de regarder les choses de mon point de vue,
qu'il fallait que je fasse rentrer le point de vue de l'autre.
Un apprentissage.
Bien oui, oui, oui.
Ce n'est pas fini j'ai envie de la poser cette question-là
je sais pas si
qu'est-ce que vous n'avez pas reçu de vos parents
et qui vous a manqué
je pense que mes parents
c'est à la fois qualité et défaut
c'est-à-dire que
j'ai du mal à dire mes parents
parce qu'ils étaient tellement différents l'un l'autre.
Je dirais que mon père
était un petit peu timoré.
Il avait un peu
peur de la société,
de la vie. Il était
un peu complexé. Je vais vous expliquer
pourquoi. Il était le premier
à parler français sans accent
allemand ou alsacien.
Parce qu'on est des Schmitt,
c'est-à-dire de cette zone de la France
qui a été allemande, française,
allemande, française au gré des guerres.
Et lui était premier
à faire des études, à parler,
à avoir le bac,
et à parler magnifiquement le français
et sans une once d'accent
ma grand-mère
Schmitt
elle disait bon voyage
elle avait vraiment l'accent allemand
enfin l'accent alsacien
et
du coup il était
je disais
quand il parlait il il était en smoking, en toxido.
Il était toujours au plus haut niveau de la langue.
Moi, je me souviens, quand j'avais 11 ans, je me souviens, dans la cour de récréation,
je ne disais pas, je m'en fous, je ne disais pas, je m'en moque.
Je disais, peu me chaud.
Et qui, vous comprenait?
Personne.
Et vous vous disiez « c'est la façon de le dire ».
Non, j'ai très vite compris qu'il y avait des niveaux de langue.
Et ça, vous aimiez ça déjà d'avoir cette différence-là?
Oui, ça m'amusait.
J'ai très vite compris qu'il y avait des niveaux de langue
et que mon père, malheureusement,
il était toujours au dernier étage
et qu'il fallait peut-être
que j'emprunte les autres étages.
Et ça m'a donné, en fait,
une sensibilité à la langue.
Parce que du coup, hop,
je sais ruser...
Peu mûchot.
Vous vous rendez compte.
Voilà, c'était mon père.
Et alors, dans tout ça,
il y avait beaucoup de complexes,
bien sûr.
Et donc, pour lui, par exemple, entreprendre la vie qui est devenue assez rapidement la mienne, lui pensait que je devais être un fonctionnaire de haut niveau.
Et puis c'était très bien. Donc il se trouve que je fais une grande école française, l'école normale supérieure, très élitiste, ils prennent 40 par an, etc.
Donc là, il était rassuré.
Et c'est une école pour devenir professeur d'université.
Et pour lui, ça y est, c'était le maximum.
Or, moi, je suis resté 4 ans professeur d'université.
J'ai été tout de suite rattrapé par le succès.
Parce que dès que j'ai écrit, le succès est venu et de façon internationale.
Et donc, j'ai quitté l'université.
Mais mon père n'en dormait plus parce qu'il était inquiet pour moi, pour l'insécurité, etc. Donc voilà, c'est des coups de frein dans ma vie qui venaient de cet héritage-là, de cette peur sociale, de cette peur du risque, de cette peur de la liberté, la liberté d'entreprendre et de faire.
Une espèce de doute qui empêche d'avancer dans la vie.
Un peu, un peu. C'était un dépressif, c'était un dépressif. Et alors, il n'avait pas confiance non plus forcément dans son jugement.
Conclusion, vous savez ce que c'est une vie d'artiste, on prend des bonnes critiques et puis des mauvaises aussi.
Quand il y avait une mauvaise critique, ma mère disait, ce connard n'a pas aimé mon fils, tant pis pour lui.
Tandis que mon père, comme il n'était pas sûr de son point de vue, ça le rendait malade.
Alors il ne pensait pas que le type avait raison, mais enfin, il se posait quand même
la question.
Et il a même
pris le... Il restait au lit
parfois, parce qu'il avait eu une mauvaise critique.
Ma mère m'appelait, ton père est au lit
parce qu'il a eu une mauvaise critique.
Vous concernant? Oui, oui, concernant son...
Donc c'était par procuration?
Concernant son fils adoré.
Mais parce qu'il n'avait pas confiance dans son jugement. Je lui disais, mais papa, si toi tu penses que Vous concernant? Oui, oui, concernant son... Donc, c'était par procuration? Concernant son fils adoré. Oui.
Mais parce qu'il n'avait pas confiance dans son jugement.
Je lui disais, mais papa, si toi, tu penses que c'est bien,
eh bien, continue à penser que c'est bien.
Lui, ce qu'il pense, ça le regarde.
On ne peut pas plaire à tout le monde.
Il y a beaucoup de parents, je pense, comme ça,
qui vont trouver ça bon si les autres trouvent ça bon.
Oui.
L'opinion des autres va déterminer,
surtout par rapport à leurs enfants.
Voilà. Ça, c'est ce que je dirais un petit complexe social,
intellectuel qui fait qu'on n'ose pas affirmer son avis.
Il faut aussi dire qu'ils blessent les enfants.
Ils blessent.
C'est extrêmement blessant de dire,
bien, les autres n'ont pas vraiment aimé ça,
donc je ne me prononcerai pas.
Oui. Pour l'enfant, c'est très...
On veut avoir le...
Peu importe l'âge qu'on a,
on veut savoir ce que notre parent pense de nous.
Voilà.
Mais je ne le reproche pas,
parce qu'il s'était construit comme ça.
Mais c'est important quand même de le comprendre,
de savoir qu'il y a...
Je l'ai assez vite compris grâce à ma mère
quand on a vu comment il réagissait
parfois.
On a vu
cette fragilité
qu'il avait, cette colère
qui le bouffait pendant 15 jours.
Ça nous a
beaucoup attendris.
C'était une des formes de son amour, mais c'était aussi
une des formes de sa faiblesse, de sa fragilité,
de son trajet existentiel.
Voilà, je ne veux pas lui reprocher,
surtout. Non, mais ça le décrit.
Il était comme ça.
Et des fois, ça nous fait comprendre aussi pourquoi
on réagit face à...
Je trouve qu'il faut toujours bien comprendre
comment on a grandi,
qu'est-ce qu'on a eu comme bagage pour arriver ailleurs, si on veut.
Et puis parfois, ça nous fait faire des choses bien.
Moi, je sais que tant qu'il était vivant, j'ai fait plein de choses pour le rassurer.
Donc, quand j'avais un grand prix international, etc., ça le rassurait.
Et en fait, quand je le recevais, je me disais, attends, je vais appeler papa.
C'était mon premier réflexe.
Et en même temps, je me disais, c'est mon premier réflexe et en même temps je me disais c'est dangereux parce qu'il pourrait me rendre très académique et conventionnel
tellement il aimait les honneurs
les ceci les cela
or il faut aussi pouvoir un petit peu
faire son chemin
sans devenir académique
absolument
et du côté de votre mère
est-ce qu'il vous a manqué quelque chose
rien
était complète mais vraiment — Absolument. Et du côté de votre mère, est-ce qu'il vous a manqué quelque chose? — Rien.
— Elle était complète.
— Mais vraiment...
— Et en même temps, elle a dû, à quelque part aussi, j'imagine, souvent compenser pour votre père, le relever, le... c'est même physiquement vrai puisqu'il a fait un AVC à 68 ans lui qui était un grand sportif
il a été paralysé
hémiplégique
pendant 18 ans
enfermé dans la prison de son corps
et ma mère s'est occupée de lui pendant 18 ans
qu'est-ce que ça vous laisse comme émotion ça?
j'avais peur qu'il l'emmène dans la tombe.
Et lui aussi.
Il avait peur de ça.
Parce qu'au bout d'un temps, elle avait 80 ans passé.
Elle était toujours en train
de véhiculer, de lever.
Cet homme ne pouvait pas se lever ni s'asseoir.
Elle s'occupait de lui avec amour
parce qu'elle l'aimait.
Et c'était épuisant.
Donc je pense que
il a vraiment voulu partir.
La dernière maladie qu'il a eue, il était
heureux de la voir. Il m'a dit, tu emmènes
ta mère en croisière et moi je pars dans une autre croisière.
Parce que j'emmenais
toujours maman en croisière pour qu'on ait
un moment tous les deux, qu'elle puisse
ne plus s'occuper de lui pendant 15 jours.
Je comprends. Qu'elle soit avec vous.
Voilà. Et lui, à ce moment-là, partait à l'hôpital pendant 15 jours.
Il était content parce qu'il savait qu'elle était avec moi.
Enfin bon. Et la dernière fois,
il m'a dit, tu l'emmènes en croisière
et moi, je pars dans une autre croisière.
Et ça s'est fait comme ça?
Presque.
Est-ce que ça amène une urgence de vivre?
De voir un père
aussi jeune
qui a un accident de cette façon-là.
Oui, c'est scandaleux.
La seule chose que...
Moi, je l'admire d'avoir traversé l'épreuve.
Parce qu'on a pensé qu'il allait se suicider,
parce que c'était vraiment un homme très sportif, très physique.
Et la veille, il avait fait 48 kilomètres à vélo,
dans les montagnes de Beaujolais.
Oui, on s'entend, c'est ça, c'est sportif.
Vous voyez le niveau.
Et il a su traverser cette épreuve, rester là.
Il est devenu plus tendre, il est devenu plus attentif,
plus soucieux des autres parce qu'il a su transformer.
Et ça, je lui tire mon chapeau.
Parce que d'abord, je ne l'aurais pas cru au départ.
Et donc, il a révélé quelque chose de lui, peut-être à lui-même aussi d'ailleurs.
Une force qui n'était pas si évidente à avoir.
Exactement.
Et en plus, il n'était pas croyant.
Je veux dire, il n'avait pas de recours.
Moi, j'ai la foi.
Il était fasciné par ma foi.
J'aurais voulu être contagieux auprès de lui
pour qu'il l'attrape et puis que ça aille mieux.
Mais non, il ne l'avait pas.
Il s'appelait comment, votre père?
Paul.
Paul.
Mais en même temps, vous me décrivez une magnifique histoire d'amour. Oui, on s'aimait mal, mais on s'aelait comment, votre père? Paul. Paul. Mais en même temps, vous me décrivez une magnifique histoire d'amour.
Oui, on s'aimait mal, mais on s'aimait beaucoup.
Mais mal.
Comment on fait la paix avec ça?
Difficilement.
Celui qui reste, c'est moi,
je me rends compte de toutes les maladresses que j'ai eues,
de toutes les duretés qui répondait à ces duretés
à lui alors qu'en fait on avait juste envie de de se retrouver mais c'était mal en manche et
oui c'est vraiment c'est
c'est difficile la tendresse entre un père et un fils.
Enfin, en tout cas, dans la génération de mon père,
qui n'avait eu aucune tendresse de son propre père, c'était difficile.
Alors, il pouvait la manifester sous la forme de l'admiration.
Donc, j'essayais toujours d'être admiré de mon père.
Et ça, ça change une vie aussi.
Bien sûr. On fait les choses avec une autre
perspective. C'est un principe extrêmement
dynamique. En fait, j'ai puisé une partie
de ma force et de mon énergie
dans ça, bien sûr.
C'est-à-dire,
j'ai l'impression que
ma mère m'aimait
quoi qu'il arrive, l'amour inconditionnel,
et mon père m'aimait quoi qu'il arrive, l'amour inconditionnel, et mon père m'aimait si,
l'amour conditionnel.
Et en fait, l'humus, c'était l'amour inconditionnel
qui me permettait de prendre racine et de pousser.
Et le support,
la béquille sur laquelle tout s'appelait,
c'était l'amour conditionnel de mon père.
Il fallait pousser droit.
Et donc finalement, l'un et l'autre
étaient très, très utiles.
Ils étaient complémentaires.
Oui.
Est-ce que vous êtes prêt à passer au niveau rouge?
Mais allons-y.
Il faut que je fasse semblant de choisir.
Vous m'en donnez trois.
Allez, hop.
On va en donner trois.
Voilà.
Merci.
Mais vous ne faites pas semblant de choisir, là.
Vous me donnez les bonnes cartes.
Dans le sens que vous ne savez pas.
Je comprends ce que vous voulez dire.
Ah, je n'avais pas compris?
Non, mais j'avais compris que vous comprenez
que je ne sais pas c'est quoi les cartes.
OK, c'est bon.
Parce que vous avez dit que c'était semblant.
Je disais non, non, c'est pas semblant.
Alors, voici les questions rouges.
On commence à être quand même plus personnel dans ces
questions-là, parce qu'on ne l'était pas du tout. Non, ce n'est pas vrai.
Ah, bien, j'ai perdu mon joker. Vous l'avez là. Vous l'avez là. Non, non,
mais vous allez voir, personnel, mais toujours dans le respect, dans le sens que, est-ce
que vous avez déjà, est-ce que vous êtes déjà rendu au bout de vos limites physiques
ou psychologiques? La foi, c'est trois petits points. Comment votre rapport à la mort a-t-il évolué au fil du temps?
Ah oui, je vais peut-être prendre celui-là.
D'accord.
J'étais quelqu'un de très, très angoissé par la mort. Ça me réveillait la nuit quand j'étais enfant.
Avez-vous été en contact rapidement avec quelqu'un qui est décédé? Pas si vite que ça. J'avais 11 ans quand mon grand-père adoré, François, est mort.
Et là, d'ailleurs, mes parents, toute la famille a été hallucinée
par la profondeur de mon chagrin.
Je n'arrivais pas à me remettre.
Et je n'ai arrêté de pleurer que quand j'ai vu que j'empêchais ma mère
d'avoir son propre deuil.
Quand j'ai vu que j'occupais tout l'espace et qu'elle, qui adorait son père, s'occupait de moi au lieu de le pleurer.
C'est là que je me suis retenue.
J'étais dévastée.
Et en fait, à partir de là, je suis devenue insomniaque. Je ne le suis plus, je vais vous dire pourquoi. Je suis devenu insomniaque à 11 ans. Il n'y avait plus moyen de m'endormir, je détestais aller au lit, et ça a duré jusqu'à l'âge de plus de 30 ans. Et en fait, je me suis rendu compte, vers la trentaine,
qu'on m'avait dit une phrase
qui m'avait marqué.
On m'avait dit, ton grand-père s'est endormi pour toujours.
Alors moi, je ne voulais plus m'endormir.
Et donc, je ne voulais plus aller me coucher,
je ne voulais plus me mettre dans un lit,
je ne voulais plus laisser le sommeil tomber sur moi.
Je ne m'en étais pas rendu compte,
cette phrase avait complètement changé mon rapport.
Ça paraît évident quand on le dit,
mais il a fallu l'âge de 30 ans pour que je trouve.
Quand on regarde des enfants,
souvent, c'est une phrase qui a un impact
sur l'estime, sur la confiance en soi.
Ça va venir ébranler quelque chose.
Si on mentionne,
« Ah, toi, tu n'es pas pareil à cause de tes yeux,
la personne va être complexée de ses yeux.
Je sais qu'il y a des commentaires comme ça
qui sont imprimés.
Oui, toi, tu es moins jolie que ta soeur,
mais tu es rigolote.
Exactement.
Ça, ça fait mal.
C'est des choses, c'est fou,
parce que c'est beaucoup plus tard
qu'on s'en rend compte.
Alors ça, c'était dit sans intention de blesser,
puisque après, ma mère m'a dit,
mais pourquoi j'ai dit ça?
Parce qu'en même temps, c'est une belle façon de mourir.
Oui, mais...
Mais pour un enfant, ce n'est pas la même connotation.
Non, je n'avais pas, voilà.
Et donc après, donc j'ai vraiment, la mort m'angoissait, je me réveillais la nuit, etc., etc.
Et puis est arrivé ce que j'ai raconté dans la nuit de feu, c'est-à-dire à 28 ans, je rentre dans le sahara athée et je me perds je vis une nuit
extraordinaire une nuit mystique une nuit sous les étoiles une nuit de feu et et puis on me retrouve
et à partir de là tout a changé parce que je ne sais rien de plus je ne sais pas ce qu'est la mort
mais je ne sais pas non plus ce qu'est la vie. Donc je suis ignorant, comme avant.
Mais j'habite l'ignorance avec confiance.
Au lieu de l'habiter, l'ignorance avec angoisse.
Donc maintenant, je me dis, oui, je vais mourir.
Mais ça sera forcément une bonne surprise.
Et donc, je suis dans ce rapport-là avec la mort.
Donc la mort pourrait arriver n'importe quand? Je ne suis pas pressé parce que j'ai beaucoup de choses à faire et puis j'aime tellement la vie
et j'aime tellement les êtres que j'aimerais bien rester là longtemps.
Mais est-ce que vous êtes à jour dans votre vie avec les autres?
Non, jamais. Non, non, jamais.
Ces dernières années, j'ai beaucoup...
Je suis beaucoup revenu sur des...
des amitiés interrompues,
des relations interrompues,
pour un prétexte qui, quelques années après,
semble stupide.
Et je suis revenu vers des gens en leur disant...
C'est trop bête,
le fait qu'on soit froissé, etc.
Ça, j'y pense, et souvent, c'est dans une perspective, justement, de la femme,
en me disant, il ne faut pas laisser derrière soi des portes qu'on a claquées.
Et quand on va réparer ces moments-là de notre vie.
Il faut être très humble.
Et ça allège aussi.
Après, ça allège, bien sûr.
Autant ça peut être un nœud, mais quand on arrive
à défaire ce nœud-là.
Ça allège l'autre, ça allège soi,
ça promeut
une conception positive de la vie.
On n'en reste pas aux accidents et aux traumatismes.
C'est quelque chose de... ça fait du bien.
Oui.
Des fois, on se rend compte aussi que l'autre,
il pensait plus.
Alors que nous, ça...
Ben non.
Ça vous est pas arrivé?
Non.
Vous vous êtes rendu compte finalement que c'était un bon geste,
c'était une bonne décision de...
Oui. Puis parfois, c'est pas venu de moi,
c'est venu de l'autre,
et puis j'étais très heureux.
Mais il faut dire que moi,
je suis gentil, mais en même temps,
j'ai un caractère très fort.
Donc, si je ferme la porte...
Qu'est-ce qui vous fait fermer la porte?
Le sentiment que les choses sont en train d'évoluer dans un malentendu.
Et qu'on ne parle pas de la même relation, qu'on ne parle pas de la même chose.
Et là, je peux être très coupant.
En l'occurrence, j'avais raison. Mais j'avais raison trop fort. J'avais raison de façon un peu agressive. Donc c'est pour ça que je suis revenu.
Mais vous êtes capable de fermer un livre et de repartir? Oui, parce que je me ressource continuellement dans la lecture des évangiles.
Donc j'essaie de mettre du côté de l'amour.
Et quand je me rends compte que oui, j'avais raison, mais en même temps c'est très con d'avoir raison.
Il vaut mieux aimer.
À ce moment-là, je reviens.
Donc quand vous lisez l'évangile, ça vous donne des réponses? Ça me met du côté de l'amour, ça me met du côté de la générosité,
ça me fait lutter contre l'égoïsme vital, l'intérêt, etc.
Enfin, ça réveille le meilleur en moi et je ressens l'appel du meilleur.
Je pense que moi, je vais choisir l'autre question. Je trouve qu'il y a vraiment un lien entre les deux.
C'est pour l'envoi de la foi.
Oui. Parce que, j'ai comme l'impression, quand on regarde
au Québec, c'est un peu
partout comme ça, mais parlons de l'histoire du Québec,
pendant des années ici,
en fait, le Québec a été
défriché, le Québec a été colonisé
par
les religieux
qui
construisaient une église
et là, les gens arrivaient puis on défrichait et tout ça.
Mais en même temps, l'église est devenue ici,
les gens qui avaient tout le pouvoir,
il y avait des dogmes,
les enfants allaient à l'école avec des religieuses,
je veux dire, les règles étaient sévères,
et il n'y avait pas beaucoup de place à la liberté de penser,
puis quand les femmes avaient un enfant,
tout de suite, parce qu'il fallait coloniser,
donc on leur demandait,
bien ce serait le temps d'en avoir un autre, et quand les femmes
perdaient un enfant
pour une fausse couche, il fallait aussi...
Alors, tu sais, on a entendu, tu sais, moi,
ma grand-mère, Angela, elle me racontait ça,
puis c'est... Tu sais, elle conseillait pratiquement
à ses filles, attendez, tu sais,
faites pas ce que j'ai fait, parce que ça aurait pas été...
Plusieurs femmes n'auraient jamais choisi
ce type de vie, puis il y en a beaucoup qui en ont
voulu à ces hommes
en soutane qui arrivaient à...
Et c'est pour ça que la religion,
on dirait qu'on l'a beaucoup associée
longtemps, et pour plusieurs,
à des dogmes, à une
imposition d'une façon de penser.
Mais c'était le cas. Parce que c'est
les porte-paroles
de ce livre qu'on appelle la Bible,
ce grand livre, les porte-paroles de ce moment-là,
étaient rigides aussi.
Complètement.
Alors comment on devrait voir la Bible?
Non, mais vous évoquez quelque chose qui est totalement juste,
c'est-à-dire que c'était une église
qui n'était pas à la hauteur du christianisme.
C'était une église
qui était une puissance,
une puissance
colonisatrice, une puissance impérialiste,
et pas du tout
ce que doit être pour moi l'église.
C'est pour ça que j'aime
le pape François qui s'est fait
élire en disant, je vais rendre
l'église aux évangiles, enfin ».
C'est-à-dire à la promotion de la notion d'amour avant tout.
Donc moi je pense que cette Église catholique au Canada, elle a fait du mal aux hommes, elle a fait du mal à Dieu.
Et elle a fait du mal au christianisme.
Elle a vraiment tout cassé. Et donc vous êtes ici, vous êtes dans la reconstruction par rapport à ça et du coup dans une méfiance du religieux que moi je trouve complètement légitime. puisque en France et en Belgique, c'est tout à fait différent. Il y a eu une coupure avec l'Église qui s'est faite au cours du 19e siècle,
mais vraiment nettement en 1905, avec la séparation de l'Église et de l'État.
Et donc ces mauvais liens, c'est-à-dire une Église comme pouvoir temporel, ça c'est des faits.
Tandis que vous, vous le viviez à temporel, ça c'est des faits.
Tandis que vous, vous le viviez à plein.
Oui, il n'y avait pas de séparation à ce moment-là. Donc finalement, il y a de nouveau la place pour la foi,
pour le problème pur, indépendamment des églises, de la foi.
Et moi, j'évoquais la présence de Dieu
que j'ai ressentie dans le désert du Sahara.
C'était pas du tout une expérience
religieuse, c'était une expérience
spirituelle. Ce Dieu-là,
c'était le Dieu de n'importe quelle religion
ou de toutes, c'est ce que je pense.
Mais qu'est-ce qui a changé
en une nuit, physiquement,
psychiquement?
Se retrouver en face de la présence, de la force,
saisir sa lumière, sa puissance et s'y fondre.
Et puis finalement revenir à soi avec une empreinte,
un délébile qui est la foi.
Et alors à partir de là, je me suis mis à regarder toutes les religions avec beaucoup d'intérêt, en entrant toujours dans chaque religion par la porte très singulière des mystiques.
Et je me suis découvert des frères et des sœurs sur toute la Terre, dans toutes les religions, à toutes les époques.
Parce que je pense que les religions ne sont que des manières de dire la même chose, ce cœur mystique, ce cœur de feu. Les religions, en fait, sont des refroidissements du feu.
Et parfois, c'est glacial.
Tellement il n'y a plus de rapport
avec ce qui a fondé tout ça.
Et donc, je ne prends pas
les religions pour autre chose que
des manières de dire, des manières de faire,
des manières d'institutionnaliser,
de transformer en rite,
en dogme, etc.
Et alors, la pensée dogmatique, c'est exactement tout ce que je hais.
Parce qu'il y a quelque chose d'autoritaire aussi.
Parce qu'il y a quelque chose d'autoritaire et quelque chose de non-philosophique.
Oui, absolument. C'est qu'on n'a pas le droit de réfléchir.
C'est ça.
On doit obéir.
Alors je ne pense pas du tout ça. Pour moi, effectivement, une vraie culture religieuse, ce n'est pas une culture de l'obéissance,
c'est une culture de la critique. Parce que
si vous prenez tous ces textes,
l'Ancien Testament, le Nouveau
et le Coran,
il y a tout et son contraire.
Il y a autant de violence dans l'Ancien Testament
que de choses élevées.
Dans les évangiles, non, là ça va mieux.
C'est vraiment quatre livres
d'anti-violence, mais il y a l'apocalypse à la fin, où on retrouve comme ça la volonté de meurtre, de sang, etc.
Et dans le Coran, vous avez des sourates qui permettent à un homme de devenir hautement spirituel, généreux, etc.
Et puis quelques sourates comme la sourate de la vache qui vous incite à tuer tous ceux qui ne sont pas comme vous.
Donc, ça veut dire quoi? Ça veut dire
que lire ces livres, c'est faire
une discrimination
critique. C'est réfléchir
en se disant, attends, quel rapport entre ça et ça? Non, ça ne va pas
ensemble. Et donc, c'est
finalement, c'est une formation philosophique.
Ce n'est pas l'obéissance. Ce n'est pas répéter.
Ce n'est pas réciter.
Ce n'est pas dire oui, amen. C'est au réciter, ce n'est pas dire oui, amen.
Ce ne sont pas des réponses, mais des réflexions.
Exactement. C'est ça la vraie culture religieuse.
C'est important, c'est la grande nuance.
Parce que longtemps, on n'avait pas besoin de réfléchir.
C'est ça.
Il y avait un donne, il y avait une réponse qui était là et elle n'était non négociable.
Et là, ça m'amène à parler de votre avant-dernier livre, Le défi de Jérusalem. Vous l'avez raconté, cette histoire-là, mais elle est fascinante. Vous êtes quand même la première personne que je rencontre dans ma vie qui n'a pas seulement rencontré le pape enançois. Racontez-moi comment c'est arrivé.
Parce que moi, ça m'impressionne vraiment, je trouve ça fascinant.
Et d'entendre parler du pape différemment
aussi,
ça m'interpelle de vous entendre.
Tout commence par un coup de téléphone.
Je suis tranquillement chez moi dans ma maison de campagne
en train d'écrire, bien évidemment.
Et puis, mon éditeur italien qui me dit
« Le Vatican te cherche.
Je lui dis, ok, donne-moi un numéro.
Je pensais que c'était les médias du Vatican,
parce que quand mes livres sortent en Italie, en langue italienne,
je fais tous les médias, y compris les médias du Vatican.
Mais non, c'est un appel tout à fait différent.
C'était Lorenzo Fazzini, qui dirige les presses du Vatican,
qui me dit, Éric Emmanuel, vous savez, on vous aime beaucoup ici.
On aime votre foi
et la liberté avec laquelle
vous la dites.
Et on a un rêve
pour vous. On sait que vous n'êtes pas allé
en Terre Sainte. On voudrait
vous emmener en Terre Sainte, vous ouvrir
toutes les portes possibles et
on souhaiterait que vous reveniez avec un livre
qui serait celui de votre voyage en Terre Sainte.
Alors, j'ai tout de suite dit oui au voyage et j'ai dit mais le livre je sais pas je ne m'engage pas parce que
parce qu'il y aura peut-être pas matière et puis un an plus tard je pars parce qu'il fallait trouver
le temps je pars pour passer un peu plus d'un mois en terre sainte alors terre sainte ça veut dire si jordanie israël
et je vis des choses extraordinaires là bas et le l'avant-dernier jour j'étais à l'école biblique et
archéologique de jérusalem et de nouveau coup de fil, Éric Emmanuel, il vous attend demain.
Je dis, qui?
Il me dit, le pape. Ah!
Là, on ne regarde pas son agenda.
On est disponible.
Non, justement, je ne pouvais pas.
Donc, ça s'est fait deux...
Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas.
Je devais jouer au théâtre.
M. Ibrahim, il va faire du courant en plus.
Et donc, ça se fait deux semaines plus tard.
Et là, pour la première fois, j'étais un petit enfant.
Parce que moi, dans ma vie, grâce au fait que je suis joué dans une cinquantaine de pays,
j'ai rencontré des rois, des reines, des présidents de la République, des premiers ministres, des dictateurs même.
Ça ne m'a jamais impressionné parce que le pouvoir ne m'impressionne pas.
Mais par contre, l'accomplissement spirituel, ça, ça m'impressionne.
Donc ça peut être quelqu'un qui dirige une ONG et qui se dévoue totalement à son ONG.
Ça peut être...
Voilà, ça n'est pas forcément lié au religieux.
Et lui, je sais que c'est un homme d'accomplissement spirituel.
Donc j'arrive au Vatican.
Alors d'abord, il faut à peu près une heure et demie pour arriver de salon en salon,
arriver jusqu'à lui.
On vous fait attendre d'antichambre en antichambre.
Et je voyais ce Vatican luxueux, plein d'œuvres d'art, que lui, il déteste.
Parce qu'il n'aime pas, c'était un évêque des pauvres,
il n'aime pas le luxe, la pauvreté.
La veille du jour où je l'ai vu, il avait donné un repas
pour 2500 personnes sans-abri sur la place Saint-Pierre.
Il avait partagé le repas avec eux,
alors qu'il refuse de partager un dîner
avec Emmanuel Macron ou Justin Trudeau.
C'est quand même cet homme-là.
Il casse une tradition.
Voilà.
Et puis je le rencontre
et c'est un homme lumineux.
Tout à fait lumineux parce que
il est habité,
véritablement. On voit qu'il y a quelque chose
en lui qui est plus fort que son âge,
que la souffrance physique, parce qu'il a des... On voit qu'il souffre de la hanche de la jambe etc et il écoute avec autant
de profondeur qu'il répond c'est très il tire le meilleur de vous et il rebondit en vous élevant
encore plus donc on a parlé de la fois on a parlé il voulait absolument m'entendre sur mon trajet spirituel,
il voulait que je lui parle de Jérusalem,
de ce que j'avais ressenti à Jérusalem,
puis on a parlé après de
Blaise Pascal, de Charles de Foucault,
des gens qui sont extrêmement importants
pour lui comme pour moi.
Il me parlait en italien,
mais quand même, quand on a parlé de Blaise
Pascal, il m'a cité entièrement un texte de
Blaise Pascal en français.
Et mais quand même quand on a parlé de Blaise Pascal il m'a cité entièrement un texte de Blaise Pascal en français et puis il me raccompagne il veut me raccompagner jusqu'à la porte
moi je vois son degré de souffrance
et il me dit
donc on ne résiste pas à sa gentillesse
donc il se lève
il m'accompagne et sur le pas de la porte
il me dit priez pour
moi là je me dis mon italien se barre j'ai pas compris j'ai une bande de répéter il dit priez
pour moi et moi je suis fils de mon père était kinésithérapeute physiothérapiste il passait son
temps à soigner les gens.
Et donc j'ai un réflexe, je regarde sa jambe, je regarde sa hanche, je regarde sa canne,
et il voit que j'interprète ça comme ça, et il a un grand sourire,
et il me dit non, non, non, non, non.
Et il monte la bibliothèque du Vatican, immense, le Vatican derrière,
et sans doute toute la chrétienté, en disant la tâche est lourde, ma charge est pesante, priez pour moi pour que j'y arrive.
Et cette humilité, je trouve que c'est bouleversant.
Et puis dessous il y a un message subliminal qui est de dire ta prière aux yeux de Dieu, elle est aussi importante que la mienne. Cette égalité absolue.
Et donc j'ai redescendu les escaliers du Vatican,
en me disant, ouais, Dieu est au travail.
Il est là.
Vous avez l'impression que vous l'avez rencontré.
Bien, j'ai vu quelqu'un qui était porté par une force qui était plus que la sienne.
Et qu'est-ce qu'il a dit de votre livre?
Il a écrit la préface, la postface.
Dites-moi la première phrase.
Moi, quand j'ai lu le livre, je suis arrivée à la fin et j'ai dit,
comment il vous interpelle?
Je me suis dit, mais comment on reçoit ça?
Je vous laisse le dire parce que c'est à vous que ça s'adresse.
Mais oui. Donc, c'était
plusieurs mois après.
J'avais reçu un coup de téléphone
de Lorenzo Fazzini du Vatican
qui me dit, est-ce que tu as fini ton livre? Je lui dis, oui,
je le rends demain à mon éditeur. Est-ce que tu veux bien l'envoyer?
Je lui dis, oui. Il me dit, est-ce que
tu me donnes la permission de le faire lire au pape?
C'est une question qu'on ne m'avait jamais posée.
Je lui dis, oui, tu peux le faire lire au pape. Et moi, je savais qu'il m'avait jamais posée. Je lui ai dit, oui, tu peux le faire lire au pape.
Et moi, je savais qu'il revenait
d'Afrique, c'est-à-dire un voyage qu'il avait
postposé plusieurs fois pour des problèmes de santé.
Et donc, il devait
être épuisé par ce voyage en Afrique.
Et je pensais qu'il avait tout à fait autre chose à faire.
Et puis, quatre jours après,
Lorenzo Fazzini m'appelle en me disant, il a beaucoup
aimé ton livre. Et il est en train de t'écrire.
Déjà, ça me l'a dit. Déjà. Lorenzo Fazzini m'appelle en me disant il a beaucoup aimé ton livre et il est en train d'écrire déjà
et puis le lendemain
je suis dans la région parisienne
je dois jouer un de mes textes
Madame Pilinscale, Secrets de Chopin
je suis en train de me maquiller
le métier d'excommunié
l'acteur était excommunié par l'église
jusqu'au 18ème siècle
c'est vrai quand même, l'acteur était excommunié par l'Église jusqu'au 18e siècle. C'est vrai, quand même.
Ben oui, tout à fait.
Pourquoi l'Église change.
Et j'étais en train de me maquiller sur la table.
Et tout d'un coup, je reçois un WhatsApp.
C'était le pape.
Et j'ouvre, et les premières paroles, c'est
Caro Eric Emmanuel, Caro Fratello.
Cher Eric Emmanuel, cher frère.
Je n'ai pas pu aller plus loin, cher frère.
Donc là, je me suis dit, bon, on se calme, il faut jouer, il faut signer.
Après, j'irai au restaurant, je rentrerai à l'hôtel et je lirai.
Et en fait, j'ai attendu le lendemain matin, je me suis réveillé dans mon lit,
j'ai lu sa magnifique lettre
sur le livre
et sur Jérusalem
et sur ce que ça signifie,
à quoi ça nous engage.
C'est une lettre humaniste
puisque religieuse.
Et voilà.
Donc je ne vous dis pas l'état
dans lequel j'étais, donc j'appelle d'abord mes intimes
et puis au bout d'un temps
pour frimer j'appelle mon éditeur
ah ah ah
alors il me dit figure toi que j'ai reçu une lettre du pape
il a beaucoup aimé le livre
et lui évidemment éditeur me dit
mais il faut qu'on publie la lettre
ah mais je n'y avais pas pensé
et là je rappelle le Vatican
en disant est-ce que ce serait possible de publier la lettre en postface du livre? Et ils ont dit, mais oui, bien sûr.
Est-ce que c'est la première fois quand vous appelez mon frère?
Mais oui. Et vous voyez d'où ça vient? Mais ça, c'est sa force. Il pense que chaque chrétien est un témoin aussi légitime qu'un autre.
Il est complètement dans le refus de la hiérarchie.
D'ailleurs, il est détesté par toute une partie de la hiérarchie catholique, on le voit bien.
Et d'ailleurs, il voudrait aller beaucoup plus vite en termes de réforme,
mais il ne veut pas casser l'objet dont il a la charge.
Il a la peur du schisme, très très forte, et justifiée malheureusement, parce qu'il y a des forces réactionnaires extrêmement fortes dans cette église. Et même sans parler de forces réactionnaires, il y a des gens qui sont... Par exemple, quand il est arrivé au Vatican, il a dit que la plupart des gens faisaient la gueule. Ils prenaient des airs sérieux alors qu'ils n'étaient pas du tout des personnes sérieuses. Il a demandé de pratiquer la diplomatie du sourire.
Montrer de la joie.
Mais quand je vous entends, ça devrait être l'endroit
qui est le plus
serein, pacifique,
ouvert. Le Vatican?
Ça devrait être là parce que c'est... Pas du tout.
Alors que c'est pas ça. C'est pas ce que vous décrivez.
Non, non, non, non, non.
Mais c'est parce que... Il y a eu des papes
empoisonnés et on craint que celui-ci ne le soit, bien sûr.
Donc, on n'est pas à l'époque médiévale. Aujourd'hui, ça pourrait encore arriver.
Mais regardez, qu'est-ce qui n'arrive pas aujourd'hui, qui n'arrivait pas dans le passé quand on voit des Poutine, quand on voit des...
C'est vrai. On dirait qu'on ne voudrait pas...
Le poison chez Poutine, c'est souvent utilisé. On dirait qu'on ne voudrait pas... Le poison, chez Poutine, c'est souvent utilisé.
On dirait qu'on ne voudrait pas y croire.
C'est ça. Je crois qu'on a eu la naïveté de croire, dans les années 90,
que c'était la fin de l'histoire.
Voilà, on allait vers des instances supranationales de plus en plus fortes
et qu'on avançait vers un univers de paix.
Bien sûr que non.
Ce sera ma dernière question sur la foi,
mais si vous avez rencontré
avant
et maintenant?
Vous savez, en fait, tout ce que j'ai écrit,
tout ce qui m'a fait connaître a été écrit après.
Je ne sais pas si j'aurais...
Parce que ce qui s'est passé
dans le désert, c'est que ce n'est pas seulement la foi que j'ai reçue, j'aurais... Parce que ce qui s'est passé dans le désert,
ce n'est pas seulement la foi que j'ai reçue,
j'ai été harmonisé.
C'est-à-dire qu'avant, j'avais la tête qui partait dans un sens,
le cœur qui partait là et le corps qui partait ailleurs.
J'étais...
Ça m'a fait.
Oui, ça m'a...
Maintenant, chaque phrase que j'écris, par exemple,
est une phrase qui a été pensée par ma tête,
ressentie dans mon cœur,
et exprimée dans mon corps,
puisque c'est de la musique.
Et voilà, je ne suis plus le même.
Avant, je pense que j'avais des dons, bien sûr,
tout le monde les avait repérés, ces dons,
mais où est-ce que ça partait?
Peut-être que je ne les aurais pas coordonnés.
Qu'elles sont, vos dons? J'ai le don de-être que je ne les aurais pas coordonnées. Qu'est-ce qu'il y a de ça en vous, dans?
J'ai le don de la formulation, je pense.
Je l'ai toujours eue.
Quand je suis arrivé, d'ailleurs,
dans la carrière du théâtre et d'écrivain,
on disait que j'étais une fontaine à aphorismes,
une fontaine à sentences, etc.
C'est vrai que j'ai des formulations raccourcies, j'y ai toujours eu,
donc j'ai le don d'écrire, ça c'est clair. C'est indéniable. Voilà, ça c'est clair. Même les gens
qui me détestent le reconnaissent. Le reconnaissent. Voilà, c'est ça, le don, oui, c'est ce don-là,
quoi. Et vous en faites quelque chose de grand parce que ça continue. de grand je me suis mis à travailler aussi parce que ça ne suffit pas les dons
ça c'est vrai
souvent le don, le pourcentage
est plus petit que le travail
qu'on doit mettre en place
j'ai mis du temps à comprendre
ma marraine qui m'a ouvert toutes les portes
du monde du théâtre c'était Edwige Feuillère
alors on l'a oublié maintenant
mais c'était une grande actrice des années 30, 40, 50, 60, qui avait créé, une vedette de cinéma, mais qui avait aussi créé les textes des grands auteurs français, Claudel, Giraudoux, Cocteau.
Et donc cette actrice découvre par le courrier, parce que j'avais son adresse, je lui envoie ma première pièce, qui maintenant est au programme du baccalauréat en France. Quand on fait des études, on est obligé
de lire cette pièce. Elle, elle la reçoit
pour la première fois et elle l'adore.
Et elle est devenue ma marraine.
Elle m'a ouvert toutes les portes, etc.
Et elle me disait toujours
« Éric-Emmanuel, vous êtes beaucoup
trop doué.
Il faut travailler. »
Et elle faisait une chose très simple.
Elle avait sur son bureau un lutrin en bois.
Elle posait mes textes sur le lutrin.
Moi, j'étais là.
Et elle les lisait avec sa voix d'alto, magnifique, etc.
Et elle les lisait sans un commentaire.
Et elle se tournait vers moi.
Et je disais, oui, oui, j'ai compris.
Elle me faisait sentir le gras, la facilité,
ce qui était inutile, rien que par sa lecture.
À partir de là, je me suis dit qu'il fallait que je travaille aussi.
Le beau cadeau, c'est qu'après on a eu une vraie amitié.
Je l'ai même vue allongée sur son lit de mort. Et un an et demi après, le not allait et ce qui n'allait pas,
elle avait pensé à me le léguer.
Un objet précieux.
Un objet précieux.
Elle avait une autre chose très belle que j'ai envie de vous raconter, c'est que quand elle m'appelait,
à l'époque on avait des répondeurs avec une bande enregistreuse et malheureusement j'aurais dû les garder,
elle m'appelait et me disait « Allô Eric Emmanuel, est-ce que vous êtes là? Vous êtes au fond de l'appartement, j'attends que vous
arriviez. Non, vous n'êtes pas là.
Ah, c'est dommage.
J'aurais vraiment envie de vous parler. Bon, vous n'êtes pas là.
Très bien. Eh bien, écoutez, je
vous rappellerai parce que j'avais vraiment envie
d'échanger avec vous. Alors,
tant pis pour vous,
je vous aime.
Donc là, vous l'entendiez.
Oui.
Je vous aime.
Quelle parole.
Tant pis pour vous, je vous aime.
C'est marquant.
Très.
C'est pour ça que quand j'ai des heures un peu noires, un peu sombres, des moments de doute. Eh bien, je pense à des gens comme ça qui m'ont apporté leur confiance, leur lumière
et puis ces phrases qui vous portent
tant pis pour vous, je vous aime.
Et qui ont cru en vous. Ah oui.
Sans condition. Ah mais c'est fou.
Qui ont vu ces gens-là qui voient
en nous quelque chose qu'on n'a même pas
vu nous-mêmes. Non. Ils voient le meilleur.
C'est fou, ça, quand même, ces personnes-là.
Et ils vous tirent vers le meilleur de vous-mêmes. Et qui ils voient le meilleur. C'est fou, là, ça, quand même, ces personnes-là. Et ils vous tirent vers le
meilleur de vous-mêmes. Et qui arrivent à
trouver les mécanismes pour
qu'on le ressente aussi,
ce qu'eux ressentent à notre contact.
Ces personnes-là,
c'est... On se dit,
ça serait bien que je ressemble un peu à la personne
qu'elle voit. Mais ça nous
donne confiance. Oui, oui, oui. Ça nous donne
une direction, on dirait. Non, je...
Tant pis pour vous, je vous aime.
Ah, ça pourrait être un titre de...
Je pense qu'un jour, je vais
écrire un livre sur les gens
qui ont compté pour moi
et que je l'appellerais Tant pis pour vous,
je vous aime. C'est... c'est porteur.
Porteur.
Est-ce que vous êtes prêts à vous rendre au niveau mauve?
C'est le dernier niveau.
Allons-y.
Alors, vous choisissez une question.
Merci.
Avec quelle personne décédée aimeriez-vous partager un repas?
Il y a du monde.
Je ne sais pas.
Je crois vraiment que...
J'aimerais déjeuner avec Mozart.
C'est ma grande passion.
J'hésite avec Diderot, qui est mon autre grande passion.
C'est toujours un homme du 18e siècle.
C'est mon siècle.
C'est aussi.
C'est mon siècle.
Croyez-vous à la réincarnation?
Non.
Non?
Il y a peut-être quelque chose qui est resté de cette période-là?
Non, mais...
Qu'est-ce que vous diriez à Mozart?
Vous savez, à Paris, il y a 20 arrondissements,
et on dit qu'on est du 6e, du 5e.
Moi, je dis toujours, moi, je suis du 18e.
Pas l'arrondissement, le siècle.
Qu'est-ce que je dirais à Mozart?
Je m'occuperais de lui.
Je m'occuperais de lui parce que vraiment,
il avait une santé pas possible,
il était en surmenage.
Et puis le problème de Mozart, c'est qu'il était le seul
à avoir compris à son époque qu'il était Mozart.
Parce que les gens
ne se rendaient pas compte.
On dirait qu'il avait besoin d'être contenu à quelqu'un.
Alors moi, je lui dirais Tété Mozart, attention.
Ah oui?
Oui, oui.
Je lui montrerais qu'il y a quelqu'un
qui a conscience de son génie absolu,
et puis qu'avec moi, il ne mourrait pas à 37 ans.
Vous auriez changé l'histoire.
Vous auriez changé son histoire à lui.
Ah ben ça, ça aurait été un de mes rêves.
Oui, c'est vrai. Ben oui. Parce que que des chefs-d'oeuvre, que des changé son histoire à lui. Ah ben ça, ça aurait été un de mes rêves, oui, c'est vrai,
ben oui, parce que
que des chefs-d'oeuvre, que des chefs-d'oeuvre, alors ça va,
il nous en a laissé des heures
et des heures de chefs-d'oeuvre, mais il aurait pu en avoir encore plus,
puis sa vie aurait pu être
moins dure, parce que c'est...
C'était dur, il avait toujours les huissiers
derrière lui, il était toujours en train
de courir après l'argent,
il n'avait pas de sécurité sociale à l'époque
il a quand même perdu plusieurs enfants
avec Constance, sa femme
son père
qui avait été
merveilleux dans son enfance
était insupportable
pendant son âge adulte, sa soeur
s'était éloignée
il était confondu avec des
êtres sans valeur,
alors que lui avait une haute conscience de sa valeur.
Mais ça, je pense que c'est grave
quand tu as une conscience de ta valeur
et que les autres ne la voient pas.
C'est l'inverse de ce qu'on vient de décrire.
Oui.
Et ça, c'est que quels gestes on pose,
et là, on éloigne les autres
parce qu'on pose des gestes, des fois, exubérants
pour se faire voir.
Exactement.
Et là, ça a l'effet contraire.
Exactement. Il passait pour prétentieux
alors qu'il était juste conscient.
Et puis, il en faisait trop, parfois.
Puis, il y avait un enfant qui était resté
parce qu'à 6 ans, il était sur les genoux
des rois et des reines.
Et puis, une fois qu'il est adulte,
il n'intéresse plus personne.
Et puis, il n'est pas spécialement beau alors qu'enfant, il était sur les genoux des rois et des reines. Et puis, une fois qu'il est adulte, il n'intéresse plus personne. Et puis, il n'est pas spécialement beau.
Alors qu'enfant, il était mignon.
Puis, il était enfant, surtout.
Donc, un enfant prodige, ça fascine tout le monde.
Un adulte musicien, ça ne fascine personne.
Ça vient d'où, vous pensez, ce don-là?
Parce que lui, il y avait un don.
Il y avait quelque chose qui venait, on dirait, d'ailleurs.
Moi, je pense que c'est...
Il y a des cerveaux
qui ont des facilités pour quelque chose.
Lui, c'était évident que...
Son père en a été ébloui tout de suite.
Il avait des facilités pour la musique.
Je crois que chacun de nous
doit chercher son don.
Et puis, pour être sûr de vivre sa vie et pas la vie de quelqu'un d'autre.
C'est une bonne piste, ça.
De trouver son don.
Oui.
Puis ça peut être...
Son don, ça peut être une façon d'être avec les autres, ça peut être...
C'est pas grandiose, nécessairement.
Non, c'est ça.
Souvent, on est dans le grandiose quand on parle de ça.
Là où on est super bon, sans même se forcer et sans même s'en rendre compte.
C'est les autres, souvent, qui vous disent.
Le don.
Là où vous êtes extraordinaire.
Et alors, souvent, la bêtise ou l'orgueil, c'est de vouloir prouver qu'on est bon ailleurs que là.
Et je crois qu'une forme de sagesse, c'est de consentir à son don, une fois qu'on
l'a repéré. Et pas
essayer de vouloir prouver qu'on
est bon partout, mais
devenir vraiment bon là
où déjà, spontanément, on
est bon. C'est-à-dire suivre sa
pente, mais en montant.
Et entendre
ce que les autres, des fois, nous disent. Au lieu
de dire, ben oui, mais t'aurais fait pareil, non, attends,
il y a peut-être quelque chose à comprendre. »
Voilà, il faut accepter
d'être diagnostiqué par les autres.
Moi, par exemple, je n'avais pas compris que j'étais écrivain,
j'étais d'abord diagnostiqué par les autres,
tout le monde avait compris,
mes parents, les instituteurs, les institutrices,
ensuite les professeurs, etc.
Mais moi, comme j'étais multi-passionné,
j'étais partant pour faire
mille autres choses. Et puis,
au bout d'un temps, j'ai fini par comprendre que
oui, il y avait quand même un don manifeste
et qu'il fallait peut-être que...
L'exploiter. L'exploiter,
voilà. C'est la phrase du grand
poète grec Pindar.
Pindar disait
« Deviens ce que tu es
lorsque tu en as pris conscience
voilà
et donc ça c'est le chemin que nous devons
vraiment tous faire
autrement on passe à côté de sa vie
et puis je pense que
il y a du bonheur dans l'épanouissement de son don
alors que si on est toujours à côté de soi-même
on fait que des efforts
oui c'est vrai, il y a comme un raccourci dans la vie, c'est à côté de soi-même, on ne fait que des efforts. Oui, c'est vrai.
Il y a comme un raccourci dans la vie, c'est d'être soi-même.
C'est d'être soi-même.
Ça n'empêche pas les ennuis et les difficultés.
Non.
Mais au moins, on est centré.
On est centré.
Est-ce que vous avez une question pour moi?
Peut-être que vous n'en avez pas aussi, mais si vous en avez une, vous pouvez me la poser.
N'importe quelle question. Si, ah ben oui, si.
Si cette empathie que vous avez avec les
autres, c'est quelque chose de naturel ou de développé? Complètement naturel. Oui. Moi, j'ai
toujours, c'est drôle parce que moi, je suis arrivée à la télé tardivement dans ma vie, j'avais 40 ans,
j'ai jamais voulu faire, moi, je suis une gestionnaire de formation. — Ah oui? — Absolument. Je suis une gestionnaire de formation.
Donc, j'ai toujours géré
des choses. J'ai fait du financement,
j'ai géré une école de musique
et j'ai étudié
aussi en sciences économiques.
Mais moi,
mon conjoint était en politique, était chef
d'un parti politique. Puis je me souviens, des fois,
on s'assoyait à la table, puis on rencontrait des gens.
Puis là, bien moi, j'avais les histoires
de vie des gens. Puis là, je disais,
« Hey, sais-tu qu'est-ce que cette personne-là vit? »
« Voyons, ça fait 10 ans que je la connais.
J'ai jamais su ça. Tu t'assoies 15
minutes, puis ça a toujours été ça. »
Je me souviens, un moment donné, j'étais embarquée
en autobus. J'avais fait Québec-Montréal
dans un autobus public,
là, tu sais, puis le chauffeur
me disait, j'étais assise en avant,
il dit, vous regarderez, je m'appelle tel nom,
vous regarderez d'ici quelques mois
dans la rubrique nécrologique, j'y serai.
Je viens d'apprendre que j'ai un cancer généralisé.
C'est mon dernier voyage en autobus,
comme chauffeur.
Mais ça, c'est pas mal l'histoire de ma vie,
d'avoir ces inconnus, puis moi moi j'ai voyagé beaucoup j'ai
déménagé beaucoup aussi donc j'ai dû apprendre rapidement à tisser des liens donc j'ai appris
un jour que aussi je m'adaptais trop que je me connaissais pas parce que quand on s'adapte c'est
comme on se met de côté et un moment donné il est arrivé des choses dans ma vie où j'ai dû faire face
à moi mêmemême et dire,
OK, un de mes problèmes, c'est cette capacité d'adaptation qui est trop grande, mais elle va toujours rester là.
Et ma capacité d'écoute que je ne savais pas que j'avais,
je pense, avant d'arriver en télé.
Et là, j'ai compris dans l'entrevue que ce que j'aime,
c'est entendre, ne jamais juger, ne pas avoir d'intention,
mais c'est ce que j'ai toujours fait.
Mais là, c'est juste
qu'on le voit mieux.
Mais j'ai toujours été... Tu sais, moi, l'humain,
au Québec, on a Jeannette Bertrand,
que vous connaissez probablement.
Jeannette, c'est... J'ai envie de dire
qu'elle nous a un peu déniésés, les Québécois
et Québécoises. Elle a 98 ans.
Elle a fait toujours des émissions
pour qu'on comprenne,
pour pas qu'il y ait de tabou. Elle nous a
instruits humainement.
Et c'est elle qui a fait en sorte que j'ai compris
que moi, ma passion, c'était pas le volleyball,
c'était pas le dessin, mais c'était l'humain.
Et j'avais... J'étais adolescente
parce que moi, je lisais Camus, je lisais Sartre,
je lisais Beauvoir. Beauvoir a été une grande, grande
inspiration. Je suis
une féministe, tu sais, de... Je pense que je suis née de cette façon-là. Moi, j'arrive vite au barricade dans ma vie, j'ai fait de la politique rapidement. Et Simone de Beauvoir, c'est une de mes tantes qui m'a donné le livre « Mémoire d'une jeune fille rangée », ce que j'étais. Elle m'a dit ça, ça te ressemble, mais elle ne savait pas qu'elle venait d'ouvrir la porte à quelque chose en moi. Et à un moment donné, en écoutant Jeannette Bertrand, je disais
qu'il faut que j'arrête de lire dans le fond de ma chambre. J'avais l'impression que je ne faisais
rien. Et c'est là que je suis arrivée dans les… aller aider des jeunes… bien des jeunes. J'étais
aussi une jeune, j'étais une grande sœur, donc dans ma polyvalente, mon école secondaire,
j'avais un… j'étais mise avec quelqu'un qui avait de la misère à manger, alors je le chapeautais. Après ça,
je suis allée en politique, je disais « on peut changer les choses ». Alors, tranquillement,
ma vie s'est tournée vers l'autre et je m'implique socialement beaucoup, beaucoup. Et ce que je fais,
c'est ça, c'est dans les témoignages des gens, moi je peux me voir comme une courroie de
transmission et dans les témoignages, je le sais à quel point
ça résonne
chez ceux et celles qui écoutent.
C'est souvent dans l'écoute
qu'on apprend, et dans
les histoires de vie, on n'est pas juste en train
de dire, vous êtes ici au Salon du Livre,
vous avez votre livre
sur Maria Callas, oui,
il y a ça, mais ça,
ça vient d'un homme
qui s'appelle Éric-Emmanuel Schmitt.
Et moi, c'est cette découverte-là qui m'intéresse.
Non, mais vous avez l'écoute,
mais en plus, vous savez créer l'écoute chez les autres.
Parce que c'est un double don.
C'est le don d'écouter,
mais le don de concentrer les autres
pour qu'ils écoutent aussi.
Ça, je ne l'avais jamais vu, cet aspect-là.
Aussi. Autrement, ça ne marcherait pas.
C'est vrai. C'est intéressant.
Mais c'est vraiment une empathie.
Je pense que je n'aurais jamais passé à travers
tous mes déménagements dans mon enfance.
À l'école primaire, entre 5 ans et 12 ans,
j'avais fait 14 écoles.
Je pense que si
je n'avais pas eu cette empathie-là,
je n'aurais pas passé au travail.
Oui, oui, oui.'aurais pas passé au travail.
Oui, oui, oui.
J'aimais découvrir.
J'aimais entendre.
Et moi, je n'aime pas qu'on juge.
Puis je me dis, le jugement s'arrête quand on comprend.
Le jugement, c'est l'incompréhension.
C'est une barrière qu'on se met.
Donc, j'essaie de faire ça avec des gens comme vous.
J'ai toujours une dernière question Éric c'est la dernière dernière
la lampe d'Aladin existe, quels sont vos trois vœux?
ça finit toujours sur une belle note
ah mon dieu
alors
alors un premier vœu je vais le prendre pour moi.
Après, je serai plus altruiste.
Premier vœu, que j'ai cette énergie longtemps.
C'est un cadeau.
Donc j'essaie d'être mérité ce cadeau, mais j'aimerais bien qu'il reste.
Deuxième vœu, que les hommes se retrouvent dans l'humain au-delà et frères en fragilité et que ça les rend moins violents.
Troisième vœu, que tout le monde se mette à l'art.
Que tout le monde se mette à faire de la musique, à peindre, à écrire, à lire, à danser.
C'est-à-dire qu'on célèbre la vie.
Parce que souvent, les sciences ou la philosophie sont là pour expliquer la vie,
alors que les arts sont là pour célébrer la vie.
Alors la vie est belle, mais elle manque de célébration.
Ça importe la couleur.
Merci, Éric Maniel-Jude, d'avoir accepté d'ouvrir votre jeu.
Je ne le regrette pas.
Vraiment, on a appris. En tout cas, moi, j'ai appris beaucoup.
Et je veux dire aux gens, ceux et celles qui sont membres du Marie-Club, rendez-vous à la page Ouvre ton jeu.
Et les grandes questions que vous avez posées, on va se les poser aussi parce qu'on a une communauté.
On va se les poser. Pour les autres,
en fait, pour tout le monde, merci d'avoir été là.
Moi, je viens de vivre quelque chose, en tout cas, de grand.
Moi aussi.
Merci.
Merci beaucoup
d'avoir accepté parce que c'est quand même
dans votre horaire chargé.
Vous avez pris le temps
de vous arrêter. J'apprécie. C'est bien. C'est une fontaine d'humanité
au milieu d'une journée aride.
Alors merci, merci à tous d'avoir été là.
Cet épisode était présenté
par Karine Jonka, la référence
en matière de soins pour la peau au Québec.